Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.487/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_487/2009

Arrêt du 18 novembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
commune de X.________, représentée par Me Jean-Daniel Théraulaz,
défenderesse et recourante,

contre

Y.________, représenté par Me Bernard Katz,
demandeur et intimé.

Objet
prestations d'ingénieur; honoraires

recours contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2008 par la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Dès 1991, la commune de X.________ s'est engagée dans le projet de construction
d'une salle polyvalente et elle a confié à Y.________ l'étude des installations
de chauffage et de ventilation, puis la direction des travaux correspondants.
L'ouverture du chantier, initialement prévue au printemps de 1992, fut reportée
au milieu de 1994; la construction s'est achevée au début de 1996.
Y.________ a perçu 112'288 fr. pour rémunération des prestations convenues avec
la maîtresse de l'ouvrage et exécutées par lui.
Y.________ a fait état de prestations supplémentaires commandées en sus de ce
qui était initialement convenu. Il a présenté, comme suit, cinq factures:
12'146 fr. le 29 décembre 1994, soit pendant les travaux;
12'880 fr. à la même date;
5'200 fr. le 5 mai 1996, soit peu après la fin des travaux;
128'060 fr. le 31 juillet 1998;
6'362 fr. à la même date.
La maîtresse de l'ouvrage n'a pas reconnu ces prestations supplémentaires et
elle s'est refusée aux paiements demandés.

B.
Le 14 décembre 1998, Y.________ a ouvert action contre la commune de X.________
devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud. La défenderesse devait être
condamnée à payer le total de ces cinq factures, soit 164'648 fr., avec
intérêts au taux de 5% par an dès le 1er octobre 1998.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action. Une première expertise, une
deuxième expertise et un complément de cette dernière furent ordonnés pour
évaluer les prestations en litige.
La Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée le 5 décembre 2008 et elle
a communiqué son jugement motivé le 28 août 2009. Accueillant partiellement
l'action, elle a condamné la défenderesse à payer 91'680 fr., avec suite
d'intérêts selon les conclusions de la demande.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer le jugement en ce sens que l'action soit
entièrement rejetée.
Le demandeur conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal
de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduit en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF),
le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105
al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat, alors même
qu'elles n'ont passé aucune convention écrite, et qu'elles y ont intégré le
règlement SIA n° 108 dans son édition de 1984, concernant les droits et devoirs
respectifs du mandant et d'un ingénieur mécanicien ou électricien, ou
spécialisé dans les installations du bâtiment (art. 1.1 ch. 1). Le demandeur a
ainsi promis, contre rémunération, des prestations d'étude et de conseil dans
le domaine des installations de chauffage et de ventilation.
Le règlement n° 108 distingue les prestations ordinaires et les prestations
supplémentaires de l'ingénieur. Les premières sont celles qui sont en général
nécessaires et suffisantes à l'accomplissement du mandat; les secondes peuvent
s'ajouter aux premières si la nature de la tâche l'exige ou si le mandant le
désire (art. 3.2 ch. 1 à 3). Il est aussi constant qu'en l'espèce, les
prestations ordinaires ont été accomplies et payées; seules des prestations
supplémentaires, à rémunérer d'après le temps employé par l'ingénieur ou ses
collaborateurs (art. 5.3 ch. 1, 6.1 et 6.2), demeurent litigieuses.
La défenderesse reconnaît expressément devoir une indemnité au montant de 8'500
fr., consécutive à la suspension du projet de construction durant près de deux
ans.
Pour le surplus, la défenderesse affirme ne rien devoir, bien qu'elle
s'abstienne de contester les nombres d'heures d'activité et les tarifs horaires
retenus d'abord par les experts, puis, sur la base de leurs études, par la Cour
civile. Elle soutient que le demandeur a annoncé et justifié tardivement ses
prétentions. Elle fait valoir que pour l'essentiel, celui-ci n'a apporté des
documents et renseignements concluants que dans le procès, au stade du
complément de la deuxième expertise, soit de nombreuses années après
l'achèvement des travaux. Elle n'élève cependant aucun grief qu'elle dirigerait
contre l'application des règles du droit cantonal de procédure relatives à
l'offre et à la production des preuves. La défenderesse se plaint seulement de
violation de l'art. 6.2 ch. 3 du règlement n° 108, relatif aux principes du
calcul des honoraires d'après le temps employé, ainsi libellé: « Le temps
employé doit être consigné dans des rapports de travail que le mandant doit
pouvoir consulter. Il doit être facturé périodiquement. » Subsidiairement, la
défenderesse se plaint d'un abus de droit, contraire à l'art. 2 al. 2 CC.

3.
La Cour civile ne constate pas que le demandeur ait omis de dresser et de tenir
à jour les rapports de travail nécessaires selon le règlement, ou que la
défenderesse lui ait demandé sans succès de pouvoir consulter ces documents. A
ce sujet, une violation du contrat n'est donc pas établie.
Le demandeur semble avoir respecté l'obligation de facturer « périodiquement »
le temps supplémentaire, dans la mesure où il a présenté des factures pendant
les travaux ou peu après leur achèvement. La critique de la défenderesse ne
peut ainsi viser que les prestations facturées le 31 juillet 1998. La Cour
civile a retenu, outre l'indemnité de 8'500 fr., 420 heures à 130 fr., soit
54'600 francs.
Selon l'art. 1.12 du règlement n° 108, au chapitre « généralités et principes
», l'ingénieur doit recevoir des honoraires correspondant aux prestations
accomplies. Dans le système de ce règlement, la clause invoquée par la
défenderesse ne se rapporte qu'à une simple modalité de la justification et de
la perception des honoraires. Elle se trouve dans un long chapitre consacré à
de nombreux détails du calcul des honoraires d'après le temps employé (art. 6.1
à 6.5). Selon le principe de la confiance qui régit l'interprétation des
conventions (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p.
68), l'art. 6.3 ch. 3 ne saurait être compris comme restriction du droit de
l'ingénieur à la rémunération des prestations effectivement accomplies. La
facturation tardive du temps supplémentaire engage sans doute la responsabilité
contractuelle de l'ingénieur selon les art. 97 al. 1 CO et 1.6 du règlement, si
le mandant subit un dommage par suite de ce retard, mais elle n'entraîne pas
l'extinction de la créance d'honoraires.
La défenderesse invoque encore la jurisprudence relative à l'art. 321c CO,
selon laquelle le droit du travailleur au paiement d'heures de travail
supplémentaires peut éventuellement se périmer si ce travailleur accomplit de
telles heures à l'insu de l'employeur et qu'il n'en réclame pas la rétribution
dans un délai approprié (ATF 129 III 171). Ce moyen peut être rejeté sans plus
de discussion car la Cour civile a constaté qu'à l'époque des travaux, la
défenderesse savait ou aurait dû savoir que le demandeur fournissait des
prestations supplémentaires, consistant dans des études de variantes ou de
modifications demandées par elle ou par son architecte.

4.
Sauf abus de droit et jusqu'à l'expiration du délai de prescription, il est
loisible au créancier d'attendre avant d'annoncer et de faire valoir ses
prétentions. Il y a éventuellement abus de droit, parmi d'autres cas, lorsque
l'ajournement des prétentions entraîne des inconvénients pour le débiteur, que
cette situation est reconnaissable pour le créancier et que l'on pourrait
attendre de lui qu'il agisse sans délai (ATF 131 III 439 consid. 5.1 p. 443).
La défenderesse impute un abus de droit au demandeur. Elle affirme que
l'activité de son cocontractant n'a pas excédé le cadre des prestations
ordinaires d'un ingénieur et que celui-ci n'a donc pas accompli de prestations
supplémentaires; que les factures du 31 juillet 1998 ont été présentées afin de
« punir » la défenderesse de n'avoir que partiellement admis une facture
antérieure, et enfin, que cette collectivité publique se trouvait dans
l'impérieuse nécessité de boucler rapidement les comptes de sa salle
polyvalente en vue de rapporter à son conseil communal. Cette dernière
circonstance est plausible mais elle n'est pas suffisamment grave pour
justifier le grief d'abus de droit; les autres allégations contredisent de
façon flagrante les constatations de fait de la décision attaquée, seules
déterminantes.

5.
Le total des prétentions admises par la Cour civile atteint 88'300 fr.; on lit
dans le jugement que la défenderesse n'est condamnée à payer une somme
supérieure qu'en raison d'une erreur de calcul. Cette décision est contraire au
droit fédéral dans la mesure où elle astreint la défenderesse à payer plus que
la rétribution effectivement due à l'autre partie; elle doit être réformée sur
cet excédent. Pour le surplus, le recours se révèle privé de fondement.

6.
La défenderesse succombe sur l'essentiel de la contestation; elle acquittera
donc l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels
l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens
que la défenderesse est condamnée à payer au demandeur 88'300 fr. avec intérêts
au taux de 5% par an dès le 1er octobre 1998.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 4'500 francs.

3.
La défenderesse versera une indemnité de 5'500 fr. au demandeur, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 18 novembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin