Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.139/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_139/2009

Arrêt du 18 mai 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Fellay.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Alain Vuithier, avocat,

contre

Office des poursuites de Genève, rue du Stand 46, case postale 208, 1211 Genève
8,
intimé.

Objet
réquisition de poursuite,

recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites
du canton de Genève du 12 février 2009.

Faits:

A.
Le 28 novembre 2008, l'Office des poursuites de Genève a enregistré, sous n°
xxx, une réquisition de poursuite déposée par X.________ SA, société sise à
Genève, à l'encontre de Y.________, soit pour elle Z.________. Sous la mention
« titre et date de la créance ou, à défaut, cause de l'obligation », la
poursuivante indiquait que les sommes réclamées, objet de cinq factures
représentant un montant global de 3'546'156 fr. 93 en capital, étaient dues
selon un contrat de vente (purchase contract n° 26) de septembre 2004. Sous «
autres observations », elle notait que le for de la poursuite était à Genève en
application de l'art. 50 al. 2 LP (domicile élu pour l'exécution d'une
obligation).

Par décision du 8 décembre 2008, l'office a informé la poursuivante que sa
réquisition était rejetée dans la mesure où il n'existait pas de for de
poursuite.

B.
La poursuivante a formé contre cette décision une plainte auprès de la
Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève. Elle invoquait la Convention des Nations Unies du 11 avril
1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises et soutenait que
l'Etat poursuivi, en s'engageant, aux termes du contrat susmentionné, à
exécuter ses obligations de paiement à Genève, avait « clairement élu Genève
comme domicile pour l'exécution des obligations avec la volonté d'y être
poursuivi en cas de contravention [au] contrat »; elle invoquait également, à
titre subsidiaire, l'art. 3 LDIP, alléguant que Genève était le seul lieu avec
lequel les liens étaient suffisants pour créer un for de nécessité au sens de
cette disposition.

Par décision du 12 février 2009, notifiée le 16 du même mois, la Commission
cantonale de surveillance a rejeté la plainte en considérant qu'en l'espèce il
n'y avait pas de for de poursuite en Suisse (art. 46 ss LP) et que c'était à
bon droit que l'office avait refusé de donner suite à la réquisition de
poursuite.

C.
Le 26 février 2009, la poursuivante a interjeté un recours en matière civile au
Tribunal fédéral tendant à ce qu'il soit donné suite à sa réquisition de
poursuite.

Le dépôt d'une réponse n'a pas été requis.

Considérant en droit:

1.
Interjeté dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF)
prévus par la loi par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises
devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision
finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite
(art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable (ATF 133 III 350 consid. 1.2).

2.
L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent
l'existence d'un for de la poursuite contre le poursuivi. La LP définit le for
ordinaire de la poursuite (art. 46 LP) et un nombre limité de fors spéciaux
(art. 48 à 52 LP).

2.1 Aux termes de l'art. 50 al. 2 LP, le débiteur domicilié à l'étranger, qui a
élu domicile en Suisse pour l'exécution d'une obligation, peut y être poursuivi
pour cette dette. Cette disposition constitue la seule exception à la règle
selon laquelle les parties ne sont pas habilitées à déterminer un for de
poursuite selon leur gré (SJ 1984 p. 245 ss, 246; P.-R. Gilliéron, Commentaire
de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 40 ad art.
50 LP). L'élection doit se rapporter à une ou des obligations spécifiées envers
un créancier déterminé (ATF 119 III 54 consid. 2e; 107 III 53 consid. 4a; arrêt
7B.55/2006 du 21 septembre 2006 consid. 2.2.1 et les références citées).

2.2 L'élection d'un for de la poursuite est une manifestation de volonté qui
s'interprète selon les règles de la bonne foi (HENRI-ROBERT SCHÜPBACH,
Commentaire romand de la LP, n. 12 ad art. 50 LP; Ernest F. SCHMID, Kommentar
zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 33 ad art. 50 LP).
L'application de l'art. 50 al. 2 LP ne suppose pas nécessairement qu'il y ait
eu stipulation expresse d'un for de poursuite en Suisse; il suffit que, compte
tenu des circonstances et des règles de la bonne foi, on doive admettre que le
débiteur a manifesté la volonté de se soumettre à une exécution forcée en
Suisse (ATF 68 III 61; 86 III 81 consid. 2). La simple convention quant au lieu
d'exécution ou de paiement (cf. art. 74 CO) n'implique pas élection de for
d'exécution forcée, sauf en ce qui concerne les lettres de change ou les titres
au porteur (ATF 119 III 54 consid. 2f; 89 III 1, p. 4; 86 III 81 consid. 2;
arrêt 7B.55/2006 déjà cité consid. 2.2.2).

2.3 L'interprétation d'une déclaration de volonté selon le principe de la
confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement,
sur la base cependant des faits établis par l'autorité cantonale (art. 105 al.
1 LTF) notamment quant au comportement des parties et à ce que celles-ci
savaient et voulaient (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 217 consid. 3;
130 III 417 consid. 3.2, 686 consid. 4.3.1; arrêt 7B.55/2006 déjà cité consid.
2.2.3).

3.
La Commission cantonale de surveillance a estimé que la recourante invoquait à
tort la Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente
internationale de marchandises et, subsidiairement la LDIP, ces textes ne
réglant pas la question de savoir à quelles conditions une procédure
d'exécution forcée peut se dérouler (ATF 124 III 505). La recourante ne s'en
prend pas à cet argument.

Elle soutient en revanche que les parties au contrat de vente n° 26 ont bel et
bien voulu constituer un domicile à Genève et accepté par la même occasion,
contrairement à ce qu'a retenu la commission cantonale, l'éventualité d'un for
de poursuite en cas d'exécution forcée. Elle se réfère en particulier à
l'annexe V dudit contrat selon laquelle, en cas de résiliation de celui-ci, la
garantie émise par la poursuivie (lettre de crédit) pourrait être valablement
invoquée et exécutée à Genève, les contractants ayant entendu ainsi que les
obligations assumées soient « exécutables » en Suisse. Elle évoque par ailleurs
la lettre d'ouverture d'un crédit documentaire auprès de la Banque cantonale de
Genève et le fait que la BNP Paribas à Genève a été chargée de contrôler la
conformité aux conditions de crédit des documents présentés à ses guichets.

La commission cantonale a considéré que même si l'on devait retenir que le lieu
de paiement convenu était à Genève, celui-ci n'impliquait pas élection de for
dans ce canton. Cette conclusion est conforme aux principes jurisprudentiels
énoncés ci-dessus (consid. 2). La recourante, qui se prévaut d'ailleurs d'une
simple convention quant au lieu d'exécution ou de paiement, ne démontre pas que
l'autorité cantonale ait violé le droit sur ce point. De plus, elle ne remet
pas en cause la constatation de celle-ci selon laquelle les documents bancaires
produits ne constituent ni des titres au porteur ni des lettres de change
justifiant de déduire exceptionnellement une élection de for d'exécution forcée
de la simple convention quant au lieu d'exécution ou de paiement (cf. consid.
2.2 ci-dessus).

La recourante se réfère au commentaire de JAEGER (Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, édition française, ch. 8
[recte: 7] ad art. 50), en tant qu'il admet l'existence d'un for de poursuite
lorsqu'il se trouve au lieu visé des valeurs patrimoniales sur lesquelles
pourrait porter l'exécution et que, d'autre part, les circonstances n'excluent
pas la volonté chez l'intéressé d'avoir voulu faire servir lesdits objets à
cette exécution. Conformément à la note du traducteur dudit commentaire citant
l'ATF 41 III 71, la prorogation de for n'a pour conséquence la création d'un
for de poursuite, au for prorogé, que si les parties ont manifesté leur
intention à cet égard de façon expresse ou par des actes concluants. Or, en
l'espèce, outre qu'elle dénie elle-même toute pertinence à la clause
d'arbitrage en faveur des tribunaux genevois (recours, ch. 5 p. 4), la
recourante ne peut faire état que d'une simple convention quant au lieu
d'exécution ou de paiement qui, on l'a vu, n'implique pas élection de for
d'exécution forcée.

4.
Il résulte de ce qui précède que la commission cantonale a confirmé à bon droit
le refus de l'office de donner suite à la réquisition de poursuite.

Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais de son auteur (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de surveillance
des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 18 mai 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Hohl Fellay