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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.408/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_408/2009

Arrêt du 15 décembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-François Marti,

contre

1. H.Y.________,
2. F.Y.________,
intimés, représentés par Me David Lachat.

Objet
bail à loyer; résiliation pour des motifs économiques; loyers usuels du
quartier,

recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève du 19 juin 2009.

Faits:

A.
Depuis 1974, H.Y.________ est locataire d'un appartement sis au chemin de
Roches ..., à Genève, près de la limite des quartiers des Eaux-Vives et de
Champel; F.Y.________ est devenue ultérieurement colocataire. X.________ SA est
propriétaire de l'immeuble. Depuis le 1er juillet 2001, le loyer, charges non
comprises, s'élève à 7'824 fr. par an, soit 652 fr. par mois. Comprenant quatre
pièces et occupant 83 m2, l'appartement est situé au premier étage de
l'immeuble, construit en 1935; il comprend un hall d'entrée, des fenêtres à
vitrage simple, une cuisine agencée mais pas équipée et des dépendances; il ne
bénéficie pas d'une place de parc. Le bâtiment, dont l'état général est
qualifié de moyen, est équipé du chauffage central, d'un ascenseur et du
téléréseau collectif. Il est situé sur le carrefour où convergent et se
croisent la rue de la Terrassière - sur laquelle circule le tram -, la rue du
31-Décembre, l'avenue Théodore-Weber et le chemin de Roches; les nuisances
sonores sont importantes. Il y a des commerces, des restaurants, des transports
publics, des écoles et des jardins publics à proximité.

Par avis officiel du 6 juin 2007, X.________ SA a résilié le bail pour le 30
septembre 2007. Le congé a été signifié pour des motifs économiques, afin de
relouer l'appartement à un tiers pour un loyer supérieur.

B.
H. Y.________ et F.Y.________ ont saisi la Commission de conciliation d'une
requête en annulation de congé.

Non conciliée, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève. En cours de procédure, la bailleresse a produit les fiches
comparatives de trente-sept appartements. Par jugement du 20 novembre 2008, le
tribunal a annulé le congé. Il a retenu qu'aucun des exemples fournis par la
bailleresse n'était comparable à l'appartement en cause, pour des motifs divers
tels que des différences de surface, d'état d'entretien, d'année de
construction ou d'équipement. Comme la bailleresse n'avait pas été en mesure de
produire les cinq exemples comparatifs exigés par la jurisprudence, elle
n'avait pas démontré que le loyer payé par les locataires était inférieur aux
loyers usuels du quartier et qu'elle pouvait ainsi obtenir un loyer plus élevé
non abusif d'un nouveau locataire. Le tribunal a donc admis que le congé
notifié le 6 juin 2007 contrevenait à la bonne foi.

Saisie par la bailleresse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève a confirmé le jugement de première instance dans un arrêt du
19 juin 2009, avec une motivation partiellement différente. En effet, elle a
d'emblée écarté de la comparaison les objets qui étaient situés en dehors d'un
périmètre délimité par la rue Mussard, la route de Malagnou, la rue de
Villereuse, la rue de Jargonnant et le début de la route de Frontenex jusqu'à
la rue Viollier. Selon la cour cantonale, les appartements sis hors de ce
périmètre se trouvent dans des tissus urbains différents: le quartier des
Eaux-Vives, compris entre la route de Frontenex et le quai Gustave-Ador, est
composé d'immeubles du dix-neuvième siècle inscrits dans un urbanisme de la
même époque; le quartier de Champel, allant de la route de Malagnou au chemin
des Crêts-de-Champel, a un caractère résidentiel plus marqué et subit moins de
nuisances sonores; les autres exemples se trouvent à une distance trop grande
pour permettre une comparaison raisonnable. En conséquence, la Chambre d'appel
a examiné uniquement les sept objets présentés par la bailleresse se situant
dans le périmètre précité. Pour des motifs divers, elle est arrivée à la
conclusion qu'aucun de ces éléments ne pouvait être comparé avec l'appartement
dont le bail a été résilié.

C.
X.________ SA interjette un recours en matière civile. Elle conclut
principalement à ce qu'il soit constaté que le bail a été valablement résilié
avec effet au 30 septembre 2007 et à ce qu'aucune prolongation de bail ne soit
accordée aux locataires; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la
cause à la cour cantonale.

H. Y.________ et F.Y.________ proposent le rejet du recours.

La cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique.
Considérant en droit:

1.
1.1 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature
pécuniaire; elles ne peuvent donc être soumises au Tribunal fédéral, par un
recours en matière civile, que si elles atteignent la valeur litigieuse
prescrite par la loi. En matière de droit du bail à loyer, cette valeur s'élève
à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF).

En cas de litige portant sur la résiliation d'un bail, la valeur litigieuse se
détermine selon le loyer dû pour la période durant laquelle le contrat subsiste
nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et qui s'étend
jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné ou l'a été
effectivement. Pour déterminer la prochaine échéance possible, il faut donc
supposer que l'on admette la contestation, c'est-à-dire que le congé litigieux
ne soit pas valable. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les
congés conférée par les art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de
prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1
let. e CO (arrêt 4A_130/2008 du 26 mai 2008 consid. 1.1, in SJ 2008 I p. 461;
arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 1.1 et les références).

Le loyer annuel de l'appartement en cause s'élève à 7'824 fr. de sorte que la
valeur litigieuse, correspondant à trois ans de loyer, est supérieure au
montant de 15'000 fr. exigé par l'art. 74 al. 1 let. a LTF.

1.2 Pour le surplus, émanant de la partie qui a succombé en instance cantonale
(art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé
dans le délai (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 45 al. 1 et l'art. 46
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre
pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une
question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans
être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation
retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42
al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p.
105).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été
établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397
consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction
du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
En premier lieu, la recourante invoque une violation de l'art. 269a let. a CO.
Cette disposition précise qu'un loyer n'est en principe pas abusif s'il se
situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier.

2.1 Un congé motivé, comme en l'espèce, exclusivement par la volonté du
bailleur d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé que le loyer payé
par le locataire dont le bail est résilié ne contrevient en principe pas aux
règles de la bonne foi (cf. art. 271 al. 1 CO). Pour être valable, une
résiliation dictée par des considérations d'ordre économique ne doit toutefois
pas servir de prétexte à la poursuite d'un but illicite. Il faut donc que le
bailleur soit en mesure d'exiger du nouveau locataire un loyer supérieur au
loyer payé jusque-là par le preneur congédié. En d'autres termes, le congé est
annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure
l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, notamment parce
que celui-ci est déjà conforme aux loyers usuels dans le quartier (art. 269a
let. a CO) (cf. ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110; plus récemment, arrêt
4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.1 et 2.2). En l'occurrence, il s'agit de
déterminer si une augmentation du loyer est possible en application de la
méthode absolue. Ce point n'est pas contesté.

2.2 Le grief de la recourante se rapporte à la détermination des loyers usuels
dans le quartier. La bailleresse reproche à la Chambre d'appel d'avoir défini
de manière trop restrictive la notion de «quartier» figurant à l'art. 269a let.
a CO et reprise à l'art. 11 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à
ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11), en retenant
un périmètre extrêmement réduit d'environ quatorze hectares, qui ne couvre même
pas 1 % de la surface de la ville de Genève, et en ne tenant aucun compte du
découpage administratif de la ville en seize quartiers. La recourante relève en
outre que ce périmètre exigu englobe deux musées, une école et un parc, ce qui
rend la comparaison avec cinq autres appartements exigée par la jurisprudence
d'autant plus difficile, pour ne pas dire impossible.
2.2.1 Il convient de déterminer ce que la loi entend par quartier, notion qui
relève du droit.

La référence au quartier mentionné à l'art. 269a let. a CO a été reprise de
l'art. 15 al. 1 let. a AMSL (RO 1972 II 1531). Le terme de quartier figure
également dans la version allemande de l'art. 269a let. a CO ("quartierüblichen
Mietzinse"). Aucune définition ne ressort des textes légaux ni des travaux
législatifs. Le Tribunal fédéral n'a guère eu à se pencher sur cette notion. Il
a précisé toutefois que des immeubles pouvaient faire partie du même quartier
bien qu'ils soient situés dans des secteurs de la ville ayant des codes postaux
différents (ATF 123 III 317 consid. 4b/ee p. 322).

Le terme quartier, désignant la quatrième partie d'un tout, a été transposée
sur les villes romaines planifiées, qui étaient partagées en quatre parties par
deux routes perpendiculaires se croisant en leur milieu (Viertel en allemand).
Dans son acception actuelle, le quartier désigne la division administrative
d'une ville ou la partie d'une ville, qui a sa physionomie propre et une
certaine unité (cf. Le Grand Robert de la langue française). S'il forme un
ensemble sur les plans historique, géographique, sociologique ou administratif,
un quartier suppose également une certaine étendue et ne peut guère se limiter
à quelques immeubles ou pâtés de maisons.
Aucun motif ne justifie de retenir à l'art. 269a let. a CO une notion plus
restreinte du quartier. En particulier, celui-ci ne se réduit pas à un complexe
architectural homogène. A cet égard, l'art. 11 al. 1 OBLF, qui précise comment
calculer les loyers usuels du quartier, prescrit de prendre en compte notamment
l'emplacement et l'année de construction des objets présentés à la comparaison;
cela atteste que, pour faire partie d'un même quartier au sens du droit du
bail, les immeubles n'ont pas nécessairement à bénéficier d'une situation
semblable, ni à dater de la même période de construction. L'idée est bien
plutôt que le quartier couvre une certaine surface et qu'il peut être
hétérogène (dans ce sens: Peter Higi, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1998, n° 34 ad
art. 269a CO). Il est à relever par ailleurs que l'art. 269a let. a CO met sur
le même plan «localité» et «quartier». Or, par localité, on entend un village
ou une petite ville, soit précisément une entité pouvant avoir une certaine
étendue et comporter différents types de bâtiments.

Le découpage administratif de la ville ou la division en quartiers historiques
sera souvent déterminant. Mais des exceptions à cette règle sont envisageables,
par exemple lorsque l'objet dont le loyer doit être examiné est situé à la
limite de deux quartiers (cf. SVIT-Kommentar, 3e éd. 2008, n° 11 ad art. art.
269a CO, p. 554; Higi, op. cit., nos 33 et 35 ad art. 269a CO). Il n'est ainsi
guère possible de poser une règle générale à ce sujet; par rapport à un objet
donné, la délimitation de la portion de territoire à prendre en compte à titre
de quartier dépendra essentiellement de la situation de fait et de l'histoire
des lieux.

Pour ces motifs, l'autorité cantonale est, de par sa connaissance des
circonstances locales, la mieux à même de cerner le quartier dans un cas
particulier. Le Tribunal fédéral n'interviendra qu'avec retenue, lorsqu'il
ressort de la décision cantonale que l'autorité précédente a méconnu la notion
de quartier ou n'en a pas tenu compte, qu'elle s'est fondée sur des faits qui
ne devaient jouer aucun rôle ou, au contraire, qu'elle n'a pas pris en
considération des faits pertinents, ou encore qu'elle a abouti à un résultat
manifestement erroné (cf. ATF 132 III 758 consid. 3.3. i.f. p. 762).
2.2.2 En l'espèce, la Chambre d'appel a examiné uniquement les objets
comparatifs sis dans le périmètre précité, au milieu duquel se trouve
l'appartement occupé par les intimés. Elle a considéré que les autres objets
présentés, situés dans des «tissus urbains différents», ne relevaient pas du
même quartier au sens de l'art. 269a let. a CO et pouvaient d'emblée être
éliminés de la comparaison.
Le périmètre défini par la cour cantonale a plus ou moins la forme d'un
triangle avec des côtés mesurant respectivement 400, 500 et 600 mètres environ.
Il ne correspond ni à un quartier historique, ni à une entité administrative.
Sa superficie est nettement plus restreinte que celle des quartiers proches des
Eaux-Vives et de Champel. La Chambre d'appel a écarté la partie du quartier des
Eaux-Vives située au nord du périmètre susmentionné, au motif qu'elle est
composée d'immeubles du dix-neuvième siècle inscrits dans un urbanisme de la
même époque. Elle a écarté le quartier de Champel, sis au sud du périmètre
retenu, au motif qu'il a un caractère résidentiel plus marqué et qu'il est
moins soumis à des nuisances sonores. Ce faisant, la cour cantonale a
apparemment exclu ces secteurs de la ville sur la base d'une appréciation
globale, parce qu'ils semblent moins susceptibles de receler des appartements
comparables à celui occupé par les intimés. Il ne s'agit pas là d'un critère
définissant le quartier au sens de l'art. 269a let. a CO. Un tel mode de
procéder revient à déclarer d'emblée non comparables tous les objets sis dans
ces secteurs, sans avoir à examiner concrètement s'ils le sont au regard des
critères de l'art. 11 al. 1 OBLF. La Chambre d'appel ne pouvait pas restreindre
de la sorte les possibilités de la recourante de présenter des objets
comparatifs. Il lui appartenait de définir d'abord le quartier indépendamment
des critères de comparaison fixés à l'art. 11 al. 1 OBLF, puis d'examiner, sur
la base de ces critères, les objets comparatifs présentés par la recourante qui
sont situés dans le quartier tel que précédemment défini. Le grief tiré de la
violation de l'art. 269a let. a CO est fondé.

3.
La recourante reproche également à la Chambre d'appel d'avoir violé l'art. 11
al. 1 OBLF et l'art. 274d al. 3 CO lors de l'examen de six des sept objets
comparatifs pris en considération (objets nos 13, 16, 17, 23, 33 et 36, à
l'exception de l'objet n° 42 dont la recourante reconnaît elle-même qu'il ne
peut servir à la comparaison). Le moyen n'est pas devenu sans objet. En effet,
le Tribunal fédéral peut éventuellement éviter un renvoi et statuer lui-même au
fond s'il arrive à la conclusion que cinq de ces six objets sont effectivement
comparables à l'appartement occupé par les intimés (cf. consid. 3.1 infra).

3.1 Selon l'art. 11 OBLF, les loyers déterminants pour la constatation des
loyers usuels, dans la localité ou le quartier, sont ceux des logements
comparables à la chose louée, quant à leur emplacement, dimension, équipement,
état et année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers résultant du
fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). En
règle générale, le juge doit disposer de cinq éléments de comparaison au moins.
Il lui appartient de procéder à des comparaisons concrètes. L'autorité
cantonale de dernière instance indiquera exactement les critères sur lesquels
elle s'est fondée. Sur cette base, le Tribunal fédéral contrôle librement si
les loyers usuels sont établis conformément au droit fédéral (ATF 123 III 317
consid. 4a p. 319; arrêt 4C.265/2000 du 16 janvier 2001 consid. 4a, in SJ 2001
I p. 247). Les loyers de référence doivent eux-mêmes ne pas être abusifs; il
est donc nécessaire, en principe, de les adapter aux baisses du taux
hypothécaire survenues depuis le moment où ils ont été fixés (ATF 127 III 411
consid. 5a p. 412 ss).

Aux termes de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits et les
parties sont tenues de lui soumettre toutes les pièces nécessaires. Selon la
jurisprudence relative à cette disposition, le juge n'a pas à instruire
d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position, mais il
doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à
l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent
à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont
lacunaires, il doit inviter cette partie à compléter ses moyens (ATF 125 III
231 consid. 4a p. 238 s.).

3.2 Les six éléments de comparaison invoqués par la recourante doivent être
examinés à l'aune de ces principes.
3.2.1 La Chambre d'appel a écarté l'appartement de quatre pièces et 97 m2 situé
dans l'immeuble sis à la route de Frontenex ... (objet n° 13), dont le loyer
mensuel est de 1'600 fr., notamment parce que le bâtiment, construit en 1957,
est plus récent que celui abritant l'appartement occupé par les intimés,
construit en 1935.

Selon la jurisprudence, des immeubles datant des deux premières décennies du
vingtième siècle sont comparables sous l'angle de l'année de construction (ATF
123 III 317 consid. 4b/aa p. 320). Par la suite, le Tribunal fédéral a précisé
qu'une différence de plus de vingt ans ne permettait en tout cas pas de ranger
deux bâtiments dans la même période de construction (arrêt 4C.40/2001 du 15
juin 2001 consid. 5c/bb). Un assouplissement de la règle des vingt ans ne se
justifie pas. En effet, un certain schématisme s'impose dans ce domaine, afin
d'assurer la prévisibilité du droit et l'égalité de traitement.
En l'espèce, l'immeuble de la route de Frontenex ... a été construit vingt-deux
ans après celui abritant le logement des intimés. Une telle différence suffit à
exclure la comparaison entre les deux appartements. La cour cantonale n'a pas
violé le droit fédéral en écartant l'objet n° 13.
3.2.2 Les juges genevois ont éliminé de la comparaison l'appartement de quatre
pièces et 87 m2 situé dans l'immeuble sis au chemin de Roches ... (objet n°
16), dont le loyer mensuel est de 1'407 fr., en raison de l'absence de
référence au taux hypothécaire sur la base duquel le loyer avait été fixé.

Bien qu'elle n'ait pas relevé d'autre motif excluant une comparaison, la cour
cantonale n'a pas invité la recourante à compléter ses allégations avant de
fonder sa décision sur cette seule omission. Ce faisant, elle a violé la maxime
d'office. La Chambre d'appel a dès lors méconnu le droit fédéral en refusant de
prendre en considération l'objet n° 16 pour le motif invoqué.
3.2.3 La cour cantonale a écarté l'appartement de quatre pièces et demie et 96
m2 situé dans le bâtiment sis à la rue Henri-Mussard ... (objet n° 17), dont le
loyer mensuel est de 1'545 fr., notamment parce que ledit immeuble disposait
d'un parking, contrairement à celui abritant l'appartement des intimés.

Le fait de bénéficier d'une place de parc à proximité de son logement est un
avantage indéniable, particulièrement dans une grande ville comme Genève où le
stationnement est notoirement difficile. Cette différence notable dans
l'équipement au sens large justifie déjà de ne pas considérer les deux objets
comme comparables. Les juges genevois n'ont pas violé le droit fédéral à cet
égard.
3.2.4 La Chambre d'appel a écarté l'appartement de quatre pièces et 82 m2 situé
dans l'immeuble sis à la rue Viollier ... (objet n° 23), dont le loyer mensuel
est de 1'150 fr., au motif notamment que ses fenêtres ont un double vitrage,
contrairement à celles de l'appartement des intimés. Cela peut suffire pour
exclure la comparaison (cf. arrêt 4C.265/2000 du 16 janvier 2001 consid. 4b/dd,
in SJ 2001 I 247). Au demeurant, l'immeuble de la rue Viollier ... bénéficie de
places de parc, ce qui, on l'a vu, n'est pas le cas de l'immeuble abritant
l'appartement des intimés (cf. consid. 3.2.3 supra). Par conséquent, l'objet n°
23 a été exclu à bon droit de la comparaison.
3.2.5 La cour cantonale n'a pas pris en compte l'appartement de trois pièces et
76 m2 situé dans l'immeuble sis à la rue Viollier ... (objet n° 33), dont le
loyer mensuel est de 994 fr., au motif notamment qu'il comportait une pièce de
moins que l'appartement loué par les intimés.

Selon la jurisprudence, la différence d'une pièce ne permet pas la comparaison
lorsque, comme en l'espèce, les appartements en jeu sont plutôt petits (cf. ATF
123 III 317 consid. 4a/cc p. 321). Pour remettre en cause cette jurisprudence,
il ne suffit pas de se référer, comme le fait la recourante, à une «conception
contemporaine» selon laquelle le nombre de m2 serait aussi, voire davantage
déterminant que le nombre de pièces; il y a d'autant moins de motifs de le
faire que les deux appartements ont des surfaces légèrement différentes.
L'élimination de la comparaison de l'objet n° 33 n'est pas contraire au droit
fédéral.
3.2.6 La Chambre d'appel a écarté l'appartement de trois pièces et demie et 71
m2 situé dans l'immeuble sis à la rue Henri-Mussard ... (objet n° 36), dont le
loyer mensuel est de 1'430 fr., pour le seul motif qu'il est au cinquième étage
alors que l'appartement des intimés est au premier étage.

A ce propos, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de souligner que le
critère de l'étage n'est retenu, en tant que tel, ni dans la loi ni par la
jurisprudence, de sorte qu'il n'apparaît pas nécessairement pertinent (arrêt
4C.55/2001 du 4 juillet 2001 consid. 4b/cc, non publié in ATF 127 III 411). La
cour de céans statue uniquement sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée (art. 105 al. 2 LTF). En l'espèce, les juges cantonaux n'ont, en
particulier, pas constaté que l'immeuble de la rue Henri-Mussard ... n'est pas
équipé d'un ascenseur. Sans autres détails, il n'est, en l'état, pas possible
de juger si la différence d'étage constatée exclut réellement de comparer les
deux appartements; le cas échéant, une inspection locale sera nécessaire (cf.
David Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 462).

3.3 En résumé, sur les sept objets pris en considération par la cour cantonale,
il est établi que cinq appartements (nos 13, 17, 23, 33 et 42) ne sont pas
comparables au logement occupé par les intimés. Dans ces circonstances, la
recourante n'a pas, à ce stade, réuni les cinq exemples exigés par la
jurisprudence qui lui auraient permis de démontrer que le loyer payé par les
intimés est inférieur aux loyers usuels du quartier.

4.
La recourante se plaint enfin d'une violation de l'art. 11 al. 4 OBLF aux
termes duquel les statistiques officielles doivent être prises en
considération. Dans un arrêt rendu en séance publique, le Tribunal fédéral a
jugé récemment que les statistiques genevoises ne remplissaient pas les
conditions de cette disposition (arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008). En l'état,
il n'y a pas à revenir sur cette jurisprudence.

5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement. L'arrêt
attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la Chambre d'appel pour nouvelle
décision. Il appartiendra à la cour cantonale, notamment, de déterminer si des
éléments comparatifs qu'elle avait écartés d'emblée peuvent être considérés
comme compris dans le même quartier que l'appartement loué par les intimés et,
le cas échéant, de procéder à la comparaison concrète.

6.
La recourante n'obtient que partiellement gain de cause puisque seule sa
conclusion subsidiaire est admise. Dans ces conditions, il se justifie de
partager les frais de la procédure fédérale de manière égale entre les parties
(art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, les dépens seront compensés (art. 68 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est
renvoyée pour nouvelle décision à la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du canton de Genève.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis par moitié à la charge de
la recourante et par moitié à la charge des intimés, solidairement entre eux.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 15 décembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Godat Zimmermann