Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.410/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_410/2009

Arrêt du 15 décembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-François Marti,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Patrick Blaser.

Objet
bail à loyer; résiliation pour des motifs économiques; loyers usuels du
quartier,

recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève du 19 juin 2009.

Faits:

A.
En 1992, W.________ SA (devenue depuis lors X.________ SA; a donné en location
à A.________ et à Y.________ des locaux d'une surface totale de 266 m2 destinés
à l'exploitation d'un studio de danse classique. Les locaux se répartissent sur
deux niveaux: 191 m2 au rez-de-chaussée et 75 m2 au premier étage de l'immeuble
sis à la rue Toepffer ..., à Genève. Le bail était conclu pour cinq ans et se
renouvelait ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans. Après le décès de
A.________, le bail s'est poursuivi, par avenant du 4 avril 2001, avec
Y.________ uniquement. Depuis le 1er janvier 2005, le loyer, sans les charges,
est fixé à 38'160 fr. par an, soit 3'180 fr. par mois, ce qui représente un
loyer annuel de 143 fr. par m2.

L'immeuble abritant le studio de danse a été construit en 1893. Il est situé à
proximité de l'Église russe, soit dans un quartier à connotation résidentielle
où se trouvent également des activités commerciales, telles des études d'avocat
ou des sociétés financières. Les transports publics ne desservent pas
directement l'immeuble. Les façades, les fenêtres et les stores du bâtiment ont
été rénovés en 1980. Les locaux loués comportent un hall d'entrée, des fenêtres
à double vitrage, des installations électriques anciennes; il n'y a ni cuisine,
ni cafétéria, ni parking, ni local d'archives; les sanitaires sont anciens.
Tant l'état général de l'immeuble que l'état des locaux eux-mêmes sont
qualifiés de moyens.

Par avis officiel du 18 avril 2007, X.________ a résilié le bail pour le 31
octobre 2007. Le congé a été signifié pour des motifs économiques, afin de
relouer les locaux à un tiers pour un loyer supérieur.

B.
Y.________ a saisi la Commission de conciliation d'une requête en annulation de
congé.

Non conciliée, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève. Par jugement du 17 septembre 2008 rendu après instruction
écrite, sans audition des parties et sans les enquêtes sollicitées par la
bailleresse, le tribunal a annulé le congé. En substance, il a retenu que la
bailleresse n'avait pas démontré qu'elle pourrait relouer les locaux à un tiers
pour un loyer non abusif supérieur au loyer payé par la locataire actuelle.

Saisie par la bailleresse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 19 juin 2009. Sur les
dix-huit exemples de locaux commerciaux au centre de Genève présentés par la
bailleresse à titre de comparaison, la cour cantonale n'a examiné que les onze
objets situés dans un périmètre délimité par le boulevard Jaques-Dalcroze au
nord-ouest, la rue Ferdinand-Hodler au nord-est, la rue des Contamines à
l'ouest et, au sud, la rue de l'Athénée, le boulevard des Tranchées, la place
Claparède et la rue Jean-Sénebier. Elle a écarté les autres objets, sis hors de
ce périmètre, pour les motifs suivants: le périmètre de la rue du Rhône et du
Rond-Point de Rive est un quartier caractérisé par la présence de nombreux
commerces de luxe, de rues piétonnes et qui est très bien desservi par les
transports publics, en particulier le tram; par ailleurs, le tissu urbain de la
Vieille Ville ou de Champel est très différent de celui du périmètre où se
trouvent les locaux litigieux. Sur les onze objets retenus, la cour cantonale
est arrivée à la conclusion que, pour des motifs divers, aucun n'était
comparable avec les locaux dont le bail a été résilié.

C.
X.________ SA interjette un recours en matière civile. Elle conclut
principalement à ce qu'il soit constaté que le bail a été valablement résilié
avec effet au 31 octobre 2007 et à ce qu'aucune prolongation de bail ne soit
accordée à la locataire; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la
cause à la cour cantonale.

Y.________ propose, à titre principal, le rejet du recours et, à titre
subsidiaire, une prolongation de bail de six ans échéant le 31 octobre 2013.

La cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique.

Considérant en droit:

1.
1.1 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature
pécuniaire; elles ne peuvent donc être soumises au Tribunal fédéral, par un
recours en matière civile, que si elles atteignent la valeur litigieuse
prescrite par la loi. En matière de droit du bail à loyer, cette valeur s'élève
à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF).

En cas de litige portant sur la résiliation d'un bail, la valeur litigieuse se
détermine selon le loyer dû pour la période durant laquelle le contrat subsiste
nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et qui s'étend
jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné ou l'a été
effectivement. Pour déterminer la prochaine échéance possible, il faut donc
supposer que l'on admette la contestation, c'est-à-dire que le congé litigieux
ne soit pas valable. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les
congés conférée par les art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de
prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1
let. e CO (arrêt 4A_130/2008 du 26 mai 2008 consid. 1.1, in SJ 2008 I p. 461;
arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 1.1 et les références).

En l'espèce, le loyer annuel des locaux en cause, qui s'élève à 38'160 fr., est
déjà largement supérieur au montant de 15'000 fr. exigé par l'art. 74 al. 1
let. a LTF. Le recours est recevable ratione valoris.

1.2 Pour le surplus, émanant de la partie qui a succombé en instance cantonale
(art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé
dans le délai (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 45 al. 1 et l'art. 46
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre
pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une
question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans
être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation
retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
105).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été
établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397
consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction
du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
En premier lieu, la recourante invoque une violation de l'art. 269a let. a CO.
Cette disposition précise qu'un loyer n'est en principe pas abusif s'il se
situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier.

2.1 Un congé motivé, comme en l'espèce, exclusivement par la volonté du
bailleur d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé que le loyer payé
par le locataire dont le bail est résilié ne contrevient en principe pas aux
règles de la bonne foi (cf. art. 271 al. 1 CO). Pour être valable, une
résiliation dictée par des considérations d'ordre économique ne doit toutefois
pas servir de prétexte à la poursuite d'un but illicite. Il faut donc que le
bailleur soit en mesure d'exiger du nouveau locataire un loyer supérieur au
loyer payé jusque-là par le preneur congédié. En d'autres termes, le congé est
annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure
l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, notamment parce
que celui-ci est déjà conforme aux loyers usuels dans le quartier (art. 269a
let. a CO) (cf. ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110; plus récemment, arrêt
4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.1 et 2.2). En l'occurrence, il s'agit de
déterminer si une augmentation du loyer est possible en application de la
méthode absolue. Ce point n'est pas contesté.

2.2 Le grief de la recourante se rapporte à la détermination des loyers usuels
dans le quartier. La bailleresse reproche à la Chambre d'appel d'avoir défini
de manière trop restrictive la notion de «quartier» figurant à l'art. 269a let.
a CO, notion reprise par l'art. 11 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le
bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11), en
retenant à ce titre un périmètre très réduit, à la forme approximative d'un
rectangle de 550 sur 500 mètres, dont la superficie d'environ 27 hectares
correspond à 1,7% de la surface de la Ville de Genève. Dans ce contexte, la
recourante relève notamment que l'autorité administrative de la ville publie
une division du territoire communal en huit quartiers seulement.
2.2.1 Il convient de déterminer ce que la loi entend par quartier, notion qui
relève du droit.

La référence au quartier mentionné à l'art. 269a let. a CO a été reprise de
l'art. 15 al. 1 let. a AMSL (RO 1972 II 1531). Le terme de quartier figure
également dans la version allemande de l'art. 269a let. a CO ("quartierüblichen
Mietzinse"). Aucune définition ne ressort des textes légaux ni des travaux
législatifs. Le Tribunal fédéral n'a guère eu à se pencher sur cette notion. Il
a précisé toutefois que des immeubles pouvaient faire partie du même quartier
bien qu'ils soient situés dans des secteurs de la ville ayant des codes postaux
différents (ATF 123 III 317 consid. 4b/ee p. 322).

Le terme quartier, désignant la quatrième partie d'un tout, a été transposée
sur les villes romaines planifiées, qui étaient partagées en quatre parties par
deux routes perpendiculaires se croisant en leur milieu (Viertel en allemand).
Dans son acception actuelle, le quartier désigne la division administrative
d'une ville ou la partie d'une ville, qui a sa physionomie propre et une
certaine unité (cf. Le Grand Robert de la langue française). S'il forme un
ensemble sur les plans historique, géographique, sociologique ou administratif,
un quartier suppose également une certaine étendue et ne peut guère se limiter
à quelques immeubles ou pâtés de maisons.

Aucun motif ne justifie de retenir à l'art. 269a let. a CO une notion plus
restreinte du quartier. En particulier, celui-ci ne se réduit pas à un complexe
architectural homogène. A cet égard, l'art. 11 al. 1 OBLF, qui précise comment
calculer les loyers usuels du quartier, prescrit de prendre en compte notamment
l'emplacement et l'année de construction des objets présentés à la comparaison;
cela atteste que, pour faire partie d'un même quartier au sens du droit du
bail, les immeubles n'ont pas nécessairement à bénéficier d'une situation
semblable, ni à dater de la même période de construction. L'idée est bien
plutôt que le quartier couvre une certaine surface et qu'il peut être
hétérogène (dans ce sens: Peter Higi, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1998, n° 34 ad
art. 269a CO). Il est à relever par ailleurs que l'art. 269a let. a CO met sur
le même plan «localité» et «quartier». Or, par localité, on entend un village
ou une petite ville, soit précisément une entité pouvant avoir une certaine
étendue et comporter différents types de bâtiments.

Le découpage administratif de la ville ou la division en quartiers historiques
sera souvent déterminant. Mais des exceptions à cette règle sont envisageables,
par exemple lorsque l'objet dont le loyer doit être examiné est situé à la
limite de deux quartiers (cf. SVIT-Kommentar, 3e éd. 2008, n° 11 ad art. art.
269a CO, p. 554; Higi, op. cit., nos 33 et 35 ad art. 269a CO). Il n'est ainsi
guère possible de poser une règle générale à ce sujet; par rapport à un objet
donné, la délimitation de la portion de territoire à prendre en compte à titre
de quartier dépendra essentiellement de la situation de fait et de l'histoire
des lieux.

Pour ces motifs, l'autorité cantonale est, de par sa connaissance des
circonstances locales, la mieux à même de cerner le quartier dans un cas
particulier. Le Tribunal fédéral n'interviendra qu'avec retenue, lorsqu'il
ressort de la décision cantonale que l'autorité précédente a méconnu la notion
de quartier ou n'en a pas tenu compte, qu'elle s'est fondée sur des faits qui
ne devaient jouer aucun rôle ou, au contraire, qu'elle n'a pas pris en
considération des faits pertinents, ou encore qu'elle a abouti à un résultat
manifestement erroné (cf. ATF 132 III 758 consid. 3.3. i.f. p. 762).
2.2.2 En l'espèce, la Chambre d'appel a examiné uniquement les onze objets
comparatifs situés dans le périmètre précité au milieu duquel se trouvent les
locaux loués par l'intimée. Elle a considéré que les autres objets présentés ne
relevaient pas du même quartier au sens de l'art. 269a let. a CO et pouvaient
d'emblée être éliminés de la comparaison.

Le périmètre - restreint - défini par la cour cantonale a plus ou moins la
forme d'un carré d'environ 500 mètres de côté. Il ne correspond ni à un
quartier historique, ni à une entité administrative, mais se trouve en partie
dans le quartier des Eaux-Vives et en partie dans le quartier du
Centre-Plainpalais-Acacias, à la limite du quartier de Champel. La Chambre
d'appel n'a pas inclus les secteurs adjacents dans le périmètre au motif que le
tissu urbain de la Vieille Ville ou de Champel est très différent de celui du
périmètre où se trouvent les locaux occupés par l'intimée; en outre, la rue du
Rhône et le Rond-point de Rive comptent de nombreux magasins de luxe et des
rues piétonnes et sont très bien desservis par les transports publics,
notamment par le tram. Ce faisant, la cour cantonale a apparemment exclu ces
secteurs de la ville sur la base d'une appréciation globale, parce qu'ils
semblent moins susceptibles de receler des locaux comparables à ceux occupés
par l'intimée. Il ne s'agit pas là d'un critère définissant le quartier au sens
de l'art. 269a let. a CO. La Chambre d'appel ne pouvait pas restreindre de la
sorte les possibilités de la recourante de présenter des objets comparatifs. Il
lui appartenait de définir d'abord le quartier indépendamment des critères de
comparaison fixés à l'art. 11 al. 1 OBLF, puis d'examiner, sur la base de ces
critères, les objets comparatifs présentés par la recourante qui sont situés
dans le quartier tel que précédemment défini. Le grief tiré de la violation de
l'art. 269a let. a CO est fondé.

3.
La recourante reproche également à la Chambre d'appel d'avoir violé l'art. 11
al. 1 OBLF et l'art. 274d al. 3 CO lors de l'examen des onze objets comparatifs
pris en considération. Le moyen n'est pas devenu sans objet. En effet, le
Tribunal fédéral peut éventuellement éviter un renvoi et statuer lui-même au
fond s'il arrive à la conclusion que cinq de ces onze objets sont effectivement
comparables aux locaux pris à bail par l'intimée (cf. consid. 3.1 infra).

3.1 Selon l'art. 11 OBLF, les loyers déterminants pour la constatation des
loyers usuels, dans la localité ou le quartier, sont ceux des locaux
commerciaux comparables à la chose louée, quant à leur emplacement, dimension,
équipement, état et année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers
résultant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché
(al. 3). L'art. 11 al. 2 OBLF prévoit que la comparaison entre locaux
commerciaux peut être opérée sur la base du prix au mètre carré usuel dans le
quartier pour des objets semblables. En règle générale, le juge doit disposer
de cinq éléments de comparaison au moins. Il lui appartient de procéder à des
comparaisons concrètes. L'autorité cantonale de dernière instance indiquera
exactement les critères sur lesquels elle s'est fondée. Sur cette base, le
Tribunal fédéral contrôle librement si les loyers usuels sont établis
conformément au droit fédéral (ATF 123 III 317 consid. 4a p. 319; arrêt 4C.265/
2000 du 16 janvier 2001 consid. 4a, in SJ 2001 I p. 247). Les loyers de
référence doivent eux-mêmes ne pas être abusifs; il est donc nécessaire, en
principe, de les adapter aux baisses du taux hypothécaire survenues depuis le
moment où ils ont été fixés (ATF 127 III 411 consid. 5a p. 412 ss).

Aux termes de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits et les
parties sont tenues de lui soumettre toutes les pièces nécessaires. Selon la
jurisprudence relative à cette disposition, le juge n'a pas à instruire
d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position, mais il
doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à
l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent
à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont
lacunaires, il doit inviter cette partie à compléter ses moyens (ATF 125 III
231 consid. 4a p. 238 s.).

3.2 Les onze éléments de comparaison présentés doivent être examinés à l'aune
de ces principes.
3.2.1 La cour cantonale a éliminé de la comparaison huit objets notamment parce
qu'ils se trouvaient dans des immeubles édifiés plus de vingt ans avant ou
après la construction du bâtiment qui abrite les locaux occupés par l'intimée.

Selon la jurisprudence, des immeubles datant des deux premières décennies du
vingtième siècle sont comparables sous l'angle de l'année de construction (ATF
123 III 317 consid. 4b/aa p. 320). Par la suite, le Tribunal fédéral a précisé
qu'une différence de plus de vingt ans ne permettait en tout cas pas de ranger
deux bâtiments dans la même période de construction (arrêt 4C.40/2001 du 15
juin 2001 consid. 5c/bb). Un assouplissement de la règle des vingt ans ne se
justifie pas. En effet, un certain schématisme s'impose dans ce domaine, afin
d'assurer la prévisibilité du droit et l'égalité de traitement.

En l'espèce, deux des huit objets précités sont situés dans deux immeubles
construits vingt-cinq ans et trente-deux ans avant le bâtiment abritant les
locaux de l'intimée. Les six autres objets se trouvent dans trois immeubles
dont l'année de construction est postérieure de vingt-sept ans, respectivement
trente-sept ans et trente-neuf ans à celle du bâtiment en cause. Dans tous les
cas, l'écart dépasse vingt ans de sorte que la cour cantonale a exclu à bon
droit ces éléments de la comparaison.
3.2.2 En tout état de cause, les trois exemples restants ne peuvent suffire
pour démontrer que le loyer payé par l'intimée est inférieur aux loyers usuels
du quartier. Cela étant, on observera que, dans les trois cas, la cour
cantonale a exclu la comparaison notamment en raison d'une «différence dans
l'état général de l'immeuble (bon/ moyen)» et d'une «différence dans l'état des
locaux (bon/moyen)» ou d'une «absence de précision dans l'état des locaux». Une
présentation aussi sommaire, sans description plus précise de l'état de
l'immeuble ou des locaux, ne répond pas à l'exigence d'une comparaison
concrète, fondée sur l'indication exacte des critères utilisés, comme la
jurisprudence l'exige. Par ailleurs, la maxime d'office résultant de l'art.
274d al. 3 CO commandait au juge d'inviter la recourante à compléter ses
allégués lacunaires sur l'état des locaux présentés. En conclusion, le Tribunal
fédéral n'est pas en mesure de contrôler si les trois objets précités sont ou
non comparables aux locaux loués par l'intimée.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement. L'arrêt
attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la Chambre d'appel pour nouvelle
décision. Il appartiendra à la cour cantonale, notamment, de déterminer si des
éléments comparatifs qu'elle avait écartés d'emblée peuvent être considérés
comme compris dans le même quartier que les locaux occupés par l'intimée et, le
cas échéant, de procéder à la comparaison concrète.

5.
La recourante n'obtient que partiellement gain de cause puisque seule sa
conclusion subsidiaire est admise. Dans ces conditions, il se justifie de
partager les frais de la procédure fédérale de manière égale entre les parties
(art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, les dépens seront compensés (art. 68 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est
renvoyée pour nouvelle décision à la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis par moitié à la charge de
chaque partie.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 15 décembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Godat Zimmermann