Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.620/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_620/2009

Arrêt du 7 mai 2010
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
toutes deux représentées par Mes Jorge Ibarrola et Claude Ramoni,
recourantes,

contre

International Biathlon Union (IBU), représentée par
Me Stephan Netzle,
intimée.

Objet
arbitrage international; droit d'être entendu; ordre public,

recours en matière civile contre la sentence rendue le 12 novembre 2009 par le
Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Faits:

A.
A.a A.________ et B.________ sont deux biathlètes de niveau international,
membres d'une équipe nationale de biathlon.

L'International Biathlon Union (IBU) est la fédération internationale de
biathlon.

L'Agence Mondiale Antidopage (AMA) est l'institution chargée, notamment,
d'établir et de faire exécuter les règles internationales antidopage dans le
domaine du sport.
A.b Au début décembre 2008, à l'occasion de compétitions organisées par l'IBU,
les deux biathlètes ont été soumises à des contrôles antidopage. Une
spécialiste du laboratoire de Lausanne, accrédité par l'AMA, a procédé à
l'analyse des échantillons d'urine "A" durant le même mois; elle y a mis en
évidence la présence d'EPO recombinante (ci-après: rEPO). Une seconde opinion,
livrée par le directeur du laboratoire de Vienne, accrédité par l'AMA, a
confirmé le résultat de cette analyse. Les échantillons "B" ont été ouverts le
10 février 2009 et analysés par la même spécialiste du laboratoire de Lausanne
qui a confirmé, deux jours plus tard, la présence de rEPO dans ceux-ci. Cette
conclusion a été ratifiée, elle aussi, par le laboratoire de Vienne.

Par décisions séparées rendues le 8 mai 2009, le Doping Hearing Panel (DHP) de
l'IBU a suspendu chacune des deux biathlètes pour une durée de deux ans à
compter de la date des tests.

B.
Le 13 août 2009, les deux biathlètes ont adressé au TAS une déclaration d'appel
commune visant à obtenir l'annulation de la décision du DHP et leur libération
de toute charge en rapport avec les contrôles antidopage effectués les 4 et 5
décembre 2008.

Dans sa réponse du 22 septembre 2009, l'IBU a conclu au rejet de l'appel.

Une audience consacrée à l'audition de témoins a été tenue le 15 octobre 2009 à
Lausanne.
Par sentence du 12 novembre 2009, le TAS a rejeté l'appel des deux biathlètes.

C.
Le 10 décembre 2009, A.________ et B.________ ont interjeté un recours en
matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la sentence
du TAS.

L'IBU et le TAS, qui a produit le dossier de la cause, proposent le rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), il
utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le TAS, celles-ci
ont opté pour l'anglais. Le recours en matière civile interjeté par les deux
biathlètes est rédigé en français, la réponse de l'intimée en allemand.
Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours
et rendra son arrêt en français.

2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues
par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du
recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions
prises par les recourantes ou encore des motifs invoqués dans le mémoire de
recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce.
Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.

3.
Dans un premier moyen, les recourantes se plaignent de la violation de leur
droit d'être entendues.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et
190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui
consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386
consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le
domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les
faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de
proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux
séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c
p. 643).

La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu un devoir minimum
pour l'autorité d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir,
qui a été étendu à l'arbitrage international, est violé lorsque, par
inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération
des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des
parties et importants pour la décision à rendre. Il incombe à la partie
soi-disant lésée d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas
examiné certains éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait
régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces
éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige. Si la sentence
passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la
solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il
appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le
recours. Ils pourront le faire en démontrant que, contrairement aux
affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour
résoudre le cas concret, ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés
implicitement par le tribunal arbitral. Il sied de rappeler, dans ce contexte,
qu'il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait
pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents. Aussi les
arbitres n'ont-ils pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par
les parties, de sorte qu'ils ne sauraient se voir reprocher, au titre de la
violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas
réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence.
(ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
Les recourantes reprochent au TAS d'avoir méconnu ces principes sur trois
points. Il y a lieu d'examiner successivement les trois branches du moyen
soulevé par elles.
3.2
3.2.1 En premier lieu, les recourantes font valoir que le TAS n'a examiné ni la
question de la portée de l'art. 19.7 du règlement antidopage de l'IBU entré en
vigueur le 1er janvier 2009 (IBU Anti-Doping Rules; ci-après: ADR), ni celle du
principe de la non-rétroactivité des normes. A les en croire, s'il avait traité
ces deux questions, le TAS aurait dû appliquer la version 5.0 du Standard
International pour les Laboratoires (ci-après: SIL), mise en vigueur le 1er
janvier 2008 par l'AMA, et non pas la version 6.0 entrée en force le 1er
janvier 2009. Or, dans cette version-là, mais pas dans cette version-ci, le SIL
imposait au laboratoire ayant analysé les échantillons "A" de confier la
manipulation et l'examen des échantillons "B" à un analyste différent (art.
5.2.4.3.2.2; "règle des deux analystes", selon l'expression utilisée dans le
mémoire de recours). Dès lors, à suivre les recourantes, si le TAS avait
conclu, comme il aurait dû le faire, à l'applicabilité du SIL version 2008, il
n'aurait pu qu'admettre leur appel et annuler la peine disciplinaire qui leur
avait été infligée par le DHP, étant donné que celle-ci sanctionnait une
infraction retenue sur la base des résultats d'analyses effectuées en violation
de la règle des deux analystes.
3.2.2 Les critiques formulées dans cette première branche du moyen considéré
sont dénuées de tout fondement.

Loin d'ignorer les arguments développés par les recourantes en rapport avec la
question de droit transitoire qui se posait en l'espèce, du fait que l'analyse
des échantillons "B" n'avait pas été effectuée la même année que celle des
échantillons "A", le TAS leur a consacré une grande partie du ch. 7 de sa
sentence.

A titre liminaire, les arbitres ont constaté que les parties s'accordaient pour
admettre que la date à laquelle les échantillons avaient été recueillis était
décisive pour le choix du droit applicable ratione temporis (sentence, ch.
7.2), de sorte que l'appel devait être examiné à la lumière des dispositions
pertinentes de l'ADR version 2006. Par cette constatation, que les recourantes
ne sont pas recevables à contester devant le Tribunal fédéral, ils ont écarté
implicitement, mais clairement, l'applicabilité de l'ADR version 2009 et,
partant, celle de l'art. 19.7 dudit règlement invoqué devant eux par les
recourantes.

Le TAS a ensuite exposé la raison pour laquelle il estimait que le SIL version
2009 régissait la procédure d'analyse des échantillons "B" (sentence, ch. 7.3 à
7.6). A cet égard, il a indiqué qu'en vertu de l'art. 6.1 de l'ADR version
2006, cette procédure devait obéir aux règles en vigueur au moment où l'analyse
était effectuée et non pas à celles d'une version précédente déjà abrogée.

Il suit de là que les arbitres ne se sont pas soustraits à leur devoir minimum
d'examiner et de traiter les questions de droit transitoire pertinentes. Ce que
les recourantes leur reprochent, en réalité, c'est de ne pas avoir répondu à
ces questions de la manière qu'elles espéraient. Toutefois, il ne s'agit pas là
d'une critique relevant de la violation du droit d'être entendu.
3.3
En deuxième lieu, les recourantes font grief au TAS de n'avoir pas examiné la
question du caractère fondamental de la règle topique du SIL version 2008, ni
celle du principe de la lex mitior ancré à l'art. 19.7 de l'ADR version 2009.

Ce grief n'est pas plus fondé que le précédent. En effet, après avoir indiqué
que les recourantes soulevaient le problème de la lex mitior (sentence, ch.
7.2), les arbitres ont examiné ce problème de manière spécifique (sentence, ch.
8.10). Pour le résoudre, ils ont posé le principe voulant que la lex mitior
s'applique à la sanction et non aux règles techniques qui régissent la
procédure probatoire visant à permettre la découverte d'un cas de dopage. Dans
une argumentation subsidiaire, ils ont toutefois exprimé l'avis que, même si le
champ d'application de la lex mitior devait être étendu au-delà de la sanction,
force leur serait alors de constater qu'il est impossible de dire, en l'espèce,
laquelle des deux versions du SIL entrant en ligne de compte - i.e. les
versions 2008 et 2009 - est la plus favorable aux recourantes. Selon eux, les
analyses des échantillons "A" et "B" ont été effectuées conformément aux règles
de procédure applicables au moment où elles l'ont été. Peu importait dès lors,
à leurs yeux, que ces règles ne fussent pas les mêmes, car il ne saurait être
question de permettre à une personne accusée de dopage de se prévaloir des
règles techniques qui lui sont le plus favorables en invoquant le principe de
la lex mitior. Raisonnant par l'absurde, les arbitres ont encore souligné que
l'argument avancé par les recourantes, appliqué à une affaire pénale, aurait
pour conséquence que la personne accusée d'un crime pourrait échapper à toute
condamnation au seul motif que le test ADN qui lui en attribue formellement la
paternité n'existait pas encore à l'époque où le crime a été commis.

En argumentant ainsi, le TAS n'a nullement violé, sur ce point, son devoir
minimum d'examiner et de trancher la question controversée. Que les recourantes
ne soient pas d'accord avec la manière dont il l'a fait n'y change rien.
3.4
3.4.1 Le TAS se voit reprocher, en troisième lieu, son absence de discussion et
de détermination au sujet d'une erreur commise par le laboratoire de Vienne.

A cet égard, les recourantes exposent, à titre liminaire, que, pour détecter la
présence éventuelle d'EPO exogène dans l'organisme d'un athlète, le laboratoire
attribue à chaque échantillon un numéro. Les échantillons fournis par les
athlètes ainsi que des échantillons de référence sont ensuite inclus dans un
gel, chaque ligne du gel correspondant à un échantillon (voir le tableau
reproduit sous ch. 8.18 de la sentence).

Revenant ensuite au cas concret, les recourantes soutiennent, en se référant
aux ch. 90 ss de leur appeal brief, qu'elles ont démontré, par l'analyse du
rapport produit par le laboratoire de Vienne pour les échantillons "B",
l'existence d'un problème affectant l'attribution des numéros des lignes aux
échantillons. En effet, les numéros des lignes attribués aux échantillons
appartenant aux athlètes par le laboratoire de Vienne ne correspondraient pas
aux numéros attribués par le laboratoire de Lausanne aux mêmes échantillons,
alors que ceux-ci étaient censés se référer à l'image du même gel. L'intimée
elle-même aurait d'ailleurs reconnu qu'il y avait un problème, en tentant
toutefois - à tort - d'en minimiser la portée. Or, selon les recourantes, le
TAS n'a pas du tout examiné leur argument, se contentant de répondre, sous ch.
8.21 ss de sa sentence, aux arguments relatifs à d'autres erreurs touchant
l'identification des échantillons par les laboratoires concernés. Pourtant,
cette question était d'une importance fondamentale, à leur avis, car un
problème d'identification des échantillons analysés est sans conteste de nature
à modifier le résultat de l'analyse. En ne la traitant pas, le TAS aurait, dès
lors, violé le droit d'être entendu des intéressées.
3.4.2 La recevabilité du grief est sujette à caution. Aussi bien, les
recourantes n'exposent que d'une manière générale le problème d'identification
qu'elles ont soulevé devant le TAS, en renvoyant le Tribunal fédéral à la
lecture d'un passage du mémoire d'appel versé au dossier de l'arbitrage pour le
surplus, c'est-à-dire pour l'exposé concret et chiffré de l'erreur imputée au
laboratoire de Vienne. Elles oublient, ce faisant, que la motivation doit être
contenue dans l'acte de recours (cf. arrêt 4A_25/2009 du 16 février 2009
consid. 3.1 et les références).
Quant au fondement du grief considéré, il est sans doute exact que le TAS n'a
pas consacré un passage spécifique de sa sentence au traitement du problème
soulevé par les recourantes. Force est, toutefois, d'admettre, sur le vu des
explications fournies par l'intimée sous ch. 3.7 à 3.10 de sa réponse, d'une
part, que la conclusion tirée par les recourantes en rapport avec ce problème a
été réfutée par les arbitres, à tout le moins de façon implicite, et, d'autre
part, que l'omission dénoncée par elles portait sur un élément qui n'était pas
propre à modifier l'issue de la cause au fond.

Sur le premier point, en effet, il sied d'observer que les recourantes ont
soulevé le problème litigieux, parmi d'autres, sous la rubrique intitulée:
"Mixing-up of the samples in the laboratory documentation packages" (appeal
brief, ch. 83 à 96). Or, dans les considérants de sa sentence relatifs à cette
rubrique (ch. 8.21 à 8.24), le TAS, examinant l'un des problèmes soulevés, a
posé, de façon toute générale, les deux constatations suivantes: "Firstly, the
Panel finds ... there was no mixing up of the samples... Secondly, the Panel
does not find that any other errors contributed to the overall reliabilty of
the results" (ch. 8.24 p. 14; termes mis en évidence par la Cour de céans).
Ainsi, de par leur généralité, ces constatations peuvent être regardées comme
une motivation valant pour l'ensemble des griefs articulés par les recourantes
sous la rubrique topique de leur appeal brief.

Sur le second point, l'intimée démontre de manière convaincante, sous ch. 3.9
de sa réponse, que l'erreur relevée par les recourantes, elle aussi de nature
typographique à l'instar de celle dont il est question dans le passage précité
de la sentence, n'affectait en rien le résultat de l'analyse des échantillons
"B" effectuée par le laboratoire de Vienne ni la validité de la seconde opinion
émise par ce laboratoire sur la base de cette analyse. En particulier, le
rapport d'analyse établi par le laboratoire en question et reproduit sous ch.
8.18 de la sentence confirmait clairement la présence de rEPO dans les
échantillons "B" fournis par les deux biathlètes, telle qu'elle avait déjà été
mise en évidence par le laboratoire de Lausanne.

Cela étant, le moyen pris de la violation du droit d'être entendu se révèle
infondé dans sa troisième branche également, si tant est qu'il soit recevable.

4.
Dans un second moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, les recourantes
reprochent au TAS d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public.

4.1 L'examen matériel d'une sentence arbitrale internationale, par le Tribunal
fédéral, est limité à la question de la compatibilité de la sentence avec
l'ordre public (ATF 121 III 331 consid. 3a).

Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs
essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en
Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III
389 consid. 2.2.3).

4.2 Les recourantes font grief au TAS d'avoir méconnu les principes de la lex
mitior et de la non-rétroactivité des normes qui constituent, à leurs yeux, des
principes juridiques fondamentaux relevant de l'ordre public matériel.

Il n'est pas nécessaire de trancher ici la question de savoir si les deux
principes invoqués par les recourantes ressortissent l'un et l'autre à l'ordre
public, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, ni de rechercher, en cas de
réponse affirmative, s'ils font partie intégrante de l'ordre public matériel ou
de l'ordre public formel. En effet, pour les motifs indiqués ci-après, le
reproche fait au TAS d'avoir méconnu ces deux principes tombe à faux.
4.3
4.3.1 Les recourantes relèvent, tout d'abord, que le TAS a appliqué le SIL
version 2009 à une procédure d'analyse ayant débuté en 2008. A les en croire,
il aurait, ce faisant, attribué à une règle entrée en vigueur en 2009 un effet
non seulement rétroactif, mais aussi défavorable à leurs intérêts, dans la
mesure où l'application de cette règle aboutit à leur condamnation, alors que
l'application, seule correcte, du SIL version 2008, qui prévoyait la règle -
méconnue en l'espèce - des deux analystes, aurait conduit à leur libération.
4.3.2 D'une manière générale, le principe de la non-rétroactivité des normes ne
s'applique pas au droit de procédure (cf. ATF 117 IV 369 consid. 4e p. 375; 113
Ia 412 consid. 6 p. 425 et les références), lequel obéit normalement à la règle
tempus regit actum (cf. l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
Scoppola contre Italie (No 2) du 17 septembre 2009, § 110; Frowein/Peukert,
EMRK-Kommentar, 3e éd. 2009, n° 8 ad art. 7; Stefan Trechsel, Schweizerisches
Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 6e éd. 2004, p. 55; Franz Riklin,
Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 3e éd. 2007, p. 115 n° 11). Il
en va de même, sauf exceptions, en ce qui concerne le principe de la lex
mitior, en vertu duquel, si la loi pénale en vigueur au moment de la commission
de l'infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé
d'un jugement définitif sont différentes, le juge doit appliquer celle dont les
dispositions sont les plus favorables au prévenu. Ce principe s'applique aux
normes définissant les infractions et les peines qui les répriment, mais pas
aux dispositions réglementant la procédure à suivre pour poursuivre et juger
les infractions (cf. l'arrêt Scoppola, précité, ibid. et les précédents cités).

Dans la présente espèce, rien ne s'opposait donc à ce que le TAS - après avoir
exclu l'applicabilité de la règle de droit transitoire énoncée à l'art. 19.7 de
l'ADR version 2009 (cf. consid. 3.2.2, 3e §, ci-dessus) - appliquât les
dispositions pertinentes du SIL version 2009 à la procédure disciplinaire
ouverte à la fin de l'année 2008 contre les recourantes. L'objectif principal
du SIL est d'assurer la production de résultats d'analyse de laboratoire
valides et de données ayant valeur de preuve, ainsi que l'harmonisation des
modalités d'obtention et de rendu des résultats pour l'ensemble des
laboratoires (art. 1.0, 1er §, du SIL version 2009). Il appert ainsi de la
définition de son objectif, que le SIL règle un aspect de la procédure destinée
à sanctionner d'éventuels cas de dopage dans le sport. Relevant du droit de
procédure, ses dispositions ne commandaient, dès lors, ni l'application du
principe de la non-rétroactivité des normes ni celle du principe de la lex
mitior.

4.4 Les recourantes observent, en outre, que le TAS a appliqué plusieurs règles
différentes au même complexe de faits, soit le SIL version 2008 à l'analyse des
échantillons "A" et le SIL version 2009 à l'analyse des échantillons "B". Elles
constatent, enfin, que les arbitres ont fait application de l'ADR version 2006
(en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008) en conjonction avec le SIL version 2009
(en vigueur dès le 1er janvier 2009), combinant ainsi l'ancien droit avec le
nouveau, chacun d'eux étant appliqué pour partie. Elles y voient une violation
du principe de la lex mitior.

Le moyen n'est pas plus fondé que le précédent. Comme celui-ci, il repose sur
une prémisse erronée consistant à donner audit principe un sens extensif qui
n'est pas le sien. Au demeurant, le TAS a retenu, de manière à lier le Tribunal
fédéral, d'une part, que les recourantes et l'intimée étaient tombées d'accord
pour appliquer l'ADR version 2006 in casu et, d'autre part, que l'art. 6.1 de
ce règlement devait être interprété en ce sens que la version du SIL entrant en
ligne de compte était celle qui était en vigueur à la date de l'analyse des
échantillons, autrement dit la version 2008 pour les échantillons "A" et la
version 2009 pour les échantillons "B" (sentence, ch. 7.5).

Le moyen pris de la violation de l'ordre public ne peut, dès lors, qu'être
rejeté.

5.
Comme elles succombent, les recourantes seront condamnées solidairement à payer
les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et à verser des
dépens à l'intimée (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles.

3.
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser à l'intimée une
indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
Arbitral du Sport (TAS).

Lausanne, le 7 mai 2010

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo