Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.50/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_50/2009

Arrêt du 26 mars 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et M. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Piaget.

Parties
Banque X.________,
recourante, représentée par Me Guy Stanislas, avocat,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Alain Veuillet, avocat.

Objet
acte illicite; notion d'organe; responsabilité de la banque; dommages-intérêts,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 5 décembre 2008.

Faits:

A.
Y.________, domicilié à Genève, est un homme d'affaires actif dans le domaine
de l'immobilier.
En 1993, il a rencontré pour la première fois A.________, qui lui a présenté
une personne intéressée à une affaire immobilière.
Après une coupure de quelques années, les deux hommes ont repris contact, en
1999, pour traiter à nouveau d'affaires immobilières.
A cette occasion, A.________ lui a indiqué que sa position au sein de la Banque
X.________, un établissement bancaire ayant son siège à B.________ et une
succursale à Genève, lui permettait d'effectuer des placements bancaires à des
conditions particulières, réservées à quelques clients privilégiés. A.________
lui a remis sa carte de visite et lui a fait visiter les locaux de la banque,
notamment l'immeuble des Acacias où il avait son bureau, et l'a présenté à
diverses personnes.
Le 13 décembre 1999, Y.________ a confié à A.________ une somme de 110'000 fr.
aux fins d'un placement qui devait lui permettre de récupérer le montant de
129'800 fr. au 17 janvier 2000, soit un taux d'intérêt de 18% sur la période
concernée. A.________ lui a remis un reçu établi par lui-même et attestant le
versement effectué en ses mains en vue d'un placement financier auprès de la
banque; il lui a également remis un document intitulé "Opération de caisse"
portant l'en-tête de la banque, mentionnant le nom de A.________ et le numéro
de son compte, avec la case "retrait" cochée, ce qui devait permettre à
Y.________ de récupérer son argent auprès de la banque.
Y.________ a obtenu le remboursement de la somme remise et les intérêts
convenus le jour prévu. L'opération s'est alors répétée trois fois avec des
taux d'intérêts variant entre 13,5% et 19,4%.
Le 22 février 2001, Y.________ a remis à A.________ une somme de 450'000 fr. en
vue d'un placement à 45 jours devant lui permettre de récupérer le montant de
530'100 fr. le 7 avril 2001, soit un taux d'intérêt de 17,8% pour la période en
question. Comme pour les opérations précédentes, A.________ lui a remis les
deux documents déjà indiqués.
La somme promise n'a cependant pas été versée et A.________ a proposé à
Y.________ de reconduire plusieurs fois ce placement. Lorsque tout contact a
été rompu, Y.________ s'est adressé à la banque pour obtenir le versement des
sommes qui lui avaient été promises par A.________.
Le 12 février 2002, la banque lui a répondu que les sommes d'argent remises à
A.________ l'avaient été à titre personnel et que ce dernier n'avait aucun
pouvoir pour accepter ou gérer de l'argent pour le compte de la banque.

B.
Entré au service de la banque dans le courant de l'année 1968, A.________ était
devenu, à partir de 1992, directeur adjoint des équipements et des immeubles.
Il disposait de cartes de visite à l'en-tête de la banque sur lesquelles
figuraient les mentions suivantes:
"Directeur Adjoint
Immeubles et Equipements (Administration)
International Wealth Management".
Il occupait un bureau de grande dimension dans l'immeuble administratif de la
banque à Genève et bénéficiait des services d'une secrétaire.
Etant directeur adjoint des équipements et des immeubles de la banque,
A.________ n'était pas chargé de recevoir la clientèle, d'encaisser des fonds
ou de gérer des avoirs. Dès 1998 cependant, la banque avait mis en place une
politique d'encouragement pour que les employés fournissent de nouveaux clients
à la banque contre rémunération. Dans ce cadre, A.________ a apporté quelques
clients à la banque. Il servait parfois d'intermédiaire entre la banque et ses
connaissances.
Les huissiers se trouvant à l'entrée de la banque, tant au bâtiment
d'exploitation que dans le bâtiment administratif, avaient pour instruction de
ne pas laisser entrer dans la banque des personnes qui y étaient étrangères
sans s'être assurés au préalable de leur identité, éventuellement du but de
leur visite et de la personne qu'ils venaient rencontrer. Ils n'ont cependant
pas signalé à leur supérieur les nombreuses visites que recevait A.________.
L'enquête a révélé que ce dernier s'était livré à des escroqueries à
l'investissement pendant près de dix ans portant sur un montant de plus de
12'000'000 fr. Il a dilapidé les fonds, notamment en fréquentant les casinos.
L'audit interne effectué à la suite de ces faits par la banque a révélé que
plusieurs comportements suspects de A.________ avaient été observés, mais que
les informations n'avaient pas été réunies; chaque cas étant examiné isolément,
aucune suite n'avait été donnée. Entendu devant la juridiction des prud'hommes,
l'auteur du rapport d'audit a déclaré: "Mon rapport a mis en évidence des
défauts d'organisation graves, des procédures qui n'étaient pas adéquates et
qui ne correspondaient pas aux risques. Les huissiers n'ont pas rapporté à leur
chef direct les nombreuses visites faites par A.________. Ce fait est relevé
comme une irrégularité dans mon rapport". Il a également regretté que le
directeur général adjoint ait laissé la surveillance de A.________ à un
supérieur dont la personnalité était trop faible.
A la suite de cette affaire, la direction générale de la banque a mis fin au
plan d'encouragement créé en 1998 et les deux supérieurs hiérarchiques de
A.________ ont été licenciés.
Par arrêt du 26 mars 2004, la Cour correctionnelle de Genève a condamné
A.________, notamment pour escroquerie au préjudice de Y.________, à une peine
de cinq ans de réclusion. Cette décision fut confirmée successivement par la
Cour de cassation cantonale, puis par le Tribunal fédéral.

C.
Estimant que la banque était responsable, Y.________ a déposé, le 5 janvier
2006, une demande devant le Tribunal de première instance de Genève, réclamant
le remboursement de la somme versée à A.________ avec intérêts.
Par jugement du 8 mai 2008, le Tribunal de première instance a entièrement fait
droit à la demande. Il a estimé que la banque était responsable de l'acte
illicite commis par A.________, parce que celui-ci avait la qualité d'organe
apparent de la banque (art. 55 al. 2 CC) et, de surcroît, parce que les
conditions d'une responsabilité de l'employeur (art. 55 CO) étaient réunies.
Saisie d'un appel de la banque, la Cour de justice du canton de Genève a
confirmé ce jugement par arrêt du 5 décembre 2008, mais réduit le montant des
dommages-intérêts de 30% pour tenir compte de la faute concomitante (art. 44
al. 1 CO) du demandeur, qui aurait dû se rendre compte du caractère insolite de
l'opération, principalement en raison du taux d'intérêt garanti.

D.
La banque a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 5 décembre 2008. Soutenant que ni les conditions d'une
responsabilité pour les actes des organes, ni les conditions d'une
responsabilité de l'employeur ne sont réunies, la recourante conclut à
l'annulation de la décision attaquée et au rejet de la demande avec suite de
frais et dépens.
L'intimé a conclu au rejet du recours avec suite de frais et dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. c
et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
Il faut observer ici que l'arrêt attaqué est fondé sur une double motivation.
La cour cantonale a considéré que la responsabilité de la banque était engagée
sur la base de l'art. 55 al. 2 CC (resp. 722 CO), son directeur adjoint ayant
revêtu la qualité d'organe apparent; si ce chef de responsabilité n'existait
pas, la cour a considéré que la banque devait alors être condamnée sur la base
de l'art. 55 CO (responsabilité de l'employeur). Se conformant à l'exigence de
recevabilité posée par la jurisprudence (ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s.),
la recourante a attaqué chacune de ces deux motivations alternatives.
Le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 63 - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4 p.
140). De surcroît, une correction de l'état de fait ne peut être demandée que
si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
En l'espèce, la recourante se plaint à plusieurs reprises, au cours de son
analyse juridique, d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et
l'établissement des faits. Elle vise cependant le plus souvent l'appréciation
juridique des faits ou l'interprétation des faits selon le principe de la
confiance, ce qui constitue des questions de droit. De surcroît, elle ne montre
généralement pas, en se référant de manière précise à une preuve du dossier,
quel fait aurait été retenu ou omis arbitrairement, en expliquant en quoi ce
point pourrait influer sur le sort de la cause. En conséquence, il n'est
possible de réexaminer l'état de fait, dans la suite de l'analyse, que dans la
mesure où la recourante a présenté un grief répondant aux exigences de la
jurisprudence.

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 Le recours concerne une action en responsabilité extracontractuelle dirigée
à l'encontre d'une banque ayant son siège en Grande-Bretagne. Il se pose donc
la question du droit applicable, qui doit être examinée d'office (ATF 133 III
37 consid. 2 p. 39). Lorsque l'action est fondée sur un acte illicite de nature
patrimoniale, la jurisprudence, interprétant l'art. 133 al. 2 LDIP, a admis
qu'il fallait appliquer le droit du lieu où se trouve la valeur patrimoniale au
moment de l'acte illicite (ATF 125 III 103 consid. 3b p. 107). En l'espèce, la
succursale de la banque est située à Genève, les fonds ont été remis au
directeur adjoint en Suisse et c'est également dans ce pays qu'il les a
détournés de leur destination. Le droit suisse est donc applicable.

2.2 La cour cantonale a exclu une responsabilité contractuelle de la banque et,
cette question n'étant plus discutée devant le Tribunal fédéral, il n'y a pas
lieu d'y revenir. Il faut relever à ce sujet que l'intimé n'a signé aucune
formule d'ouverture de compte ni aucun contrat avec la banque, qu'il n'y avait
aucun compte personnel dont on lui ait communiqué les références et qu'il n'a
reçu aucune correspondance des services de gestion de la banque. Dans ces
circonstances, il ne pouvait s'imaginer qu'il avait conclu un contrat avec la
banque. Il n'y a donc pas à se demander si le directeur adjoint pouvait engager
contractuellement la banque en vertu de pouvoirs apparents (art. 32 al. 2 CO).

2.3 La cour cantonale a admis que le directeur adjoint avait la qualité
d'organe apparent et que la responsabilité de la banque devait donc être
retenue sur la base de l'art. 55 al. 2 CC.
Contrairement à ce qu'a pensé la cour cantonale, il n'y a pas lieu de se
référer ici à l'art. 722 CO, puisqu'il s'agit d'une disposition spéciale et
répétitive conçue pour les sociétés anonymes au sens de l'art. 620 ss CO et que
la recourante d'espèce n'est pas une société anonyme de droit suisse.
La responsabilité extracontractuelle pour les actes illicites d'un organe
suppose évidemment que la personne qui a commis l'acte ait la qualité d'organe.
Est un organe celui qui participe effectivement et d'une façon décisive à la
formation de la volonté sociale, durablement et dans un vaste domaine dépassant
les affaires courantes (ATF 128 III 29 consid. 3a p. 31; 122 III 225 consid. 4b
p. 227).
La qualité d'organe, au sens de l'art. 55 al. 2 CC, peut découler de trois
sources différentes:
- l'organe est tout d'abord la personne ou le groupe de personnes qui, à
l'instar des membres du conseil d'administration dans une société anonyme, sont
chargés par la loi ou par les statuts de gérer et de représenter la personne
morale; on parle alors d'un organe formel (ATF 101 Ib 422 consid. 5a p. 435);
- est aussi un organe celui qui, sans en porter le titre, exerce effectivement
la fonction de l'organe, à l'instar de l'actionnaire unique d'une société
anonyme qui dirige en réalité lui-même sa société; on parle alors d'un organe
de fait (ATF 117 II 570 consid. 3 p. 571);
- est également organe celui qui a été désigné par la personne morale comme
disposant des pouvoirs de l'organe, alors même que ce n'est pas le cas; on
parle alors d'un organe apparent (ATF 117 II 570 consid. 3 p. 571).
En l'espèce, la cour cantonale a estimé que le directeur adjoint n'avait pas la
qualité d'organe en vertu de la loi ou des statuts. On considère généralement
que cette qualité ne peut être reconnue à des employés que s'ils dépendent
directement de l'organe suprême chargé de la gestion et de la représentation, à
savoir le conseil d'administration dans le cas d'une société anonyme (ATF 128
III 29 consid. 3a p. 31; 117 II 570 consid. 3 p. 571). Un directeur adjoint,
qui est lui-même subordonné à un autre employé, se trouve dans une position par
trop subalterne pour que la qualité d'organe formel lui soit reconnue. Il a
d'ailleurs été constaté en l'espèce que ce directeur adjoint avait deux
supérieurs successifs, tous deux employés, de sorte qu'il n'est effectivement
pas douteux qu'il ne saurait être un organe formel.
Il a été ensuite admis que le directeur adjoint n'avait pas la qualité d'un
organe de fait. Il n'a en effet pas été constaté qu'il pouvait, par la position
qu'il occupait en fait, exercer une influence décisive sur la formation de la
volonté sociale, durablement et dans un large cercle d'activités correspondant
à une part importante du but social et excédant la simple gestion des affaires
courantes. Au contraire, il a été retenu que son pouvoir de décision autonome
était limité à un domaine strictement défini et à des dépenses n'excédant pas
5'000 fr., son activité étant par ailleurs soumise au contrôle et à la
surveillance de ses supérieurs. Il est dès lors évident qu'il n'avait pas non
plus la qualité d'organe de fait.
En revanche, la cour cantonale a retenu que le directeur adjoint avait la
qualité d'organe apparent. Elle semble avoir perdu de vue qu'en parlant
d'apparence, on vise seulement l'élément d'où on tire la qualité d'organe, mais
sans que cela ne change en rien le contenu de cette notion. Lorsqu'on se
demande si le directeur adjoint avait la qualité d'un organe apparent, on doit
rechercher si la banque, par une communication ou un comportement de ses
organes habilités, a créé l'apparence que son directeur adjoint avait en
réalité la qualité d'organe formel ou les pouvoirs d'un organe de fait.
Sur ce point, la cour cantonale s'est manifestement fourvoyée. Elle a attaché
une importance décisive à la carte de visite émise par la banque. Or, cette
carte montre expressément que son employé n'a que la qualité de directeur
adjoint, c'est-à-dire une position subordonnée dans la hiérarchie. Que l'on ait
pu penser, en lisant cette carte, qu'il était un cadre de la banque est
absolument sans pertinence, puisque les cadres sont normalement des employés,
et non des organes. Que l'on ait pu croire, à la lecture de la carte, qu'il
était chargé de la gestion de fonds ne crée pas l'apparence d'un organe,
puisque cette activité est normalement confiée à des employés. Que la banque
ait mis à sa disposition un grand bureau et une secrétaire ne permet en rien de
le qualifier d'organe, plutôt que d'employé exerçant une fonction de cadre. Une
banque peut parfaitement, pour des raisons de prestige, attribuer de vastes
bureaux à ses cadres, sans que cela ne permette en aucune façon de déduire
qu'ils ont les pouvoirs d'un organe. L'inscription d'une signature au registre
du commerce ne suffit pas pour créer l'apparence d'un organe (ATF 117 II 570
consid. 4a p. 573). Les déclarations mensongères que le directeur adjoint a pu
faire sont sans pertinence, puisqu'il ne peut se conférer à lui-même la qualité
d'organe apparent; l'apparence dont on parle ici doit résulter d'une
communication ou d'un comportement d'un tiers, qui est lui-même un organe
habilité de la personne morale. En l'espèce, on ne voit pas que la banque, par
son fait, ait donné l'apparence que le directeur adjoint était davantage qu'un
employé subordonné exerçant une fonction de cadre. Rien, dans les déclarations
ou le comportement de la banque, ne permet de penser qu'il avait le pouvoir
d'exercer lui-même une influence décisive sur la formation de la volonté
sociale durablement et dans de vastes domaines dépassant la gestion d'affaires
courantes.
Dès lors que le directeur adjoint n'était ni un organe formel, ni un organe de
fait, ni un organe apparent, la responsabilité de la banque ne peut pas être
engagée sur la base de l'art. 55 al. 2 CC.

2.4 Il reste à examiner, selon la motivation alternative, si la responsabilité
de la banque est engagée sur la base de l'art. 55 CO (responsabilité de
l'employeur pour ses employés).
Il est établi et non contesté que le directeur adjoint était employé de la
banque, qu'il a commis des actes illicites (pour lesquels il a été condamné sur
le plan pénal) qui ont causé le dommage invoqué par l'intimé.
La première question litigieuse est de savoir s'il a agi dans l'accomplissement
de son travail (art. 55 al. 1 CO). Depuis longtemps, la jurisprudence a
souligné que l'employé devait avoir agi dans l'accomplissement de son travail,
et non pas à l'occasion de celui-ci (ATF 95 II 93 consid. 4a p. 106). Cette
notion est cependant assez difficile à cerner. On admet qu'il faut une relation
directe et fonctionnelle entre l'activité confiée au travailleur et l'acte
dommageable que celui-ci commet (Werro, Commentaire romand, Code des
obligations, 2003, n° 15 ad art. 55 CO; Schnyder, Commentaire bâlois,
Obligationenrecht, 4e éd. 2007, n° 13 ad art. 55 CO; Brehm, Commentaire
bernois, 2e éd. 1998, n° 21 ad art. 55 CO). Il ne suffit cependant pas, pour
que la responsabilité soit exclue, que l'auxiliaire viole les instructions
reçues, qu'il excède sa compétence ou qu'il choisisse de causer
intentionnellement un dommage à un tiers (Schwenzer, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allg. Teil, 4e éd. 2006, n° 23.19; cf. aussi: ATF 95 II 93
consid. 4a p. 106; Rey, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 4e éd. 2008, n°
913).
Concernant le cas d'école où un ouvrier est appelé dans un appartement pour y
effectuer des travaux et saisit cette occasion pour commettre un vol, la
doctrine est divisée; certains admettent que l'employeur est responsable (par
exemple: Werro, Commentaire romand, Code des obligations, 2003, n° 15 ad art.
55; Brehm, Commentaire bernois, 4e éd. 2007, n° 28 ad art. 55 CO), alors que
d'autres soutiennent le contraire (Schnyder, Commentaire bâlois,
Obligationenrecht, 2e éd. 1998, n° 12 ad art. 55 CO; Rey, op. cit., n° 915). La
difficulté de ce cas d'école réside dans le fait que le vol est une activité
totalement étrangère aux travaux que l'ouvrier doit exécuter dans
l'appartement.
En l'espèce, on ne se trouve pas en présence d'une situation aussi délicate.
Certes, l'employé était chargé des immeubles et des équipements de la banque,
et non pas de gérer les avoirs de clients. Il n'empêche que la banque, par un
plan d'encouragement, avait incité tous ses employés, dès 1998, à apporter de
nouveaux clients, moyennant rémunération. Cette activité était évidemment
facultative, mais cela n'enlève rien au fait qu'en l'espèce elle était englobée
dans les missions que l'employé pouvait accomplir dans le cadre de son travail.
La recourante admet d'ailleurs que le directeur adjoint avait effectivement
amené quelques clients, ce qui montre bien qu'il pouvait aussi accomplir cette
activité dans le cadre de son travail, alors même qu'il était chargé en
principe des immeubles et des équipements. Ainsi, lorsque le directeur adjoint
parlait de la banque à ses connaissances et les incitait à y déposer leurs
fonds, il agissait dans le cadre général de son travail. Plutôt que d'inviter
les intéressés à ouvrir un compte à la banque et à y déposer leur argent, il
les a persuadés, par une tromperie astucieuse, de laisser les fonds à sa
disposition, ce qui lui a permis de les détourner à son profit. Autrement dit,
en exerçant une activité qui entrait dans le cadre de son travail (la
prospection de clients), il a choisi, plutôt que de faire bénéficier la banque
des clients qu'il avait trouvés, de les détourner à son seul profit. Dans un
tel cas, il y a un lien fonctionnel suffisamment étroit entre le travail
facultatif confié et l'acte dolosif que l'employé a décidé de commettre. Il y a
donc lieu d'admettre que le comportement illicite a été adopté dans le cadre de
l'activité consistant à rechercher des clients.
Le cas d'espèce n'est pas comparable avec la décision rendue récemment par le
Tribunal fédéral (arrêt 4A_54/2008 du 29 avril 2008). Dans ce cas, l'employé
avait clairement dit et montré qu'il agissait à titre privé et en dehors de son
activité professionnelle. Dans le cas d'espèce, le directeur adjoint a toujours
fait référence à sa qualité d'employé de la banque et il a clairement montré
que son but était d'amener de l'argent à la banque, tout en faisant profiter
l'intimé des avantages que la banque pouvait lui offrir par son intermédiaire.
L'activité du directeur adjoint n'a donc jamais été présentée comme étrangère à
son travail.

2.5 Les conditions de la responsabilité de l'employeur étant réunies, il faut
examiner si celui-ci a apporté la preuve libératoire ouverte par l'art. 55 al.
1 CO.
La cour cantonale a retenu que la banque n'était pas parvenue à prouver qu'elle
avait surveillé son employé avec toute la diligence commandée par les
circonstances (défaut dans la cura in custiendo). Il faut rappeler ici qu'un
défaut dans l'organisation suffit pour que la preuve échoue (ATF 110 II 456
consid. 3a p. 462).
Il a été constaté en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105
al. 1 LTF) - que le travail confié à l'employé impliquait qu'il ne reçoive
personnellement aucun client; or, il a été établi qu'il recevait régulièrement
ses propres clients dans les bureaux de la banque. Pour assurer la sécurité des
valeurs et la confidentialité des données, il est évident que des inconnus ne
doivent pas pouvoir se promener librement dans les bureaux d'une banque. En
l'espèce, les huissiers, dans tous les bâtiments de la banque, étaient bien
chargés de contrôler les entrées, mais il a été établi qu'ils n'ont signalé à
personne les rendez-vous fréquents que le directeur adjoint recevait, alors
même que cette situation, s'agissant d'un employé qui ne devait pas recevoir de
clientèle, appelait évidemment des interrogations. Le supérieur direct du
directeur adjoint a même surpris son subordonné alors qu'il recevait de
l'argent dans son bureau, mais n'a entrepris aucune investigation sérieuse à ce
sujet. L'audit interne a révélé que d'autres constatations plus ou moins
alarmantes avaient été faites, mais qu'elles n'avaient pas été regroupées, de
sorte que la gravité de la situation a été minimisée, faute d'une vue
d'ensemble. Devant la juridiction des prud'hommes, le responsable de l'audit a
déclaré qu'il avait mis en évidence des défauts d'organisation graves et des
procédures qui n'étaient pas adéquates et ne correspondaient pas aux risques.
Il a confirmé cette déclaration dans la présente procédure et il a ajouté que
toutes ses recommandations ont été suivies. Une banque doit toujours compter
avec le risque qu'un employé utilise les locaux et le papier à son en-tête pour
se livrer à des opérations de type bancaire à son seul profit et à l'insu de la
banque; il lui incombe donc de prendre les mesures de surveillance que l'on
peut raisonnablement exiger. Au vu des éléments qui viennent d'être rappelés,
la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en concluant que la banque
n'était pas parvenue à apporter la preuve qu'elle avait surveillé son employé
avec toute la diligence requise par les circonstances.
Dans ce contexte, la recourante soulève un grief concernant l'établissement des
faits qui est suffisamment motivé. Elle reproche à la cour cantonale de ne pas
avoir mentionné, dans l'état de fait, que l'auteur de l'audit interne a déclaré
lors de l'audience du 19 septembre 2007 qu' "à l'époque des faits il était très
difficile de détecter des fraudes potentielles de la part de A.________".
Vérification faite, le témoin a tout d'abord déclaré que toutes les
recommandations qu'il avait faites dans son rapport avaient été mises en place;
il a confirmé sa déclaration faite devant la juridiction des prud'hommes où il
déclare qu'il a mis en évidence de graves défauts d'organisation. En
conséquence, les mots "à l'époque des faits" doivent être compris en ce sens
que l'organisation était alors défectueuse et que c'est pour cette raison qu'il
était très difficile de détecter le comportement délictueux du directeur
adjoint. La recourante ne peut donc rien tirer de ce procès-verbal qui puisse
modifier la décision attaquée.
La recourante fait également grand cas de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral
au sujet du licenciement, à la suite de cette affaire, du directeur général
adjoint (arrêt 4C.110/2005 du 6 juillet 2005). Or, dans cet arrêt, le Tribunal
fédéral, après avoir rappelé que l'on ne peut pas invoquer des faits nouveaux
devant lui, a retenu, sur la base de l'arrêt cantonal, que la banque n'était
pas parvenue à démontrer l'existence de manquements de la part de ce directeur
général adjoint (consid. 4.3). Il n'a été nullement constaté dans cet arrêt que
la banque avait surveillé A.________ de manière adéquate, ni même que le
directeur général adjoint en question n'avait commis aucune faute; le Tribunal
fédéral a seulement constaté que la banque n'avait pas prouvé que son directeur
général avait commis des manquements. Il n'y a donc pas de contradiction entre
cet arrêt et la décision querellée. On peut d'ailleurs facilement imaginer que
la banque n'a pas souhaité s'étendre sur ses défauts d'organisation, afin de ne
pas péjorer sa situation dans les procès interjetés par les lésés.
La banque paraît d'ailleurs avoir pris conscience des défauts de sa
surveillance à l'époque des faits, puisqu'elle a adopté, en ce qui concerne son
organisation et les procédures à suivre, toutes les recommandations résultant
de l'audit interne effectué à la suite de cette affaire et qu'elle a par
ailleurs licencié les deux supérieurs directs du coupable.
Comme les agissements délictueux ont duré près de dix ans, il est possible
qu'une réaction adéquate ait pu intervenir avant le versement effectué par
l'intimé. L'employeur n'est donc pas non plus parvenu à prouver que la
diligence due n'aurait pas empêché la survenance de tout ou partie du dommage
invoqué.

2.6 La cour cantonale a réduit le montant des dommages-intérêts pour tenir
compte de la faute concomitante de l'intimé (art. 44 al. 1 CO).
L'intimé aurait dû manifestement s'étonner de ne pas ouvrir un compte auprès de
la banque en son propre nom; il aurait surtout dû se rendre compte que le
rendement qui lui était garanti était absolument incroyable. En se lançant
néanmoins dans une telle opération, l'intimé a agi avec légèreté et c'est à
juste titre que la cour cantonale a retenu l'existence d'une faute
concomitante. La réduction, fixée à 30%, relève de l'appréciation et ne viole
pas le droit fédéral.
Il n'y a donc pas lieu de revenir sur cette question qui n'a pas été discutée
devant le Tribunal fédéral.

3.
En conséquence, l'arrêt attaqué ne viole en rien le droit fédéral et le recours
doit être rejeté.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 mars 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Piaget