Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.403/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_403/2009

Arrêt du 23 octobre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
SI X.________, recourante,
représentée par Me Vincent Solari,

contre

1. Y.________,
2. Z.________,
intimées,
toutes deux représentées par Me Pierre Stastny.

Objet
contrat de bail à loyer; résiliation,

recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève du 19 juin 2009.

Faits:

A.
A.a Par contrat du 19 septembre 1986, la SI X.________ a remis à bail à
Z.________ un appartement de quatre pièces et demie situé en attique au 6e
étage de l'immeuble dont elle est propriétaire à Genève, ainsi que la cave qui
est attachée au logement. Le contrat, qui prenait effet le 1er octobre 1986
pour se terminer le 30 septembre 1989, fixait le loyer annuel à 9'600 fr., plus
un acompte de charges pour chauffage et eau chaude de 1'500 fr. par an.

Dès le 1er octobre 1996, le loyer a été porté à 13'500 fr. par an, sans les
charges.

Par avenant du 5 janvier 1998, Y.________ est devenue colocataire dudit
appartement avec Z.________, les précitées agissant désormais conjointement et
solidairement envers la bailleresse.
A.b Par avis officiel adressé le 18 septembre 2000 à chacune des locataires, la
SI X.________ a résilié le bail des prénommées pour l'échéance du 31 décembre
2000. La bailleresse avait alors fait valoir que les actions de la SI
X.________ étaient propriété de la Fondation V.________ (ci-après: la
fondation), active dans le domaine de la recherche médicale, et que celle-ci
avait besoin des locaux loués pour y loger du personnel médical ou
para-médical.

Saisie par les locataires qui avaient contesté ce congé, la Commission de
conciliation en matière de baux et loyers de Genève, par décision du 17 mai
2001, a considéré que la SI X.________ n'avait pas établi le motif du congé
donné aux premières.

La bailleresse n'a pas contesté cette décision.

B.
B.a Par deux avis officiels du 15 juin 2006, la bailleresse a derechef résilié
le bail des locataires pour le 30 septembre 2006. Il a été constaté que la
bailleresse s'est prévalue de deux motifs justifiant le congé: d'une part, le
désir d'obtenir un rendement normal de l'objet loué, le loyer actuellement payé
par les locataires étant notoirement inférieur aux prix du marché; d'autre
part, le souhait de remettre la chose louée en location à A.________,
directrice de la fondation, celle-ci étant propriétaire du capital-actions de
la bailleresse.

Statuant le 16 janvier 2007, la Commission de conciliation a déclaré valables
les congés et accordé aux locataires une unique prolongation de leur bail d'une
durée de quatre ans.
B.b Le 16 février 2007, les locataires ont saisi le Tribunal des baux et loyers
du canton de Genève; elles ont contesté la validité du congé et, à titre tout à
fait subsidiaire, requis une prolongation de leur bail de quatre ans, soit
jusqu'au 30 septembre 2010.

La bailleresse, défenderesse, a conclu principalement à ce que le tribunal
constate la validité du congé et, subsidiairement, à ce qu'il lui soit donné
acte qu'elle ne s'oppose pas à une unique prolongation de bail de deux ans
échéant le 30 septembre 2008.

Après avoir entendu la locataire Y.________, B.________, administrateur de la
bailleresse, ainsi que trois témoins, dont A.________, le Tribunal des baux et
loyers a imparti à la défenderesse un délai pour produire des pièces attestant
de la détention des actions de la SI X.________ par la fondation.

Le 11 avril 2008, la SI X.________ a produit au greffe du tribunal un courrier
du notaire C.________, père de l'administrateur précité B.________, confirmant
que la totalité de son capital-actions est la propriété de la fondation,
domiciliée à Genève.

Par jugement du 1er septembre 2008, le Tribunal des baux et loyers a annulé le
congé notifié par la bailleresse le 15 juin 2006 pour le 30 septembre 2006 aux
deux locataires, les parties étant déboutées de toutes autres conclusions.
B.c Saisie d'un appel de la SI X.________, la Chambre d'appel en matière de
baux et loyers du canton de Genève, par arrêt du 19 juin 2009, a confirmé le
jugement du 1er septembre 2008.

Les motifs de cette décision seront exposés ci-dessous dans la mesure utile.

C.
SI X.________ exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal
susmentionné. Elle conclut, principalement, à l'annulation de cette décision
et, cela fait, à ce qu'il soit constaté la validité du congé notifié aux deux
locataires par la bailleresse le 15 juin 2006 pour le 30 septembre 2006,
relatif à l'appartement de quatre pièces et demie qu'elles ont loué au 6e étage
d'un immeuble à Genève. Subsidiairement, elle requiert que la cause soit
retournée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des
considérants.

Les intimées proposent, à la forme, que le recours soit déclaré irrecevable
dans la mesure où les conditions de motivation ne sont pas réalisées; au fond,
elles concluent à la confirmation de l'arrêt déféré.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions
principales tendant à ce que la résiliation du bail soit déclarée valable et
qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un
arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une
autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), le recours est par
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF)
et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

La cause porte en particulier sur la validité d'une résiliation de bail. Dans
un tel cas, la valeur litigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période
durant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la contestation est
admise; lorsque le bail bénéficie - à l'instar du contrat conclu par les
intimées - de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, la période
entrant en ligne de compte est celle de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1
let. e CO (arrêt 4A_181/2008 du 24 juin 2008 consid. 1.1 et les références, non
publié in ATF 134 III 446; arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, in SJ 2001 I p.
17 consid. 1a). Le loyer payé pour la chose louée se montant à 13'500 fr. par
an, le seuil de 15'000 fr. prévu en matière de droit du bail par l'art. 74 al.
1 let. a LTF est manifestement atteint.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 134 III
379 consid. 1.2 p. 382). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours
ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre
un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse,
rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Il s'en
tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante
soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 III 102
consid. 1.1 p. 105). Il n'examine la violation de droits constitutionnels que
s'il est saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2
LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits
établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter
que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été établies de
façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 397 consid. 1.5; 134 V 53 consid. 4.3) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie
recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit
expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception
prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la
décision attaquée. Le recourant ne peut de toute manière demander une
correction de l'état de fait que si celle-ci est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne
peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente
(art. 99 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107
al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
L'autorité cantonale a examiné si le congé du 15 juin 2006 pouvait être annulé
parce qu'il serait contraire à la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO.
Dans ce cadre, elle a successivement contrôlé la validité des deux motifs de
congé avancés par la bailleresse, lesquels ont été mentionnés ci-dessus.

Elle a tout d'abord considéré que la bailleresse n'avait pas établi à
satisfaction de droit que le nouveau loyer que celle-ci souhaitait obtenir en
louant l'appartement litigieux à A.________ serait non abusif au sens des art.
269 ss CO. La cour cantonale a relevé que la défenderesse n'avait notamment pas
fourni de pièces permettant de procéder à un calcul du rendement locatif ni
communiqué d'exemples de loyers comparatifs.

S'agissant du second motif de congé - souhait de mettre l'appartement à la
disposition de A.________, directrice de la fondation -, la Chambre d'appel a
observé que le lien de parenté étroit existant entre le notaire C.________ et
l'administrateur de la défenderesse B.________ relativisait singulièrement la
valeur de l'attestation dudit notaire, confirmant que le capital-actions de la
bailleresse appartenait à la fondation. Au vu de cet élément, elle a retenu que
cette fondation n'avait pas établi qu'elle se trouvait propriétaire de l'entier
du capital social de la SI X.________, de sorte que le besoin de reloger
A.________ ne peut pas être reconnu comme reposant sur un intérêt digne de
protection.

Elle a déduit de cette double motivation que la résiliation de bail litigieuse,
qui n'est fondée sur aucun intérêt digne de protection, n'est pas valable.

3.
La recourante s'en prend en premier lieu à la motivation de l'autorité
cantonale fondée sur l'absence de preuve de la maîtrise économique de la
bailleresse par la fondation. Elle déclare, sous l'intitulé « La preuve par
acte notarié », que la Chambre d'appel a écarté l'attestation du notaire
C.________ en raison du lien de famille existant avec B.________,
administrateur de la bailleresse. Faisant état de la grande expérience
professionnelle de ce notaire, elle affirme que ce n'est pas le fils du notaire
C.________ qui est concerné dans l'affaire en cause, mais une société tierce
dont il est administrateur. Se référant en particulier à l'art. 9 de la loi
genevoise sur le notariat, la recourante soutient que l'acte rédigé par le
notaire précité n'est pas contraire à cette norme de droit cantonal, si bien
qu'il doit être admis en tant que moyen de preuve.

Puis, sous l'intitulé « La preuve par témoin », elle ajoute, citant en passant
une disposition du droit de procédure civile genevois et l'art. 8 CC, que
l'autorité cantonale aurait également dû retenir le témoignage de A.________,
et non purement l'ignorer. La recourante y voit de l'arbitraire au sens de
l'art. 4 Cst. (sic).

3.1 A côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est
annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le
congé, donné par l'une ou l'autre des parties, est annulable lorsqu'il
contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO).

Selon la jurisprudence (ATF 120 II 31 consid. 4a), la protection accordée par
l'art. 271 al. 1 CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1
CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion
grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement,
attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet égard, il
n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé puisse être
qualifiée d'abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 120 II
105 consid. 3 p. 108).

Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt
objectif, sérieux, et digne de protection (arrêt 4C.61/2005 du 27 mai 2005
consid. 4.1, in SJ 2006 I p. 34). Est abusif le congé purement chicanier dont
le motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32).

Le motif pour lequel un congé est donné ressortit aux constatations de fait
(ATF 127 III 86 consid. 2a; 115 II 484 consid. 2b p. 486).

C'est au destinataire du congé qu'il incombe de démontrer que celui-ci
contrevient aux règles de la bonne foi (ATF 120 II 105 consid. 3c; arrêt 4C.430
/2004 du 8 février 2005, consid. 3.1, in SJ 2005 I p. 310). Toutefois, l'auteur
du congé - généralement le bailleur - doit contribuer loyalement à la
manifestation de la vérité, en donnant les raisons de la résiliation (ATF 120
II 105 consid. 3c) et en les rendant au moins vraisemblables.

3.2 En l'espèce, il apparaît que le grief susrappelé de la recourante est
dirigé contre l'appréciation effectuée par la Chambre d'appel des moyens de
preuve constitués du courrier du notaire C.________ et de la déposition de
A.________, tous deux invoqués pour établir que la fondation est propriétaire
de tout le capital-actions de la bailleresse. Pour le reste, le moyen, à
supposer qu'il entende encore invoquer une transgression insoutenable du droit
cantonal et une violation de l'art. 8 CC, est irrecevable, faute de motivation
(cf. art. 42 al. 1 et 2 et 106 al. 2 LTF).

3.3 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits,
l'autorité verse dans l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsqu'elle ne
prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à
modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa
portée, ou encore lorsqu'elle tire des conclusions insoutenables à partir des
éléments recueillis (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
3.4
3.4.1 In casu, l'autorité cantonale, appréciant le courrier du notaire
C.________ déposé le 11 avril 2008 par la bailleresse, a jugé qu'il était dénué
de force probante, à considérer que le notaire est le père de l'administrateur
de la recourante.

La recourante, qui ne se prévaut même pas d'arbitraire dans la branche du grief
relatif à l'acte notarié, se borne à présenter sa propre vision des choses et à
esquisser une comparaison entre diverses lois cantonales sur le notariat. Une
telle critique est totalement impropre à démontrer qu'est arbitraire la
constatation selon laquelle il n'a pas été prouvé par l'attestation notariale
en question, à défaut d'autres preuves documentaires, que toutes les actions de
la recourante sont en mains de la fondation.
3.4.2 S'agissant de la déposition de A.________, la Chambre d'appel, loin de
l'ignorer, en a rappelé au contraire avec soin le contenu au consid. B let. m
de l'arrêt déféré. Il résulte de cette déposition que A.________, qui affirme
vivre principalement chez son ex-mari depuis 17 ans tout en confirmant avoir le
désir de prendre en location l'appartement des intimées, a déclaré n'avoir pas
été intéressée au logement voisin de celui occupé par ces dernières, lequel
était libre en 2004 ou 2005, « parce qu'elle vivait alors avec quelqu'un
d'autre ». Elle a ajouté qu'elle devait reloger le bureau de la fondation, car
le propriétaire desdits locaux lui avait laissé entendre qu'il entendait les
récupérer.

Devant le flou de cette déposition, qui ne permet pas de savoir si A.________
veut louer l'appartement des locataires pour y habiter elle-même ou plutôt pour
y mettre le bureau de la fondation, il n'est nullement insoutenable d'admettre
que n'a pas été établi le besoin allégué du témoin de prendre à bail le
logement en cause.

Ce pan du grief doit être rejeté pour autant qu'il corresponde aux réquisits de
motivation ancrés à l'art. 106 al. 2 LTF.

3.5 Dès l'instant où les intimées ont démontré que le congé était contraire aux
règles de la bonne foi, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit
fédéral, annuler le congé litigieux.

4.
Il suit de là que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.

Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de
3'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 23 octobre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Ramelet