Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.163/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_163/2009

Arrêt du 31 mars 2010
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente,
L. Meyer, Jacquemoud-Rossari, von Werdt et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.

Parties
Ordre des avocats vaudois, agissant par
son Bâtonnier Me Pierre-Dominique Schupp,
1000 Lausanne, représenté par Me Philippe Bauer, avocat,
recourant,

contre

Y.________, représenté par Me Rudolf Schaller, avocat,
intimé.

Objet
protection de la personnalité,

recours contre le jugement de la Ie Cour civile
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel
du 3 février 2009.

Faits:

A.
A.a Le 9 juin 1995, A.________, avocat à Lausanne, qui était alors le conseil
de Y.________, a informé le Bâtonnier de l'Ordre des avocats vaudois (ci-après:
OAV) qu'il avait été consulté par Y.________ en raison de "divers déboires
[...] dans ses rapports contractuels avec la société B.________" et mandaté aux
fins "de déposer une plainte pénale" à l'encontre de C.________ (ancien
administrateur), voire d'autres personnalités, parmi lesquelles les
responsables de la société D.________ SA et Me E.________, président de
B.________; Me A.________ sollicitait, en conséquence, l'autorisation
"d'assister Y.________ dans ses démarches auprès de la justice pénale".

Le 22 août suivant, le Bâtonnier de l'OAV, alors Me Philippe Richard, a adressé
à Me A.________ et à Me E.________ une lettre commune pour leur confirmer que
celui-là avait été autorisé à assister son client dans la procédure pénale
susmentionnée, cette autorisation ayant toutefois été "subordonnée à la
condition que la plainte pénale ne fût pas dirigée contre Me E.________, ce que
Me A.________ a accepté".
A.b Le 23 juin 1995, Y.________, sous sa propre signature, a adressé au Juge
d'instruction cantonal du canton de Vaud une plainte pénale dirigée notamment
contre C.________. Me A.________ est ensuite intervenu dans la procédure
pénale, en particulier le 24 juillet 1995 pour requérir le séquestre de
documents et de comptes au nom de la société B.________ ou de C.________.

Le 27 septembre 1995, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance dans la
procédure pénale instruite sur la plainte de Y.________ "contre C.________ et
E.________, pour escroquerie et gestion déloyale, infraction à la LDA"; il a
suspendu l'enquête jusqu'à droit connu sur le jugement civil statuant sur les
questions évoquées dans l'ordonnance (i.e. relative à la position contractuelle
de chacun des partenaires dès le 26 janvier 1995) et fixé à Y.________ un délai
au 27 octobre 1995 pour ouvrir action.

B.
B.a En 2001, Y.________ a été renvoyé en jugement pour tentative de contrainte
(cf. art. 181 CP) à la suite de la notification d'un commandement de payer de
10 millions de francs à la société D.________ SA.
Le 21 octobre 2005, Me A.________ s'est adressé au Bâtonnier et au
Vice-bâtonnier de l'OAV pour les informer qu'il avait reçu, le 13 juillet 2005,
une citation à comparaître en qualité de témoin dans le procès pénal précité,
ajoutant qu'il avait réalisé "tardivement que l'article 11 de nos usages est
très restrictif en la matière et qu'il [devait], le cas échéant, obtenir
l'autorisation du Bâtonnier pour témoigner".

Le même jour, le Vice-bâtonnier, Me Christian Bettex, lui a répondu qu'il n'y
avait pas, en l'espèce, "d'élément exceptionnel qui justifierait d'une
autorisation", si bien qu'il ne l'autorisait pas "à témoigner devant le
Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne (sic)".
B.b Par jugement rendu le 27 octobre 2005, le Tribunal de police de
l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a acquitté Y.________ de
l'accusation de tentative de contrainte. S'agissant du témoignage de Me
A.________, cette décision constate que celui-ci a "produit une lettre du
Vice-bâtonnier des avocats vaudois ne l'autorisant pas à témoigner, même qu'il
le souhaite", de sorte qu'il a refusé de témoigner.

A la suite du refus de déposer, le défenseur de Y.________ a formé une requête
incidente "tendant à ce que le tribunal dénonce pénalement le ou les
représentants de l'Ordre des avocats vaudois ayant signifié à l'avocat
A.________ qu'il n'était pas autorisé à témoigner dans cette affaire"; cette
requête a été rejetée par le Tribunal de police.
B.c Le 12 décembre 2005, l'actuel mandataire de Y.________ s'est adressé à
l'OAV en ces termes:
Sur requête de M. Y.________, Me A.________ a été cité comme témoin dans la
procédure pénale dirigée contre M. Y.________ devant le Tribunal de Police
d'Yverdon.
Me A.________ s'est présenté à l'audience du 26 octobre 2005 et a dit au
Tribunal qu'il voulait témoigner, mais qu'il en était empêché par votre lettre
du 21 octobre 2005.
Le fait d'être privé du témoignage-clé de Me A.________ a causé à M. Y.________
un dommage que j'évalue à frs. 10'000.-- environ dans ladite procédure.
Dans d'autres procédures tant pénale que civile, Me A.________ sera de nouveau
proposé comme témoin. M. Y.________ m'a demandé de prendre les mesures pour
amener l'Ordre des avocats vaudois à ne plus interdire à Me A.________ de
témoigner dans les procédures qui concernent M. Y.________.
Je vous invite, dès lors, à retirer la lettre du 21 octobre 2005 et à me
confirmer par écrit que Me A.________ est autorisé à témoigner dans les
procédures actuelle ou futures qui concernent M. Y.________".
En réponse, le Bâtonnier a transmis le 15 décembre 2005 à Me A.________ une
copie de cette lettre, puis, après avoir rappelé la teneur de l'art. 11 des
Usages du barreau vaudois, a ajouté qu'il incombera le cas échéant à
l'intéressé "de requérir une nouvelle autorisation de témoigner s'il est à
nouveau cité en qualité de témoin par Y.________ et à exposer les motifs pour
lesquels il estimerait ne pas pouvoir refuser son témoignage".

C.
C.a Le 14 mars 2006, Y.________ a ouvert action contre l'OAV devant le Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel en prenant les conclusions suivantes:
"1. Constater que le refus de l'Ordre des avocats vaudois d'autoriser Me
A.________ à témoigner à l'audience du 26 octobre 2005 devant le Tribunal de
Police du Tribunal d'Arrondissement de la Broye et du Nord Vaudois constitue
une atteinte illicite à la personnalité de Monsieur Y.________;
2. Interdire à l'Ordre des avocats vaudois de refuser l'autorisation de
témoigner à Me A.________ dans toute procédure concernant M. Y.________.
3. Dire que l'interdiction selon chiffre 2 est prononcée sous la menace de
l'article 292 du Code pénal suisse qui a la teneur suivante:
«Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la
menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un
fonctionnaire compétents sera puni des arrêts ou de l'amende.»
4. Condamner l'Ordre des avocats vaudois à payer à Monsieur Y.________ la somme
de frs. 20'000 .-- à titre de réparation du dommage et du tort moral, plus
intérêts de 5% dès le 15 mars 2006, sous réserve d'amplifier la demande dans le
courant de la procédure.
5. Condamner l'Ordre des avocats vaudois aux frais de justice et aux dépens,
dans lesquels sera comprise une participation équitable aux honoraires d'avocat
de Monsieur Y.________."
Le défendeur a conclu au rejet de la demande.
A l'audience du 25 octobre 2006, le demandeur a requis formellement un
"jugement sur moyen séparé" des conclusions 1 à 3; le défendeur ne s'y est pas
opposé; l'autorité cantonale s'est ralliée à cette façon de procéder et a
ordonné la clôture de la procédure probatoire limitée au moyen séparé.

Dans leurs "conclusions en cause", puis à l'audience de plaidoiries du 26
janvier 2009, les parties ont maintenu leurs positions.
C.b Par arrêt du 11 décembre 2008, la IIe Cour de droit civil du Tribunal
fédéral a admis le recours pour déni de justice (retard injustifié) formé par
le demandeur et invité le Tribunal cantonal à statuer sans délai sur la demande
(5A_517/2008).
C.c Par jugement du 3 février 2009, la Ie Cour civile du Tribunal cantonal
neuchâtelois a constaté que le refus de l'OAV d'autoriser Me A.________ à
témoigner à l'audience du 26 octobre 2005 du Tribunal de police de
l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois constitue une atteinte illicite
à la personnalité de Y.________ (ch. 1), interdit à l'OAV de refuser
l'autorisation de témoigner à Me A.________ dans toute procédure concernant
Y.________ et en lien avec ses précédents mandats (ch. 2), rejeté la conclusion
n° 3 de la demande (ch. 3) et statué sur les frais ainsi que les dépens de la
procédure (ch. 4).

D.
L'OAV forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à la
réforme de ce jugement, en ce sens que les conclusions nos 1 et 2 de la demande
sont rejetées.

Y.________ propose le rejet du recours et la confirmation du jugement attaqué.

Considérant en droit:

1.
1.1 Se ralliant à l'accord des plaideurs, l'autorité cantonale s'est limitée à
trancher les conclusions nos 1 à 3 de la demande. Le jugement attaqué constitue
ainsi une décision partielle, susceptible de recours sous l'angle de l'art. 91
let. a LTF (cf. UHLMANN, in: Basler Kommentar, BGG, 2008, nos 4 et 5 ad art. 91
LTF).

1.2 Le recours, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), est exercé contre
une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). L'association défenderesse,
qui a succombé devant l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76
al. 1 LTF).

1.3 Lorsque le recours est dirigé à l'encontre d'une décision partielle, la
valeur litigieuse correspond à l'ensemble des conclusions qui étaient
litigieuses devant la juridiction ayant rendu cette décision (art. 51 al. 1
let. b LTF). En l'occurrence, le calcul de la valeur litigieuse inclut donc le
chef de conclusions en paiement d'une somme de 20'000 fr. à titre de réparation
morale. Cependant, les chefs de conclusions litigieux en instance fédérale
étant de nature non pécuniaire (arrêt 5A_605/2007 du 4 décembre 2008 consid.
1.1 et les citations; Corboz, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 17 ad art.
74), la présente cause est justiciable du recours en matière civile sans égard
à la valeur du chef de conclusions pécuniaire (CORBOZ, ibidem, n° 15 et la
jurisprudence citée).

2.
2.1 La loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA;
RS 935.61; FF 1999 p. 5331-5398), entrée en vigueur le 1er juin 2002, définit à
ses art. 12 et 13 les règles professionnelles applicables aux avocats. Aux
termes de l'art. 13 al. 1 LLCA, l'avocat est soumis au secret professionnel
pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice
de sa profession; cette obligation n'est pas limitée dans le temps et est
applicable à l'égard des tiers; le fait d'être délié du secret professionnel
n'oblige pas l'avocat à divulguer des faits qui lui ont été confiés.

Les règles professionnelles sont les normes édictées par une autorité afin de
réglementer, dans l'intérêt public, l'exercice d'une profession; elles se
distinguent des règles déontologiques, ou us et coutumes, qui émanent des
associations professionnelles (FF 1999 p. 5367). Le droit fédéral énumère d'une
manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles sont soumis les
avocats (FF 1999 p. 5355; ATF 131 I 223 consid. 3.4 p. 228; 130 II 270 consid.
3.1.1 p. 275; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, 2009, n° 245,
avec les références); les règles déontologiques conservent, néanmoins, une
portée juridique dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à
préciser les règles professionnelles (FF 1999 p. 5355 et 5368), et qu'elles
expriment une conception largement répandue au plan national (sur l'ensemble de
la question: Bohnet/Martenet, op. cit., nos 294 ss et les citations).

2.2 Conformément à l'art. 11 des Usages du Barreau Vaudois (UBV), édictés le 13
janvier 2004, l'avocat "ne témoigne pas sur un fait dont il a eu connaissance
dans l'accomplissement de son mandat; exceptionnellement et s'il estime ne pas
pouvoir refuser son témoignage, il devra requérir préalablement du Bâtonnier
l'autorisation de déposer". L'actuel art. 3 UBV, dans sa teneur du 5 octobre
2006, a repris textuellement cette règle.

La loi fédérale, qui régit exhaustivement ce sujet (supra, consid. 2.1),
n'institue aucune obligation pour l'avocat de recueillir "préalablement du
Bâtonnier" l'autorisation de témoigner en justice. La décision attaquée ne
constate pas davantage qu'il s'agirait là d'une règle exprimant une "conception
largement répandue au plan national"; le Code suisse de déontologie de la
Fédération suisse des avocats (FSA) du 10 juin 2005 ne la prévoit d'ailleurs
pas. De surcroît, l'on ne discerne aucun intérêt public à son observation (cf.
au sujet de "l'obligation" de consulter le Bâtonnier avant de déposer, au nom
du client, une demande en justice à l'encontre d'un confrère: Fellmann/Sidler,
Standesregeln des Luzerner Anwaltsverbandes, 1996, n° 2 ad art. 44 et la
jurisprudence citée).

La question de savoir si l'autorité compétente peut refuser de lever le secret
professionnel, alors même que l'avocat et le client consentent à cette levée,
n'a pas besoin d'être examinée en l'espèce; elle relève en outre de la
connaissance de la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois (art. 36
let. g du Règlement d'administration de l'ordre judiciaire [RAOJ] du 13
novembre 2007 [RSV 173.01.3]; Maurer/Gross, in: Loi sur les avocats,
Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, n°
393 ad art. 13 LLCA).

3.
L'autorité cantonale a retenu que le témoignage de Me A.________ aurait été
utile au demandeur lors du procès pénal qui s'est achevé le 27 octobre 2005
devant le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et
représentait un moyen de preuve pertinent dans la perspective de divers procès
civils. Vu les refus qu'il avait déjà essuyés, l'intéressé pouvait légitimement
craindre que le Bâtonnier ne refusât de nouveau à son ancien avocat
l'autorisation de témoigner; par conséquent, il avait au moins un "intérêt de
fait" à requérir en justice que l'association professionnelle dont dépend ce
témoin ne décrète pas une interdiction de témoigner fondée sur l'art. 3 UBV.
Puisque le demandeur doit prouver les faits dont il se prévaut et qu'il est
titulaire du "droit procédural" d'offrir comme moyen de preuve le témoignage de
son précédent conseil, il est "parfaitement raisonnable de considérer que le
droit [...] de pouvoir se défendre dans un procès pénal, de même que celui de
ne pas être entravé dans la conduite normale de procès civils en cours ou à
venir, entrent dans les droits de la personnalité sociale protégés par
l'article 28 CC".

La cour cantonale a admis le chef de conclusions n° 1 de la demande au regard
de l'art. 28a al. 1 ch. 3 CC. Elle a considéré que le refus de l'autorisation
était une cause sine qua non qui avait conduit au résultat, c'est-à-dire que,
sans ce refus, Me A.________ aurait témoigné. Le défendeur a participé à
l'atteinte au droit du demandeur de faire administrer cette preuve devant le
Tribunal pénal vaudois. Peu importe que cette cause n'ait pas été suffisante et
qu'il ait fallu, en plus, que l'avocat lui-même refuse de témoigner pour ne pas
braver l'interdiction de son Bâtonnier, car le refus de l'autorisation a
contribué au refus de déposer. En outre, tant que ce témoignage n'aura pas été
administré, son importance ne pourra être démontrée, de telle sorte que le
trouble créé par l'absence de déposition subsiste. L'association défenderesse,
quant à elle, n'a ni allégué ni prouvé un fait justificatif au sens de l'art.
28 al. 2 CC; elle n'a pas expliqué, en particulier, ce qui a pu justifier, et
justifierait encore, le refus du Bâtonnier d'autoriser Me A.________ à
témoigner.

La cour cantonale a admis le chef de conclusions n° 2 de la demande sur la base
de l'art. 28a al. 1 ch. 1 CC. Ce chef de conclusions est la conséquence logique
du précédent; il vise à pallier la volonté défaillante du défendeur de
permettre au demandeur - par l'autorisation donnée à Me A.________ - de
sauvegarder ses droits en apportant le témoignage de son ancien mandataire dans
les procès en cours ou à venir. Comme le refus du défendeur d'autoriser le
témoin à déposer subsiste, l'atteinte est imminente, en ce sens que le
demandeur peut s'attendre à ce que le défendeur invoque derechef l'art. 3 UBV
pour refuser à Me A.________ de témoigner. L'intéressé doit pouvoir décider de
déposer ou non, avec pour seul devoir celui qui découle de l'art. 13 LLCA.
L'entrave au libre exercice, par l'avocat, du choix que lui concède cette norme
doit être prohibée, car le refus du Bâtonnier d'autoriser la déposition de
l'avocat enfreint le droit de son ancien client de faire appel à son
témoignage; le droit fédéral règle de façon exhaustive les devoirs
professionnels de l'avocat, et une association privée ne saurait s'octroyer la
compétence de décider à la place du mandant et du mandataire.

3.1 D'après la jurisprudence, l'atteinte, au sens des art. 28 ss CC, est
réalisée par tout comportement humain, tout acte de tiers, qui cause de quelque
manière un trouble aux biens de la personnalité d'autrui en violation des
droits qui la protègent (ATF 120 II 369 consid. 2 p. 371 et les citations);
elle peut résulter, en particulier, d'une décision prise sur la base d'une
réglementation associative (ATF 134 III 193 consid. 4.3 p. 199 et les
citations). Encore faut-il que cette atteinte - en l'espèce le refus
d'autoriser l'avocat à témoigner en justice - soit illicite (parmi plusieurs:
Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, 1984, nos 583 ss et les
citations), exigence dont l'autorité cantonale admet implicitement la
réalisation, mais sans s'expliquer davantage.

Comme on l'a vu (supra, consid. 2), le secret professionnel de l'avocat est
exhaustivement réglé par l'art. 13 LLCA; il n'y a donc pas de place pour une
"procédure d'autorisation" en vertu des usages du Barreau vaudois, qui ne
peuvent pas non plus servir à interpréter et à préciser la loi fédérale. Aussi,
l'association recourante n'est-elle pas habilitée à rendre de décision
(formelle) refusant d'autoriser l'un de ses membres à témoigner en justice.
L'avis exprimé par le Bâtonnier, en des termes qui peuvent prêter à confusion
("refus d'autorisation", "interdiction"), ne revêt ainsi que la valeur d'une
recommandation, que l'avocat est libre de suivre ou non, et ne saurait donc
être assimilé à une atteinte illicite à la personnalité de l'intimé. Quoi qu'en
dise l'autorité cantonale, le fait que le refus de l'autorisation ait été la
"cause sine qua non" du refus de déposer ne rend pas d'emblée illicite la
"décision" du Bâtonnier; en refusant de témoigner, l'avocat a choisi de se
conformer - pour quelque raison que ce soit - à la recommandation de son
association professionnelle, à laquelle il eût néanmoins pu se soustraire.

Au demeurant, la reconnaissance d'un "droit procédural" à la preuve, découlant
de l'art. 28 CC, s'avère problématique. Certaines dispositions de procédure
accordent à des personnes déterminées - en particulier les membres de la
famille - le droit absolu de refuser de collaborer à l'administration des
preuves (HOHL, Procédure civile, t. I, 2001, n° 986; cf. aussi: art. 165 CPC du
19 décembre 2008), en ce sens que cette collaboration ne peut être que
volontaire et non pas obtenue sous la contrainte (FF 1999 p. 6927). Quand bien
même le succès de l'action dépendrait du témoignage de l'une de ces personnes,
le demandeur ne saurait se prévaloir de l'art. 28 CC à l'effet de contraindre
l'intéressé à déposer ou, en cas de perte du procès, de faire constater par le
juge le caractère illicite du refus de déposer, lequel n'a d'ailleurs pas à
être motivé (cf. FF 1999 p. 6927); un tel procédé ne serait pas davantage
admissible à l'encontre du tiers ayant incité un membre de la famille de l'une
des parties à user de son droit de refuser de témoigner.

3.2 En droit privé, le secret professionnel est protégé, notamment, par l'art.
28 CC, en ce sens que sa violation (par l'avocat) est constitutive d'une
atteinte aux droits de la personnalité du client (cf. ATF 91 I 200 consid. 3 p.
206; Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1799). Cet aspect n'est pas litigieux en
l'espèce, où la question est, au contraire, de savoir si le client peut déduire
des droits de la personnalité une prétention à ce que son avocat puisse
témoigner en justice nonobstant la recommandation de s'abstenir que celui-ci
s'est vu signifier par son association professionnelle; en effet, il est
manifeste que l'intimé n'eût pas ouvert action à l'encontre de l'association
recourante si son ex-conseil n'avait pas exprimé, lors du procès pénal, son
"souhait" de témoigner (cf. supra, let. B.b).

3.3 Le secret professionnel est absolu: l'avocat est libre de divulguer ou non
des faits qui lui ont été confiés, même après avoir été délié du secret, fût-ce
à sa propre initiative (Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1853 et les références);
ni le client ni l'autorité de surveillance (cf. ZR 1992-93 n° 67 p. 253) ne
peuvent le contraindre à témoigner (Bohnet/Martenet, op. cit., n° 1869 et les
citations).

Comme le souligne à juste titre le recourant, le mandant n'est dès lors pas
titulaire d'un "droit procédural" déduit de l'art. 28 CC à ce que son ex-avocat
témoigne sans autre restriction que sa propre décision. Du reste, l'hypothèse
inverse n'est pas non plus concevable; il serait ainsi exclu que le client,
voire un tiers (cf. Bohnet/Martenet, op. cit., nos 1858 et 3193), invoque
l'art. 28 CC pour demander au tribunal d'interdire au Bâtonnier d'accorder à
l'avocat l'autorisation de témoigner. Autrement dit, l'interdiction signifiée à
l'OAV "de refuser l'autorisation de témoigner à Me A.________ [...]" n'évacue
nullement l'obstacle que constitue le secret professionnel de l'avocat. Si le
client n'a pas de droit à contraindre son avocat à témoigner, dès lors que le
secret professionnel est absolu, il n'en a pas davantage pour obliger
l'association recourante à accorder à l'avocat l'autorisation de déposer, du
moins à ne pas s'opposer à ce qu'il témoigne. A cet égard, il apparaît
singulier de vouloir, par une telle interdiction, "suppléer [à] la volonté
défaillante du défendeur [OAV] de permettre [...] au demandeur de sauvegarder
ses droits en apportant le témoignage de son ancien mandataire", alors que
celui-ci est libre de déposer ou non, quelle que puisse être la "volonté" de
son association professionnelle.

Il est vrai que l'avocat qui décide de passer outre à l'interdiction qui lui a
été faite pourrait - en théorie (supra, consid. 2.2 in fine) - s'exposer à des
sanctions disciplinaires; mais cet aspect, qui touche uniquement à la
déontologie, ne change rien au fait que le client ne se trouve pas au bénéfice
d'un droit, sous l'angle de l'art. 28 CC, à ce que le Bâtonnier ne refuse pas à
l'avocat de prendre une résolution dont il est le seul et unique maître.

4.
Vu ce qui précède, le présent recours doit être accueilli et le jugement
attaqué réformé en ce sens que les chefs de conclusions nos 1 et 2 de la
demande sont rejetés. Les frais et dépens de l'instance fédérale sont mis à la
charge de l'intimé qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Enfin, la cause est renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle statue
sur les frais et dépens de l'instance cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement attaqué est réformé en ce sens que les
chefs de conclusions n°s 1 et 2 de la demande sont rejetés.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Une indemnité de 4'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimé.

4.
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de l'instance cantonale.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ie Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 31 mars 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Hohl Braconi