Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.554/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_554/2009

Arrêt du 1er avril 2010
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Piaget.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Paul Marville,
recourant,

contre

1. Y.________,
2. Z.________,
tous les 2 représentés par Me Laurent Kohli,
intimés.

Objet
contrat de vente,

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 27 juillet 2009.

Faits:

A.
Y.________ et Z.________, qui exploitaient ensemble à V.________ (Fribourg) un
magasin de meubles à l'enseigne "...", ont annoncé dans la presse, au mois de
janvier 2001, qu'ils souhaitaient remettre leur commerce. Intéressé par cette
offre, X.________ s'est rendu plusieurs fois sur place, en avril, juin et
juillet 2001, et a eu des entretiens avec les proposants vendeurs. Il a reçu
notamment un inventaire provisoire et un budget annuel prévisionnel. Il a
demandé différents renseignements.

Le 21 juillet 2001, les parties ont signé un contrat de vente portant sur le
magasin de meubles avec son stock, à l'enseigne "..." à V.________, pour un
prix de vente net de 150'000 fr., dont une partie (50'000 fr.) était financée
par un prêt du vendeur. Le même jour, un contrat de prêt de 50'000 fr. a été
signé entre Y.________ et X.________; un inventaire provisoire ainsi que les
clés du commerce ont été remis à ce dernier.

Le 25 juillet 2001, X.________ a versé 40'000 fr. sur le prix de la vente.

Le 22 août 2001, il a fait inscrire la raison de commerce "..." au Registre du
commerce de la Sarine en indiquant le 1er septembre 2001 comme date du début de
l'activité.

Le 28 août 2001, X.________ et le bailleur des locaux, A.________, ont conclu
un contrat de bail pour une durée de cinq ans.

Assez rapidement, X.________ s'est rendu compte que son chiffre d'affaires ne
correspondait pas à ses attentes. Par courrier du 21 octobre 2001, il a fait
part à Y.________ et Z.________ de ses inquiétudes, qualifiant même la
situation de catastrophique. Les rapports entre les parties se sont alors
rapidement dégradés.

La situation du commerce de meubles ne s'étant jamais améliorée, X.________ a
finalement fermé le magasin de V.________. Les locaux ont pu être loués
rapidement. La raison de commerce a été radiée le 7 novembre 2002.

B.
A la requête de Y.________, l'Office des poursuites d'Echallens a notifié à
X.________, le 15 janvier 2002, un commandement de payer, auquel il a été fait
opposition. Dans la procédure de mainlevée provisoire, X.________ a obtenu
partiellement satisfaction, le contrat de prêt conclu entre les parties ayant
été qualifié de vente par acomptes.

Le 7 mars 2003, X.________ a déposé une plainte pénale pour escroquerie à
l'encontre de Y.________ et de Z.________. Une ordonnance de refus d'ouvrir
l'action pénale a été rendue, qui a été confirmée, sur recours, par la Chambre
pénale du Tribunal cantonal fribourgeois le 25 juillet 2003.

Le 10 mars 2003, X.________ a déposé une demande devant le Tribunal civil de
l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, concluant à ce qu'il soit
constaté qu'il ne devait pas le solde du prix de vente, que son opposition
devait être définitivement maintenue et que ses parties adverses devaient être
condamnées à lui restituer l'acompte de 40'000 fr. qu'il avait versé.

Le président du Tribunal a ordonné une expertise et désigné à cette fin la
société B.________ SA. L'expert, en la personne de C.________, a conclu que la
valeur marchande du commerce était comprise entre 70'000 et 116'000 fr. Il n'a
pas pu répondre à de nombreuses questions en raison de la carence de pièces
probantes.

Par jugement du 31 mars 2009, le Tribunal civil a dit que X.________ était le
débiteur de Y.________ et de Z.________ de la somme de 104'384 fr.80 avec
intérêts, statuant par ailleurs sur le sort des poursuites en cours, ainsi que
sur les frais et dépens.

Sur recours de X.________, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois,
par arrêt du 27 juillet 2009, a confirmé le jugement attaqué avec suite de
frais.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 27 juillet 2009. Invoquant la violation de diverses dispositions du
droit fédéral, il conclut, sous suite de frais et dépens, à la réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens qu'il ne doit rien à ses parties adverses et que son
opposition aux poursuites est définitivement maintenue.
Les intimés ont conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours dans
la mesure où il est recevable.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la parties qui a succombé dans ses conclusions libératoires
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 48 al. 1 et 100
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés par le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p.
400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).

Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le
Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation du droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130,
397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153 - ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2).
Encore faut-il que la correction demandée soit susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne
peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente
(art. 99 al. 1 LTF).
Dans la mesure où le recourant présente son propre état de fait, aux pages 3 à
9 du recours, sans se prévaloir avec précision de l'une des hypothèses visées
par l'art. 97 al. 1 LTF, il n'est pas possible d'en tenir compte.

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 Les parties ont conclu un contrat portant sur la remise d'un commerce
moyennant paiement. La jurisprudence a qualifié une telle convention de contrat
sui generis (ATF 129 III 18 consid. 2.1 p. 21). Lorsque sont en cause les
prestations caractéristiques du cédant, à savoir le transfert du mobilier, du
stock et de la clientèle, il faut appliquer les règles sur la vente mobilière
(art. 187 ss CO) (ATF 129 III 18 consid. 2.1 et 2.2 p. 21).

2.2 Le recourant conteste la conclusion du contrat (art. 1 al. 1 CO) pour le
motif qu'il n'a pas reçu des pièces annexes qui y sont mentionnées. Comme l'a
observé l'autorité cantonale, la remise de ces pièces n'est pas une prestation
convenue (art. 97 al. 1 CO); ces pièces ne sont qu'une partie annexe du
contrat. En signant le contrat, en entrant en possession des locaux et en
commençant l'exploitation, le recourant a montré, par actes concluants, que la
réception de ces pièces n'était pas pour lui un point essentiel du contrat
(art. 2 al. 1 CO). Les parties s'étant mises d'accord sur les points
objectivement essentiels (l'objet de la vente et son prix), le contrat a été
conclu. Il n'y a donc pas trace d'une violation des art. 1 et 2 CO. Il était
loisible au recourant, s'il y attachait de l'importance, d'exiger de recevoir
ces pièces avant de signer; il a choisi de ne pas le faire et on ne discerne à
cet égard aucune responsabilité précontractuelle ou violation des principes de
la bonne foi (art. 2 CC) de la part des intimés. La preuve de la conclusion du
contrat ayant été apportée, il ne saurait être question d'une violation de
l'art. 8 CC. Quant à l'art. 82 CO, également cité par le recourant, il est
inapplicable parce qu'il suppose des prestations contractuelles qui sont dans
un rapport d'échange, ce qui ne peut concerner ce problème des pièces jointes.

Il faut encore rappeler que même si les parties sont convenues de soumettre
leur contrat à la forme écrite (cf. art. 16 CO), cette réserve de forme peut
toujours être levée de manière tacite, notamment par actes concluants; tel est
le cas lorsque les parties exécutent et acceptent sans réserve les prestations
contractuelles (ATF 105 II 75 consid. 1 p. 78).

2.3 Le recourant soutient qu'il était inexpérimenté et que le prix convenu
était surfait.

La lésion, prévue par l'art. 21 CO, ne peut être invoquée que si la partie
lésée déclare qu'elle résilie le contrat dans le délai d'un an (art. 21 al. 1
CO). Ce délai péremptoire court depuis la conclusion du contrat (Bruno
Schmidlin, in Commentaire romand, CO I, 2003, n° 26 ad art. 21 CO; Huguenin, in
Basler Kommentar, OR I, 4e éd. 2007, n° 2 ad art. 21 CO; Ernst A. Kramer, in
Berner Kommentar, Das Obligationenrecht, 1991, n° 57 ad art. 21 CO).

En l'espèce, le contrat a été conclu le 21 juillet 2001 et il ne ressort pas de
l'état de fait cantonal - qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) -
que le recourant ait déclaré résilier le contrat dans l'année. En conséquence,
la question de la lésion ne se pose pas et la cour cantonale n'a pas violé le
droit fédéral en écartant cette disposition.

2.4 Quant à une erreur essentielle (art. 24 al. 1 ch. 4 CO) ou un dol (art. 28
CO), également invoqués par le recourant, ils ne permettent d'invalider le
contrat que si la personne qui a conclu sous l'effet de ce vice du consentement
déclare dans l'année son intention d'invalider le contrat ou répète ce qu'elle
a payé (art. 31 al. 1 CO). Ce délai court dès que l'erreur ou le dol a été
découvert (art. 31 al. 2 CO).

En l'espèce, il résulte des constatations cantonales (art. 105 al. 1 LTF) que
le recourant s'est rendu compte, en octobre 2001, qu'il n'atteignait pas le
chiffre d'affaires escompté; il n'a pas été constaté qu'il ait jamais exprimé
la volonté d'invalider le contrat. Le délai de l'art. 31 CO étant ainsi échu,
la question d'une invalidation du contrat pour cause de vice du consentement ne
se pose pas.

2.5 Le recourant n'a jamais prétendu que le commerce livré par les intimés
serait affecté d'un défaut, en particulier qu'il n'aurait pas l'une des
qualités promises (art. 197 al. 1 CO). Rien dans les constatations cantonales
ne permet de penser que les intimés auraient promis un chiffre d'affaires
minimum. Il n'y a donc pas à examiner la question sous cet angle, qui poserait
également le problème de la prescription (art. 210 CO).

2.6 Le recourant invoque enfin l'art. 60 al. 3 CO.

Selon cette disposition, si un acte illicite a donné naissance à une créance
contre la partie lésée, celle-ci peut en refuser le paiement lors même que son
droit d'exiger la réparation du dommage serait atteint par la prescription.

Le dol commis par le cocontractant - à la différence d'une erreur commise par
la partie elle-même - constitue un acte illicite au sens de l'art. 41 CO (ATF
61 II 228 consid. 2 p. 233 in fine), de sorte que l'art. 60 al. 3 CO est alors
applicable.

Le dol est une notion moins exigeante que l'escroquerie, puisqu'il n'est pas
exigé que la tromperie soit astucieuse (cf. art. 146 CP). Il s'agit d'une
tromperie intentionnelle du cocontractant, qui peut consister soit à faire
miroiter des choses fausses, soit à taire la réalité dans un cas où la bonne
foi obligeait à renseigner (ATF 132 II 161 consid. 4.1 p. 166; 116 II 431
consid. 3a p. 434).

Il n'a pas été établi que les intimés auraient donné, sur un point pertinent,
des renseignements faux, en particulier une fausse comptabilité ou des données
chiffrées sciemment fausses.

On ne pouvait pas non plus exiger des intimés, qui souhaitaient se défaire de
ce commerce, qu'ils exposent spontanément les difficultés qu'ils ont pu
rencontrer dans leur activité. Il faut observer sous cet angle qu'ils n'ont pas
cherché à dissuader le recourant de demander d'autres pièces, de faire procéder
à une expertise ou de se renseigner dans le voisinage.
Tout ce que le recourant - qui n'a pas invoqué l'arbitraire dans
l'établissement des faits - avance à ce sujet ne fait que montrer qu'il a signé
ce contrat avec légèreté. Or, la légèreté de celui qui conclut ne doit pas être
confondue avec une tromperie intentionnelle de la part du cocontractant.

Que des tiers aient porté un jugement négatif sur ce contrat n'établit pas
encore l'existence d'une tromperie intentionnelle de la part des intimés.

Comme l'état de fait qui lie le Tribunal fédéral ne permet pas de discerner une
tromperie intentionnelle de la part des intimés, c'est à juste titre que
l'existence d'un dol, et partant l'application de l'art. 60 al. 3 CO, a été
écartée.

2.7 Une lésion (art. 21 CO) constitue également un acte illicite (Franz Werro,
in Commentaire romand, CO I, 2003, n° 40 ad art. 60 CO; Roland Brehm, in Berner
Kommentar, Das Obligationenrecht, 2006, n° 109 ad art. 60 CO) pouvant conduire
à l'application de l'art. 60 al. 3 CO.

Il faut tout d'abord observer que le recourant n'a pas tenté de démontrer, par
la voie pénale, l'existence d'une usure (art. 157 CP). La cour cantonale,
adoptant la motivation des juges de première instance (arrêt attaqué p. 26 let.
bc; jugement de première instance p. 65 et 66), a retenu que le recourant, au
vu des inscriptions antérieures au registre du commerce, n'était pas
inexpérimenté en affaires et que, en se fondant sur les chiffres les plus
favorables mentionnés par l'expert, la disproportion entre les prestations
n'était pas évidente. Etant rappelé que le Tribunal fédéral est lié par les
constatations de fait (art. 105 al. 1 LTF), on ne voit pas, sur les bases
retenues, que la cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation en
matière d'application de l'art. 21 CO. Enfin, l'art. 60 al. 3 CO ne peut de
toute manière pas être invoqué si la partie a ratifié le contrat notamment par
des actes concluants (ATF 66 II 158 consid. 5 p. 161; Werro, op. cit., n° 40 ad
art. 60 CO; Brehm, op. cit., n° 111 ad art. 60 CO); or, il a été constaté en
l'espèce que le recourant, après avoir fermé le magasin, a continué de vendre
les meubles (arrêt attaqué p. 14 n° 12); on ne voit pas pourquoi il pourrait
aujourd'hui refuser de payer une prestation qu'il a partiellement revendue à
son profit en ayant connaissance des circonstances dont il se plaint.

3.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 6'000
fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 1er avril 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Piaget