Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.413/2009
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_413/2009

Arrêt du 11 novembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Thélin.

Parties
A.X.________, représentée par Me Christian Luscher,
demanderesse et recourante,

contre

Y.________, représentée par Me Romolo Molo,
défenderesse et intimée.

Objet
bail à loyer; résiliation

recours contre l'arrêt rendu le 19 juin 2009 par la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du
canton de Genève.

Faits:

A.
Selon contrat du 4 février 1986, Y.________ a pris à bail un appartement de six
pièces et demie au deuxième étage d'un bâtiment sis à Genève. Elle avait
récemment divorcé du précédent locataire, lequel avait habité l'appartement
depuis 1976.
Son cocontractant était H.X.________; à son décès, son épouse F.X.________ lui
a succédé; en avril 2002, leur fille A.X.________ est devenue la bailleresse.
Avec son mari, celle-ci habite un appartement au rez-de-chaussé du bâtiment.
Dès avril 1992, le loyer mensuel net s'est élevé à 1'426 francs.
F.X.________ a résilié le bail le 13 décembre 2000, avec effet au 31 mars 2001.
Saisie par la locataire, la juridiction genevoise des baux et loyers a constaté
la nullité de ce congé. La Chambre d'appel a confirmé le jugement, en dernière
instance, le 8 mars 2004. Son arrêt fait état d'un comportement contradictoire
et chicanier de F.X.________ et de A.X.________.

B.
L'appartement était loué à usage d'habitation. Des conditions générales étaient
annexées au contrat; leur art. 39 était libellé comme suit:
Les activités professionnelles même partielles sont interdites, sauf convention
contraire entre le bailleur et le locataire. Ce dernier veille alors à ce
qu'elles ne portent pas préjudice aux autres locataires, au voisinage ou à
l'immeuble lui-même.
Dès 1986 au plus tôt, et au su des bailleurs successifs, Y.________ a utilisé
l'une des pièces de son appartement pour y donner des cours de peinture et de
dessin. Elle a également enseigné à l'Institut M.________ jusqu'en 2003;
ensuite, désormais à son domicile, des élèves de cet établissement ont continué
à suivre ses cours.
Par lettre du 27 juin 2000, A.X.________ a communiqué que les cours donnés dans
l'appartement de Y.________ étaient « tolérés pour le moment, pour autant
qu'ils n'occasionnent pas d'effets négatifs ». Le 21 mars 2001, alors que la
résiliation du 13 décembre 2000 était contestée, A.X.________ s'est plainte de
ce que le père d'un élève, trouvant la porte du bâtiment fermée après 20h00,
avait « frappé intempestivement à la fenêtre de [cette] porte » et avait «
secoué dangereusement cette dernière pour essayer de forcer le verrou et ouvrir
». Le 4 avril, elle a invité la locataire à afficher sur sa porte un avis ainsi
conçu: « Les patins à roulette et les rollers sont interdits dans cette maison.
» Par lettres du 30 octobre et du 13 novembre 2001, elle s'est plainte de ce
que certains élèves claquaient le portail avec violence.
Les élèves reçurent de Y.________ un avis leur demandant de fermer doucement le
portail, de s'essuyer les pieds en entrant, de ne pas utiliser d'objets à
roulettes, de parcourir l'escalier en faisant le moins de bruit possible, et en
silence.
La porte d'entrée fut fermée jour et nuit et équipée d'un code d'accès dès
décembre 2003. Bien que A.X.________ le lui eût interdit, Y.________ a
communiqué ce code à ses élèves. Par la suite, la porte fut équipée d'un autre
système, comportant un interphone.
Le 26 avril 2004, alors que le contentieux de la résiliation s'était récemment
terminé, A.X.________ a invité Y.________ a suspendre son enseignement ou à le
transférer dans d'autres locaux, cela avant le début de septembre suivant. A
cette époque, entre une et cinq personnes participaient à chaque cours, quatre
après-midis par semaine de 14h00 à 16h00, le mercredi matin de 9h30 à 11h30, et
le mardi soir de 18h00 à 20h00.
Le 29 septembre 2004, A.X.________ a mis Y.________ en demeure de cesser
totalement son activité d'enseignement le 15 novembre 2004 au plus tard, faute
de quoi le bail serait résilié pour de justes motifs. La locataire n'a pas
donné suite à cette sommation; au cours du mois d'octobre, elle a au contraire
fait paraître, pour ses cours, de la publicité dans le Bulletin de la Maison de
quartier de Saint-Jean.
Par avis de résiliation du 16 novembre 2004, A.X.________ a résilié le bail
avec effet au 31 décembre suivant, en indiquant la motivation ci-après: « congé
pour justes motifs; usage non conforme au bail malgré deux avertissements ».
Y.________ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers
en vue de faire annuler ce nouveau congé. La cause a été déclarée non conciliée
le 25 novembre 2005. Ensuite, la locataire n'a pas saisi le Tribunal des baux
et loyers.

C.
Le 23 mai 2006, devant la Commission de conciliation puis devant le Tribunal
des baux et loyers, A.X.________ a ouvert action contre Y.________ afin que
celle-ci fût condamnée à évacuer l'appartement. La défenderesse a conclu au
rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 16 octobre 2008; il a accueilli l'action et
condamné la défenderesse à évacuer immédiatement l'appartement de sa personne
et de ses biens.
La défenderesse ayant déféré le jugement à la Chambre d'appel, cette autorité a
statué le 19 juin 2009. Elle a rejeté l'action et constaté que le congé était
inefficace. Les bailleurs successifs avaient tacitement autorisé les cours
donnés dans l'appartement, de sorte que cette activité lucrative était
compatible avec l'usage convenu entre les parties. Pour le surplus, le maintien
du bail n'était pas devenu objectivement insupportable pour la bailleresse, par
suite d'un manque de diligence de la locataire ou d'un manque d'égard envers le
voisinage.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Chambre d'appel en ce sens que la
défenderesse soit condamnée à évacuer immédiatement l'appartement, avec ses
dépendances, de sa personne et de ses biens. Des conclusions subsidiaires
tendent à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la Chambre d'appel
pour nouvelle décision.
La défenderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Dans une contestation concernant la validité d'une résiliation de bail, selon
la jurisprudence pertinente pour l'application des art. 51 al. 1 let. a, 51 al.
2 et 74 al. 1 let. a LTF, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période
minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas
valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé
peut être donné; s'il y a lieu, il faut prendre en considération la période de
protection de trois ans, à compter dès la fin de la procédure judiciaire, qui
est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 111 II 384 consid. 1 p. 386;
voir aussi ATF 119 II 147 consid. 1 p. 149). En l'espèce, le loyer d'une seule
année excède la valeur litigieuse minimale qui est fixée à 15'000 francs.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF),
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale
(art. 75 al. 1 LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Introduit en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3
LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105
al. 1 LTF).

2.
Il est constant que la défenderesse occupe son appartement sur la base d'un
contrat de bail à loyer et celui-ci est éventuellement résiliable aux
conditions de l'art. 257f CO.
Aux termes des art. 257f al. 1 et 2 CO, le locataire est tenu d'user de la
chose louée avec le soin nécessaire et, s'il s'agit d'un bien immobilier,
d'avoir pour les personnes habitant la maison et pour les voisins les égards
qui leur sont dus. L'art. 257f al. 3 CO prévoit que si le maintien du bail est
devenu insupportable pour le bailleur ou le voisinage, et que le locataire
persiste à enfreindre ses devoirs en dépit d'une protestation écrite, le
bailleur peut, s'il s'agit d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux,
résilier ce contrat en observant un délai de congé de trente jours pour la fin
d'un mois.

3.
La résiliation anticipée peut notamment intervenir lorsque le locataire affecte
la chose à une utilisation incompatible avec les stipulations du contrat; il
n'est alors pas nécessaire que la situation résultant de cette utilisation,
considérée objectivement, se révèle grave au point d'être insupportable pour le
bailleur. Les principes généraux de l'interprétation des contrats sont
déterminants pour apprécier l'existence et la portée de stipulations explicites
ou tacites concernant l'utilisation de la chose (ATF 132 III 109 consid. 2 p.
110 et consid. 5 p. 113).
Le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle
intention des parties. S'il y parvient, il procède à une constatation de fait
qui ne peut être contestée, en instance fédérale, que dans la mesure restreinte
permise par l'art. 97 al. 1 LTF. Déterminer ce que les parties savent ou
veulent au moment de conclure relève en effet de la constatation des faits.
Si le juge ne parvient pas à établir la commune et réelle intention des
parties, il lui incombe d'interpréter leurs déclarations et comportements selon
la théorie de la confiance. Il doit rechercher comment une déclaration ou une
attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des
circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le
sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne
correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance
est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement. Pour
résoudre cette question de droit, il doit cependant se fonder sur le contenu de
la manifestation de volonté concernée et sur les circonstances dans lesquelles
elle est intervenue, points qui relèvent du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2
p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 68; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611).
Dans la présente affaire, les conditions générales que les parties ont annexées
au contrat excluent rigoureusement les activités professionnelles dans
l'appartement loué; elles réservent toutefois une éventuelle convention
contraire à ce sujet. La Chambre d'appel ne constate pas que les parties aient
passé une convention expresse sur des cours de dessin et de peinture dans
l'appartement. En dépit de ce qu'affirme la défenderesse, elle ne saurait donc
avoir constaté la réelle et commune intention des parties lors de la conclusion
de cette hypothétique convention.
En revanche, la Chambre d'appel constate que dès 1986 au plus tôt, et au su des
bailleurs successifs, la défenderesse a utilisé l'une des pièces de son
appartement pour y donner des cours. A fin juin 2000, cette situation se
prolongeait depuis près de quatorze ans et la défenderesse pouvait en inférer
de bonne foi, selon le principe de la confiance, que son activité était
tacitement acceptée. Il s'ensuit qu'à cette époque, la convention réservée par
les conditions générales existait effectivement entre les parties. Elle a
subsisté depuis et la bailleresse ne pouvait pas s'en délier de manière
unilatérale. Contrairement à l'argumentation que celle-ci présente au Tribunal
fédéral, sa lettre du 27 juin 2000 n'est pas une acceptation « à bien plaire »
qui demeurerait, à l'avenir, sujette à révocation, puisque l'activité concernée
était déjà acceptée sans réserve, de manière tacite.
Il est constaté que ladite activité s'est « intensifiée » après que la
défenderesse eut cessé d'enseigner à l'Institut M.________. L'horaire des cours
et l'importance de leur fréquentation ne sont connus, en substance, qu'après ce
changement; la décision attaquée ne fournit pas d'indications sur la situation
antérieure. Il n'est donc pas établi que l'activité de la défenderesse ait
augmenté dans une mesure si importante qu'elle soit devenue exorbitante de la
convention tacite des parties. Le cas échéant, la demanderesse n'aurait de
toute manière pas pu exiger, comme elle l'a fait, la cessation complète de
cette activité, mais seulement sa réduction.
Cette partie n'est donc pas fondée à se plaindre d'une utilisation de
l'appartement qui fût incompatible avec les stipulations du bail à loyer et qui
pût, pour ce motif, justifier la résiliation prévue par l'art. 257f CO.

4.
La résiliation anticipée peut encore intervenir, selon le texte de cette
disposition, lorsque le locataire persiste à enfreindre son devoir de diligence
ou à manquer d'égards envers les voisins. Le maintien du bail doit être devenu
insupportable au bailleur ou aux habitants de la maison; cela suppose que le
manquement imputable au locataire atteigne un certain degré de gravité (arrêt
4C.306/2003 du 20 février 2004, consid. 3.5, SJ 2004 I 442).
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC), si la résiliation anticipée répond à un motif suffisamment grave (ATF 132
III 109 consid. 2 p. 110); à cette fin, il prend en considération tous les
éléments concrets du cas particulier. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec
réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il
intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la
doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle
s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun
rôle, ou encore lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être
pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions
rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 135 III 121
consid. 2 p. 123; 133 III 257 consid. 3.2 p. 272).
La demanderesse s'est plainte des allées et venues des élèves dans le bâtiment,
lesquelles, en particulier, dérangeaient son mari. Cela ne suffit évidemment
pas à établir des nuisances objectivement graves, excédant ce que chacun doit
tolérer dans une maison où d'autres personnes sont en droit d'habiter et
d'exercer certaines activités. Quoi qu'en pense la demanderesse, il est sans
importance qu'il n'y eût pas d'autres habitants susceptibles d'être dérangés.
La fermeture permanente de la porte d'entrée, dès décembre 2003, sans moyen
d'appeler depuis l'extérieur, était inadéquate compte tenu que l'une des
locataires - la défenderesse - recevait régulièrement des visiteurs. La
demanderesse a d'ailleurs mis fin à cette situation en installant un
interphone. Dans l'intervalle, la communication du code d'accès aux élèves ne
constituait certainement pas un manquement grave au devoir de diligence de la
défenderesse. Dans ces conditions, la Chambre d'appel peut juger sans abus de
son pouvoir d'appréciation que les circonstances ne justifiaient pas la
résiliation prévue par l'art. 257f CO.

5.
La résiliation injustifiée étant dépourvue d'effet juridique (ATF 121 III 156
consid. 1c/aa p. 161), le bail à loyer s'est poursuivi et, en l'état, la
demanderesse n'est pas en droit d'exiger la restitution de la chose louée.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'500 francs.

3.
La demanderesse versera une indemnité de 3'000 fr. à la défenderesse, à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 11 novembre 2009.

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin