Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.582/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_582/2009

Arrêt du 13 avril 2010
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par
Me Christophe Sivilotti,
recourante,

contre

Y.________ BV, représentée par
Me Jean-Yves Hauser,
intimée.

Objet
arbitrage international; mesures provisionnelles,

recours en matière civile contre la "sentence préliminaire" rendue le 7 octobre
2009 par l'arbitre unique du Centre d'arbitrage et de médiation de
l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

Faits:

A.
A.a Y.________ BV (ci-après: Y.________), société de droit néerlandais, est
titulaire des droits d'exploitation exclusifs de la marque A.________
(ci-après: la marque) pour des vêtements. En novembre 2005, dans des
circonstances qu'il n'est pas nécessaire de relater ici, X.________ SA
(ci-après: X.________), société de droit suisse, a repris d'un tiers
l'exploitation de magasins à l'enseigne A.________, ainsi que la fabrication et
la distribution des vêtements portant la marque. Elle a sollicité de Y.________
la conclusion d'un nouveau contrat de licence d'exploitation de la marque à
compter du 1er janvier 2006. Les deux sociétés ont alors entamé des discussions
qui se sont avérées difficiles.

Finalement, un contrat de licence a été conclu le 31 janvier 2008. Y.________ y
concédait à X.________ une licence exclusive d'exploitation de la marque dans
différents pays européens, via un réseau de boutiques et à l'exclusion des
grandes surfaces, contre paiement d'une redevance annuelle égale à 5% du
chiffre d'affaires, mais de 600'000 euros au minimum. Tacitement reconductible,
le contrat était conclu pour une année. Il prévoyait divers cas de résiliation
immédiate à son art. 14, notamment la violation grave des engagements
réciproques, et prescrivait, à son art. 16, la procédure à suivre une fois le
contrat résilié. Entre autres obligations, le preneur de licence se voyait
contraint de vendre, dans les délais les plus brefs possibles, le stock
d'articles en sa possession. Le contrat de licence comportait une clause
compromissoire en vertu de laquelle tout litige entre les parties devait être
soumis à l'arbitrage, conformément au Règlement d'arbitrage accéléré de
l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Le siège de
l'arbitrage était fixé à Genève, le français désigné comme langue de la
procédure arbitrale et le litige soumis au droit néerlandais.
A.b Dès la fin juillet 2008, des problèmes d'exécution du contrat de licence
ont divisé les parties, qui ont tenté de les régler.

Par lettre recommandée du 26 janvier 2009, Y.________ a notifié à X.________ la
résiliation du contrat pour violation grave des obligations en découlant. Dans
sa réponse du surlendemain, la société suisse a fait part de sa grande surprise
de recevoir un tel courrier et a contesté toute violation du contrat. Par
lettre du 26 février 2009, elle a cependant décidé d'accepter la résiliation du
contrat avec effet immédiat, soit dès le 31 janvier 2009, tout en formulant des
réserves expresses quant à l'indemnisation du préjudice que la situation
engendrait pour elle.

La mise en oeuvre de la procédure prévue à l'art. 16 du contrat pour la
liquidation des rapports entre les parties a donné lieu à des difficultés.
Y.________ reprochait à X.________ de chercher à écouler son stock en dehors du
réseau de distribution sélectif, tandis que celle-ci faisait grief à celle-là
de l'empêcher de vendre son stock.

Y.________ a fait part à X.________ de sa volonté de reprendre la totalité des
stocks d'articles A.________ restant en sa possession. Par lettre du 31 juillet
2009, elle a formulé une offre amiable chiffrée se montant à 1'080'005,45 euros
en ajoutant qu'elle se remettait d'avance au dire d'un expert si cette offre
n'était pas acceptée. X.________ lui a répondu, le 1er septembre 2009, qu'elle
ne pouvait pas y donner suite car elle avait la possibilité de négocier le
stock à un prix se situant entre 3'163'474,93 euros et 4'519'249,90 euros.

Le 1er août 2009, toutes les boutiques A.________ exploitées par X.________ ou
ses concessionnaires ont été rebaptisées "B.________". Elles ont continué à
écouler les articles A.________ restant en stock.

B.
B.a En date du 3 août 2009, X.________ a adressé une requête en
dommages-intérêts pour inexécution et rupture abusive du contrat de licence
ainsi qu'une demande de mesures provisoires au Centre d'arbitrage et de
médiation de l'OMPI (ci-après: le Centre). Sur le fond, elle a conclu, en
substance, à la constatation de la nullité de la résiliation du contrat de
licence, à la condamnation de Y.________ au paiement de dommages-intérêts
arrêtés à 4'679'588,30 euros et d'une indemnité pour tort moral, de même qu'à
la compensation avec les créances de son adverse partie. Quant aux conclusions
relatives aux mesures provisoires, elles tendaient, d'une part, à ce
qu'interdiction fût faite à Y.________ d'entraver, par quelque moyen que ce
fût, les démarches entreprises par X.________ pour vendre le stock en sa
possession (i) et, d'autre part, à ce que la requérante fût autorisée à écouler
son stock, dans son état au 28 juillet 2009, par tous canaux et moyens de vente
au-delà du 31 juillet 2009 (ii).
Par lettre du 19 août 2009, le Centre a notifié aux parties la désignation de
Me T.________, avocat, comme arbitre unique.

Le 20 août 2009, Y.________ a adressé au Centre une réponse à la requête de
X.________ ainsi qu'une demande reconventionnelle en dommages-intérêts non
chiffrée, pour inexécution du contrat de licence, accompagnée d'une demande de
mesures provisoires. Par les mesures provisoires requises, telles que précisées
dans un courrier du 11 septembre 2009, l'arbitre unique était invité à faire
interdiction à X.________ de poursuivre ses manoeuvres de confusion du public
acheteur constituant la chalandise récurrente des boutiques historiquement
A.________ et rebaptisées B.________ le 1er août 2009 et d'utiliser des canaux
de vente sur internet avec des remises importantes (de 50% à 70%) (a).
Y.________ priait encore l'arbitre unique d'obliger X.________ à lui
transmettre les documents indispensables à la saine continuité des collections
A.________, ainsi que les pièces des collections, tel que prévu aux art. 2.2,
2.3 et 2.4 du contrat (b); à lui payer ou à consigner les sommes correspondant
aux minima garantis au titre des redevances 2008 et 2009 (c); à lui restituer
les adresses internet (d); à lui céder ou à consigner le stock de produits
A.________ jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale (e); enfin, à cesser
toute utilisation de la marque et du matériel marqué A.________ et toute
référence à cette marque (f).

Par écriture du 14 septembre 2009, X.________ a communiqué sa réponse au fond à
la demande reconventionnelle.

A la même date, l'arbitre unique a notifié aux parties une ordonnance de
procédure n° 1 dans laquelle il leur confirmait la tenue, le 18 septembre 2009,
à Genève, d'une audience consacrée aux demandes de mesures provisoires
contenues dans leurs écritures et à l'établissement d'un calendrier de
procédure pour les demandes au fond.

Postérieurement à cette audience, qui a fait l'objet d'un procès-verbal
communiqué aux parties, l'arbitre unique a informé celles-ci, par lettre du 2
octobre 2009, de la clôture des débats concernant les demandes de mesures
provisoires.
B.b Le 7 octobre 2009, l'arbitre unique a rendu une "sentence préliminaire"
dont le dispositif est le suivant:

"Le Tribunal arbitral

- ordonne à X.________ de céder à Y.________ le stock de produits A.________ en
sa possession;
- ordonne que le démarrage des opérations de cession devra intervenir dans les
huit jours de la notification de la présente sentence, sous la précision que
les opérations de cession devront être clôturées dans les sept jours de leur
démarrage, sauf accord des parties en sens contraire;
- ordonne à X.________ d'établir un nouvel inventaire du stock à la date de
cession effective, de manière contradictoire avec Y.________ ou avec toute(s)
personne(s) mandatée(s) par elle;
- ordonne à Y.________ de payer à X.________ la somme provisoire de
1'080'005,45 euros (...) par remise à X.________ d'un chèque bancaire certifié,
étant précisé que si la cession du stock ne peut intervenir de manière
instantanée (en raison de sa localisation dans plusieurs endroits distincts),
la remise du chèque à X.________ devra intervenir lors de la cession de la
dernière partie du stock;
- précise que cette cession du stock se fera EXW (Ex Works) magasins ou
entrepôts de X.________;
- ordonne à X.________ de transférer à Y.________ les enregistrements de noms
de domaine www.aaaa.com et www.aaaa.info dans les quinze jours de la
notification de la présente sentence;
- rejette toutes les autres demandes de mesures provisoires formulées par les
parties;
- sursoit à statuer sur les frais d'arbitrage liés à la présente sentence
arbitrale préliminaire jusqu'au jugement au fond de l'affaire."

L'arbitre unique examine, en premier lieu, les demandes de mesures provisoires
formulées par les deux parties relativement au stock de produits A.________
resté en possession de X.________ (cf. let. B.a, 1er et 3e §, ci-dessus). A
titre préliminaire, il observe que sa compétence pour ordonner les mesures
requises résulte de l'art. 183 LDIP dont il cite le texte in extenso. L'arbitre
unique rappelle ensuite qu'il statue dans le cadre de demandes de mesures
provisoires, si bien qu'il ne lui appartient pas de se prononcer à ce stade sur
les causes de la résiliation litigieuse du contrat de licence, ni sur
l'imputation de la responsabilité de cette résiliation à l'une ou l'autre
partie et encore moins sur le dommage qui en serait résulté. Ce rappel étant
fait, l'arbitre unique commence par expliquer pourquoi il se justifie à ses
yeux de décider, sous le bénéfice de l'urgence, du sort du stock. Il précise en
outre que, dans le cadre de son appréciation provisoire, sans préjudice à la
décision qu'il prendra sur le fond, il se laissera guider par le principe de la
"balance des préjudices" ou "balance des intérêts". Suit l'exposé des motifs
conduisant l'arbitre unique à estimer que cette balance penche en faveur de
Y.________. En substance, pour l'arbitre unique, il n'est pas établi, prima
facie, que les règles contractuelles touchant les modalités de distribution des
produits A.________ aient cessé de s'appliquer en raison de la résiliation du
contrat. Or, les canaux de vente envisagés par X.________ pour la liquidation
du stock ne sont pas conformes à ces règles et peuvent être de nature à porter
atteinte à la réputation de la marque. Aussi la reprise du stock par Y.________
paraît-elle de nature à limiter les préjudices potentiels des deux parties:
elle permet à X.________ de liquider son stock et donne à Y.________
l'assurance que ce stock sera écoulé dans des conditions conformes aux
modalités de commercialisation qu'elle veut voir respectées. Sans doute
l'arbitre unique reconnaît-il la divergence profonde existant entre les parties
quant à la valeur de reprise de ce stock. Toutefois, selon lui, l'examen de ce
désaccord ressortit au fond et n'empêche pas que la cession du stock puisse
intervenir immédiatement moyennant paiement de la somme proposée par
Y.________, soit 1'080'005,45 euros, étant précisé que le prix définitif du
stock ainsi cédé sera établi à l'issue de la procédure au fond. L'arbitre
unique ordonne, dès lors, la cession du stock contre paiement de la somme
provisoire précitée et il en fixe les modalités en prévoyant notamment
l'établissement d'un nouvel inventaire.

En ce qui concerne les autres chefs de la demande de mesures provisoires
formulée par Y.________ (cf. let. B.a, 3e §, ci-dessus), l'arbitre unique
constate, tout d'abord, que, compte tenu de la décision prise par lui
d'ordonner la cession du stock de produits A.________ par X.________ à la
société néerlandaise, la conclusion (a) de cette demande perd tout objet utile.
Il rejette ensuite la conclusion (b) de ladite demande, Y.________ n'ayant pas
rendu vraisemblable que l'absence de transmission des renseignements requis par
elle l'exposait à un préjudice imminent ou irréparable. Quant à la demande,
formant l'objet de la conclusion (c), de payer ou de consigner les sommes
minimales dues au titre des redevances 2008 et 2009, l'arbitre unique la
rejette à ce stade de la procédure, parce qu'elle relève du fond du litige et
que son auteur n'établit pas prima facie que les griefs soulevés par X.________
à l'appui de sa contestation sont de toute évidence dénués de fondement.
L'arbitre unique admet, en revanche, la conclusion (d) au motif que Y.________
a un intérêt évident à maîtriser les enregistrements de noms de domaine
comportant la marque. Enfin, il rejette la conclusion (f) parce qu'il
n'apparaît pas qu'il y ait encore un risque sérieux d'utilisation de la marque
par X.________.

C.
Le 20 novembre 2009, X.________ a formé un recours en matière civile.
Reprochant à l'arbitre unique d'avoir statué extra petita (art. 190 al. 2 let.
c LDIP), d'avoir violé son droit d'être entendue en procédure contradictoire
(art. 190 al. 2 let. d LDIP) et d'avoir rendu une sentence incompatible avec
l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP), la recourante demande au Tribunal
fédéral d'annuler les six premiers chefs du dispositif de la sentence attaquée
et, subsidiairement, de constater la nullité de cette sentence.

La requête d'effet suspensif présentée par la recourante a été admise à titre
superprovisoire par ordonnance présidentielle du 24 novembre 2009.

Par lettre du 1er décembre 2009, l'arbitre unique a informé le Tribunal fédéral
qu'il renonçait à se déterminer sur le recours.

Dans sa réponse du 11 janvier 2010, Y.________ conclut principalement à
l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.

Les parties ont répliqué et dupliqué, avec pièces à l'appui, par écritures des
15 et 21 janvier 2010.

Considérant en droit:

1.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues
par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, l'intimée) n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables
(art. 176 al. 1 LDIP).

La recourante est directement touchée par la décision attaquée, qui lui ordonne
de se dessaisir de tout le stock alors que, selon elle, aucune garantie ne lui
a été fournie qu'il lui sera payé. Elle a ainsi un intérêt personnel et
juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été rendue en violation
des droits découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité
pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Déposé dans la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF), le recours est donc
recevable sous ces différents angles.

2.
La recevabilité du recours est, toutefois, contestée par l'intimée pour trois
motifs distincts qu'il y a lieu d'examiner successivement.

2.1 L'intimée soulève notamment la question du respect du délai de recours.
2.1.1 Sur ce point, la recourante expose que le Centre lui a expédié la
décision attaquée par courrier recommandé du 16 octobre 2009, qu'elle a retiré
le 23 du même mois. Déposé le 20 novembre 2009, son recours l'aurait donc été
en temps utile. L'affirmation de la recourante correspond à la réalité et la
conclusion juridique qu'en tire l'intéressée est conforme aux règles de droit
applicables (art. 191 LDIP; art. 77 et 100 al. 1 LTF).

Cependant, au dire de l'intimée, la recourante aurait été en possession de la
décision rédigée et signée la première semaine du mois d'octobre 2009 déjà,
comme le prévoyait du reste l'arbitre unique dans un courrier adressé le 2
octobre 2009 aux parties. Preuve en serait le fait, attesté par les pièces nos
4 et 5 annexées à la réponse, que le Centre avait communiqué la sentence
préliminaire à ses destinataires par courrier électronique du 7 octobre 2009 et
que la recourante s'était prévalue de cette sentence lors d'une audience de
mainlevée provisoire du 9 octobre 2009.

La recourante conteste le caractère probant des pièces produites au soutien de
cette argumentation de même que la pertinence de celle-ci.
2.1.2 En vertu de l'art. 100 al. 1 LTF, le recours contre une décision doit
être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la
notification de l'expédition complète. Sous réserve de pouvoir constater la
date de la réception, l'art. 112 al. 1 LTF n'impose aucun mode de communication
(BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 12 ad art. 112). La LDIP ne
règle pas non plus le mode de communication de la sentence arbitrale. La
question dépend, par conséquent, au premier chef de la convention des parties
ou du règlement choisi par elles (arrêt 4P. 273/1999 du 20 juin 2000 consid.
5a).

Selon l'art. 55 du Règlement d'arbitrage accéléré de l'OMPI (ci-après: le
Règlement), applicable en l'espèce, la sentence est rendue par écrit et précise
la date de son prononcé ainsi que le lieu de l'arbitrage (let. b); elle doit
être signée par l'arbitre (let. d). La disposition citée prévoit, sous sa let.
f, seconde phrase, que "le Centre communique formellement un original de la
sentence à chaque partie et à l'arbitre". Conformément à l'art. 57 let. b du
Règlement, la sentence prend effet et devient obligatoire pour les parties à
compter de la date à laquelle elle est communiquée de cette manière.

Dans la présente cause, la sentence préliminaire a été communiquée formellement
au conseil de la recourante par courrier du 16 octobre 2009, à en-tête de
l'OMPI, qui faisait référence à l'art. 55 let. f du Règlement. Le destinataire
de ce courrier a retiré le pli recommandé contenant cet écrit dans un bureau de
poste lausannois en date du 23 octobre 2009. Le délai de recours a donc
commencé à courir le lendemain (art. 44 al. 1 LTF) et il n'était pas échu lors
du dépôt du mémoire de recours, intervenu le 20 novembre 2009.

Peu importe, à cet égard, qu'une copie de la sentence préliminaire ait été
communiquée le 7 octobre 2009 déjà au mandataire de la recourante par le
Centre, à titre de pièce jointe à son courrier électronique, ou encore que la
recourante se soit prévalue de cette sentence lors d'une audience de mainlevée
tenue le 9 octobre 2009, ainsi que le soutient l'intimée en produisant deux
pièces au demeurant admissibles puisqu'elles concernent la recevabilité du
recours (cf. arrêt 4A_464/2009 du 15 février 2010 consid. 3.3.2). En effet,
semblable communication ne revêtait pas le caractère officiel requis par le
Règlement, dès lors que la pièce communiquée n'était pas l'original de la
sentence. Partant, elle était impropre à faire courir le délai de l'art. 100
al. 1 LTF.

Cela étant, la première objection touchant la recevabilité du recours ne peut
qu'être écartée.
2.2
2.2.1 Selon l'intimée, le présent recours a été déposé à un moment où il
n'avait déjà plus d'objet. En effet, conformément aux ordres donnés par
l'arbitre unique, les opérations de cession devaient être exécutées dans les 15
jours dès la notification de la sentence préliminaire, soit au plus tard
jusqu'au 7 novembre 2009. Tel n'ayant pas été le cas, les mesures ordonnées
sont ainsi devenues caduques avant le dépôt du recours.

Au demeurant, la sentence attaquée n'impose aucune obligation aux parties, une
fois échu le délai fixé pour la cession du stock. La recourante n'a donc pas
d'intérêt juridique à la faire annuler, d'après l'intimée.

Cette dernière soutient enfin, avec pièces à l'appui, que la recourante a
continué à liquider le stock dans de fortes proportions postérieurement au
prononcé de la sentence. Comme, selon elle, l'obligation de cession portait
incontestablement sur l'état du stock à ce moment-là, le stock actuel serait un
aliud non visé par la mesure provisoire ordonnée.
2.2.2 Quoi qu'en dise l'intimée, à supposer que les faits avancés par elle
soient avérés, on ne saurait dénier à la recourante tout intérêt juridique à
l'annulation de la sentence attaquée, quand bien même elle ne se serait pas
pliée en temps utile à l'injonction que lui faisait cette sentence ou qu'elle
l'aurait violée en cherchant à écouler autrement son stock. En effet, même dans
cette hypothèse, la recourante conserverait un intérêt à une telle annulation.
Aussi bien, il peut être important pour elle de faire constater que l'ordre qui
lui a été donné n'était pas conforme au droit, de manière à ce qu'elle ne
puisse pas se voir reprocher, dans la procédure au fond subséquente, de ne
point s'y être soumise et que la défense de ses prétentions de droit matériel
ne s'en trouve pas compromise. Une éventuelle annulation de la sentence
préliminaire ne serait pas non plus sans incidence sur le sort des frais et
dépens afférents à cette sentence, lequel sera réglé dans la sentence au fond à
venir.

Dès lors, cette objection sera, elle aussi, écartée.

2.3 La dernière objection a trait à la nature de la décision attaquée. Pour
l'intimée, étant donné qu'elle revêt tous les éléments caractéristiques d'une
ordonnance de mesures provisoires, cette décision n'est pas susceptible de
recours.
2.3.1 Le recours en matière civile, au sens de l'art. 77 LTF en liaison avec
les art. 190 à 192 LDIP, n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence. L'acte
attaquable peut être une sentence finale, qui met un terme à l'instance
arbitrale pour un motif de fond ou de procédure, une sentence partielle, qui
porte sur une partie quantitativement limitée d'une prétention litigieuse ou
sur l'une des diverses prétentions en cause, voire une sentence préjudicielle
ou incidente, qui règle une ou plusieurs questions préalables de fond ou de
procédure (sur ces notions, cf. l'ATF 130 III 755 consid. 1.2.1 p. 757). En
revanche, une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée
en cours d'instance n'est pas susceptible de recours (arrêt 4A_600/2008 du 20
février 2009 consid. 2.3).

Le cas des décisions sur mesures provisionnelles, visées par l'art. 183 LDIP,
n'a pas encore été examiné par le Tribunal fédéral à ce jour. Il est cependant
unanimement admis dans la doctrine - à juste titre -que le recours en matière
civile n'est pas recevable contre de telles décisions, car elles ne constituent
ni des sentences finales, ni des sentences partielles, ni des sentences
préjudicielles ou incidentes (BERGER/KELLERHALS, Internationale und interne
Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, 2006, nos 1157 et 1539; KAUFMANN-KOHLER/
RIGOZZI, Arbitrage international, 2006, n° 721; BERNARD DUTOIT, Droit
international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987,
4e éd. 2005, n° 2 i.f. ad art. 183; POUDRET/BESSON, Comparative Law of
International Arbitration, 2e éd. 2007, n° 622 p. 533; RÜEDE/HADENFELDT,
Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 253 let. ff; LALIVE/POUDRET/
REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n°
13 ad art. 183 LDIP; SÉBASTIEN BESSON, Arbitrage international et mesures
provisoires, 1998, n° 495 p. 297; CESARE JERMINI, Die Anfechtung der
Schiedssprüche im internationalen Privatrecht, 1997, n° 65 avec d'autres
références en note de pied 243; ELLIOTT GEISINGER, Les relations entre
l'arbitrage commercial international et la justice étatique en matière de
mesures provisionnelles, SJ 2005 II p. 375 ss, 382 note de pied 21). Demeure
réservée l'hypothèse dans laquelle l'arbitre, sous couleur d'ordonner des
mesures provisionnelles, aurait en fait rendu une sentence proprement dite
(LALIVE/POUDRET/REYMOND, ibid.; POUDRET/BESSON, ibid.; GEISINGER, ibid.).
2.3.2 L'art. 183 LDIP permet au tribunal arbitral d'ordonner, sauf convention
contraire, des mesures provisionnelles ou des mesures conservatoires (al. 1) et
de les subordonner, le cas échéant, à la fourniture de sûretés (al. 3). Si la
partie concernée ne s'y soumet pas volontairement, le tribunal arbitral peut
requérir le concours du juge compétent (al. 3).

Les mesures provisionnelles ou provisoires (vorsorgliche Massnahmen ou
einstweilige Verfügungen) sont les mesures qu'une partie peut requérir pour la
protection provisoire de son droit pendant la durée du procès au fond et, dans
certains cas, avant même l'ouverture de celui-ci (FABIENNE HOHL, Procédure
civile, tome II, 2002, n° 2776). Encore qu'il existe un grand nombre de
distinctions et de classifications, en raison de la nature même de cette
institution juridique (BESSON, op. cit., n° 38 p. 39), la doctrine classe
généralement les mesures provisionnelles en trois catégories, en fonction de
leur but: les mesures conservatoires (Sicherungsmassnahmen), qui visent à
maintenir l'objet du litige dans l'état où il se trouve pendant toute la durée
du procès; les mesures de réglementation (Regelungsmassnahmen), qui règlent un
rapport de droit durable entre les parties pour la durée du procès; les mesures
d'exécution anticipée provisoires (Leistungsmassnahmen) - elles peuvent avoir
pour objet soit des prestations en argent, soit d'autres obligations de faire
ou des obligations de s'abstenir -, qui tendent à obtenir à titre provisoire,
en tout ou en partie, l'exécution de la prétention au fond litigieuse (cf.,
parmi d'autres, Hohl, op. cit., n° 2777).

La dernière de ces trois catégories de mesures provisoires trouve son fondement
dans la constatation qu'une modification du droit est souvent nécessaire pour
le maintien d'une situation de fait (Besson, op. cit., n° 8 i.f. et l'auteur
cité). Une mesure d'exécution anticipée peut, en effet, se révéler
indispensable lorsque, en raison de l'inexécution prolongée d'une prestation,
le requérant est menacé d'un dommage (Hohl, op. cit., n° 2866). Les mesures
d'exécution anticipée provisoires ne sont du reste pas étrangères au droit
suisse (pour des ex. tirés de la législation fédérale, cf. Hohl, op. cit., n°
2862). Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé admissible d'ordonner, à titre
conservatoire, l'exécution d'un contrat de distribution dans le cadre de
mesures provisoires (ATF 125 III 452 consid. 3c). De même, le Code de procédure
civile du 19 décembre 2008, qui entrera prochainement en vigueur, prévoit-il, à
son art. 262 let. d et e, qu'une mesure provisionnelle peut avoir pour objet la
fourniture d'une prestation en nature et, lorsque la loi le prévoit, le
versement d'une prestation en argent. De telles mesures ont également cours
dans le domaine de la propriété intellectuelle (cf. par ex.: Ralph Schlosser,
Les conditions d'octroi des mesures provisionnelles en matière de propriété
intellectuelle et de concurrence déloyale, sic! 2005 p. 339 ss, 352 s.) et
l'arbitrage international ne les ignore pas (Berger/Kellerhals, op. cit., n°
1149; Stephen V. Berti, in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 2e
éd. 2007, n° 7 ad art. 183 LDIP; Geisinger, op. cit., p. 378 i.f.; Jermini, op.
cit., n° 65 et note de pied 244).
2.3.3 Pour juger de la recevabilité du recours, ce qui est déterminant n'est
pas la dénomination du prononcé entrepris, mais le contenu de celui-ci (arrêt
4A_600/2008 du 20 février 2009, consid. 2.3). La qualité de sentence ne dépend
donc pas de la terminologie utilisée par l'arbitre, si bien qu'il ne suffit pas
de baptiser de sentence une ordonnance de mesures provisoires pour en faire un
objet de recours au sens de l'art. 190 LDIP (cf. Besson, op. cit., n° 483;
François Knoepfler, Les mesures provisoires peuvent-elles être rendues sous
forme de sentence arbitrale?, in Mélanges en l'honneur de Henri-Robert
Schüpbach, 2000, p. 287; Jean-François Poudret, Les mesures provisionnelles et
l'arbitrage. Aperçu comparatif des pouvoirs respectifs de l'arbitre et du juge,
in Mélanges en l'honneur de François Knoepfler, 2005, p. 235 ss, 248). La
solution consistant à qualifier de sentence une décision sur mesures
provisoires est, au demeurant, dangereuse, car elle crée une situation pleine
d'insécurité (pour plus de détails, cf. Knoepfler, op. cit., p. 286). Il en va
notamment ainsi de la qualification de sentence partielle qui est propre à
donner l'impression, erronée, que le tribunal arbitral a tranché définitivement
une partie du litige (Georg von Segesser, Vorsorgliche Massnahmen im
Internationalen Schiedsprozess, Bulletin ASA 2007 p. 473 ss, 474).
2.3.4
2.3.4.1 La recourante fait grand cas de la lettre que l'arbitre unique a
adressée aux parties, le 2 octobre 2009, pour les informer de la clôture des
débats concernant les demandes de mesures provisoires. Elle cite, en
particulier, le passage suivant de cette missive: "La sentence arbitrale
partielle concernant celles-ci vous sera notifiée dans les tout prochains
jours" (terme mis en évidence par la Cour de céans). Cependant, pareille
qualification n'est nullement déterminante pour décider de la nature de la
décision entreprise, comme on l'a indiqué plus haut, pas plus que ne l'est
celle de "sentence préliminaire" figurant sur la première page de la décision
motivée que le Centre a notifiée aux parties.
2.3.4.2 Pour conclure à l'existence d'une sentence partielle, la recourante
fait valoir, en outre, que les ordres donnés aux parties par l'arbitre dans la
décision litigieuse n'ont pas un caractère conservatoire ou provisoire,
puisqu'ils l'obligent à transférer à l'intimée, de manière définitive et
irréversible, le stock de vêtements en sa possession, c'est-à-dire à opérer un
transfert de propriété de ces choses mobilières. Critiquant, de surcroît, les
modalités de cette cession forcée, l'intéressée en déduit que la décision en
cause ne tend ni à la conservation ni à la préservation de la situation jusqu'à
droit connu sur l'issue de la procédure arbitrale, mais vide définitivement une
partie du litige au fond, si bien qu'elle doit être qualifiée de sentence
partielle. Plaiderait enfin pour cette thèse, toujours selon la recourante, le
fait qu'il serait impensable qu'elle attende la fin du procès arbitral pour
recourir contre l'ordre de cession du stock.

Cette argumentation n'est pas pertinente. Elle restreint, en effet, l'objet des
mesures provisionnelles à l'une des trois catégories susmentionnées, ignorant
l'existence des deux autres. Or, c'est bien dans la catégorie des mesures
d'exécution anticipée provisoires ou dans celle des mesures de réglementation,
voire dans les deux, qu'il convient de ranger l'ordre donné à la recourante de
céder le stock de vêtements à l'intimée.

Pour le surplus, le texte même de la décision querellée fait ressortir
clairement la volonté de l'arbitre unique de ne trancher définitivement aucune
des prétentions des parties. Sous ch. 17 et 18, l'arbitre unique rappelle les
limites de sa mission, à savoir le traitement des demandes de mesures
provisoires. Plus loin, dans la partie décisionnelle de son prononcé, il
commence par citer in extenso l'art. 183 LDIP (ch. 70), puis énumère les
questions de fond qu'il ne lui appartient pas de trancher à ce stade de la
procédure, n'étant saisi que "dans le cadre de demandes de mesures provisoires
sollicitées par les deux parties" (ch. 71). S'agissant plus particulièrement du
stock, l'arbitre unique indique, sur le vu des motifs avancés par les deux
parties, qu'il se justifie de décider de son sort "sous le bénéfice de
l'urgence" (ch. 72). Cependant, il prend soin de souligner qu'il le fera "dans
le cadre de son appréciation provisoire, sans préjudice de la décision qu'il
prendra au fond" (ch. 73). De même, après avoir conclu que la cession du stock
lui paraissait de nature à limiter les préjudices potentiels des deux parties
(ch. 80), l'arbitre unique observe que le désaccord de celles-ci quant à la
valeur du stock n'y met pas obstacle, car il relève "du fond du dossier",
ajoutant que le paiement ordonné par lui du prix offert par l'intimée n'aura
qu'un "caractère provisoire et que le prix définitif du stock ainsi cédé sera
établi à l'issue de la procédure au fond" (ch. 82). Enfin, les deux derniers
chiffres du dispositif de la décision attaquée viennent confirmer le caractère
provisoire de celle-ci.

Au demeurant, la recourante ne démontre pas, quoi qu'elle en dise, que la
question de la propriété du stock, sinon celle de la valeur de celui-ci, ait
formé l'un des objets du litige au fond. Rien de tel ne peut, en tout cas, être
déduit des conclusions ad hoc prises par elle dans ses écritures des 3 août et
14 septembre 2009 (cf. let. B.a ci-dessus).
2.3.5 Dirigé, non pas contre une sentence, mais contre une décision de mesures
provisionnelles au sens de l'art. 183 LDIP, le présent recours est, dès lors,
irrecevable. Aussi n'est-il pas possible d'entrer en matière sur ses
conclusions, qu'elles tendent à l'annulation de ladite décision ou à la
constatation de sa nullité.

Point n'est besoin, dans ces conditions, de statuer sur la requête d'effet
suspensif présentée par la recourante et admise à titre superprovisoire.

3.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 22'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique du Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI.

Lausanne, le 13 avril 2010

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo