Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.389/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_389/2009

Arrêt du 9 novembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Piaget.

Parties
X.________, représenté par
Me Stéphane Jordan,
recourant,

contre

Banque Y.________ SA, représenté par Me Philippe Pont,
intimée.

Objet
responsabilité de la banque,

recours contre le jugement de la Ière Cour civile du Tribunal cantonal du
canton du Valais du 23 juin 2009.

Faits:

A.
A.________, X.________ et C.________ ainsi que D.________ et E.________ ont
constitué entre eux une société simple, appelée "Konsortium V.________"
(ci-après: le consortium), ayant pour but de construire à ... un complexe
immobilier portant ce nom.

Le 10 juin 1996, le consortium a conclu un contrat d'entreprise générale avec
W.________ SA (ci-après: l'entrepreneur général), ayant son siège à ..., par
lequel cette dernière s'engageait à effectuer les travaux de construction de la
superstructure pour un prix fixé à 8'238'518 fr.

Le consortium utilisait les services bancaires de la Banque R.________, tandis
que l'entrepreneur général avait pour banque Y.________ (ci-après: la banque).

Pour le chantier "V.________", Y.________ a ouvert, conformément aux
instructions reçues de son client, deux comptes au nom de l'entrepreneur
général, l'un dont il pouvait disposer librement et l'autre, intitulé
"sous-traitants", qui était destiné au paiement des sous-traitants. Il n'est
pas établi que la banque ait pris un quelconque engagement envers le consortium
(ou sa banque, la Banque R.________) quant à l'utilisation de ces deux comptes.

Dès le mois de mai 1996, la banque s'est inquiétée de la situation financière
de l'entrepreneur général. Alors qu'elle était déjà au bénéfice d'une cession
générale des créances de l'entreprise, elle a décidé de suivre de près son
évolution. Au début 1997, le dossier a été transmis, à l'intérieur de la
banque, au département "Recovery Management". La banque a exigé successivement
des comptes provisoires, des versements et la mise sur pied d'un mécanisme
permettant de suivre l'évolution de la société. Elle a demandé des mesures
d'assainissement. Il a été retenu qu'à deux reprises la banque s'est immiscée
dans la gestion de l'entrepreneur général, dont une seule intervention semble
avoir été suivie d'effet, à savoir pour le paiement des salaires de juin 1997.
Le 4 juillet 1997, la banque a dénoncé au remboursement les crédits accordés et
l'entrepreneur général a été mis en faillite le 10 octobre 1997.

B.
Y.________ a requis une poursuite en réalisation d'un gage immobilier à
l'encontre de X.________, lui réclamant en capital les sommes de 900'000 fr. et
33'059 fr. 20. La mainlevée provisoire de l'opposition ayant été prononcée,
X.________ a ouvert devant le Tribunal cantonal du Valais, le 1er octobre 1999,
une action en libération de dette. Il ne conteste pas devoir les sommes qui lui
sont réclamées, mais, faisant valoir que le consortium lui a cédé ses droits à
l'encontre de la banque, il entend exciper de compensation et former une
demande reconventionnelle, invoquant des créances du consortium à l'encontre de
la banque qui résulteraient du comportement de celle-ci en relation avec le
chantier "V.________".

Il a été retenu que le consortium, par l'entremise de sa banque (la Banque
R.________), avait versé au total 7'387'000 fr. sur les comptes de
l'entrepreneur général auprès de Y.________; une part importante de cette
somme, à savoir 5'624'058 fr., n'a pas été affectée au chantier "V.________".

En dernier lieu, X.________, agissant comme cessionnaire des droits du
consortium, a fait valoir à l'encontre de la banque les trois créances
suivantes:

- une créance de 389'381 fr. 10 avec intérêts correspondant au solde du compte
"sous-traitants" que la banque s'est appropriée par compensation dans la
faillite de l'entrepreneur général;

- une créance de 888'504 fr. 80 avec intérêts correspondant aux sommes qui
avaient été versées sur le compte "sous-traitants" et qui ont été utilisées,
sans opposition de la banque, à d'autres fins qu'au paiement des
sous-traitants;

- une créance de 1'628'000 fr. avec intérêts correspondant aux pertes évaluées
par le consortium en raison de la livraison tardive de l'ouvrage, le demandeur
alléguant que la banque avait fonctionné comme organe de fait de l'entrepreneur
général et qu'elle avait tardé, en cette qualité, à déposer le bilan, ce qui
aurait provoqué ce dommage.

Par jugement du 23 juin 2009, la Cour civile I du Tribunal cantonal du Valais a
rejeté l'action en libération de dette et l'action additionnelle en paiement,
avec suite de frais et dépens. En substance, la cour cantonale a retenu que la
banque n'avait pas fonctionné comme organe de fait de l'entrepreneur général et
que le demandeur n'était pas parvenu à prouver le dommage individualisé (et non
le dommage de la masse) que le consortium aurait subi.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre le
jugement du 23 juin 2009. Invoquant l'arbitraire dans l'établissement des
faits, une violation des notions juridiques d'organe de fait et de dommage, il
conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et
reprend ses conclusions en libération de dette et ses conclusions
additionnelles.

L'intimée a conclu au rejet du recours avec suite de frais et dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et
en paiement (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF)
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le
recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art.
100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
On peut certes observer que la cour cantonale a statué en instance unique, ce
qui n'est pas conforme aux exigences de l'art. 75 al. 2 LTF; cette disposition
n'est cependant pas encore en vigueur (art. 130 al. 2 LTF).

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p.
400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Compte tenu de l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al.
1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs
invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p.
400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).

Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne
peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 135 II 145 consid. 8.1 p. 153; 135
III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287 s.
et consid. 6.2 p. 288). De surcroît, la partie recourante ne peut demander une
rectification de l'état de fait que si celle-ci est susceptible d'influer sur
le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle
ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

En l'espèce, le recourant a invoqué l'arbitraire dans l'appréciation des
preuves et l'établissement des faits, mais, comme on le verra à la suite de
l'analyse juridique que le Tribunal fédéral peut reprendre librement ab ovo,
les points soulevés ne sont pas susceptibles d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 LTF), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en discuter.

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 Le recourant ne conteste pas devoir les sommes qui lui sont réclamées par
l'intimée. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur les créances de l'intimée à
l'encontre du recourant. Celui-ci soutient cependant, pour exciper de
compensation et former une demande additionnelle, que le consortium a trois
créances à l'encontre de la banque qu'il fait valoir en tant que cessionnaire
du consortium. Il convient donc d'examiner successivement chacune de ces trois
créances invoquées à l'encontre de la banque. Il sied de souligner, pour éviter
tout malentendu, que le recourant a fait valoir ces créances en tant que
cessionnaire des droits du consortium, et non pas en tant que cessionnaire des
droits de la masse en faillite de l'entrepreneur général. Il ne peut donc
invoquer que des créances du consortium à l'égard de la banque, et non pas
d'éventuelles créances de l'entrepreneur général (respectivement de sa masse en
faillite) à l'encontre de la banque.

2.2 Le recourant fait valoir que le consortium a payé régulièrement des sommes
à l'entrepreneur général, conformément au contrat, pour le chantier
"V.________". Il a ainsi alimenté le compte "sous-traitants" qui présentait, au
jour de la faillite, un solde actif de 389'381 fr. 10. Il reproche à la banque
de s'être approprié ce solde par le jeu d'une compensation.

On ne sait si le consortium a effectué ces versements à titre de paiements
partiels convenus (dont parle l'art. 372 al. 2 CO) ou d'acomptes convenus (dont
fait mention l'art. 135 ch. 1 CO) (le recourant emploie le terme d'acomptes
contractuels à la page 26 de son mémoire). S'il s'agit de paiements partiels,
la prestation avait pour but de payer la contre-prestation déjà fournie;
l'attribution intervenait donc à titre de paiement (solvendi causa); lorsque le
débiteur effectue un paiement pour exécuter (même partiellement) son
obligation, les fonds passent dans le patrimoine du créancier (Von Tuhr/Escher,
Allg. Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, 1974, vol. II, p. 6). S'il
s'agit d'un acompte, c'est-à-dire d'un paiement anticipé, cela signifie
simplement que l'entrepreneur qui reçoit la somme devra, au moment du décompte,
l'imputer en vue de déterminer le solde dû; dans le cas d'un acompte également,
la somme versée passe dans le patrimoine du créancier qui la reçoit (Von Tuhr/
Escher, op. cit., p. 10).

En l'espèce, le consortium a versé ces sommes sur les comptes ouverts par
l'entrepreneur général auprès de la banque. Dès le moment où les fonds ont été
crédités sur les comptes de l'entrepreneur général, ils sont entrés dans son
patrimoine. Il ressort de constatations cantonales non contestées que le
consortium, qui était client d'une autre banque, n'était pas le titulaire des
comptes sur lesquels les fonds ont été versés. Il ne peut donc prétendre à
aucun droit sur ces fonds qui ont passé dans le patrimoine d'autrui.

S'agissant d'un compte bancaire, l'entrepreneur général disposait d'une créance
envers la banque tendant à la remise des fonds portés en compte. Comme
l'entrepreneur général était en même temps débiteur de la banque pour d'autres
causes, celle-ci était en droit d'opérer la compensation, puisqu'il n'a été
établi aucun engagement contractuel excluant celle-ci (art. 120 al. 1 CO). La
faillite de l'entrepreneur général n'enlève pas le droit de compenser (art. 213
al. 1 LP).
La compensation est donc valablement intervenue entre la banque et
l'entrepreneur général. Pour le consortium, il s'agit d'une res inter alios
acta et il n'a plus aucun droit sur les fonds qu'il a transférés à autrui. A
supposer qu'il s'agisse d'acomptes et que l'entrepreneur général n'a pas fourni
la prestation correspondante, le consortium pourrait s'adresser à lui sur la
base des règles relatives à l'enrichissement illégitime (art. 62 al. 2 CO; Von
Tuhr/Escher, op. cit., p. 10), mais il ne dispose d'aucune action contre la
banque.

La première prétention invoquée est donc dépourvue de fondement.

2.3 Le recourant reproche à la banque d'avoir laissé l'entrepreneur général
prélever sur le compte "sous-traitants" des sommes qui n'ont pas été affectées
au paiement des sous-traitants, ce qui représente au total 888'504 fr. 80.

La cour cantonale a constaté - et le recourant ne démontre pas l'arbitraire sur
ce point - qu'il n'a été établi aucun engagement de la banque envers le
consortium quant à l'utilisation de ces comptes.

Comme on l'a déjà vu, les comptes avaient été ouverts auprès de la banque à la
demande de l'entrepreneur général qui en était le titulaire. La relation
contractuelle s'était donc établie entre la banque et l'entrepreneur général;
il en résulte que la banque devait suivre les instructions de son client. Comme
il a déjà été relevé, les fonds versés sur les comptes entraient dans le
patrimoine de l'entrepreneur général, qui pouvait en disposer. On soulignera
que les prélèvements opérés par ce dernier sur le compte "sous-traitants" à
d'autres fins que le chantier "V.________" n'ont d'ailleurs, selon les
constatations cantonales, pas empêchés le paiement des sous-traitants avant la
date de la faillite; en effet, le solde du compte à cette date était créancier
et il n'a pas été établi que des factures de sous-traitants étaient en
souffrance.

Le recourant se prévaut d'un accord qui aurait été conclu entre la banque et
l'entrepreneur général au sujet de l'utilisation du compte "sous-traitants". Il
est cependant évident qu'un tel accord constitue pour le consortium une res
inter alios acta. En vertu de la relativité des conventions, le consortium ne
peut en déduire aucun droit. De surcroît, en raison de la liberté
contractuelle, la banque et l'entrepreneur général restaient libres, sans
aucune règle de forme particulière, de revenir sur leur convention, de
l'annuler ou de l'amender pour des cas particuliers ou de façon générale. Ce
dernier argument est valable même si la banque devait être considérée comme
organe de fait de l'entrepreneur général, ce qui sera examiné ultérieurement.

En réalité, on se trouve devant la situation typique où un maître de l'ouvrage
a confié l'exécution à un entrepreneur général, lequel à sous-traité tout ou
partie des travaux à d'autres entreprises. Dans une telle situation, il
n'existe en principe aucune relation contractuelle directe entre le
sous-traitant et le maître de l'ouvrage (ATF 94 II 161 consid. 3b p. 166;
Theodor Bühler, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1998, n° 52 ad art. 364 CO; François
Chaix, in Commentaire romand, CO I, 2003, n°s 40 et 43 ad art. 363 CO; Gauch/
Carron, Le contrat d'entreprise, 1999, p. 50 n° 162; Pierre Tercier/Pascal G.
Favre, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, p. 646 n° 4302). Afin de protéger le
sous-traitant, qui ne dispose d'aucune créance en paiement à l'encontre du
maître de l'ouvrage, le législateur lui a permis de requérir l'inscription
d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 CC; ATF 126 III
467 consid. 3b/dd p. 473). Il en résulte évidemment un risque pour le maître de
l'ouvrage, qui est exposé, pour échapper à l'inscription de l'hypothèque
légale, à devoir payer deux fois, s'il a déjà payé l'entrepreneur général et
que celui-ci se révèle incapable d'honorer ses obligations à l'égard du
sous-traitant (Gauch/Carron, op. cit., p. 59 n° 185). Pour se prémunir contre
ce risque, le maître de l'ouvrage peut prendre diverses mesures d'ordre
contractuel, par exemple convenir avec l'entrepreneur général qu'il paiera
lui-même les sous-traitants en imputation de la somme due ou qu'il ne paiera
l'entrepreneur général que moyennant la preuve que les sous-traitants ont été
payés (sur l'ensemble de la question: arrêt 4C.215/2004 du 23 novembre 2004
consid. 3.1 et les références citées; Gauch/Carron, op. cit., p. 59 n° 186). En
l'espèce, le consortium, qui n'a pris aucune de ces précautions, doit en
assumer les conséquences; il ne dispose d'aucun droit qui lui aurait permis
d'influencer l'utilisation des fonds appartenant à l'entrepreneur général et
figurant sur le compte de ce dernier auprès de la banque.

Le consortium n'est donc pas davantage titulaire de la deuxième créance
invoquée par le recourant.

2.4 Le recourant soutient que l'ouvrage a été livré avec du retard et qu'il en
est résulté un dommage pour le consortium qu'il évalue à 1'628'000 fr.

Dans son recours devant le Tribunal fédéral, le recourant fait valoir que la
banque a fonctionné comme organe de fait de l'entrepreneur général et que, si
le bilan avait été déposé plus tôt, le dommage aurait pu être évité. La thèse
selon laquelle une faillite intervenant plus tôt aurait permis d'éviter le
dommage ne trouve aucun point d'appui dans l'état de fait qui lie le Tribunal
fédéral (art. 105 al. 1 LTF).

Quoi qu'il en soit, s'il y a eu du retard dans la livraison de l'ouvrage, il
s'agit d'un problème qui relève de la mauvaise exécution du contrat
d'entreprise générale. Le consortium pouvait donc faire valoir son éventuelle
créance en dommages-intérêts à l'encontre de l'entrepreneur général dans la
faillite de celui-ci (art. 97 al. 1 et art. 363 CO). Si les administrateurs de
l'entrepreneur général ont mal géré ce dossier, ils ont causé un dommage à
l'entrepreneur général, puisque celui-ci est tenu de réparer le dommage causé à
son cocontractant; le consortium, en tant que maître de l'ouvrage, dispose
d'une action en dommages-intérêts contre l'entrepreneur général et il n'est
touché par le comportement des administrateurs que par ricochet, ce qui exclut
une action individuelle de sa part (ATF 132 III 564 consid. 3.1.2 p. 568 s. et
consid. 3.2.2 p. 570). Même si l'on devait conclure à l'existence d'un dommage
direct, la solution ne serait pas différente. En effet, le retard dans le dépôt
du bilan est, en règle générale, préjudiciable à la société obérée, ne
serait-ce qu'en raison de l'arrêt du cours des intérêts au moment de la
faillite (art. 209 al. 1 LP) (arrêt 4P.35/2001 du 18 mars 2002 consid. 2d;
Bernard Corboz, in Commentaire romand, CO II, n° 50 ad art. 754 CO). Dans une
telle situation, en cas de faillite, un créancier social ne peut agir
individuellement contre un administrateur que s'il peut baser son action sur un
fondement juridique distinct, à savoir un acte illicite, une culpa in
contrahendo ou la violation d'une norme du droit de la société anonyme conçue
exclusivement pour protéger les créanciers sociaux (ATF 132 III 564 consid.
3.2.3 p. 570 s.; 131 III 306 consid. 3.1.2 p. 311; 128 III 180 consid. 2c p.
182 s.). Or, le recourant n'invoque en l'espèce que le devoir général pour les
administrateurs de déposer le bilan en cas de surendettement (art. 725 al. 2
CO); or, il a déjà été jugé que cette règle était conçue non seulement dans
l'intérêt des actionnaires ou des créanciers, mais également dans l'intérêt de
la société elle-même (ATF 128 III 180 consid. 2c p. 183; 125 III 86 consid. 3b
p. 89). Ainsi, le consortium (respectivement son cessionnaire) ne dispose
d'aucune action individuelle à l'encontre d'un administrateur, dès lors qu'elle
peut faire valoir son éventuelle créance en dommages-intérêts à l'encontre de
la masse en faillite.

Il est essentiel de souligner ici que le recourant n'exerce pas l'action
sociale, puisqu'il n'agit pas en tant que cessionnaire des droits de la masse
et qu'il ne conclut pas à l'octroi de dommages-intérêts en faveur de la société
faillie (cf. art. 757 CO).

De surcroît, il faut encore relever que la banque n'a bien entendu ni
l'obligation ni le droit de déposer le bilan en lieu et place de son client. La
construction juridique présentée par le recourant supposerait que l'on
reconnaisse à la banque le statut d'organe de fait de l'entrepreneur général.
Pour qu'une personne soit reconnue comme administrateur de fait, il faut
qu'elle ait eu la compétence durable de prendre des décisions excédant
l'accomplissement des tâches quotidiennes, que son pouvoir de décision
apparaisse propre et indépendant et qu'elle ait été ainsi en situation
d'empêcher la survenance du dommage (ATF 132 III 523 consid. 4.5 p. 528 s.; 128
III 29 consid. 3a p. 30 s., 92 consid. 3a p. 93 s.). Si une banque ne fait que
défendre ses intérêts de créancière, elle ne doit pas être considérée comme un
organe de fait (cf. Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht,
1996, § 37 n° 7). Suivre de près l'évolution d'un débiteur, exiger des comptes
provisoires, une cession de créances, des mesures d'assainissement, des
versements et procéder à une mise en demeure ne sont que des mesures par
lesquelles un créancier tend à se protéger lui-même; on ne peut y voir une
immixtion dans la gestion de la société impliquant un statut d'organe de fait.
Les paiements ont toujours été ordonnés par les organes de la société faillie
et la banque n'a refusé de les exécuter, dans son propre intérêt, que
lorsqu'elle n'avait pas de provisions suffisantes. Cette situation entraînait
inévitablement une discussion en vue de décider quelles étaient les dettes
prioritaires qui seraient payées; la décision - selon des constatations
cantonales non arbitraires - appartenait toujours à la société faillie; une
simple aide à la décision ne suffit pas pour conférer le statut d'organe de
fait (ATF 128 III 29 consid. 3a p. 31 et consid. 3c p. 33). Dans deux cas
seulement, la cour cantonale a établi une opération de gestion de la banque, en
vue d'assurer le paiement des salaires de l'entrepreneur général; cependant, le
statut d'organe de fait suppose des pouvoirs durables et ne peut pas résulter
d'un ou deux actes isolés (ATF 128 III 29 consid. 3a p. 31 et consid. 3c p.
33). En retenant dans ces circonstances que la banque n'était pas un organe de
fait de l'entrepreneur général, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral.

La troisième prétention doit donc également être écartée.

2.5 Le recourant invoque encore, de manière peu claire, l'art. 3 de la loi
fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (LB; RS
952.0).
Cette disposition concerne les conditions à remplir pour qu'une banque soit
autorisée à exercer son activité. On ne voit guère quel droit le recourant
entend en déduire. Il faut d'ailleurs observer que cette loi ne contient aucune
règle spéciale sur les conditions de responsabilité d'une banque (art. 38 et 39
LB). Le paiement des créanciers les plus pressants - qui semble être reproché à
la banque - était conforme à la volonté et aux intérêts du client. On ne voit
pas sur quelle base juridique la banque aurait eu l'obligation de prendre en
considération les intérêts d'un tiers (le consortium), surtout qu'il n'a pas
été établi qu'un sous-traitant était alors impayé et que les intérêts du tiers
entraient en conflit avec les intérêts légitimes d'autres tiers (les autres
créanciers de l'entrepreneur général). La construction juridique esquissée ne
résiste donc pas à l'examen.

3.
Il ressort des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté.

Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires fixés à 20'000 fr. sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 22'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Ière Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 9 novembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Piaget