Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.77/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_77/2009

Arrêt du 19 mai 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
demandeur et recourant, représenté par
Me Jean-Pierre Moser,

contre

Y.________,
défendeur et intimé, représenté par
Me François Logoz.

Objet
procédure civile; récusation

recours contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2008 par la Cour administrative du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Le 23 juillet 2002, X.________ a souscrit un document dans lequel il confirmait
avoir reçu, de Y.________, le montant de 100'000 dollars étasuniens, et
déclarait s'obliger à diverses prestations qu'il décrivait. Ces prestations
étaient alternatives et conditionnelles; éventuellement, X.________ s'obligeait
à rembourser le montant reçu, avec intérêts au taux de 10% par an dès le mois
de juillet 2000.
En septembre 2003, Y.________ lui a fait notifier un commandement de payer au
montant de 140'310 fr., plus intérêts au taux de 10% par an dès le 1er juin
2000. Le débiteur poursuivi a fait opposition. Sur la base du document établi
en juillet 2002, Y.________ a obtenu la mainlevée provisoire de l'opposition;
cette mesure a été prononcée le 11 mars 2004 par le Président du Tribunal
d'arrondissement de Lausanne.
Devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, X.________ a ouvert action
en libération de dette contre Y.________; il contestait toute obligation. Le
défendeur a conclu au rejet de l'action; reconventionnellement, il a réclamé la
condamnation du demandeur au paiement des sommes déjà exigées par voie de
poursuite. Le juge A.________ fut désigné en qualité de juge instructeur.
Le 20 juin 2008, le demandeur a requis l'autorisation de se réformer pour
introduire, dans le procès, des allégués nouveaux et des offres de preuves
nouvelles. Le défendeur s'est opposé à cette requête et le juge A.________ l'a
rejetée par un jugement incident du 24 novembre 2008.

B.
Le 8 décembre suivant, le demandeur a réclamé la récusation du juge A.________
au motif que, par son rejet de la requête de réforme, ce magistrat éveillait la
suspicion de partialité.
La Cour administrative du Tribunal cantonal a rejeté la demande de récusation
par arrêt du 22 décembre 2008.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour administrative et d'ordonner la
récusation du juge A.________.
Le défendeur conclut au rejet du recours.
La Présidente du Tribunal cantonal présente des observations tendant au rejet
du recours.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt de la Cour administrative est une décision incidente relative à une
demande de récusation, aux termes de l'art. 92 al. 1 LTF; il est susceptible de
recours selon cette disposition.
Pour le surplus, il s'agit d'une décision prise en matière civile (art. 72 al.
1 LTF), quant à l'objet du litige principal, et en dernière instance cantonale
(art. 75 al. 1 LTF). L'auteur du recours est partie à l'instance et il a
succombé dans ses conclusions concernant la récusation (art. 76 al. 1 LTF). La
valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. c
et 74 al. 1 let. b LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans
les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe
recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il
conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la
décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Le recours n'est pas recevable pour
violation du droit cantonal, hormis les droits constitutionnels cantonaux (art.
95 let. c LTF) et certaines dispositions sans pertinence en matière civile
(art. 95 let. d LTF).

2.
Le demandeur fait grief à la Commission administrative d'avoir violé les art.
30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.

2.1 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial, conférée par ces
dispositions constitutionnelles, permet au plaideur d'exiger la récusation d'un
juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute
sur son impartialité; elle tend notamment à éviter que des circonstances
extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au
détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une
prévention effective du juge est établie car le sentiment intime du magistrat
ne peut guère être prouvé; il suffit que les circonstances donnent l'apparence
de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Toutefois, seules
des circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération; les impressions purement individuelles de l'une des parties au
procès ne sont pas décisives (ATF 134 I 238 consid. 2.1 p. 240; 131 I 24
consid. 1.1 p. 25; 125 I 119 consid. 3a p. 122).
En particulier, même lorsqu'elles sont établies, des erreurs de procédure ou
d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un
soupçon de partialité; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées,
qui doivent être considérés comme des violations graves des devoirs du
magistrat, peuvent avoir cette conséquence. Les erreurs éventuellement commises
doivent être constatées et redressées dans le cadre des procédures de recours
prévues par la loi; il n'appartient pas au juge de la récusation d'examiner la
conduite du procès à la façon d'un organe de surveillance (ATF 116 Ia 135
consid. 3a p. 138; 114 Ia 153 consid. 3b/bb p. 158).

2.2 En droit de procédure civile vaudois (art. 153 al. 1 à 3 CPC vaud.), la
réforme est une procédure incidente destinée à permettre au plaideur, s'il le
requiert et que le juge l'y autorise, à compléter ou à corriger ses moyens, à
un stade du procès où, autrement, cela ne serait pas admis. En particulier, la
réforme permet d'obtenir la restitution d'un délai (al. 1). La réforme n'est
accordée que si le requérant y a un « intérêt réel » (al. 2); la loi précise
que la requête de réforme doit être rejetée si elle est présentée dans le
dessein de prolonger la procédure (al. 3).

2.3 Dans son jugement incident du 24 novembre 2008, rejetant la requête de
réforme du demandeur, le juge A.________ a reproduit le texte souscrit par ce
dernier le 23 juillet 2002 et il l'a désigné par les mots « reconnaissance de
dette ». Cette expression se justifie sans équivoque par le contexte de
l'action en libération de dette, le Président du Tribunal d'arrondissement
ayant jugé, précisément, que le document en cause constituait une
reconnaissance de dette aux termes de l'art. 82 al. 1 LP. Contrairement aux
affirmations développées devant le Tribunal fédéral, cette même expression ne
révèle aucun parti pris du juge A.________ sur le point de savoir si - et c'est
l'enjeu du procès - le demandeur est réellement débiteur de la somme indiquée
dans le document.
Dans ce même jugement, le juge A.________ discute en détail les allégués
supplémentaires que le demandeur prétendait introduire. Il constate que, pour
la plupart, les faits ainsi articulés sont déjà allégués par l'une ou l'autre
des parties, ou qu'ils ne seraient concluants que si d'autres faits encore
étaient aussi allégués et prouvés. Le juge met en évidence certaines
incohérences dans les faits et il met en doute la force probante ou la
pertinence de certaines des pièces qui seraient produites. Il effectue
l'appréciation anticipée de ces éléments et il parvient à la conclusion que la
réforme est « privée d'intérêt réel ». Il relève encore divers indices le
conduisant à ajouter que la requête est présentée « à des fins dilatoires ». En
tous points, le jugement est soigneusement motivé. A première vue, la
discussion repose sur des considérations objectives et elle s'inscrit dans
l'examen que l'art. 153 CPC vaud. attribue au juge de la réforme. Dans ces
conditions, le rejet de la requête ne dénote, non plus, ni un parti pris
hostile au demandeur, ni une opinion déjà acquise quant au sort de l'action en
libération de dette.
Aux fins de statuer sur la demande de récusation, la Cour administrative et,
sur recours, le Tribunal fédéral n'ont pas à effectuer un contrôle plus
approfondi du jugement incident; il importe peu, à ce sujet, que ce prononcé ne
soit susceptible d'aucun recours avant le jugement final que rendra la Cour
civile.

3.
Le demandeur mentionne les art. 42 et suivants CPC vaud. qui concernent la
récusation des juges. Le recours au Tribunal fédéral n'est cependant pas
recevable pour violation de ces dispositions cantonales, et, de toute manière,
il ne semble pas qu'elles confèrent au justiciable une protection plus étendue
que celle assurée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.

4.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés
sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter
l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre
partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

3.
Le demandeur versera une indemnité de 2'500 fr. au défendeur, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 19 mai 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
en La présidente: Le greffier:

Klett Thélin