Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.352/2009
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_352/2009

Arrêt du 13 octobre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________ Sàrl, recourante,
représentée par Mes Douglas Hornung et Tetiana Bersheda,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Rocco Taminelli.

Objet
arbitrage international; droit d'être entendu,

recours en matière civile contre la sentence rendue le
15 juin 2009 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Faits:

A.
Par contrat du 15 novembre 2007, soumis au droit suisse, la société X.________
Sàrl, responsable financière de l'équipe professionnelle de cyclisme
W.________, a engagé le coureur cycliste professionnel Y.________ pour une
durée de deux ans à compter du 1er janvier 2008. La rémunération du coureur
cycliste a été fixée à 275'000 euros pour 2008 et à 340'000 euros pour 2009.

X.________ Sàrl a résilié ledit contrat avec effet immédiat par lettre
recommandée du 23 juillet 2008, au motif qu'un rapport médical, annexé à cette
lettre, faisait apparaître des anomalies dans les valeurs de l'urine et du sang
prélevés sur le coureur cycliste à l'occasion d'un contrôle interne effectué
par l'équipe. Selon elle, il y avait là de sérieux indices d'une stimulation de
la moelle osseuse consécutive à l'administration d'EPO exogène.

B.
Le 1er septembre 2008, Y.________, se fondant sur la clause compromissoire
insérée dans le contrat, a déposé une requête d'arbitrage auprès du Tribunal
Arbitral du Sport (TAS) afin d'obtenir quelque 5,7 millions d'euros
d'indemnités en application des art. 49, 328 et 337c CO.

X.________ Sàrl a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, à
l'octroi d'une indemnité d'un million d'euros à titre de réparation du tort
moral.

Par sentence du 15 juin 2009, le TAS, admettant partiellement la demande, a
condamné X.________ Sàrl à payer à Y.________ la somme de 654'166,67 euros avec
intérêts à 5% dès le 27 novembre 2008, autorisé la publication de la sentence
par ses soins et décidé de transmettre celle-ci à l'Union Cyclise
Internationale (UCI). Il a mis 75% des frais d'arbitrage à la charge de
X.________ Sàrl, condamné cette dernière à verser 25'000 fr. de dépens à
Y.________ et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions des parties. En
résumé, le TAS a considéré que l'employeur avait résilié de manière injustifiée
le contrat de travail liant les parties, sur la base d'une simple suspicion de
dopage et sans avoir mis en oeuvre la procédure préalable ad hoc prévue dans le
contrat.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, X.________ Sàrl demande au
Tribunal fédéral d'annuler la sentence du 15 juin 2009. Elle reproche au TAS
d'avoir violé son droit d'être entendue.

L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, au rejet de celui-ci. Le TAS propose le rejet du recours.

D.
Postérieurement au dépôt de son recours, X.________ Sàrl a formé une demande de
révision visant la même sentence.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral est saisi d'un recours en matière civile et d'une demande
de révision connexes visant la même sentence arbitrale. Conformément à la règle
générale, à laquelle il n'y a pas de raison de déroger en l'espèce, le recours
en matière civile sera traité en priorité (cf. ATF 129 III 727 consid. 1).

2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues
par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables
(art. 176 al. 1 LDIP).
La recourante est directement touchée par la sentence attaquée, puisque
celle-ci la condamne à verser une somme d'argent à l'intimé. Elle a ainsi un
intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette sentence
n'ait pas été rendue en violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, ce qui lui
confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Déposé dans les 30 jours suivant la notification de la sentence attaquée (art.
100 al. 1 LTF), le recours, qui satisfait aux exigences formelles posées par
l'art. 42 al. 1 LTF, est recevable.

3.
Pour contester la recevabilité du recours, l'intimé soutient que la recourante
a valablement renoncé à recourir contre la sentence du TAS. Il invoque, à ce
propos, un passage de la clause arbitrale dans lequel les parties déclarent, en
substance, vouloir se soumettre expressément à la sentence, de bonne foi et
fidèlement (traduction du texte anglais faite par le conseil de l'intimé). En
soi, rien ne s'opposerait, en l'occurrence, à la prise en considération de
cette prétendue renonciation au recours, puisqu'elle n'est pas opposée ici au
sportif, mais à son ex-employeur (ATF 133 III 235 consid. 4). Toutefois, les
termes utilisés dans le passage invoqué par l'intimé ne satisfont nullement aux
conditions de forme fixées par l'art. 192 al. 1 LDIP et la jurisprudence y
relative (ATF 134 III 260 consid. 3 et les références) pour admettre
l'existence d'une renonciation valable au recours.

Il y a lieu, partant, d'entrer en matière.

4.
4.1 Comme unique grief, la recourante reproche au TAS d'avoir violé son droit
d'être entendue. Plus précisément, elle lui fait grief de n'avoir tenu aucun
compte de la lettre que son conseil de l'époque avait adressée au TAS le 12
juin 2009, postérieurement à l'audience du 29 avril 2009, et des pièces qui y
étaient jointes. Ces pièces, souligne-t-elle, révélaient, en particulier,
l'existence de nouvelles directives techniques adoptées le 9 mai 2009 par
l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) au sujet de l'EPO (TD2009EPO) et entrées en
vigueur le 31 mai 2009. Or, selon la recourante, la stimulation de la moelle
osseuse de l'intimé causée par l'administration d'EPO exogène devait être tenue
pour avérée au regard de ces nouvelles directives, ce que confirmaient les
autres pièces produites. Dès lors, le licenciement immédiat du coureur cyclise
s'en trouvait justifié a posteriori, puisque l'employeur, qui avait résilié le
contrat sur la base de soupçons de dopage, était parvenu à établir la réalité
de ceux-ci. Aussi le TAS aurait-il dû prendre en considération ces nouveaux
éléments de preuve qui étaient de nature à modifier l'issue du litige.
4.2
4.2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et
190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui
consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386
consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le
domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les
faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de
proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux
séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c
p. 643).

S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été
exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 119 II 386
consid. 1b p. 389).

La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu un devoir minimum
pour l'autorité d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 126 I 97
consid. 2b). Ce devoir, qui a été étendu à l'arbitrage international (121 III
331 consid. 3b p. 333), est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le
tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments,
preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour
la décision à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée d'établir, d'une
part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains éléments de fait, de
preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses
conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur
le sort du litige (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
4.2.2 Il appert des explications, dûment étayées, fournies par le TAS dans sa
réponse au recours, que le cabinet de l'ancien conseil de la recourante a reçu
la sentence par fax du 15 juin 2009 à 17 h 08 et que la susdite lettre, datée
du 12 juin 2009, n'a en fait été envoyée au TAS que le 15 juin 2009 à 20 h 12.
Ainsi, toutes les pièces dont se prévaut la recourante pour justifier après
coup la résiliation immédiate du contrat de travail de l'intimé ont été
adressées au TAS postérieurement à la communication de la sentence attaquée.
Dès lors, le reproche fait à l'autorité de jugement de ne pas avoir pris en
considération ces éléments de preuve confine à la témérité.

Pour le surplus, il convient d'observer qu'à la fin de l'audience du TAS,
chaque partie a déclaré que son droit d'être entendue avait été respecté et
qu'elle n'avait aucune objection à formuler sur la manière dont l'audience
s'était déroulée.

Il suit de là que l'unique grief formulé par la recourante se révèle dénué de
tout fondement. Le présent recours ne peut, dès lors, qu'être rejeté, ce qui
rend sans objet la demande d'effet suspensif pendante.

5.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimé (art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
Arbitral du Sport (TAS).

Lausanne, le 13 octobre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo