Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.54/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_54/2009

Arrêt du 20 avril 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Vincent Jeanneret,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Antoine Kohler.

Objet
contrat de dépôt bancaire, de compte-courant et de giro bancaire,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève du 5 décembre 2008.

Faits:

A.
En 1994, Y.________, domicilié en Espagne, a ouvert un compte auprès de la
Banque Z.________ SA à Genève, dont la raison sociale a ultérieurement été
modifiée en X.________ SA (ci-après: X.________). Il a signé divers documents
tendant à ce que la correspondance de la banque soit envoyée au bureau de
représentation de celle-ci à N.________ en France, dont il a autorisé le
responsable à en prendre connaissance et possession; il a aussi donné décharge
à la banque pour les ordres transmis par téléphone, télégramme, télex et/ou
téléfax. En 1995, il lui a octroyé un mandat de gestion discrétionnaire, qu'il
a toutefois révoqué le 21 février 2001. A.________ a été le responsable du
bureau de N.________ dès 1995.

Y.________ et la banque ont entretenu des contacts réguliers, généralement par
le biais de A.________. En 2001, Y.________, confronté à des difficultés
conjugales, a remis à A.________ trois documents signés "en blanc" afin qu'il
puisse transférer rapidement, le cas échéant, tout ou partie des actifs.

En septembre 2001, une nouvelle filiale de X.________ Bank W.________ a été
créée à N.________, entraînant la fermeture de l'ancien bureau de
représentation et le licenciement de A.________.

Le 31 janvier 2002, Y.________, qui s'inquiétait de ne pas avoir reçu son
extrait de compte pour le quatrième trimestre 2001 et avait appris que
A.________ ne travaillait plus pour la banque, a demandé à la gestionnaire de
son compte, par fax rédigé en espagnol, qu'elle donne instruction à la
succursale de N.________ de lui remettre personnellement l'extrait désiré, sur
présentation de sa carte d'identité, qu'elle transfère 10'000 euros sur son
compte à N.________ et qu'elle lui propose une solution pour l'avenir. La
dernière requête n'a pas reçu de réponse.

Le 13 mars 2002, X.________ a reçu un fax, dactylographié et rédigé en
français, portant la signature de Y.________, demandant le transfert d'une
somme de 6'020 euros sur le compte d'une entreprise auprès d'une banque
espagnole. L'ordre a été exécuté le 18 mars 2002, après contrôle de la
signature.
Le 21 mars 2002, X.________ a reçu un fax en français daté du 8 février 2002,
dactylographié et portant la signature de Y.________, demandant que la totalité
de la correspondance relative au compte soit envoyée chaque trimestre à
A.________. La banque a pris note de cette instruction et modifié l'adresse de
correspondance.

Le 9 avril 2002, la banque a reçu un ordre de transfert en français,
dactylographié et portant la signature de Y.________, la priant d'émettre un
chèque de banque de 271'000 euros en faveur d'une certaine dame et de
l'expédier à l'adresse prévue pour l'envoi de la correspondance. La
gestionnaire du compte a téléphoné à A.________ pour se renseigner sur
l'identité de la bénéficiaire et savoir si des titres devaient être vendus et/
ou des devises converties afin de couvrir l'émission du chèque, ce que ce
dernier a confirmé. Le 10 avril 2002, la banque a établi un chèque d'un montant
de 270'000 euros et l'a envoyé à l'adresse de A.________. Le chèque a été
encaissé.

A réception du relevé de compte du deuxième trimestre 2002 qu'il avait demandé
à la banque, Y.________ a constaté le virement de 271'008 euros (comprenant les
frais bancaires) en faveur de A.________. Il a immédiatement demandé des
explications à la banque et contesté être l'auteur des ordres des 13 mars, 21
mars et 9 avril 2002.

B.
Le 23 décembre 2005, Y.________ a assigné X.________ devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève. Il concluait au paiement de la somme de
491'273 fr., à savoir 9'331 fr. correspondant à 6'020 euros, 420'059 fr. 30
correspondant à 271'008 euros, 43'483 fr. correspondant à la note d'honoraires
de son avocat espagnol et 18'400 fr. correspondant aux frais d'intervention de
son conseil genevois, avec intérêt.

Par jugement du 17 janvier 2008, le Tribunal a condamné X.________ à payer à
Y.________ le montant de 420'059 fr. 30 avec intérêt à 5 % l'an dès le 11 avril
2002.

Par arrêt du 5 décembre 2008, la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de Genève a rejeté tant l'appel de la banque, qui avait conclu au déboutement
de son adverse partie de toutes ses conclusions, que l'appel incident de
Y.________, qui avait repris l'entier de ses conclusions de première instance,
et confirmé le jugement du 17 janvier 2008, condamnant ainsi X.________ à
rembourser à Y.________ un montant correspondant à celui du chèque envoyé à
A.________.
En substance, la cour cantonale a considéré que Y.________ n'était pas lié par
la clause de transfert de risque figurant dans les conditions générales de la
banque, prévoyant que le dommage résultant d'un faux non décelé est, sauf faute
grave de la banque, à charge du client. Elle a retenu deux motifs: d'abord, la
clause était insolite et, au plan typographique, ne se distinguait pas des
autres dispositions des conditions générales; ensuite, la recourante,
respectivement la gestionnaire du compte agissant en son nom, avait commis une
négligence grave lors de l'émission du chèque de 270'000 euros, qui rendait
nulle ipso facto une clause d'exonération de responsabilité.

C.
X.________ (la recourante) interjette un recours en matière civile au Tribunal
fédéral. Elle conclut principalement à ce que Y.________ soit débouté de toutes
ses conclusions, subsidiairement à ce qu'elle soit condamnée à un montant ne
dépassant pas en capital le 10 % du montant des prétentions totales allouées
par la cour cantonale à son adverse partie, avec suite de dépens.

Y.________ (l'intimé) propose le rejet du recours, sous suite de dépens.

Considérant en droit:

1.
L'argent figurant sur un compte bancaire ouvert au nom d'un client est la
propriété de la banque, envers laquelle le client n'a qu'une créance. En
versant ou virant de l'argent depuis ce compte à un tiers, la banque transfère
son propre argent. Lorsqu'elle le fait en exécution d'un ordre du client ou
d'un de ses représentants, elle acquiert une créance en remboursement du
montant correspondant en tant que frais faits pour l'exécution régulière du
mandat (art. 402 CO). Par contre, lorsqu'elle exécute un ordre de paiement sans
ordre du client, notamment un ordre donné par un tiers qui n'y est pas
habilité, il ne naît pas, en faveur de la banque, de créance en remboursement à
l'encontre du client non impliqué dans l'opération. Le dommage découlant du
paiement indu est un dommage de la banque, non du client. La banque peut tout
au plus demander des dommages-intérêts à son client s'il a fautivement
contribué à causer le dommage qu'elle a subi; dans ce sens, l'art. 1132 CO
prévoit que le dommage résultant d'un chèque faux ou falsifié est à la charge
du tiré si aucune faute n'est imputable à la personne désignée comme tireur
dans le titre. Ainsi, selon la réglementation légale, le client qui n'a pas,
d'une manière ou d'une autre, incité la banque à procéder au transfert indu,
n'a pas à supporter le dommage qui en résulte, même en l'absence de faute de la
banque (sur l'ensemble de ces points, cf. ATF 132 III 449 consid. 2; 111 II 263
consid. 1a; 110 II 283 consid. 3a et b; Gauch, Die Vertragshaftung der Banken
und ihre AVB, recht 2006, p. 77 ss, p. 79; Bucher, Wie lange noch Belastung des
Kunden mit den Fälschungsrisiken im Bankenverkehr?, recht 1997, p. 41 ss, p.
42; Fellmann, Berner Kommentar 4e éd. 1992, n° 436 ad art. 398 CO; Gautschi,
Berner Kommentar 3e éd. 1971, n° 36b ss ad art. 398 CO).

Cette réglementation légale peut être modifiée conventionnellement entre le
client et la banque. Cela ne revient pas à exclure ou limiter la responsabilité
de la banque pour un dommage du client, mais bien à reporter le dommage de la
banque sur le client (cf. ATF 112 II 450 consid. 3a). Des clauses de ce genre
se retrouvent dans les conditions générales de nombreuses banques suisses (cf.
ATF 132 III 449 consid. 2; Gauch, op. cit., p. 77 ss). Selon ces dernières, le
dommage résultant de défauts de légitimation ou de falsifications non décelées
est supporté par le client, sauf en cas de faute grave de la banque.

L'art. 100 CO, qui régit les conventions d'exonération de la responsabilité
pour inexécution ou exécution imparfaite du contrat, s'applique par analogie à
une clause de ce type. Celle-ci est donc d'emblée dénuée de portée si un dol ou
une faute grave sont imputables à la banque (art. 100 al. 1 CO). En cas de
faute légère de la banque, dont l'activité est assimilée à l'exercice d'une
industrie concédée par l'autorité, le juge peut tenir cette clause pour nulle
(art. 100 al. 2 CO). Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation,
c'est-à-dire dans l'application des règles du droit et de l'équité (art. 4 CC),
il lui appartient d'examiner la clause de transfert en tenant compte des autres
stipulations du contrat et de l'ensemble des circonstances du cas particulier;
il doit prendre en considération, d'une part, le besoin de protection des
clients contre les clauses élaborées d'avance qu'ils ne peuvent pratiquement
pas discuter et, d'autre part, l'intérêt que peut avoir la banque à se prémunir
contre certains risques dont la réalisation est difficile à éviter. Cette
possibilité de tenir la clause pour nulle n'existe toutefois pas si la faute
légère a été commise par un auxiliaire de la banque, l'art. 101 al. 3 CO
permettant de s'exonérer conventionnellement de la responsabilité dans ce cas
(ATF 132 III 449 consid. 2 p. 452 s.).

Des règles particulières s'appliquent en plus lorsque le transfert du dommage
ressort d'une clause préformulée insérée dans ses conditions générales. Le juge
peut dénier d'une manière générale toute validité à une telle clause si elle
est inhabituelle ou insolite (ATF 135 III 1 consid. 2.1). En outre, l'art. 8 de
la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS
241) déclare déloyales les conditions générales préalablement formulées qui
dérogent notablement au régime légal applicable directement ou par analogie
(let. a) ou qui prévoient une répartition des droits et des obligations
s'écartant notablement de celle qui découle de la nature du contrat (let. b).
Mais encore faut-il qu'elles soient en plus de nature à provoquer une erreur au
détriment d'une partie contractante. Un pouvoir du juge à procéder, au-delà de
ces hypothèses, à un contrôle plus large du contenu des conditions générales
afin de veiller à une répartition équitable des risques au regard des normes
générales du droit civil et nier le cas échéant leur validité, tel que le
postule une partie de la doctrine, n'a pas été explicitement admis à ce jour;
l'avant-projet de loi sur le contrat d'assurances prévoit d'introduire un tel
contrôle par le biais d'un nouvel art. 20a CO (cf. ATF 135 III 1 consid. 2.2;
112 II 450 consid. 3a in fine).

2.
La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation
arbitraire des faits.

2.1 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), dont il ne peut
s'écarter que s'ils l'ont été de façon manifestement inexacte - notion qui
correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid.
4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF),
et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort
de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Si la partie recourante entend s'écarter des
constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées. A ce défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait
qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 IV 286 consid.
6.2). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de l'arrêt attaqué (art. 99 al. 1 LTF).

Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution
paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée,
encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs,
mais aussi dans son résultat, ce qu'il appartient à la partie recourante de
démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265
s.). Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec
l'établissement des faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un
large pouvoir lorsqu'il apprécie les preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). La
partie recourante doit ainsi expliquer dans quelle mesure le juge a abusé de
son pouvoir d'appréciation et, plus particulièrement, montrer qu'il a omis,
sans aucune raison sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à
modifier la décision attaquée, qu'il s'est manifestement trompé sur son sens et
sa portée ou encore que, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a
tiré des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

2.2 La recourante se plaint d'abord de ce qu'il n'aurait pas été constaté que
A.________ lui avait passé des ordres pour le compte de l'intimé, par écrit ou
par téléphone.

De l'arrêt attaqué, il ressort qu'à l'ouverture du compte en 1994, l'intimé a
donné par écrit pouvoir au responsable du bureau de représentation de la
recourante à N.________ de prendre connaissance et possession de la
correspondance que la recourante lui envoyait. A.________ a occupé la fonction
de responsable dudit bureau à partir de 1995; le dossier bancaire de l'intimé
ne contient aucun document donnant à A.________ des pouvoirs plus étendus que
ceux dont bénéficiait son prédécesseur. L'intimé transmettait ses instructions
à la recourante en général par le biais de A.________; les fax portaient la
signature de l'intimé, certains en plus celle de A.________, et dans ses
contacts téléphoniques avec la gérante du compte, ce dernier transmettait des
instructions de l'intimé ou annonçait des transferts.

Les activités de A.________ ne sortaient nullement du cadre fixé lors de
l'ouverture du compte. Elles s'inscrivent parfaitement dans le rôle de simple
relais entre l'intimé et la recourante. La cour cantonale n'est pas tombée dans
l'arbitraire en retenant que A.________ n'avait que transmis des ordres de
l'intimé et donc qu'il n'avait pas procuration pour représenter celui-ci dans
ses relations avec la recourante.

2.3 La recourante déplore ensuite une mauvaise interprétation du témoignage de
la gestionnaire du compte, au motif qu'il n'aurait pas été pris en
considération qu'elle n'avait pas de souvenir précis. Or, lors de son audition,
la gestionnaire a déclaré penser que la recourante avait un mandat de gestion
sur les comptes de l'intimé. Dans ces circonstances, il n'y avait rien
d'insoutenable à retenir qu'au moment de faits litigieux, la gestionnaire du
compte avait déjà pensé qu'il existait un tel mandat.

2.4 La recourante se plaint enfin de ce qu'il a été constaté que l'intimé avait
remis à A.________ trois documents vierges sur lesquelles il avait apposé sa
signature. Cette constatation reposerait sur les seules allégations de
l'intimé, alors que, contrairement à ce que retiennent les juges cantonaux,
elle aurait contesté leur existence; en outre, l'intimé n'ayant pas engagé de
procédure contre A.________ ou d'autres bénéficiaires du chèque, l'existence de
ces documents signés en blanc n'aurait pas pu être établie.

Le simple fait que la partie adverse conteste un allégué ne signifie pas
nécessairement qu'il soit insoutenable de prêter foi aux déclarations d'une
partie. En l'espèce, la recourante ne relève aucun autre élément en faveur de
sa thèse. Le fait que la cour cantonale se serait trompée en écrivant que la
recourante n'avait pas contredit l'intimé n'est dès lors pas déterminant; au
demeurant, l'intimé relève, en renvoyant à l'audition du directeur général
adjoint de la recourante, que celle-ci a reconnu l'existence des blancs-seings.
On ne saurait en outre déduire quoi que ce soit du fait que l'intimé n'a pas
ouvert action contre A.________; il n'avait pas de motif de le faire, car c'est
la recourante qui est directement lésée par l'acte de ce dernier, non pas lui.

Quoi qu'il en soit, on ne discerne pas l'intérêt de la recourante à contester
l'existence des blancs-seings, susceptibles le cas échéant de jouer en défaveur
de l'intimé. Si la recourante entend suggérer, comme on peut le penser à la
lecture de la suite de son recours, que A.________ et l'intimé étaient
peut-être de mèche, elle introduit un fait nouveau qui ne ressort pas de
l'arrêt attaqué, d'où l'irrecevabilité du grief.

3.
La recourante conteste que son auxiliaire, gestionnaire du compte de l'intimé,
ait commis une faute lorsqu'elle s'est adressée à A.________ après réception de
l'ordre du 9 avril 2002, puis a exécuté l'ordre et envoyé le chèque de 271'000
euros à l'adresse de A.________. D'une part, elle soutient que A.________ avait
qualité pour représenter l'intimé; d'autre part, à titre subsidiaire, elle
estime à tout le moins que son auxiliaire pouvait penser de bonne foi qu'il
avait cette qualité.

3.1 Il a été constaté que l'intimé n'avait pas donné procuration à A.________
pour le représenter. La seule question est dès lors de savoir si la recourante,
respectivement son auxiliaire, pouvait néanmoins penser de bonne foi qu'il
existait une telle procuration.

La question de savoir si le représenté peut être considéré comme lié envers les
tiers par les actes abusivement accomplis en son nom par le représentant doit
être tranchée en regard de l'art. 33 al. 3 CO, disposition qui règle le cas de
la procuration externe apparente. Selon cet article, si les pouvoirs ont été
portés par le représenté à la connaissance d'un tiers, leur étendue est
déterminée envers ce dernier par les termes de la communication qui lui a été
faite. Le tiers est protégé, dans la mesure où le représenté se trouve engagé
envers lui, bien que les pouvoirs ne couvraient pas l'acte accompli. Cette
protection est cependant subordonnée à deux conditions, à savoir une
communication des pouvoirs par le représenté au tiers et la bonne foi de ce
dernier (ATF 131 III 511 consid. 3.2 p. 518).

La portée de la communication doit être examinée avant tout selon le principe
de la confiance. L'idée est que celui qui laisse créer l'apparence d'un pouvoir
de représentation se trouve lié par les actes accomplis en son nom (ATF 131 III
511 consid. 3.2.1 p. 518).

La bonne foi du tiers est présumée, mais nul ne peut l'invoquer si elle est
incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de
lui (cf. art. 3 CC). Cela signifie que ce n'est pas la bonne, mais la mauvaise
foi qui doit être prouvée; la partie qui a la charge de cette preuve peut soit
détruire la présomption de bonne foi en démontrant que la partie adverse
connaissait le vice juridique et, par conséquent, qu'elle était de mauvaise
foi, soit admettre cette présomption, mais établir que l'autre partie ne peut
pas se prévaloir de sa bonne foi, parce que celle-ci n'est pas compatible avec
l'attention que les circonstances permettaient d'exiger d'elle. Il appartient
au juge d'apprécier, dans chaque cas particulier, en tenant compte de
l'ensemble des circonstances, la mesure de l'attention qui peut être exigée du
tiers (ATF 131 III 511 consid. 3.2.2 p. 519).

3.2 Comme déjà relevé, il n'y a, dans le dossier bancaire de la recourante,
qu'une autorisation en faveur du responsable de son bureau de communication à
N.________ pour réceptionner le courrier et en prendre connaissance, et
l'activité déployée par A.________ s'inscrit sans difficulté dans ce cadre. Il
n'a par contre pas été retenu de fait pouvant être compris comme une
communication, par l'intimé, d'un pouvoir plus large accordé à A.________. Un
pouvoir de représentation ne peut en particulier pas être déduit du simple fait
que A.________ est intervenu dans la gestion des affaires bancaires de l'intimé
et a participé aux échanges entre l'intimé et la recourante (cf. Lombardini,
Droit bancaire suisse, 2e éd. 2008, p. 361 n° 135), ce d'autant moins qu'il
était lié à la recourante qu'il représentait à N.________.

Qui plus est, le 28 janvier 2002, A.________ avait informé la gestionnaire du
compte de l'intimé qu'il quittait la succursale de N.________, qu'il ne fallait
plus y envoyer la correspondance relative au compte de l'intimé et qu'une
demande écrite de la part de ce dernier allait suivre. Trois jours plus tard,
le 31 janvier 2002, l'intimé, par fax signé de lui seul, demandait à la
gestionnaire de lui proposer une solution pour l'avenir; elle n'a pas répondu.
Le 21 mars 2002, un fax portant la signature de l'intimé lui demandait que la
totalité de la correspondance soit envoyée à l'adresse personnelle de
A.________; il n'y était pas question de pouvoirs de ce dernier allant au-delà
de la réception du courrier.

Rien dans le dossier bancaire ne permettait à la gestionnaire du compte de
retenir que A.________ avait pouvoir d'agir au nom de l'intimé; en plus, par
fax du 31 janvier 2002, l'intimé venait de lui demander une proposition pour
régler leurs relations suite à la fermeture du bureau de représentation. Malgré
cela, elle s'est adressée à A.________ en qualité de représentant de l'intimé.
Elle l'a fait dans le cadre d'une opération importante portant sur plus d'un
quart de million d'euros, opération au surplus insolite dans le sens que
l'intimé n'avait en sept ans jamais donné un ordre de transfert aussi élevé en
faveur d'un tiers - le dossier ne faisant état que de trois ordres importants
portant sur 2, 10 et 16 millions de pesetas (soit environ 12'000, 60'000 et
102'000 euros) -, que l'intimé n'avait précédemment jamais demandé l'émission
d'un chèque et que la part liquide du compte était insuffisante pour exécuter
l'ordre. En admettant dans ces circonstances et sans autre précaution que
A.________ avait qualité pour agir au nom de l'intimé et en exécutant
l'opération bancaire selon ses directives, la gestionnaire du compte n'a pas
fait preuve de l'attention appropriée.

3.3 La pratique des banques consiste à faire signer par les clients leur propre
documentation contractuelle pour l'octroi des pouvoirs; les pouvoirs du
représentant découlent expressément de la documentation signée par le client.
Le contrôle des pouvoirs de tiers n'est dès lors pas difficile; il y a en
conséquence lieu de poser des exigences élevées quant à l'attention dont doit
faire preuve la banque (cf. Lombardini, op. cit., p. 365 n° 148 et p. 367 n°
159). Cela valait d'autant plus en l'espèce en raison de l'incertitude créée
par la fermeture du bureau de représentation à N.________ et à cause du
caractère insolite de l'opération bancaire en cause. La faute de la
gestionnaire du compte de l'intimé ne saurait dès lors être qualifiée de
légère.

3.4 Au vu de la gravité de la faute, l'exonération contractuelle de la
recourante ne s'applique pas (art. 101 al. 3 CO). Par conséquent, la question
de principe de la validité de la clause préformulée peut rester indécise.

4.
La recourante soutient que son auxiliaire n'avait pas de motif de douter de la
validité de l'ordre, dès lors que la signature était de la main de l'intimé et
qu'il n'y avait pas d'indices sérieux d'un faux. Or, comme déjà évoqué,
l'opération avait un caractère insolite, lequel n'a d'ailleurs pas échappé à la
gestionnaire du compte, qui a décidé de se renseigner avant de donner suite à
l'ordre; dans cette mesure, elle a fait preuve d'une prudence de bon aloi.
L'élément constitutif de la faute est d'avoir ensuite admis à tort que
A.________ avait pouvoir de représenter l'intimé, puis de s'être fondée sur les
instructions de celui-ci.

5.
La recourante objecte que l'intimé n'a pas prouvé le dommage qu'il aurait subi
suite à l'exécution de l'ordre litigieux du 9 avril 2002.

Or, l'intimé n'a pas subi de dommage par l'exécution de l'ordre litigieux. Il a
subi un dommage lorsque la recourante, reportant à tort son dommage sur lui, a
débité son compte.

La recourante relève que l'intimé n'a pas prouvé que le bénéficiaire de l'ordre
litigieux n'avait aucun lien - direct ou indirect - avec lui-même, qu'il n'a
jamais établi qu'il n'était pas le destinataire ultime du chèque. En d'autres
termes, elle soutient que le compte pourrait avoir été débité à raison parce
que l'intimé a peut-être bénéficié du montant obtenu par le chèque, ce qui
sous-entend qu'il aurait agi en commun avec A.________ afin de s'enrichir
illégalement au détriment de la recourante. Rien de tel ne ressort de l'état de
fait de l'arrêt attaqué, et la recourante ne donne au demeurant pas le moindre
indice dans ce sens, de sorte qu'il n'y a pas à entrer en matière.

6.
La recourante critique enfin le fait qu'aucune réduction ou annulation de la
prétention de l'intimé n'a été prononcée, bien que celui-ci ait commis une
faute concomitante en signant des blancs-seings. La recourante fait ainsi
valoir des dommages-intérêts contre l'intimé du fait qu'il aurait contribué à
causer le dommage qu'elle subit, créance en dommages-intérêts qu'elle entend
lui opposer en compensation.

Le dommage de la recourante n'a pas été causé par l'utilisation des
blancs-seings. Car même si la signature ne prêtait pas à doute, la gestionnaire
du compte n'a pas immédiatement exécuté l'ordre de transfert et a d'abord pris
des renseignements. Si elle s'était adressée à l'intimé, le faux aurait été
décelé et le dommage évité. Celui-ci est ainsi uniquement dû au manque de
diligence au moment de retenir un pouvoir de représentation de A.________. A
cet égard toutefois, aucun reproche ne peut être formulé à l'égard de l'intimé;
il n'a pas eu de comportement susceptible de tromper la gestionnaire de son
compte au sujet des pouvoirs dont disposait A.________. Il ne saurait dès lors
être rendu coresponsable du dommage de la recourante.

7.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité.

8.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimé à titre de dépens, est mise à la
charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 20 avril 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Cornaz