Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.197/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_197/2009

Arrêt du 26 juin 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Braconi.

Parties
Banque X.________,
représentée par Me Matteo Pedrazzini, avocat,
recourante,

contre

Office des poursuites de Genève,
intimé.

Objet
réquisition de poursuite, validation de séquestre,

recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des
faillites du canton de Genève du 12 mars 2009.

Faits:

A.
A.a La Banque X.________ (ci-après: la Banque) prétend être créancière de
Y.________ en raison d'agissements pénaux commis par celui-ci entre 1997 et
2005; elle ajoute que le Tribunal civil de Lodi a ordonné le séquestre des
biens de son débiteur et qu'elle a déposé une action au fond en Italie le 15
février 2007.
A.b Donnant suite le 13 novembre 2007 à la réquisition de la Banque, le
Tribunal de première instance de Genève a ordonné le séquestre de tous avoirs
au nom du prénommé, ou dont il est l'ayant droit économique, à hauteur de
173'105'779 fr.90 auprès de la Banque Z.________ à Genève. Cette ordonnance a
été transmise à l'Office des poursuites de Genève (ci-après: l'Office), qui l'a
immédiatement exécutée (sous n° xxx); le procès-verbal de séquestre a été
communiqué à la créancière le 18 décembre suivant.
A.c Le 5 juin 2008, la Banque a déposé une réquisition de poursuite, en
indiquant sous la rubrique «Autres observations»: «Réquisition de poursuite
ensuite du séquestre n° xxx du 13 novembre 2007, en vue de l'exequatur du
jugement italien qui sera rendu à l'encontre de M. Y.________».

Le 11 juin suivant, l'Office a informé l'avocat de la Banque que, aussi
longtemps qu'une action au fond est en cours, celle-ci vaut validation du
séquestre, et l'a invité à lui transmettre le jugement étranger afin de
vérifier le respect du délai de 10 jours de l'art. 279 al. 4 LP. Le 23 juin
2008, l'avocat a répondu que la procédure était toujours pendante en Italie,
indiquant que sa réquisition du 5 juin 2008 était destinée à être notifiée en
Italie au débiteur avec les autres actes relatifs au séquestre; il a précisé
que, en cas d'opposition au commandement de payer, la mainlevée de l'opposition
serait requise simultanément à l'exequatur du jugement italien.

Par décision du 18 novembre 2008, l'Office a refusé de donner suite à la
réquisition de poursuite parce qu'elle était prématurée et devait être
présentée dans les dix jours à compter de la notification du jugement italien;
il a maintenu sa position le 25 novembre 2008.

B.
Le 28 novembre 2008, la Banque a déposé plainte contre le refus de donner suite
à sa réquisition de poursuite; en outre, elle a dénoncé un retard injustifié de
l'Office, le procès-verbal de séquestre n'ayant pas encore été notifié au
débiteur conformément à l'art. 276 al. 2 LP.

Dans son rapport du 23 décembre 2008, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

Statuant le 12 mars 2009, la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève a partiellement admis la
plainte, en ce sens qu'elle a ordonné à l'Office de procéder sans délai à la
communication du procès-verbal de séquestre au domicile du débiteur en Italie,
dès que la créancière aura effectué l'avance de frais arrêtée par l'Office en
vertu de l'art. 68 LP ou que son mandataire se sera porté fort de ces frais; en
revanche, elle a confirmé le refus de l'Office de donner suite à la réquisition
de poursuite.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, la
Banque conclut à ce que la décision de la juridiction précédente soit annulée
et à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'établir immédiatement le commandement
de payer sur la base de la réquisition de poursuite du 5 juin 2008 et de
procéder à la notification de cet acte au débiteur.

L'autorité cantonale se réfère aux considérants de sa décision, tandis que
l'Office propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) contre une décision
finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2 p. 351) rendue par une
autorité de surveillance en matière de poursuite pour dettes statuant en
dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), le présent recours en
matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74
al. 2 let. c LTF).

1.2 La décision contestée - rejet d'une réquisition de poursuite tendant à
valider un séquestre - n'a pas pour objet une mesure provisionnelle au sens de
l'art. 98 LTF, c'est-à-dire le séquestre lui-même (ATF 133 III 589 consid. 1 p.
590/591) ou son exécution (Braconi, Le recours en matière de poursuite pour
dettes selon la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral: compendium des
premiers cas d'application, in: JT 2009 II p. 78 ss, 88 ch. 3 et les arrêts
[non publiés] cités), mais le refus de l'office de procéder à un acte matériel
(Philippin, La nouvelle loi sur le Tribunal fédéral: effets sur le droit des
poursuites et faillites, in: Le droit du bail et le droit des poursuites et des
faillites - La loi sur le Tribunal fédéral, Lausanne 2007, p. 130 ss, 139). Les
moyens de la recourante ne sont donc pas restreints à la violation de ses
droits constitutionnels, avec les exigences de motivation qui s'y rapportent
(art. 106 al. 2 LTF; cf. à ce sujet: ATF 135 III 232 consid. 1.2 p. 234 et les
arrêts cités).

2.
2.1 L'autorité cantonale de surveillance est partie du principe que, pour qu'un
«délai commence à courir, il faut qu'il y ait communication d'un acte de
poursuite au sens large, dès sa réception effective, fictive ou présumée»; a
contrario, si - comme en l'espèce - le délai ne court pas, parce que le procès
est toujours pendant, la «réquisition de poursuite doit être considérée comme
prématurée, avant qu'un jugement ne soit rendu dans la procédure au fond en
Italie».

2.2 Dans ses déterminations en instance fédérale, l'Office expose, en
substance, qu'il n'est pas possible de modifier la «chronologie» prévue par
l'art. 279 LP: si le séquestre est ordonné avant le dépôt de l'action au fond,
le créancier doit respecter la procédure et les délais des al. 1 à 3; si
l'action est déjà introduite, il doit se conformer à la procédure et au délai
de l'al. 4; une combinaison des deux modes de validation est exclue, même sous
prétexte d'accélérer la perfection du séquestre. En l'occurrence, la recourante
a déclaré, après l'obtention du séquestre, qu'une action en justice était
pendante en Italie; elle s'est donc placée implicitement dans l'hypothèse
réglée par l'art. 279 al. 4 LP, ce qu'elle a confirmé en déposant une
réquisition de poursuite le 5 juin 2008. Or, en formant une réquisition de
poursuite alors même que, de son propre aveu, le jugement étranger n'avait pas
encore été rendu, l'intéressée entendait recourir à un mode de validation non
envisagé par la loi et qui, s'il était consacré, aboutirait à faire fi de la
vérification du délai de validation de dix jours. Le délai n'ayant ainsi pas
commencé à courir, la réquisition de poursuite était prématurée, en sorte
qu'elle devait être rejetée.

2.3 A teneur de l'art. 279 LP, le créancier qui a fait opérer un séquestre sans
poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action
dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal (al. 1); s'il a
intenté l'action en reconnaissance de dette sans poursuite préalable, il doit
requérir la poursuite dans les dix jours à compter de la notification du
jugement (al. 4). Seule cette dernière situation entre en ligne de compte dans
le cas présent.
En tant que mesure conservatoire destinée à éviter que le débiteur ne dispose
de ses biens pour les soustraire à l'action future de son créancier (cf. ATF
116 III 111 consid. 3a p. 115/116), le séquestre doit être rapidement validé,
d'où les brefs délais institués à cette fin (FF 1991 III 200/201; ATF 129 III
599 consid. 2.3 p. 603). Toutefois, l'art. 279 LP se limite à fixer les termes
jusqu'auxquels le créancier doit accomplir les actes propres à prévenir la
caducité de sa sûreté (art. 280 ch. 1 LP). Le séquestrant peut dès lors
requérir une poursuite immédiatement après l'autorisation de séquestre, alors
même que la loi lui prescrit de le faire dans les dix jours à compter de la
réception du procès-verbal (art. 279 al. 1 LP; Bonnard, Le séquestre, thèse
Lausanne 1914, p. 251). Il peut aussi ouvrir action en reconnaissance de dette
simultanément à l'introduction de la poursuite, à savoir avant l'expiration du
délai pour former opposition (art. 279 al. 2 LP; arrêt de l'Obergericht du
canton de Zurich du 8 novembre 1922, in: ZR 22/1923 n° 159; Jaeger/Daeniker,
Schuldbetreibungs- und Konkurs-Praxis der Jahre 1911-1945, Zurich 1947, vol. I,
n° 11 ad art. 278 [a]LP; Ardinay, Die Arrestprosequierung nach schweizerischem
Recht, thèse Zurich 1954, p. 59). Le Tribunal fédéral a d'ailleurs admis, de
façon générale, que l'action en reconnaissance de dette de l'art. 79 LP pouvait
être introduite «déjà concurremment avec le commandement de payer» (ATF 113 III
120 consid. 3 p. 122 et l'auteur cité); or, l'action en validation de séquestre
n'est rien d'autre que ladite action (Gilliéron, Poursuite pour dettes,
faillite et concordat, 4e éd., Bâle/Lausanne 2005, n° 2836).

Il découle des principes qui précèdent que l'art. 279 al. 4 LP proscrit
uniquement l'introduction d'une poursuite après l'expiration d'un délai de dix
jours à compter de la notification du jugement, en l'occurrence étranger (cf.
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, vol. IV, Lausanne 2003, n° 53 ad art. 279 LP [«au plus tard»]); mais
le créancier peut néanmoins engager une poursuite sans attendre la
communication de cette décision (implicitement, dans ce sens: Meier-Dieterle,
Formelles Arrestrecht - eine Checkliste, in: AJP 2002 p. 1224 ss, 1230 n. 65).
Dans un ancien arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que la seule obligation
imposée au créancier est le dépôt d'une réquisition de poursuite dans les dix
jours dès la communication du jugement au fond; partant de ce constat, il n'a
pas remis en cause la validation d'un séquestre (exécuté après l'introduction
de l'action en reconnaissance de dette) par une poursuite ouverte le 29 avril
1908, tandis que le jugement au fond avait été rendu le 24 avril 1909; à ce
propos, il a observé que les créanciers avaient agi «beaucoup plus tôt qu'ils
n'étaient obligés de le faire» (ATF 35 I 827 consid. 2 p. 830). Un tel procédé
apparaît non seulement compatible avec la célérité exigée en matière de
validation, mais il n'entraîne de surcroît aucun préjudice pour le débiteur;
comme le souligne la recourante, celui-ci conserve en toute hypothèse la
possibilité de former opposition au commandement de payer.

L'arrêt mentionné plus haut affirme que le créancier n'a pas à requérir la
mainlevée de l'opposition dans les dix jours de la communication du jugement,
car «le jugement qui prononce l'existence de la dette constitue [...] une
main-levée de l'opposition» (consid. 1 in fine et consid. 2 in fine p. 830).
Pareille solution ne peut cependant plus être maintenue au regard de la
jurisprudence selon laquelle le créancier n'est habilité à requérir la
continuation de la poursuite sans passer par la procédure de mainlevée que si
le dispositif du jugement se réfère avec précision à la poursuite en cours et
lève formellement l'opposition, totalement ou à concurrence d'un montant
déterminé (voir notamment: ATF 107 III 60 consid. 3 p. 64 ss). Conformément à
l'art. 279 al. 2 LP, si le débiteur a formé opposition, le créancier doit
requérir la mainlevée de celle-ci ou introduire l'action en reconnaissance de
la dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle l'opposition lui a
été communiquée; pour maintenir le séquestre en force, le créancier est alors
tenu de requérir au surplus la mainlevée définitive dans l'action en
reconnaissance de dette (Meier-Dieterle, loc. cit.), chef de conclusions qui
est admissible sous l'angle de l'art. 79 al. 1 LP (ATF 128 III 39 consid. 2 p.
41 et les références). Certes, cette solution n'est pas valable lorsque
l'action en reconnaissance de la dette est - comme ici - pendante à l'étranger,
puisque le juge suisse est exclusivement compétent pour prononcer la mainlevée
définitive (notamment: Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die
Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd., Berne 2000, n° 5b/bb et 5c/cc
ad art. 32 ZPO); dans cette hypothèse, il incombe au créancier de requérir
celle-ci (cf. art. 81 al. 3 LP) dans les dix jours à partir de la communication
de la décision étrangère, par application combinée des al. 2 et 4 de l'art. 279
LP.

3.
En conclusion, il y a lieu d'admettre le présent recours et de réformer la
décision attaquée en ce sens que l'Office est invité à donner suite à la
réquisition de poursuite présentée le 5 juin 2008 par la recourante. Il n'y a
pas lieu de percevoir des frais (art. 66 al. 4 LTF); en revanche, le canton de
Genève est tenu de verser des dépens à la recourante, qui l'emporte (art. 68
al. 1 et 2 LTF; cf. arrêt 5A_65/2008 du 15 décembre 2008 consid. 4).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est réformée en ce sens que
l'Office des poursuites de Genève est invité à donner suite à la réquisition de
poursuite présentée le 5 juin 2008 par la recourante.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 5'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge du canton de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 26 juin 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Hohl Braconi