Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.3/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_3/2009 / frs

Arrêt du 13 février 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Aguet.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Sandrine Osojnak, avocate,

contre

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal 8, 1014 Lausanne,

Office des poursuites et faillites d'Yverdon-Orbe-La Vallée-Grandson, case
postale,
1400 Yverdon-les-Bains.

Objet
faillite/sursis concordataire,

recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 novembre 2008.

Faits:

A.
A.a Par jugement du 23 mai 2008, le Président du Tribunal d'arrondissement de
la Broye et du Nord vaudois a prononcé la faillite sans poursuite préalable de
X.________ SA, requise par quatre créanciers.

La société débitrice a recouru contre ce jugement par acte du 5 juin 2008. Le
même jour, les créanciers poursuivants ont retiré leurs requêtes de faillite.

Le 13 juin 2008, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a accordé l'effet suspensif au recours interjeté devant elle.
A.b Le 10 novembre 2008, la société débitrice a déposé une demande de sursis
concordataire, accompagnée d'une requête d'effet suspensif, devant le Président
du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.

Par prononcé du 11 novembre 2008, le Président a suspendu les poursuites
actuellement pendantes et celles qui pourraient encore être introduites et
ajourné toute décision devant être rendue à la suite de requêtes de faillites
ordinaires, de change ou sans poursuite préalable, jusqu'à droit connu sur la
demande de sursis concordataire.

La société débitrice allègue avoir communiqué cette décision, qu'elle a reçue
le 13 novembre 2008, par fax et courrier à la Cour des poursuites et faillites,
qui a reçu le fax à 8 heures 52, soit 8 minutes avant l'audience fixée à 9
heures.

B.
Sans mentionner cet envoi ni s'y référer, tout en considérant que la production
de pièces nouvelles est limitée, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a, par décision du 13 novembre 2008, dont
la motivation a été notifiée le 22 décembre 2008, confirmé le jugement
entrepris et prononcé la faillite de la société débitrice avec effet au 13
novembre 2008 à 10 heures 25. Se fondant sur l'art. 194 LP en relation avec
l'art. 174 al. 2 LP, la cour cantonale a considéré que les quatre créanciers
qui avaient requis la faillite avaient certes retiré leur requête, mais que la
société n'avait pas rendu vraisemblable sa solvabilité.

C.
Le 19 décembre 2008, le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et
du Nord vaudois a, entre autres points, accordé à la société débitrice un
sursis concordataire de six mois, à savoir jusqu'au 11 juin 2009. Cette
décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

D.
Le 31 décembre 2008, la société débitrice a interjeté auprès du Tribunal
fédéral un recours en matière civile et un recours constitutionnel contre
l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 par la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal du canton de Vaud, concluant dans les deux cas à la réforme
de l'arrêt entrepris en ce sens que la faillite est annulée, subsidiairement
révoquée; plus subsidiairement, elle demande que la cause soit renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle
se plaint de constatations manifestement inexactes des faits (art. 97 LTF), de
violation des art. 173a, 174 al. 2, 190, 293, 297 LP, 9 et 29 al. 2 Cst., et de
l'application arbitraire de dispositions de droit cantonal; elle reproche
essentiellement à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte de sa requête de
sursis concordataire et de la suspension ordonnée le 11 novembre 2008 par le
Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.

Par ordonnance présidentielle du 28 janvier 2008, l'effet suspensif a été
accordé au recours.

Bien qu'elle n'ait pas été formellement invitée à se déterminer, la cour
cantonale a fait savoir qu'elle se référait aux considérants de son arrêt quant
au fond.

Considérant en droit:

1.
Interjeté dans le délai de 30 jours (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF),
contre la décision de l'autorité judiciaire supérieure de la faillite (art. 174
LP) prise en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), qui est finale
(art. 90 LTF), par le débiteur débouté de ses conclusions en instance cantonale
(art. 76 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable, sans égard à
la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF).

2.
2.1 D'après l'art. 173a LP, applicable en matière de faillite sans poursuite
préalable en vertu du renvoi de l'art. 194 al. 1 LP, si le débiteur ou un
créancier ont introduit une demande de sursis concordataire, le tribunal peut
ajourner le jugement de faillite (al. 1); le tribunal peut aussi ajourner
d'office le jugement de faillite lorsqu'un concordat paraît possible; il
transmet dans ce cas le dossier au juge du concordat (al. 2); si le juge du
concordat n'accorde pas le sursis, le juge de faillite prononce la faillite
(al. 3).

Il résulte de cette disposition que l'ajournement de la faillite relève de la
compétence du juge de la faillite. En l'espèce, le Président du Tribunal
d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, en sa qualité de juge du
sursis concordataire, était par conséquent incompétent pour rendre le prononcé
de suspension du 11 novembre 2008.

2.2 Selon la jurisprudence, l'art. 173a al. 1 LP introduit une faculté
(Kannvorschrift), laissée à l'appréciation du juge de la faillite. On ne
saurait en conclure pour autant que l'ouverture de la faillite serait la règle
et l'ajournement l'exception; cette interprétation est contredite par l'opinion
dominante qui est d'avis que le juge de la faillite doit, en principe, prendre
en considération une demande de sursis concordataire, à moins qu'elle
n'apparaisse abusive ou vouée à l'échec. Si, la faillite ayant été ajournée, le
sursis concordataire est octroyé, la réquisition de faillite doit être annulée
dès que la décision accordant le sursis est devenue définitive (arrêt 5P.288/
1997 du 7 octobre 1997 consid. 3a et les références).

En revanche, une fois que le débiteur a été déclaré en faillite, un sursis
concordataire ne peut plus lui être accordé (arrêt 5P.451/1996 et 5P.477/1996
du 29 juillet 1997; ATF 26 I 163 consid. 2 p. 165 ss; 30 I 847 consid. 2 p. 849
ss; 47 III 59 consid. 1 p. 69); en effet, la faillite qui a été ouverte avant
l'octroi du sursis n'est pas affectée par celui-ci, contrairement aux
poursuites pendantes (art. 297 al. 1 LP; GILLIÉRON, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. IV, 2003, n. 7 ad
art. 332 LP); dans le système de la LP, le sursis concordataire est conçu comme
une mesure empêchant la faillite (WINKELMANN/LÉVY/JEANNERET/MERKT/BIRCHLER,
Basler Kommentar, vol. III, 1998, n. 1 ad art. 332 LP). Après la déclaration de
sa faillite, le débiteur peut toutefois proposer un concordat en cours de
faillite conformément à l'art. 332 LP (Winkelmann/Lévy/Jeanneret/Merkt/
BIRCHLER, op. cit., n. 4 ad art. 332 LP).

Inversement, une fois que le sursis a été prononcé, les créanciers ne peuvent
pas introduire ou continuer la poursuite contre le débiteur, ni requérir la
faillite de celui-ci (VOLLMAR, Basler Kommentar, vol. III, 1998, n. 7 ad art.
297 LP).

2.3 L'impossibilité de concéder un sursis concordataire après l'ouverture de la
faillite ne concerne que le jugement de faillite entré en force.

Sous l'empire de l'aOJ, l'effet suspensif accordé au recours contre le prononcé
de la faillite empêchait celui-ci de produire ses effets quant aux biens du
débiteur et quant aux droits des créanciers (ATF 118 III 37 consid. 2b p. 39),
de sorte qu'un sursis concordataire était possible (arrêts 5P.451/1996 et
5P.477/1996 du 29 juillet 1997).

En revanche, l'effet suspensif et les mesures provisionnelles des art. 103 et
104 LTF sont en principe ordonnés pour maintenir l'état de fait et sauvegarder
des intérêts menacés durant la procédure devant le Tribunal fédéral. Ainsi,
lorsqu'une requête d'effet suspensif est formée à l'appui d'un recours en
matière civile contre un prononcé de faillite, le Tribunal fédéral n'accorde en
principe que la suspension de la force exécutoire (Vollstreckbarkeit), en ce
sens qu'aucun acte d'exécution de la décision attaquée ne doit être entrepris,
mais non la suspension de la force de chose jugée (Rechtskraft) (arrêt 5A_613/
2007 du 29 novembre 2007 consid. 3).

Toutefois, lorsque la suspension de la force de chose jugée du prononcé de
faillite - comme sous l'aOJ - est le seul moyen de permettre au débiteur de
faire examiner son droit à un sursis concordataire, droit qui ne peut plus être
invoqué une fois la faillite prononcée, le Tribunal fédéral octroie la
suspension de la force de chose jugée.

3.
En l'espèce, la requête de sursis concordataire a été formée le 10 novembre
2008, soit avant le prononcé de la faillite par l'autorité cantonale de
recours, qui avait accordé l'effet suspensif à la décision de première
instance. Les questions de savoir si la cour cantonale en a eu connaissance
avant sa séance du 13 novembre 2008 et si elle aurait dû prononcer
l'ajournement de la faillite en vertu de l'art. 173a al. 1 LP compte tenu de la
demande de sursis, comme le soutient la recourante, peuvent demeurer ouvertes.

En effet, le sursis concordataire a été accordé le 19 décembre 2008, alors que
le prononcé de faillite de la cour cantonale a été suspendu par le Tribunal
fédéral le 28 janvier 2009 afin d'empêcher que la faillite ne fasse "échec au
concordat".

L'octroi du sursis concordataire empêchant le prononcé de la faillite, la
procédure de faillite n'a plus d'objet et l'arrêt déféré doit être annulé,
étant précisé que ce dernier avait lui-même annulé en le réformant le jugement
du 23 mai 2008.

4.
4.1 Les frais de la procédure fédérale doivent être supportés par la
recourante, qui est à l'origine des faits qui ont rendu son recours sans objet.

4.2 En ce qui concerne les frais et dépens de la procédure cantonale, le
Tribunal fédéral ne peut les répartir autrement que s'il modifie la décision
attaquée (art. 67 et 68 al. 5 LTF; arrêt 1C_130/2008 du 30 mai 2008 consid.
3.2). En l'espèce, comme la cause est devenue sans objet, ils seront renvoyés à
l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La cause est déclarée sans objet et l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 novembre 2008 est
annulé.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais
et dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, à l'Office des poursuites et
faillites d'Yverdon-Orbe-La Vallée-Grandson, au Registre foncier du district
d'Orbe, au Registre du Commerce du canton de Vaud et au Président du Tribunal
d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.

Lausanne, le 13 février 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl Aguet