Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.128/2009
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_128/2009

Arrêt du 22 juin 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Escher, Juge présidant,
L. Meyer, Marazzi, Jacquemoud-Rossari et von Werdt.
Greffier: M. Braconi.

Parties
X.________,
recourant,

contre

Autorité de surveillance des tutelles du
canton de Genève,

Objet
désignation d'un curateur,

recours contre la décision de l'Autorité de surveillance des tutelles du canton
de Genève du 19 janvier 2009.

Faits:

A.
Y.________, née le 14 avril 1976, mariée depuis le 15 janvier 2002 à
X.________, né le 9 mars 1940, a donné naissance aux enfants A.________, née le
24 juillet 2005 à Saint-Louis (Sénégal), et B.________, né le 21 décembre 2007
à Genève; la prénommée est aussi mère d'un autre enfant, C.________, né le 7
mai 1996.

Le 22 octobre 2007, D.________, de nationalité sénégalaise, né le 17 septembre
1974, célibataire, au bénéfice d'un permis d'étudiant à l'Université de Genève
(doctorant en sociologie), a requis du Tribunal tutélaire de Genève la
nomination d'un curateur à A.________ afin qu'une action en désaveu de
paternité soit ouverte à l'encontre de X.________; il s'engageait, en outre, à
reconnaître l'enfant comme sa fille sitôt le désaveu prononcé et a, par la
suite, confirmé sa volonté d'entretenir des relations personnelles suivies avec
elle. Sa requête a été ultérieurement étendue à l'enfant B.________, dont il
n'exclut pas être également le père biologique, et a pris l'engagement de le
reconnaître en cas de désaveu.

Les époux X.________ se sont opposés à cette requête; la mère a reconnu avoir
fréquenté intimement D.________. En revanche, dans son rapport du 15 mai 2008,
le Service de protection des mineurs (SPMi), mis en oeuvre par le Tribunal
tutélaire, s'est prononcé en faveur d'une procédure en désaveu.

B.
Par ordonnance du 15 septembre 2008, le Tribunal tutélaire a désigné Dominique
Fiore, juriste titulaire auprès du SPMi, aux fonctions de curateur des enfants
A.________ et B.________ aux fins d'introduire en leurs noms une action en
désaveu de paternité.

Statuant le 19 janvier 2009, l'Autorité de surveillance des tutelles du canton
de Genève a rejeté l'appel interjeté par les époux X.________ contre cette
décision.

C.
X.________ forme un «recours» contre la décision du 19 janvier 2009, dont il
demande l'annulation. Il conclut, au surplus, au renvoi à «l'autorité pénale
compétente du canton de Genève, soit au Procureur de la République, le cas
d'allégations mensongères et d'usage de faux destiné à induire la justice en
erreur (faux déclarations et certificat de mariage utilisés par Monsieur
D.________ [...]» et à la condamnation de l'Etat de Genève à «indemniser les
époux demandeurs pour le tort moral [...] et les frais causés par cette
procédure téméraire», subsidiairement au renvoi de «la décision à l'Autorité de
surveillance afin qu'elle corrige les faits essentiels qui sont manifestement
faux, et pour statuer a neuf en conséquence».

Des observations sur le fond n'ont pas été requises.

D.
Par ordonnance du 1er avril 2009, la Présidente de la Cour de céans a attribué
l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recourant n'a pas dénommé son écriture. Le défaut d'intitulé ou
l'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les
conditions de recevabilité du recours qui serait ouvert soient réunies (ATF 134
III 379 consid. 1.2 p. 382 et les arrêts cités).

1.2 Le présent recours, interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), est
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par la dernière autorité
cantonale (art. 35 LOJ/GE et art. 75 al. 1 LTF). L'instauration d'une curatelle
de représentation de l'enfant fondée sur les art. 306 al. 2 et 392 ch. 2 CC aux
fins d'intenter une action en désaveu de paternité (art. 256 al. 1 ch. 2 CC)
est une décision de nature non pécuniaire en matière de protection de l'enfant,
sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 7 LTF; arrêt
5A_341/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.1). Le recourant a qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF).

1.3 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF; il peut donc être interjeté pour
violation des droits constitutionnels, qui font partie du droit fédéral au sens
de l'art. 95 let. a LTF (FF 2001 p. 4132, ch. 4.1.4.2; ATF 133 III 446 consid.
3.1 p. 447, 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il ne connaît de la violation de droits
fondamentaux ou du droit cantonal que si ce grief a été soulevé et motivé par
le recourant (art. 106 al. 2 LTF), les exigences de motivation correspondant à
celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 133 II 249
consid. 1.4.3 p. 254).

1.4 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement sur la base des faits établis par la juridiction précédente (art.
105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de
façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art.
95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il incombe au recourant
de soulever expressément un grief à ce propos et de l'exposer de manière
précise et circonstanciée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2 p.
246). En tant que le recourant s'écarte des constatations de fait de l'autorité
précédente, les complète ou les modifie, sans se prévaloir de l'une des
exceptions susmentionnées, ses allégations ne sauraient être prises en
considération.

1.5 Les chefs de conclusions du recourant qui tendent, d'une part, au renvoi de
la cause aux autorités pénales genevoises et, d'autre part, à la condamnation
de l'Etat de Genève à payer une indemnité pour tort moral sont irrecevables, en
tant qu'ils sont nouveaux (art. 99 al. 2 LTF) et, de surcroît, étrangers à
l'objet du présent litige.

2.
En l'espèce, l'Autorité de surveillance a constaté que les deux enfants étaient
recevables à intenter une action en désaveu de paternité, les époux ne faisant
pas ménage commun (art. 256 al. 1 ch. 2 CC); compte tenu de leur jeune âge,
l'action devait être introduite, en leur nom, par un curateur. La juridiction
précédente a rappelé - à la suite du Tribunal tutélaire - que, sur le plan
psychosocial, l'intérêt des enfants au maintien du lien de paternité avec leur
père légal n'est pas évident, puisque ce dernier ne vit ni n'entretient une
relation affective suivie avec eux, alors que D.________ avait, pendant les
dix-huit premiers mois de la vie de A.________, noué des relations personnelles
étroites avec elle. Sur le plan matériel, l'autorité cantonale a relevé que
celui qui se prétendait leur père biologique était jeune et paraissait en bonne
santé; il disposait d'un niveau de formation universitaire, ce qui lui ouvrait
la perspective d'un emploi suffisamment rémunéré, au Sénégal ou dans d'autres
pays, notamment au sein d'organisations internationales, pour lui permettre de
participer à l'entretien des mineurs. Certes, suivant le lieu de son domicile,
les enfants se heurteraient peut-être à des difficultés quant au recouvrement
des contributions d'entretien, mais aucun indice concret ne corroborait ce
risque. En outre, si en cas de succès, le désaveu pourrait exposer les enfants
au danger de perdre leur nationalité suisse, acquise de leur père légal actuel,
leur lieu de résidence en Suisse ne serait pas remis en question, vu le permis
de séjour dont bénéficiait leur mère par son mariage avec un citoyen suisse.
Enfin, la détermination de la personne de leur véritable père biologique, en
vue d'une relation père-enfants durable et profonde, s'avérait essentielle et
l'emportait sur les risques potentiels précités. Il fallait donc admettre, à
l'instar du Tribunal tutélaire, que les enfants soient fixés sans attendre sur
leur ascendance paternelle, à savoir une composante essentielle de leur
identité.

2.1 Sous le couvert d'une appréciation arbitraire des faits, le recourant s'en
prend aux constatations d'après lesquelles il ne fait pas ménage commun avec
son épouse et n'entretient pas de relation affective avec les enfants.

Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions prises par les
autorités cantonales de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), ce qui implique,
en particulier, que seuls sont recevables devant le Tribunal fédéral les moyens
qui, pouvant l'être, ont été soumis à l'autorité cantonale de dernière instance
(FF 2001 p. 4109). Or, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que ce grief
aurait été soulevé en instance d'appel, où le recourant avait discuté
uniquement le critère de l'intérêt de l'enfant à agir en désaveu. Par ailleurs,
l'intéressé n'établit pas que tel aurait été le cas ni ne prétend que son
argumentation ne pouvait être dirigée qu'à l'encontre de la décision attaquée.
Invoquée pour la première fois dans le présent recours, la critique apparaît
dès lors nouvelle, partant, irrecevable.

Au demeurant, même recevable sous l'angle de l'art. 75 al. 1 LTF, le grief ne
le serait pas au regard des exigences de motivation (art. 106 al. 2 LTF). En
effet, le recourant se limite à contester péremptoirement les constatations de
l'autorité cantonale, en renvoyant, pour le surplus, aux observations de sa
femme au Tribunal tutélaire - dans lesquelles celle-là exposait pour quels
motifs elle s'opposait à la nomination d'un curateur -, qu'il reproduit
intégralement sans indiquer sur quels points elles établiraient une
constatation arbitraire des faits. A cela s'ajoute qu'il cite lui-même le
rapport du SPMi dont il ressort qu'il dit rencontrer A.________ une à deux fois
par semaine, en présence de la maman, ce qui confirme le fait que les époux ne
cohabitent pas.

2.2 Autant qu'on le comprend, le recourant conteste le droit des autorités
tutélaires de s'immiscer dans sa sphère familiale en désignant un curateur aux
fins d'intenter une action en désaveu.

2.3 L'art. 255 al. 1 CC dispose que l'enfant né pendant le mariage a pour père
le mari. Cette présomption de paternité peut être attaquée devant le juge par
le mari (art. 256 al. 1 ch. 1 CC), respectivement par l'enfant, si la vie
commune des époux a pris fin pendant sa minorité (art. 256 al. 1 ch. 2 CC);
l'action de l'enfant est intentée contre le mari et la mère (art. 256 al. 2
CC). Pour l'enfant, il s'agit d'un droit strictement personnel, indépendant de
celui du mari de sa mère, qu'il peut ainsi exercer seul s'il a la capacité de
discernement (art. 19 al. 2 CC; MEIER/STETTLER, Droit civil suisse, Droit de la
filiation, t. I, 3e éd., n° 72 et 73); à défaut, l'enfant doit pouvoir agir par
le ministère d'un curateur de représentation (art. 392 ch. 2 CC), lequel fera
le procès en désaveu au nom de l'enfant (ATF 122 II 289 consid. 1c p. 293 et
les citations). Il appartient dès lors à l'autorité tutélaire, appelée à nommer
un curateur à l'enfant, de déterminer si l'ouverture d'une action en désaveu
est ou non conforme à l'intérêt de celui-ci (ATF 121 III 1 consid. 2c p. 4 et
les citations). Dans cette mesure, l'enfant incapable de discernement ne
dispose pas d'un droit inconditionnel à entamer une pareille procédure (Meier/
Stettler, op. cit., n° 378). L'autorité tutélaire devra procéder à une pesée
des intérêts de l'enfant, en comparant sa situation avec et sans le désaveu
(HEGNAUER, Droit suisse de la filiation, 4e éd., n° 6.07 et les références).
Elle tiendra compte des conséquences d'ordre tant psycho-social que matériel,
par exemple la perte du droit à l'entretien et des expectatives successorales
(ATF 121 III 1 consid. 2c p. 5); il ne sera pas dans l'intérêt de l'enfant
d'introduire une telle action lorsqu'il est incertain que le mineur puisse
avoir un autre père légal, lorsque la contribution d'entretien serait
notablement moindre, lorsque la relation étroite entre l'enfant et ses frères
et s?urs serait sérieusement perturbée et lorsqu'il n'y a pas lieu d'admettre
que l'enfant serait en mesure d'entretenir une relation positive sur le plan
socio-psychique avec son géniteur (cf. notamment: HEGNAUER, Zur Beistandschaft
für das Kind im Anfechtungsprozess, in: RDT 1995 p. 213 ss).

Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral accorde une importance
croissante au droit de l'enfant majeur à la connaissance de son ascendance,
prérogative qui découle, en particulier, de l'art. 7 al. 1 de la Convention du
20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107; CDE). Il a jugé
qu'il s'agissait d'un droit constitutionnel, absolu, imprescriptible et
inaliénable, indépendamment de toute pesée des intérêts opposés (ATF 128 I 63).
Récemment, il a admis que ce droit qu'il avait reconnu pour l'enfant adoptif,
même avant l'entrée en vigueur de l'art. 268c CC, devait valoir pour tout
enfant, même pour celui qui était né pendant le mariage de ses parents (ATF 134
III 241). Ces principes n'ont toutefois pas été étendus à l'enfant mineur, en
sorte que la pesée des intérêts demeure un critère décisif (cf. notamment:
MEIER/STETTLER, op. cit., n° 70 et note 102, n° 373 et note 704 et
[spécifiquement pour l'enfant adultérin] n° 378 et note 711; ANNE BENOÎT, note
in: RDAF 2003 I p. 404 à sujet de l'arrêt publié aux ATF 128 I 63).

2.4 Le recourant se livre à de longues discussions sur la portée des art. 7, 8
et 41 CDE pour tenter, semble-t-il, de démontrer que le droit suisse ne
permettrait pas en l'espèce l'instauration d'une curatelle de représentation
afin d'introduire une action en désaveu de paternité. Ce faisant, il paraît
confondre le droit absolu de l'enfant majeur de connaître ses origines, tel
qu'il a été reconnu récemment par la jurisprudence (cf. supra, consid. 2.3),
avec la situation de l'enfant mineur. Son grief, manifestement appellatoire, ne
correspond pas aux exigences légales de motivation (art. 106 al. 2 LTF), en
sorte qu'il est irrecevable.

Par ailleurs, le recourant affirme en substance qu'il ne serait pas dans
l'intérêt des enfants d'intenter une action en désaveu, qui se révélerait
contraire à l'intérêt prioritaire de la famille traditionnelle. Sa critique, en
tant qu'elle porterait sur la violation du droit fédéral, est dépourvue de
toute réfutation des motifs de la décision entreprise (art. 42 al. 2 LTF); en
conséquence, elle est irrecevable. Quoi qu'il en soit, elle serait mal fondée.
L'autorité cantonale a procédé, conformément aux exigences jurisprudentielles,
à une correcte pesée des intérêts des enfants à agir en désaveu: elle a examiné
leur bien-être psycho-social en rapport avec les liens noués avec leur père
juridique, considérés comme peu intenses, et les liens plus suivis noués (pour
A.________) avec D.________, ainsi que leur possibilité de continuer à vivre en
Suisse; elle a également regardé les conséquences d'un désaveu sur le plan
matériel, en retenant que leur prétendu père biologique serait en mesure de
pourvoir à leur entretien; enfin, elle a estimé que leur droit de connaître
leur origine l'emportait sur celui au maintien d'un lien de filiation purement
juridique, si l'action devait aboutir.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de son
auteur (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Autorité de surveillance des
tutelles du canton de Genève.

Lausanne, le 22 juin 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant: Le Greffier:

Escher Braconi