Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.275/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_275/2009, 5A_308/2009

Arrêt du 25 novembre 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et Herrmann.
Greffière: Mme Mairot.

Parties
5A_275/2009
dame X.________,
représentée par Me Catherine Chirazi, avocate,
recourante,

contre

X.________,
représenté par Me Dominique Lévy, avocat,
intimé,

et

5A_308/2009
X.________,
représenté par Me Dominique Lévy, avocat,
recourant,

contre

dame X.________,
représentée par Me Catherine Chirazi, avocate,
intimée.

Objet
divorce,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 20 mars 2009.

Faits:

A.
X.________, né en 1951, et dame X.________, née en 1966, se sont mariés le 4
février 1994 à Genève, sans conclure de contrat de mariage. Aucun enfant n'est
issu de leur union. X.________ a une fille, aujourd'hui majeure, née d'une
précédente union.

Les conjoints se sont séparés en avril 2006.

Le 16 juin 2006, l'épouse a ouvert action en divorce.

Sur mesures provisoires, l'épouse a été condamnée à verser au mari une
contribution d'entretien, arrêtée en dernier lieu à 2'550 fr. par mois dès le
1er mars 2007, ainsi qu'à payer la charge hypothécaire de l'ancien domicile
conjugal, attribué au mari.

En cours de procédure, les conjoints ont trouvé un accord portant sur la
liquidation de leur régime matrimonial, le partage de leurs avoirs de
prévoyance professionnelle et la répartition du mobilier de ménage. A teneur de
cette convention, du 21 janvier 2008, l'épouse a versé au mari 345'573 fr.90 au
titre de la liquidation du régime matrimonial et 175'881 fr. ensuite du partage
de la prévoyance professionnelle. Compte tenu de ses propres avoirs, d'un
montant de 129'782 fr., la fortune du mari s'élève ainsi à 475'355 fr.90, alors
que l'épouse dispose d'une somme de 471'998 fr.40.

Par jugement du 25 septembre 2008, le Tribunal de première instance de Genève a
prononcé le divorce et, entre autres points, a condamné l'épouse à payer au
mari une contribution d'entretien, indexée, d'un montant de 1'000 fr. par mois
dès l'entrée en vigueur du jugement, sans limitation de durée.

Tant le mari que l'épouse ont appelé de ce jugement en ce qui concerne la
question de la contribution d'entretien. Le premier a conclu au versement en sa
faveur d'un montant de 3'850 fr. par mois; la seconde a demandé,
principalement, qu'il soit constaté qu'elle ne doit aucune contribution
d'entretien et, subsidiairement, que le paiement de la rente mensuelle de 1'000
fr. fixée par le juge de première instance soit limité au 3 janvier 2016, date
à laquelle le mari sera à la retraite.
Par arrêt du 20 mars 2009, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève a partiellement annulé le jugement de première instance et, statuant à
nouveau, a limité le versement de la contribution d'entretien de 1'000 fr. par
mois au 31 janvier 2015.

B.
Chacune des parties exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral
contre cet arrêt, dont elles demandent l'annulation. L'épouse conclut,
principalement, à être libérée du paiement de toute contribution d'entretien. A
titre subsidiaire, elle propose le versement d'une pension limitée à 284 fr.35
par mois jusqu'au 31 janvier 2015. Le mari requiert que la contribution
mensuelle soit portée à 2'125 fr. pour une durée illimitée.

Les époux proposent chacun le rejet du recours de l'autre partie.

Considérant en droit:

1.1 Les deux recours sont dirigés contre la même décision, reposent sur les
mêmes faits et soulèvent des questions juridiques analogues; dans ces
conditions, il se justifie de les joindre et de statuer à leur sujet par un
seul arrêt (art. 24 PCF, applicable par renvoi de l'art. 71 LTF; cf. ATF 124
III 382 consid. 1a p. 385; 123 II 16 consid. 1 p. 20).

1.2 Interjetés dans le délai de 30 jours prévu par l'art. 100 al. 1 LTF -
compte tenu de la suspension des délais de l'art. 46 al. 1 let. a LTF - par des
parties qui ont qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision
finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance
statuant sur recours (art. 75 LTF), dans une affaire de divorce (art. 72 al. 1
LTF) dont seuls des effets accessoires de nature pécuniaire d'une valeur
supérieure à 30'000 fr. sont litigieux (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 116 II
493 consid. 2b p. 495; également ATF 133 III 393 consid. 2 p. 395), les recours
en matière civile en cause sont en principe recevables.

1.3 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de
l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Compte tenu des exigences
de motivation posées, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF),
à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs
soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de
première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser
lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 133 IV 150 consid. 1.2 p.
152). De surcroît, il ne connaît de la violation de droits fondamentaux que si
ce grief a été soulevé et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), les
exigences de motivation correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b
OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397).

1.4 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105
al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon
manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
105 al. 2 LTF) et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits
ont été établis d'une manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), à
savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.1 p. 39;
133 II 249 consid. 1.2.2 p. 252), doit démontrer, par une argumentation
précise, en quoi consiste la violation. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle
ne peut être présenté, à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF; sur la portée de cette disposition: arrêt 4A_36/
2008 du 18 février 2008, consid. 4.1).

2.
Se plaignant d'une violation de l'art. 125 CC, l'épouse conteste le principe
même de l'allocation d'une contribution d'entretien au mari. Elle fait valoir,
en substance, que le mariage n'a eu aucune incidence sur la situation
professionnelle de l'intimé, qui a continué de travailler comme par le passé en
tant que musicien et chanteur durant toute la vie commune, de même qu'après la
séparation, survenue en 2006. Partant, l'union conjugale et, notamment, la
répartition des tâches entre les époux, n'aurait eu aucun impact décisif sur
l'indépendance économique de l'intéressé. Sur ce point, elle reproche à la cour
cantonale d'avoir arbitrairement retenu que l'intimé aurait probablement
cherché à développer davantage ses activités lucratives s'il avait été
contraint de subsister au moyen de son seul revenu. Elle critique en outre la
constatation selon laquelle il aurait bénéficié d'un train de vie élevé en se
contentant de se consacrer à ses activités musicales. Enfin, elle conteste
s'être accommodée du choix de son époux et avoir accepté d'entretenir le
ménage, aucun élément de fait ne permettant de retenir qu'elle seule assumait
les charges de celui-ci.
Par ailleurs, la recourante soutient essentiellement que l'intimé n'a de toute
façon droit à aucune contribution d'entretien dès lors qu'il est économiquement
indépendant, la constatation de l'arrêt entrepris selon laquelle il ne serait
pas en mesure de pourvoir seul à son entretien convenable étant insoutenable.

2.1 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre
d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la
constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une
contribution équitable. Cette disposition concrétise deux principes: d'une
part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce qui postule
que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir
à ses propres besoins et, d'autre part, celui de la solidarité qui implique que
les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la
répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais
également des autres motifs qui empêcheraient l'un d'eux de pourvoir à son
entretien. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation
d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non
exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 132 III 598 consid. 9.1 p. 600 et les
arrêts cités).

Une contribution est due si le mariage a concrètement influencé la situation
financière de l'époux créancier («lebensprägend»). Selon la jurisprudence,
quand le mariage a eu un impact décisif sur la vie du conjoint concerné, il a
en principe droit au maintien du niveau de vie mené durant le mariage, alors
que, dans le cas contraire, il convient de s'en tenir à la situation qui était
la sienne avant le mariage (ATF 135 III 59 consid. 4.1 p. 61). Si le mariage a
duré au moins dix ans - période à calculer jusqu'à la date de la séparation des
parties (ATF 132 III 598 consid. 9.2 p. 600; 127 III 136 consid. 2c p. 140) -,
il a eu, en règle générale, une influence concrète (sur cette question: cf. les
arrêts 5C.169/2006 du 13 septembre 2006, consid. 2.4, in FamPra.ch 2007 p. 146;
5C.49/2005 du 23 juin 2005, consid. 2, in FamPra.ch 2005 p. 919; cf. également
Schwenzer, FamKomm Scheidung, n. 48 ad art. 125 CC), cette présomption pouvant
toutefois être renversée (ATF 135 III 59 consid. 4.1 p. 61 et les références
citées). La jurisprudence retient également que, indépendamment de sa durée, un
mariage influence concrètement la situation des conjoints lorsque ceux-ci ont
des enfants communs (ATF 135 III 59 consid. 4.1 p. 61) ou en cas de
déracinement culturel (arrêt 5C.38/2007 du 28 juin 2007, consid. 2.8, in
FamPra.ch 2007 p. 930). Dans ces cas, on admet que la confiance dans la
continuation du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles
convenue librement par les parties mérite objectivement d'être protégée (arrêts
5A_384/2008 du 21 octobre 2008, consid. 3.1; 5C.169/2006 du 13 septembre 2006,
consid. 2.4).

2.2 L'autorité cantonale considère que le mariage a engendré des répercussions
sur la carrière professionnelle du mari, en ce sens qu'il est probable qu'il
aurait cherché à développer davantage ses activités lucratives s'il avait été
contraint de subvenir à ses besoins par le seul produit de son travail. Grâce
aux revenus de son épouse, qui avait accepté de fait d'entretenir le ménage, il
avait bénéficié d'un train de vie élevé tout en se contentant d'exercer ses
activités artistiques. Devrait-on admettre que le mariage n'a pas eu
d'incidence sur la carrière du mari qu'il serait de toute manière justifié, vu
son âge et pour autant qu'il ne soit pas en mesure de pourvoir à son propre
entretien, de lui allouer une contribution limitée à la couverture de son
minimum vital élargi, en vertu du principe de la solidarité.
2.2.1 En l'occurrence, une éventuelle obligation d'entretien en faveur du mari
ne peut se justifier par la compensation de désavantages liés au mariage:
l'union des parties a certes duré douze ans jusqu'à la séparation, mais les
conjoints n'ont pas eu d'enfant et le mari n'a pas renoncé à exercer son
activité professionnelle durant le mariage. Celui-ci prétend qu'il a cessé son
travail il y a plus de douze ans pour s'occuper des tâches ménagères: cette
affirmation se trouve toutefois en contradiction avec l'arrêt cantonal, qui
retient que depuis les années 1970, le mari a exercé des activités artistiques,
notamment en se produisant dans un orchestre et en jouant dans divers
piano-bars; s'il affirmait avoir arrêté de travailler dès 1996 pour se
consacrer aux soins du ménage, conformément au souhait de son épouse, celle-ci
contestait cette allégation, faisant valoir qu'un jardinier et une femme de
ménage étaient employés à cet effet. Selon l'autorité cantonale, les pièces
produites par l'épouse démontraient que le mari avait continué de travailler
comme pianiste pendant toute la durée du mariage, le dernier document en
attestant datant de 2007; lors des périodes où il n'exerçait pas d'activités
artistiques, il avait perçu des indemnités de chômage et avait pu bénéficier
d'emplois temporaires proposés par l'Etat. Ses revenus nets s'étaient ainsi
élevés, pendant toute la vie commune, à quelque 3'000 fr. par mois.

Le mari ne démontre pas que ces constatations seraient insoutenables (sur la
notion d'arbitraire dans le contexte de l'appréciation des preuves: ATF 134 V
53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts cités). Dans une
argumentation essentiellement appellatoire et, partant, irrecevable, il se
borne à opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale, ce qui n'est pas
suffisant au regard des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Dans
ces conditions, on ne saurait considérer, contrairement à l'opinion de la Cour
de justice, que l'union conjugale a eu un impact décisif sur la carrière
professionnelle du mari ni, par conséquent, sur sa capacité de gain. En effet,
avant le mariage déjà, l'intéressé exerçait des activités artistiques dont il
n'est pas établi, ni du reste contesté par celui-ci, qu'elles lui auraient
procuré des ressources supérieures à celles qu'il a réalisées durant la vie
commune. A cet égard, l'affirmation des juges précédents, selon laquelle il se
serait efforcé de développer ses activités lucratives s'il n'avait pu
bénéficier des revenus confortables de son épouse, ne se fonde sur aucun
élément concret et, sous l'angle de l'expérience générale, n'apparaît guère
convaincante. L'autorité cantonale a ainsi violé le droit fédéral en
considérant que le mari avait droit à une contribution d'entretien au motif que
le mariage aurait eu une influence concrète sur sa situation financière
(«lebensprägend»).
2.2.2 Exceptionnellement, la confiance du conjoint concerné - créée par l'autre
- dans la continuation du mariage et dans le maintien de la répartition des
rôles peut devoir être protégée même si le mariage n'a pas eu un impact décisif
sur la capacité de gain de l'intéressé (arrêt 5C.169/2006 du 13 septembre 2006,
consid. 2.6). En l'occurrence, l'arrêt entrepris ne contient cependant aucune
constatation qui justifierait de s'écarter du principe consistant à replacer
l'intimé dans la situation qui était la sienne avant le mariage (ATF 135 III 59
précité).

2.3 Sur le vu de ce qui précède, le recours de l'épouse apparaît fondé et doit
par conséquent être admis, sans qu'il y ait lieu de l'examiner plus avant. Le
sort du recours scelle celui du recours du mari: visant à l'octroi d'une
contribution d'entretien plus élevée que la rente allouée en instance
cantonale, de surcroît pour une durée illimitée, ce dernier recours ne peut
qu'être rejeté.

3.
L'intimé, qui succombe, supportera dès lors les frais et dépens de la présente
procédure (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de modifier la
répartition des dépens de la procédure cantonale (cf. art. 68 al. 5 LTF), que
la Cour de justice a compensés eu égard à la qualité des parties.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de l'épouse (5A_275/2009) est admis et l'arrêt entrepris est réformé
en ce sens qu'elle ne doit aucune contribution d'entretien au mari.

2.
Le recours du mari (5A_308/2009) est rejeté.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du mari.

4.
Une indemnité de 5'000 fr., à verser à l'épouse à titre de dépens, est mise à
la charge du mari.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 25 novembre 2009

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl Mairot