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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.367/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_367/2009

Arrêt du 2 novembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________ SA en liquidation,
recourante, représentée par Me Gilles Robert-Nicoud,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Christian Fischer.

Objet
vente immobilière; avis des défauts,

recours contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 17 juillet 2008

Faits:

A.
Les propriétaires de l'immeuble sis à Lausanne au n° ... de l'avenue ...
étaient locataires de places de parc extérieures appartenant à A.________, pour
lesquelles ils versaient un loyer annuel de 24'145 fr. 40. Ils donnaient ces
places de parc à bail aux locataires de leur immeuble. Les loyers que leur
payaient les sous-locataires s'élevaient à 18'240 fr. par an. La gérance dudit
immeuble était assurée par B.________ SA.

Le 30 décembre 2002, Y.________ SA a acheté à terme l'immeuble en question, sur
lequel elle avait des droits de gage hypothécaires. Elle voulait toutefois
revendre l'immeuble. Début 2004, B.________ est entré à cet effet en contact
avec X.________ SA.

Durant la phase de négociation, B.________ a notamment soumis à X.________ SA
des variantes de travaux à réaliser sur le bâtiment; à ce document était annexé
un décompte de l'état locatif "présumé" après travaux, dans le détail duquel
figurait notamment une rubrique "parcage ext. 16 x 100 x 12" pour 19'200 fr.
B.________ a également fait parvenir à X.________ SA les pièces usuelles, en
particulier le décompte des charges, mais sans les pièces justificatives. Le
décompte des charges contenait, sous la rubrique "frais divers", un poste
"A.________SA" écrit en tout petit; les pièces justificatives relatives à ce
poste n'ont pas été transmises, ni les décomptes de gérance. Les baux à loyer
passés avec A.________ n'ont pas été remis à X.________ SA.

Par acte notarié du 16 juin 2004, Y.________ SA a vendu l'immeuble concerné à
X.________ SA pour 6'300'000 fr. Sous la rubrique "état locatif", il était
notamment précisé que "le vendeur atteste que le revenu locatif net (...)
s'élève à ce jour au montant de fr. 387'264.- (...) par année, étant précisé
que dans ce montant ne sont pas inclus divers locaux et appartements vacants".
Ce montant était tiré d'un document intitulé "état locatif mensuel - 06/2004",
établi par la gérance B.________ SA et remis au notaire instrumentant; dans ce
document, à la suite d'indications concernant les baux d'un certain nombre de
bureaux, locaux et logements occupés, figurait une rubrique séparée "places
extérieures" indiquant des loyers cumulés de 1'520 fr. par mois (18'240 fr. par
an). X.________ SA est entrée en possession de l'immeuble le 30 juillet 2004.
Le 26 novembre 2004, X.________ SA a demandé à B.________ SA si les places de
parc louées à A.________ pour 24'145 fr. 40 par an étaient les mêmes que celles
qui figuraient à l'état locatif avec 18'240 fr. Celle-ci lui a répondu le 30
novembre 2004 que les places de parc extérieures étaient effectivement louées à
A.________ et que leur sous-location rapportait actuellement 19'680 fr. par an.

Le 12 janvier 2005, X.________ SA a écrit à Y.________ SA que les places de
parc extérieures figurant à l'état locatif étaient la propriété de A.________,
qu'elle avait ainsi acheté des places de parc qui ne lui appartiennent pas et
qu'elle avait en conséquence payé l'immeuble 300'000 fr. de trop. Dans les
correspondances qui ont suivi, Y.________ SA a soutenu que ses employés chargés
de la vente ignoraient le problème soulevé; elle a admis que l'état locatif
soit mentionnait à tort les places de parc, soit omettait à tort le loyer à
verser à A.________. Néanmoins, Y.________ SA estimait en substance que
X.________ SA avait nécessairement dû se rendre compte de la situation réelle
avant l'achat et n'était pas dans l'erreur; elle estimait en outre que le
revenu des places de parc n'avait pas été un élément déterminant pour
l'acceptation du prix de vente. Aucun arrangement n'a pu être trouvé par la
suite.

B.
Le 9 mai 2005, X.________ SA a ouvert action contre Y.________ SA devant la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud en paiement de 300'000 fr.
avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 juin 2004.

Le 30 novembre 2005, X.________ SA a vendu l'immeuble rénové en réalisant un
bénéfice d'environ 1'500'000 fr. Le 23 décembre 2005, elle est entrée en
liquidation.

Par jugement du 17 juillet 2008, la Cour civile a rejeté l'action; la décision
motivée a été envoyée aux parties le 23 juin 2009. En résumé, les juges
cantonaux ont retenu qu'il n'était pas établi que X.________ SA savait ou
aurait dû se rendre compte que les places de parc étaient en réalité louées à
A.________, et elle a admis qu'il y avait donc bien un défaut; elle a cependant
jugé que X.________ SA n'avait pas effectué la vérification de l'immeuble
acheté aussitôt qu'elle le pouvait et qu'elle n'avait pas avisé Y.________ SA
du défaut en temps utile, ce qui entraînait le rejet de l'action; par
surabondance, elle a jugé que la moins-value en raison du défaut était nulle et
que pour ce motif aussi, le défaut ne saurait conduire à une réduction du prix
de vente.

C.
X.________ SA en liquidation (la recourante) interjette un recours en matière
civile au Tribunal fédéral; elle conclut principalement à ce que son adverse
partie soit condamnée à lui payer immédiatement le montant de 300'000 fr. avec
intérêts à 5 % l'an dès le 16 juin 2004, avec suite de frais et dépens.
Y.________ SA (l'intimée) propose le rejet du recours, sous suite de frais et
dépens.

Considérant en droit:

1.
La cour cantonale a jugé que l'avis des défauts du 12 janvier 2005, donné six
semaines après que la recourante eut reçu de la société de gérance toutes les
informations utiles au sujet des places de parc extérieures, était tardif. Sur
ce point, la recourante élève deux griefs: d'une part, se fondant sur l'art. 8
CC, elle objecte que l'intimée n'a pas allégué la tardiveté de l'avis et que
l'autorité cantonale ne pouvait dès lors pas en tenir compte; d'autre part, se
plaignant d'une violation de l'art. 201 CO, elle soutient que l'avis à été
donné à temps.

1.1 Dans son mémoire de droit, l'intimée, qui soutenait principalement qu'il
n'y avait pas de défaut, que la garantie avait été exclue et que la recourante
ne pouvait pas invoquer l'erreur, a écrit en référence au courrier du 12
janvier 2005 que "si ce courrier avait dû ou pu constituer un avis des défauts,
cet avis serait manifestement tardif et toute éventuelle action en garantie
périmée" (cf. mémoire de droit du 25 janvier 2008, p. 12, ch. 2.2.3 in fine).
L'intimée a ainsi satisfait au fardeau de l'allégation (cf. ATF 118 II 142
consid. 3a).

1.2 L'intimée a attesté un revenu locatif net qui englobait les loyers perçus
pour la sous-location des places de parc extérieures, mais omettait les loyers
correspondants à verser à A.________. Selon cet état des charges, les places de
parc extérieures étaient censées rapporter au propriétaire de l'immeuble vendu
un revenu net de presque 20'000 fr. alors qu'en réalité, il en découlait un
surplus de charges de 5'000 fr. environ. En outre, cette présentation
sous-entendait que les places de parc faisaient partie de l'immeuble vendu et
que la recourante en deviendrait propriétaire, ce qui n'était pas le cas. Le
défaut d'une qualité promise est manifeste.
Le 26 novembre 2004, la recourante a questionné la société en charge de la
gérance au sujet de la situation juridique des places de parc extérieures.
Selon la réponse du 30 novembre 2004, les places de parc étaient effectivement
louées à A.________ et la recourante encaissait un montant ensuite de leur
sous-location. Cette réponse était parfaitement claire et limpide,
contrairement à ce qu'affirme la recourante, et celle-ci ne pouvait pas se
méprendre sur sa portée. On ne discerne en particulier pas pourquoi la
recourante aurait dû, comme elle le laisse entendre, solliciter un avis
juridique pour constater avec certitude le défaut; en outre, contrôler le cas
échéant rapidement si les places de parc litigieuses se trouvaient réellement
sur une parcelle voisine et non pas sur la parcelle achetée n'était
manifestement pas susceptible de poser des problèmes insurmontables à des
professionnels de l'immobilier. La recourante avait au plus tard dès réception
de la réponse de la gérance une connaissance certaine du défaut.

L'avis des défauts doit être donné "sans délai", respectivement "immédiatement"
(cf. art. 201 CO); cette exigence légale vaut aussi en matière de vente
d'immeubles (art. 221 CO; cf. ATF 131 III 147 consid. 3; cf. également Giger,
Berner Kommentar, 1997, n° 113 ad art. 221 CO). Même si la loi exige un avis
immédiat, on doit reconnaître à l'acheteur un court délai de réflexion lui
permettant de prendre sa décision et de la communiquer au vendeur. Selon la
jurisprudence, un avis des défauts communiqué deux ou trois jours ouvrables
après la découverte de ceux-ci respecte la condition d'immédiateté prévue par
la loi (cf. ATF 98 II 191 consid. 4; 76 Il 221 consid. 3); en revanche, sont
tardifs des avis transmis trois semaines après la découverte des défauts (cf.
ATF 118 II 142 consid. 3b; 107 Il 172 consid. 1c).

En l'espèce, la recourante a eu connaissance du défaut au plus tard à réception
de la réponse de la gérance le mardi 30 novembre 2004; l'avis à l'intimée est
intervenu le mercredi 12 janvier 2005, soit six semaines plus tard. En jugeant
cet avis tardif, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral.

1.3 L'avis des défauts étant tardif, la chose vendue est réputée acceptée avec
les défauts et l'action minutoire est par conséquent exclue. Il s'ensuit le
rejet du recours, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs
soulevés.

2.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimée
sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi
qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 7'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 2 novembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Cornaz