Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.98/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_98/2009

Arrêt du 19 mai 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Hervé Crausaz,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Franklin Woodtli.

Objet
procédure civile; appréciation des preuves

recours contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2009 par la Cour de justice du
canton de Genève.

Faits:

A.
Dès le 15 septembre 2005 et jusqu'au 30 septembre 2006, X.________ a travaillé
au service d'une banque de Genève dont Y.________ est le directeur général. Sur
instructions de ce dernier, un huissier de la banque s'est chargé de lui
trouver une automobile. Les recherches de l'huissier ont abouti. Le 4 avril
2006, X.________ a conclu par écrit un contrat avec un garage de Zoug, relatif
à l'achat, par elle, d'un véhicule Mercedes CLK 320 au prix de 69'900 fr., plus
200 fr. de frais d'immatriculation. Pour le compte de l'acheteuse et en faveur
du garage, le montant de 70'100 fr. fut viré d'un compte bancaire de Me Hervé
Crausaz, avocat à Genève; celui-ci était le conseil de l'acheteuse dans un
litige sans lien avec la présente affaire.

B.
Le 23 février 2007, Y.________ a ouvert action contre X.________ devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait au
paiement de 50'000 fr. en capital, les intérêts étant réservés, à titre de
remboursement de prêts. Le demandeur affirmait avoir remis à la défenderesse, à
titre de prêts et en espèces, 35'000 fr. en mai 2006 et 15'000 fr. en juin de
la même année.
La défenderesse a contesté ces allégations et dénié toute obligation; elle a
conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 8 juin 2008 après avoir interrogé les parties et
entendu divers témoins. En dépit des dénégations de la défenderesse, il a
constaté que le demandeur lui avait prêté 35'000 fr. le 4 avril 2006, pour
l'achat du véhicule Mercedes CLK 320. Pour le surplus, le demandeur avait
échoué dans la preuve d'un prêt supplémentaire de 15'000 francs. Le tribunal a
donc condamné la défenderesse à rembourser 35'000 francs.
Statuant le 16 janvier 2009 sur l'appel de la défenderesse, la Cour de justice
a confirmé le jugement.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que
l'action soit entièrement rejetée.
Le demandeur conclut au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est
recevable.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal
de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduit en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF),
le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le
recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits
constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans
pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
La défenderesse invoque l'art. 9 Cst. pour se plaindre d'une appréciation
arbitraire des preuves et d'une application également arbitraire du droit
cantonal de procédure.
Une décision est arbitraire, donc contraire à cette disposition
constitutionnelle, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il
ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut
encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs
pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité
cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même
préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132
I 13 consid. 5.1 p. 17). En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la
constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend
pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre
à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa
portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à
des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).
Selon la jurisprudence relative aux recours formés pour violation de droits
constitutionnels (art. 106 al. 2 ou 116 LTF), celui qui se plaint d'arbitraire
doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque est entachée
d'un vice grave et indiscutable; à défaut, le grief est irrecevable (ATF 133 II
249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).

3.
La défenderesse invoque aussi l'art. 8 CC concernant le fardeau de la preuve
dans les contestations soumises au droit civil fédéral. Selon cette
disposition, chaque plaideur doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver
les faits qu'il allègue pour en déduire son droit. Lorsque le juge ne parvient
pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, il doit statuer au
détriment de la partie qui aurait dû prouver ce même fait (ATF 126 III 189
consid. 2b p. 191/192; voir aussi ATF 132 III 689 consid. 4.5 p. 701/702; 129
III 18 consid. 2.6 p. 24). L'art. 8 CC ne régit pas l'appréciation des preuves
(ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25) et il
n'exclut pas non plus la preuve par indices (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291;
voir aussi ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703).

4.
Selon la version des faits présentée par la défenderesse, le montant de 70'100
fr. provient essentiellement de la vente d'un véhicule qu'elle possédait en
Russie et qu'elle a réalisé dans ce pays en 2003. Elle en a conservé la
contre-valeur - 32'000 dollars - en espèces, déposée dans un coffre. Cette
somme s'est ajoutée à d'autres économies, conservées de la même manière. Elle a
ensuite déposé son capital auprès de Me Crausaz, lequel a effectué le virement
en faveur du garage de Zoug. Elle a produit une quittance signée de Me Crausaz,
au montant de 70'000 fr., reçu « à titre de dépôt », dépourvue de date.
La Cour de justice tient pour invraisemblable qu'une personne
professionnellement qualifiée dans le domaine financier, telle la défenderesse,
ait ainsi longuement thésaurisé la contre-valeur du véhicule censément vendu en
Russie. A l'instar du premier juge, elle constate que le prix d'achat de 70'100
fr. a été couvert à concurrence de 35'000 fr. par un prêt du demandeur, reçu en
espèces le 4 avril 2006, jour de la signature du contrat avec le garage. La
Cour fonde son jugement sur les indices ci-après: le demandeur a présenté cette
version-ci lors de son interrogatoire devant le Tribunal de première instance;
il a prouvé par titre le prélèvement de 40'000 fr. ce même jour, auprès de la
banque dont il est le directeur général; l'huissier de la banque, entendu en
qualité de témoin, a déclaré que le demandeur l'a chargé de trouver un véhicule
pour la défenderesse, que celle-ci lui a signalé ne pas pouvoir investir plus
de 50'000 fr., et que le demandeur lui a ensuite précisé qu'au besoin, il
compléterait le capital manquant par un prêt; l'huissier a remis le contrat
d'achat non seulement à la défenderesse, mais aussi au demandeur alors que
celui-ci n'y était pas partie; enfin, tous les témoins entendus ont déclaré
avoir appris du demandeur, dans des circonstances diverses, que celui-ci avait
prêté des fonds à la défenderesse.
Devant le Tribunal fédéral, celle-ci conteste la preuve du prélèvement de
40'000 fr. opéré par le demandeur le 4 avril 2006. Elle fait valoir que la
pièce produite par son adverse partie, à l'audience du Tribunal de première
instance, ne mentionne pas le nom du titulaire du compte ni celui de l'auteur
du prélèvement. Néanmoins, il s'agit d'un document provenant de la banque que
dirige le demandeur, relatif à une « opération de caisse », faisant était d'un
retrait « en billet » (sic) de 40'000 francs. Il a été produit par le demandeur
et aucun élément ne dénote que la somme aurait été retirée par une autre
personne. L'appréciation de la Cour de justice, concernant la force probante de
ce document, échappe donc au grief d'arbitraire.
Pour le surplus, la défenderesse souligne qu'il n'existe aucune preuve directe
de la conclusion d'un contrat de prêt entre les parties, ni de la remise, par
le demandeur, d'un montant de 35'000 fr. qu'elle aurait reçu en espèces le 4
avril 2006. Sans fournir aucune référence, elle affirme que les témoignages
indirects sont « en principe non recevables en procédure civile ordinaire ».
Elle fait état de diverses circonstances qui ne ressortent aucunement de la
décision attaquée, telles que l'intérêt de la banque employeuse à ce que sa
collaboratrice acquît un véhicule « présentable », ou les « démêlés judiciaires
» qui ont divisé les parties dès la fin de la relation d'emploi. Rien de tout
cela n'est de nature à révéler l'usage d'un moyen de preuve rigoureusement
prohibé, ni une erreur indéniable dans l'appréciation de l'ensemble des
preuves; cette argumentation est donc irrecevable au regard de l'art. 106 al. 2
LTF.

5.
La défenderesse soutient que l'adverse partie n'a pas régulièrement allégué,
devant le Tribunal de première instance, la remise de 35'000 fr. le 4 avril
2006; elle fait valoir que selon le mémoire introductif de l'action, le
demandeur avait remis cette somme « en mai 2006 ». Elle se plaint d'une
application arbitraire de l'art. 126 LPC gen. qui consacre, en droit de
procédure civile genevois, l'obligation d'alléguer les faits au stade de
l'instruction écrite.
Il est vrai que lors de l'administration des preuves, le demandeur s'est écarté
de la version des faits qu'il avait présentée auparavant. Certains auteurs
admettent cependant que si un fait pertinent se révèle au cours de
l'interrogatoire des parties ou de l'audition des témoins, sans avoir été
préalablement allégué dans les mémoires, le juge peut le prendre en
considération à condition que les parties aient eu l'occasion de prendre
position à son sujet (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de
procédure civile du canton de Genève, n° 5 ad art. 126 LPC). En l'occurrence,
la défenderesse a pu déposer un mémoire complet après la clôture des mesures
probatoires, intitulé « conclusions motivées »; elle s'y est exprimée en détail
sur les nouvelles assertions du demandeur. Le grief d'arbitraire est donc, là
aussi, privé de fondement.

6.
La Cour de justice a constaté en fait que le montant de 35'000 fr. était remis
à la défenderesse à titre de prêt. Il n'est donc pas nécessaire d'élucider
l'objet du contrat par une interprétation des manifestations de volonté des
parties. L'art. 18 al. 1 CO, qui régit cette interprétation et auquel la
défenderesse se réfère également, se trouve ainsi hors de cause (cf. ATF 131
III 606 consid. 4.1 p. 611; 129 III 618 consid. 3 p. 620, 129 III 664 consid.
3.1 p. 667).

7.
Le recours se révèle en tous points mal fondé, dans la mesure où les griefs
présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit
acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens
auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

3.
La défenderesse versera une indemnité de 2'500 fr. au demandeur, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 19 mai 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin