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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.123/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_123/2009

Arrêt du 23 juin 2009
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Jacquemoud-Rossari et von Werdt.
Greffière: Mme de Poret.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Henri Baudraz,
avocat,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Jean-Daniel Théraulaz, avocat,

Objet
possession, servitude,

recours contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 20 novembre 2008.

Faits:

A.
A.a Depuis le 4 septembre 1991, X.________ est propriétaire de la parcelle no
1324 sise sur le territoire de la commune de Z.________. Cette parcelle
bénéficie d'un droit de passage à pied et pour tous véhicules grevant la
parcelle no 1323 de la même commune. La servitude a été inscrite au registre
foncier le 14 septembre 1976.

La société Y.________ SA a acquis la parcelle no 1323 le 4 janvier 2005.

Les parcelles nos 1323 et 1324 sont toutes deux entièrement entourées par des
clôtures. La propriété de X.________ est située dans l'enceinte du site
industriel; elle appartenait auparavant à l'administrateur et directeur de
l'usine exploitée sur la parcelle no 1323. Le portail permettant l'entrée se
trouve placé en travers de l'assiette de la servitude d'accès dont bénéficie la
parcelle no 1324. Ce portail existait déjà au moment de la constitution de la
servitude.
A.b Au cours de l'année 2006, Y.________ SA a informé X.________ de son
intention de sécuriser le site en le clôturant entièrement, ce pour des
questions d'assurance et de sécurité.

Les parties sont alors entrées en pourparlers afin de trouver une solution
satisfaisante pour l'exercice du droit de passage, Y.________ SA proposant
l'installation d'un portail électrique avec télécommande, voire le déplacement
de l'assiette de la servitude. Les discussions entre les parties n'ont
cependant pas abouti.

B.
B.a Le 7 juin 2007, Y.________ SA a ouvert action contre X.________ devant le
Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois (ci-après
Tribunal d'arrondissement) en vue de déplacer, à ses frais, l'assiette de la
servitude.

Le 26 octobre 2007, le Président du Tribunal d'arrondissement a prononcé le
déclinatoire à raison de la valeur litigieuse et a transmis la cause à la Cour
civile du Tribunal cantonal comme objet de sa compétence.
B.b Le 25 octobre 2007, Y.________ SA a annoncé à X.________ que le site serait
fermé à clé dès le lendemain soir, toutes les fins de semaine et tous les soirs
dès 18h. Trois clés lui permettant d'ouvrir le portail étaient à sa disposition
au siège de l'entreprise.

Par requête de mesures provisionnelles déposée le 5 décembre 2007 devant la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud, X.________ a déposé une
action possessoire visant à ce qu'il soit donné ordre à Y.________ SA de lui
laisser libre accès à son fonds, notamment qu'interdiction lui soit faite de
fermer à clé le portail existant. Elle a également conclu à ce qu'elle soit
autorisée à faire appel à la force publique pour libérer le passage dans
l'hypothèse où la clôture interviendrait néanmoins et a demandé qu'en cas de
contravention, elle soit légitimée à procéder aux travaux nécessaires pour
libérer la servitude des obstacles qui y seraient posés.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 16 janvier 2008, le juge
instructeur de la Cour civile a rejeté la requête déposée par X.________.
Statuant sur appel de cette dernière, la Cour civile l'a rejeté le 20 novembre
2008. L'arrêt a été notifié aux parties le 27 janvier 2009.

C.
Le 18 février 2009, X.________ (ci-après le recourante) interjette un recours
en matière civile devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu par la Cour
civile. Elle conclut à l'admission de son recours et à la réformation de
l'arrêt attaqué dans le sens de ses conclusions prises en instance cantonale.
La recourante invoque la violation des art. 737 et 738 CC, 10 et 13 Cst. et
prétend que la décision attaquée serait entachée d'arbitraire selon l'art. 9
Cst.

Y.________ SA (ci-après l'intimée) n'a pas été invitée à répondre.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1, 235
consid. 1, 379 consid. 1; 133 I 185 consid. 2 et les arrêts cités).

1.1 La décision entreprise confirme l'ordonnance de mesures provisionnelles
rendue le 16 janvier 2008 par le juge instructeur de la Cour civile et rejette
ainsi l'action possessoire intentée par la recourante. Il s'agit donc d'une
décision rendue en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF.

Les décisions de mesures provisionnelles sont finales si elles sont rendues
dans une procédure indépendante dont l'objet est différent de la procédure au
fond et met fin à l'instance sous l'angle procédural (ATF 134 IV 426 consid.
2.2).

Provisoire et sans effet sur le pétitoire, la décision entreprise est finale au
regard de l'art. 90 LTF. Par le biais de sa requête de mesures provisionnelles,
la recourante exerce en effet une action possessoire. Une telle action, fondée
sur la vraisemblance du droit à la possession ou l'absence de vraisemblance
d'un droit préférable, est susceptible d'être ouverte, et son sort tranché, par
voie de mesures provisionnelles (JdT 1995 III 34 consid. 2a et la référence).
L'objet de cette action est ainsi différent de celui de l'action pétitoire, qui
ne doit d'ailleurs pas être obligatoirement introduite. En tant qu'il clôt la
procédure initiée quant à la protection de la possession, l'arrêt attaqué met
donc fin à l'instance sous l'angle procédural.

1.2 Selon l'art. 75 al. 1 LTF, le recours n'est recevable qu'à l'encontre des
décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui signifie que les griefs
soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent plus pouvoir faire l'objet d'un
recours ordinaire ou extraordinaire de droit cantonal (Message, p. 4115; cf.
pour l'art. 86 al. 1 OJ: ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258; 119 Ia 421 consid. 2b
p. 422; 110 Ia 71 consid. 2 et les arrêts cités). Dans le canton de Vaud,
l'arrêt sur appel en matière de mesures provisionnelles peut faire l'objet d'un
recours en nullité pour les motifs prévus par l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD, à
savoir pour déni de justice formel, ainsi que pour arbitraire dans
l'appréciation des preuves (ATF 126 I 257 consid. 1; arrêt 5A_390/2007 du 29
octobre 2007 consid. 2.2; 5A_87/2007 du 2 août 2007 consid. 2.3; JdT 2007 III
48 consid. 3a p. 49; JdT 2001 III 128; JEAN-FRANÇOIS POUDRET/JACQUES HALDY/
DENISTAPPY, Procédure civile vaudoise, 3e éd., 2002, n. 1 ad art. 108, n. 1 ad
art. 111 et n. 15 ad art. 444 CPC/VD; DENIS TAPPY, note ad JdT 2000 III 78).
En tant que la recourante se plaint d'arbitraire et de violation des art. 10 et
13 Cst., son recours est recevable. En revanche, en tant qu'elle soutient,
s'agissant des motifs sécuritaires ayant entraîné la fermeture du portail, que
l'existence d'un risque n'est pas prouvé, la recourante se plaint
d'appréciation arbitraire des preuves. Son recours est donc irrecevable de ce
chef, faute d'avoir épuisé toutes les instances cantonales.

1.3 Le recours en matière civile n'est ouvert que si la valeur litigieuse
minimale fixée par la loi, en l'espèce 30'000 fr., est atteinte (art. 74 al. 1
let. b LTF). C'est le montant encore litigieux devant la dernière instance
cantonale qui est déterminant (art. 51 al. 1 let. a LTF). L'autorité cantonale
de dernière instance doit mentionner la valeur litigieuse dans son arrêt (art.
112 al. 1 let. d LTF). La décision attaquée ne donne à cet égard aucune
indication, tandis que la recourante affirme que la valeur litigieuse serait
largement atteinte. La question peut toutefois demeurer ouverte dès lors que le
Tribunal fédéral examine les griefs soulevés par la recourante (art. 9, 10 et
13 Cst.) avec le même pouvoir d'examen dans le recours en matière civile et le
recours constitutionnel subsidiaire et que, dans le domaine des mesures
provisionnelles - auxquelles appartient l'action possessoire (infra consid. 2)
-, la cognition du Tribunal fédéral est limitée à la violation des droits
constitutionnels (art. 98 LTF).

1.4 Pour ce qui est des autres conditions de recevabilité, le recours a été
interjeté dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF), par la partie
qui a succombé dans ses conclusions devant la dernière instance cantonale (art.
76 LTF), de sorte qu'il est en principe recevable.

2.
2.1 Les actions possessoires ne visent généralement qu'au rétablissement et au
maintien d'un état de fait antérieur; sous réserve de l'art. 927 al. 2 CC, qui
prévoit l'exception tirée du meilleur droit, elles ne conduisent pas à un
jugement sur la conformité au droit de cet état de fait, mais n'assurent au
demandeur qu'une protection provisoire, car une procédure engagée sur le
terrain du droit peut mettre fin aux effets d'une décision portant sur la
protection de la possession (ATF 133 III 638 consid. 2; 113 II 243 consid. 1b
et les arrêts cités). Ces actions doivent dès lors être considérées comme des
mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 638 consid. 2;
Message, p. 4134), de sorte que seule peut être dénoncée la violation de droits
constitutionnels.

Ainsi, lorsque la recourante soutient que le libellé de la servitude dont son
bien-fonds bénéficie serait clair et sans équivoque, de sorte que la mise en
balance des intérêts des parties à laquelle a procédé la cour cantonale ne
serait pas nécessaire, sa critique semble en réalité porter sur
l'interprétation qu'ont donné les juges cantonaux à l'étendue de cette
servitude, et, en conséquence, sur la mauvaise application des art. 737 et 738
CC. Elle est donc irrecevable dans le cadre du présent recours.

2.2 Le Tribunal fédéral ne sanctionne la violation de droits fondamentaux que
si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF;
principe d'allégation, Rügeprinzip, principio dell'allegazione), les exigences
de motivation de l'acte de recours correspondant à celles de l'ancien art. 90
al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). Le recourant qui se
plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se contenter d'opposer sa thèse à
celle de la juridiction cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation
précise, en quoi consiste la violation. Les critiques de nature appellatoire
sont irrecevables (cf. ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3 et
les arrêts cités).

3.
Examinant les griefs soulevés, la Cour civile a avant tout retenu que la
recourante n'avait pas démontré avoir été empêchée d'exercer son droit de
passage. On ne pouvait dès lors admettre qu'elle avait été dépossédée de
l'usage effectif de la servitude dont bénéficiait sa parcelle, tout au plus cet
usage était rendu moins commode par la fermeture du portail. Pour déterminer si
la fermeture du portail tombait sous le coup de l'art. 737 al. 3 CC, la cour
cantonale a avant tout procédé à une interprétation de la servitude. Elle a
alors retenu que l'inscription au registre foncier ne permettait pas de
déterminer précisément le contenu et l'étendue de cette servitude. Elle a
retenu qu'il était établi que le portail existait lors de la constitution de la
servitude et que la volonté de l'ancien propriétaire, administrateur et
directeur de l'usine, était de fermer le portail la nuit et donc de clôturer le
site, sans quoi le portail aurait été inutile. Toutefois, en l'absence de
production du contrat constitutif et faute de pouvoir déterminer précisément
l'étendue exacte de la servitude par référence à son exercice paisible et de
bonne foi, elle a finalement comparé les intérêts respectifs des deux parties
au litige, se fondant sur une jurisprudence publiée aux ATF 113 II 51. Elle en
a conclu que le souci de l'intimée de sécuriser le site l'emportait sur
l'intérêt de la recourante à exercer son droit de passage de la façon la plus
commode possible.

4.
Pour l'essentiel, l'argumentation de la recourante consiste en une suite
d'allégations confuses et dépourvues de toute motivation.

4.1 La recourante retient que l'affirmation selon laquelle elle n'aurait pas
été dépossédée de l'usage effectif de la servitude serait contraire aux faits
retenus. Par sa critique, la recourante semble ainsi reprocher à la cour
cantonale une appréciation arbitraire des faits. Dans la mesure toutefois où
elle se contente d'alléguer toute une série de faits - par exemple le sentiment
désagréable d'être enfermée ou l'impression donnée de ne plus souhaiter
recevoir ses amis sans qu'ils s'annoncent -, la recourante ne s'en prend pas à
la motivation cantonale. De même, lorsqu'elle affirme que la constatation de la
Cour civile serait contraire à l'expérience générale de la vie, la recourante
ne motive aucunement cette allégation. Insuffisamment motivées au regard des
exigences posées ci-dessus (consid. 2 supra), ses critiques sont donc
irrecevables.

La recourante prétend également qu'en considérant que la fermeture du portail
constituait une restriction mineure, la décision de la cour cantonale serait
arbitraire. A l'appui de son grief, la recourante se contente à nouveau d'une
longue série d'allégations, insuffisantes à démontrer l'arbitraire de l'arrêt
attaqué. Ainsi, ce serait lorsque le portail serait fermé, à savoir en dehors
des heures d'exploitation de l'entreprise, que le droit de passage serait le
plus utilisé; sa fille aurait en outre beaucoup de peine à manoeuvrer le
portail, particulièrement lourd; ou enfin, la Cour civile aurait, par sa
décision, souhaité la punir d'avoir refusé les propositions que lui aurait
faites l'intimée pour trouver une issue au litige. Appellatoire (consid. 2
supra), le grief de la recourante doit être déclaré irrecevable sur ce point
également.

4.2 La recourante se plaint enfin de la violation des art. 10 et 13 Cst. Se
fondant sur son droit à disposer d'une vie sociale convenable, elle soutient
que la fermeture du portail entrave la liberté de mouvement de toute sa famille
(10 Cst.). Le portail entraînerait par ailleurs un trouble de la vie privée et
familiale (13 Cst.) dans la mesure où ses belles-soeurs n'auraient pas le libre
accès à sa villa. Simples allégations dépourvues de toute motivation, ses
griefs sont tous irrecevables (consid. 2 supra).

5.
Le recours en matière civile doit être déclaré irrecevable, aux frais de son
auteur (art. 66 al. 1 LTF). Aucun dépens n'est accordé à l'intimée qui n'a pas
été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 23 juin 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Hohl de Poret