Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.434/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
4A_434/2009

Arrêt du 30 novembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI),
recourant,

contre

Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) - Radio Suisse Romande
(RSR),
intimée, représentée par Me Ivan Cherpillod.

Objet
enregistrement d'une marque;

recours contre l'arrêt de la Cour II du Tribunal administratif fédéral du 6
juillet 2009.

Faits:

A.
Le 20 septembre 2006, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) -
Radio Suisse Romande (RSR) (ci-après: la déposante) a déposé auprès de
l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (ci-après: l'Institut) une
demande d'enregistrement de la marque verbale RADIO SUISSE ROMANDE pour divers
produits et services. L'Institut a refusé d'enregistrer le signe précité en
raison d'irrégularités formelles et matérielles. Il a ensuite échangé avec la
déposante divers courriers au sujet de la liste des produits et services pour
lesquels la marque pouvait être enregistrée. Finalement, la déposante a requis,
le 23 janvier 2008, la division de sa demande d'enregistrement en deux demandes
(n° 69/2008 et n° 1889/2006). La première, non litigieuse, portait sur les
produits et services suivants:

Classe 16: Sacs non compris dans d'autres classes; sachets non compris dans
d'autres classes; affiches; photographies; cartes postales; décalcomanies;
dessins; images; matériel d'enseignement sous forme de jeux (livres, cartes à
jouer); produits de l'imprimerie; matériel d'instruction et d'enseignement;
articles de bureau; stylos; instruments d'écriture.
Classe 28: Jeux; jouets; jeux automatiques et électroniques autres que ceux à
prépaiement; cartes à jouer.
Classe 35: Recueil et systématisation de données, notamment de données
textuelles, sonores et d'images, dans les banques de données.
Classe 41: Éducation; formation; édition de livres, de revues, de cassettes
vidéo, de magazines.

La marque RADIO SUISSE ROMANDE a été enregistrée pour ces produits et services
en date du 26 février 2008.

La seconde demande divisionnaire concernait les services suivants:

Classe 38: Télécommunications; agences de presse et d'information; services de
télécommunications radiophoniques; émissions radiophoniques; radiodiffusion.
Classe 41: Divertissements radiophoniques; production d'émissions
radiophoniques et d'émissions musicales; montage de programmes radiophoniques.
Par décision du 13 mai 2008, l'Institut a rejeté la demande d'enregistrement n°
1889/2006. Selon cette autorité, les termes RADIO SUISSE ROMANDE ne peuvent
être monopolisés par un seul intervenant sur le marché de la radiodiffusion et
il existe ainsi pour ce signe, en relation avec les services visés, un besoin
de libre disposition absolu qui exclut de le considérer comme une marque
imposée pour lesdits services.

B.
Par mémoire du 9 juin 2008, la déposante a recouru contre la décision de
l'Institut auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle concluait à
l'enregistrement de la marque RADIO SUISSE ROMANDE pour les services précités
des classes 38 et 41, subsidiairement au renvoi du dossier à l'Institut pour
nouvelle décision.

Par arrêt du 6 juillet 2009, le Tribunal administratif fédéral a admis le
recours, annulé la décision du 13 mai 2008 et chargé l'Institut de procéder à
l'enregistrement, avec la mention «marque imposée», de la marque verbale n°
1889/2006 RADIO SUISSE ROMANDE pour tous les services désignés des classes 38
«Télécommunications; agences de presse et d'information; services de
télécommunications radiophoniques; émissions radiophoniques; radiodiffusion» et
41 «Divertissements radiophoniques; production d'émissions radiophoniques et
d'émissions musicales; montage de programmes radiophoniques». Examinant le
signe litigieux, composé d'une indication générique (RADIO) et d'une
dénomination géographique (SUISSE ROMANDE) «en principe susceptible
d'imposition», le Tribunal administratif fédéral, contrairement à l'Institut,
est arrivé à la conclusion que cette combinaison n'était pas soumise à un
besoin de libre disposition absolu en lien avec les services désignés des
classes 38 et 41 et, par conséquent, qu'elle pouvait constituer une marque
imposée. Se basant ensuite sur le caractère plus que cinquantenaire de la Radio
Suisse Romande, sur sa part de marché totale (57,3 % en 2008) et sur le nombre
d'auditeurs de ses quatre chaînes (environ 760'000 en 2005), le tribunal a
conclu à un usage intense et prolongé du signe en cause, qui est perçu par le
public concerné comme la référence à une entreprise déterminée, soit celle de
la déposante, et non pas comme le renvoi à n'importe quelle radio active en
Suisse romande. Il en a déduit que RADIO SUISSE ROMANDE était une marque
imposée qui bénéficiait de la protection légale pour les services désignés des
classes 38 et 41.

C.
L'Institut interjette un recours en matière civile. Il conclut à l'annulation
de l'arrêt du 6 juillet 2009 et au rejet de la demande d'enregistrement de
marque n° 1889/2006 pour l'ensemble des services.
Par ordonnance du 30 septembre 2009, la Présidente de la cour de céans a
accordé au recours l'effet suspensif requis par l'Institut.

La déposante propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3, 329 consid. 1 p. 331).

1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions se rapportant
à la tenue du registre des marques (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF).
L'exception prévue à l'art. 73 LTF n'est pas réalisée en l'espèce, puisqu'il ne
s'agit pas d'un tiers qui s'oppose à l'enregistrement d'une marque.
La qualité pour recourir contre une décision visée par l'art. 72 al. 2 let. b
LTF appartient, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités de
l'Administration fédérale si l'acte attaqué est susceptible de violer la
législation fédérale dans leur domaine d'attributions (art. 76 al. 2 LTF).
L'art. 29 al. 3 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du
Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1) prévoit que
l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle peut recourir au Tribunal
fédéral. Il n'est par ailleurs pas douteux que l'Institut est chargé de veiller
au respect de la loi dans la tenue du registre des marques (cf. art. 2 al. 1
let. b de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de
l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle [LIPI; RS 172.010.31]).
L'Institut a donc qualité pour recourir.

Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal
administratif fédéral (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la
valeur litigieuse atteint manifestement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1
let. b LTF; ATF 133 III 490 consid. 3), le recours est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre
pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une
question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans
être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation
retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
105).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été
établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid.1.5 p. 130, 397
consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction
du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
2.1 La recourante reproche tout d'abord au Tribunal administratif fédéral
d'avoir, de façon générale, dénié aux indications de provenance un caractère
indispensable au commerce et, partant, un besoin absolu de disponibilité, ce
qui serait contraire à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. Les
principes formulés dans l'arrêt attaqué ne seraient pas conformes à une
interprétation systématique de la loi et leur application conduirait à des
résultats indésirables. Par exemple, les indications de provenance directes,
sans éléments additionnels distinctifs, pourraient être monopolisées au profit
d'entreprises particulières, à supposer que celles-ci parviennent à rendre
vraisemblable que l'indication en cause s'est imposée en tant que marque pour
les produits ou services concernés; l'enregistrement d'une indication de
provenance à titre de marque empêcherait ainsi les concurrents d'utiliser le
nom géographique en cause pour décrire la provenance de leurs produits ou
services (cf. art. 47 ss LPM [RS 232.11]).

Selon la recourante, le Tribunal administratif fédéral s'est fondé sur la
prémisse - erronée - que les indications de provenance ne sont jamais
assujetties à un besoin absolu de disponibilité pour conclure que le signe
RADIO SUISSE ROMANDE dans son ensemble n'est pas soumis à un tel besoin et
qu'il peut dès lors s'imposer à titre de marque. Par ailleurs, le tribunal
aurait, contrairement à la jurisprudence du Tribunal fédéral, limité l'exigence
d'un besoin de libre disposition absolu aux termes intrinsèquement
indispensables pour désigner la nature des produits ou des services. Or, selon
la recourante, la notion de besoin de libre disposition absolu ne concerne pas
seulement les désignations génériques, mais s'étend aux autres désignations
descriptives, en particulier à celles qui décrivent la destination ou la
provenance géographique des produits ou des services.

A suivre la recourante, le Tribunal administratif fédéral aurait dû prendre en
considération le besoin des concurrents actuels ou potentiels de l'intimée de
faire usage du signe litigieux. Or, les dizaines de stations radiophoniques
existant en Suisse romande devraient pouvoir utiliser librement le signe RADIO
SUISSE ROMANDE pour indiquer la provenance de leurs services, respectivement
leur attachement régional, si bien que ledit signe, soumis à un besoin de libre
disposition absolu, ne saurait être enregistré à titre de marque imposée.

2.2 Avant d'aborder le fond de l'affaire, il convient de rectifier la lecture
de l'arrêt attaqué telle que rapportée par la recourante.

Premièrement, il ne ressort pas des considérants du Tribunal administratif
fédéral que, de manière générale, un besoin absolu de disponibilité ne puisse
jamais être opposé à une indication de provenance. Le tribunal a seulement
retenu que les indications de provenance «ne sont pas d'emblée soumises à un
besoin de libre disposition absolu qui exclurait toute démonstration de
l'imposition» (consid. 6.5.5 in fine). Plus loin, il a considéré la
dénomination SUISSE ROMANDE comme «en principe susceptible d'imposition»
(consid. 6.5.6 in fine). En usant des expressions «d'emblée» et «en principe»,
le tribunal n'exclut pas que, dans un cas concret, une indication de provenance
soit assujettie à un besoin absolu de libre disposition et ne puisse ainsi
s'imposer comme marque.

Deuxièmement, le Tribunal administratif fédéral ne pose nulle part le principe
selon lequel seul «un terme intrinsèquement indispensable pour désigner la
nature des services» n'est pas protégeable en droit des marques en raison d'un
besoin de libre disposition absolu. Au considérant 6.6 in initio, il se borne à
constater que, contrairement aux signes soumis à un tel besoin qu'il vient
d'énumérer, le signe RADIO SUISSE ROMANDE est formé non seulement d'un terme
générique soumis à un besoin de libre disposition absolu, mais en plus d'une
indication de provenance. Le tribunal déduit simplement de cette différence que
le signe dont l'enregistrement est requis doit être apprécié en tenant compte
de chacune de ses composantes.

3.
3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 2 let. c LPM, la demande d'enregistrement doit
être rejetée s'il existe des motifs absolus d'exclusion, énumérés à l'art. 2
LPM.

Sont exclus de la protection notamment les signes appartenant au domaine
public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les
services concernés (art. 2 let. a LPM). L'absence de force distinctive ou le
besoin de libre disposition caractérisent les signes du domaine public. Un
signe en soi dépourvu de force distinctive peut néanmoins s'imposer dans le
commerce à titre de marque (Verkehrsdurchsetzung) lorsqu'une part importante
des destinataires du produit ou des services concernés le perçoivent comme une
référence à une entreprise déterminée, sans qu'il soit nécessaire que celle-ci
soit connue nommément. Encore faut-il que le signe ne soit pas soumis, dans le
cas particulier, à un besoin de libre disposition absolu, lequel empêchera
alors l'enregistrement comme marque imposée. L'assujettissement d'un signe à un
besoin de libre disposition absolu suppose que l'emploi dudit signe est
nécessaire au commerce et doit, de ce fait, rester à la libre disposition de
tous les concurrents; cette condition ne doit pas être examinée de façon
générale pour le type de signe en cause, mais bien en rapport avec le produit
ou les services concernés. Sont des signes appartenant au domaine public: les
signes banals ou communs, soit les chiffres ou lettres isolés, les couleurs ou
formes géométriques simples; les signes descriptifs et les désignations
génériques, soit les références à la nature, aux propriétés, à la composition
ou à l'emploi d'un produit; les signes libres, qui ont perdu leur caractère
distinctif en raison d'un usage généralisé; les indications géographiques (ATF
134 III 314 consid. 2.3.2 p. 319/320, consid. 2.3.4 p. 321 et consid. 2.3.5 p.
321/322; 131 III 121 consid. 4.1 p. 126/127 et consid. 4.4 p. 130/131; cf.
également arrêt 4A_370/2008 du 1er décembre 2008 consid. 5, consid. 5.1,
consid. 6.1 et consid. 6.2, in sic! 3/2009 p. 167).
Selon la jurisprudence, le caractère intrinsèquement banal d'un signe ne suffit
pas pour assujettir ledit signe à un besoin de libre disposition absolu; ce
sont les circonstances du cas qui seront déterminantes (ATF 134 III 314 consid.
2.3.3 p. 320/321; 131 III 121 consid. 4.3 p. 129). En ce qui concerne les
signes descriptifs et les désignations génériques, le besoin de libre
disposition a été reconnu pour des expressions attribuant certaines qualités à
la marchandise, telles que «beau», «bel», «belle», «super», «bon», «fin», pour
autant que ces désignations soient descriptives en relation avec le produit
concerné, ainsi que pour des mots tels que «pain», «chaussure», «vêtement»,
«laine», «coton», ou encore «touring» dans le domaine des fournitures ou des
services concernant l'automobile ou les voyages en automobile. Quant aux signes
libres, la question du besoin de libre disposition ne se pose pas à leur sujet
(ATF 131 III 121 consid. 4.2 p. 127/128 et les arrêts cités).

Pour ce qui est des désignations géographiques, la jurisprudence part du
constat que la mention d'un nom géographique est habituellement comprise comme
une indication de provenance (ATF 135 III 416 consid. 2.2 p. 419). Selon l'art.
47 al. 1 LPM, l'indication de provenance se définit comme toute référence
directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services,
y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la
provenance. Les indications de provenance directes - c'est-à-dire les noms de
ville, de lieu, de territoire, de région ou de pays - sont soumises en principe
à un besoin de libre disposition, dès lors que chaque producteur ou fournisseur
doit pouvoir indiquer la provenance de ses biens ou services et qu'il ne doit
pas être empêché de le faire en raison de marques de concurrents (cf. ATF 128
III 441 consid. 1.1 p. 443 «Appenzeller», 454 consid. 2.1 p. 458 «Yukon»; Eugen
Marbach, Markenrecht, SIWR vol. III/1, 2e éd. 2009, n° 389 p. 121).

Aux termes de l'art. 47 al. 2 LPM, ne sont pas des indications de provenance
les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux
intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services. Fondé
sur cette disposition, le Tribunal fédéral a énuméré six cas dans lesquels il
est permis d'utiliser un nom géographique comme marque ou de le faire entrer
dans la composition d'une marque; il a ainsi rangé dans cette catégorie les
indications géographiques qui se sont imposées dans l'esprit du public comme le
signe distinctif d'une entreprise déterminée (ATF 128 III 454 consid. 2.1 in
fine p. 458/459 et consid. 2.1.5 p. 460; cf. également 135 III 416 consid. 2.6
p. 421 et consid. 2.6.4 p. 422). A cet égard, la jurisprudence avait notamment
admis, déjà sous l'ancien droit, que la désignation «Sihl» pour du papier était
susceptible d'être protégée comme marque (ATF 92 II 270 consid. 2 p. 274/275)
ou que la dénomination «Valser» destinée à l'eau minérale commercialisée par
Valser Mineralquellen AG pouvait constituer une marque pour autant qu'elle se
soit suffisamment imposée dans le commerce comme signe appartenant à
l'entreprise susmentionnée (ATF 117 II 321 consid. 3c p. 325). Plus récemment,
le Tribunal fédéral a reconnu que la marque «Appenzeller» s'était imposée dans
le commerce en rapport avec les fromages de l'organisation Appenzeller Käse
GmbH (ATF 128 III 441 consid. 1.4 p. 445).

L'arrêt de principe «Yukon» (ATF 128 III 454) reconnaît qu'une indication de
provenance directe est assujettie en règle générale à un besoin de libre
disposition. En soi, cette jurisprudence n'exclut donc pas d'examiner d'abord,
selon la méthode appliquée aux signes du domaine public en général dans les
arrêts les plus récents (ATF 134 III 314 et arrêt précité du 1er décembre
2008), si la désignation géographique en cause constitue une indication de
provenance directe soumise, dans le cas particulier, à un besoin de libre
disposition absolu (cf. Emmanuel Piaget, Les signes dotés d'un caractère
«presque distinctif» ou l'effet non désiré de l'arrêt «Felsenkeller», in sic! 4
/2007 p. 262), avant d'aborder, le cas échéant, la question de l'imposition
dans le commerce.

Un signe indispensable au commerce est celui qui, dans l'intérêt de la
concurrence, ne saurait être monopolisé par un seul exploitant à ses propres
fins commerciales, alors que des concurrents actuels ou futurs peuvent avoir un
intérêt significatif à utiliser ce signe (Marbach, op. cit., n° 258 p. 78;
Christoph Willi, MSchG, Kommentar zum Schweizerischen Markenrecht, 2002, n° 42
ad art. 2 LPM). En ce qui concerne les indications de provenance par exemple,
il ne suffit pas, pour nier un besoin de libre disposition, que le signe ne
soit employé par aucune autre entreprise susceptible de se référer à la même
provenance; en effet, il peut exister un tel besoin dès que des concurrents
pourraient être actifs à l'avenir dans le domaine en question et avoir ainsi un
intérêt à faire usage de la même indication de provenance (Marbach, ibid.).

3.2 L'intimée demande l'enregistrement d'une marque verbale formée de plusieurs
mots. Le signe en cause est composé d'une désignation générique (RADIO) et
d'une indication de provenance directe (SUISSE ROMANDE). A la fois dépourvu de
caractère distinctif et soumis à un besoin de libre disposition absolu, le
terme RADIO ne peut être protégé comme signe seul. Qu'en est-il lorsqu'il est
assorti du nom géographique SUISSE ROMANDE? A cet égard, il convient de
préciser que l'impression d'ensemble est déterminante pour juger si un signe
relève du domaine public et n'est ainsi pas susceptible d'être protégé (cf. ATF
133 III 342 consid. 4 p. 346; Lucas David, in Basler Kommentar,
Markenschutzgesetz - Muster- und Modellgesetz, 2e éd. 1999, n° 8 ad art. 2
LPM). En particulier, un signe n'appartiendra pas au domaine public du simple
fait que l'un ou plusieurs des éléments le composant sont assujettis à un
besoin de libre disposition; il convient bien plutôt d'examiner si le signe
dans sa globalité, en tant que combinaison d'éléments spécifiques, doit rester
libre ou non pour le commerce (Marbach, op. cit., n° 272 p. 83).

En l'espèce, la question est de savoir si le signe RADIO SUISSE ROMANDE est
nécessaire au commerce, pour les services concernés des classes 38 et 41. A ce
propos, il n'apparaît pas que les besoins de la concurrence entre les
différents organismes diffusant de la radio en Suisse romande imposent que ces
derniers puissent se présenter comme une «radio suisse romande». Certes, les
radios locales et régionales doivent pouvoir indiquer qu'elles sont actives en
Suisse romande, mais cela ne signifie pas encore que l'appellation complète
«radio suisse romande» doive rester libre pour les concurrents de l'intimée. A
vrai dire, on ne voit pas quel intérêt ces derniers pourraient faire valoir
pour revendiquer librement l'usage du signe litigieux. Il sied par ailleurs
d'ajouter que les entreprises fournissant des services ont un besoin moindre de
renseigner le public sur la provenance desdits services; la pratique se montre
ainsi plus souple pour les services que pour les produits (Marbach, op. cit.,
n° 405 p. 127). Le parallèle tiré par la recourante avec les exemples portant
sur les produits «montre suisse» et «chocolat suisse» n'apparaît dès lors pas
pertinent.

Il s'ensuit que le Tribunal administratif fédéral n'a pas méconnu les principes
tirés de l'art. 2 let. a LPM en concluant que le signe RADIO SUISSE ROMANDE
n'était pas soumis à un besoin de libre disposition absolu.

3.3 Pour le reste, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'intimée
avait rendu suffisamment vraisemblable (cf. ATF 130 III 328 consid. 3.2 p. 332/
333) que le signe RADIO SUISSE ROMANDE s'était imposé comme marque pour les
services en cause des classes 38 et 41. L'«imposition dans le commerce» est une
notion de droit; en revanche, la question de savoir si les conditions d'une
telle imposition sont réalisées dans le cas particulier relève des faits, que
le Tribunal fédéral ne peut revoir que sous l'angle restreint de l'art. 105 al.
2 LTF.

En l'espèce, la recourante ne formule aucune critique en rapport avec le
caractère de marque imposée de RADIO SUISSE ROMANDE reconnu par les juges
précédents. Elle ne prétend nulle part que ceux-ci se seraient fondés sur des
éléments non pertinents, ni que les facteurs pris en compte reposeraient sur
une appréciation arbitraire des preuves.

A ce propos, rien ne permet d'admettre que le Tribunal administratif fédéral
est parti d'une notion erronée de l'«imposition dans le commerce». Il convient
au surplus de renvoyer au considérant 7 de l'arrêt attaqué (cf. art. 109 al. 3
LTF), qui explique de manière convaincante en quoi le signe RADIO SUISSE
ROMANDE s'est imposé comme marque pour les services en cause.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le
droit fédéral en ordonnant l'enregistrement, à titre de marque imposée, du
signe RADIO SUISSE ROMANDE pour les services désignés des classes 38 et 41. Par
conséquent, le recours doit être rejeté.

5.
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il ne sera pas mis de frais judiciaires à
la charge du recourant, même s'il succombe. Par ailleurs, le recourant versera
des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 3'500 fr., à payer à titre de dépens à l'intimée, est mise à
la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour II du Tribunal
administratif fédéral.

Lausanne, le 30 novembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Godat Zimmermann