Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.329/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_329/2009
4A_369/2009

Arrêt du 1er décembre 2010
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

Participants à la procédure
4A_329/2009
X.________,
représenté par Me Stéphane Riand,
recourant,

contre

Y.________, représenté par Me Daniel Pache,
intimé,

et

4A_369/2009
Y.________, représenté par Me Daniel Pache,
recourant,

contre

X.________,
représenté par Me Stéphane Riand,
intimé.

Objet
mandat; responsabilité de l'avocat,

recours contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 26
juin 2008.

Faits:

A.
Le 28 septembre 1990 vers 22h30, X.________, né en ..., a été heurté par un
motocycliste alors qu'il traversait, aviné, à hauteur de l'avenue des Toises et
en dehors d'un passage pour piétons, la rue Bellefontaine à Lausanne. Déjà
victime d'un grave traumatisme crânio-cérébral neuf ans plus tôt, il a subi un
nouveau traumatisme crânio-cérébral sévère, qui a conduit à une détérioration
mentale massive et à des séquelles graves et irréversibles au niveau du système
nerveux central, entraînant un incapacité de travail totale et exigeant une
hospitalisation permanente dans une institution spécialisée.

A l'époque de l'accident, X.________ était titulaire d'une demi-licence en
histoire de l'art, français et histoire ainsi que d'une licence en sociologie
et anthropologie. Il travaillait à temps partiel comme professeur de français
dans une école privée; à ce titre, il était assuré pour les accidents
professionnels et non professionnels auprès de l'assurance V.________. Le
motocycliste impliqué dans l'accident était pour sa part assuré en
responsabilité civile auprès de la société W.________.

X.________ a mandaté l'avocat Y.________ pour défendre ses intérêts dans les
différentes procédures judiciaires ultérieures.

Le 8 septembre 1992, le juge pénal a acquitté le motocycliste au bénéfice du
doute.

B.
L'assurance-invalidité a accordé une rente invalidité entière à X.________
ainsi que des rentes complémentaires.

V.________ a pris en charge les suites de l'accident et accordé des indemnités
journalières, prestations réduites de 10 % en raison de son taux d'alcoolémie
lors de l'accident, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité,
également réduite de 10 %. X.________ a recouru, estimant que les prestations
auraient dû être calculées non pas sur le gain annuel de 7'489 fr. réalisé
durant les douze mois précédant l'accident, mais sur un revenu futur
hypothétique plus élevé; il a été débouté, en dernier lieu le 27 décembre 1995
par le Tribunal fédéral. Ultérieurement, V.________ a accordé une allocation
pour impotent réduite de 10 %.

C.
Le 19 octobre 1992, Me Y.________ a pris contact avec W.________ en sa qualité
d'assureur responsabilité civile du motocycliste, lui demandant de prendre
position sur le principe et éventuellement sur le pourcentage de responsabilité
qu'elle acceptait ou non d'assumer. Celle-ci a répondu le 15 décembre 1992
qu'elle n'interviendrait pas, mais se tenait prête à envisager une intervention
sans reconnaissance de responsabilité, consistant à prendre en charge les frais
de pension à vie de X.________ dans un home médicalisé non couverts par les
assureurs sociaux.

Le 27 octobre 1994, Me Y.________ a de nouveau écrit à W.________. Il
expliquait ne pas avoir répondu à la lettre du 15 décembre 1992 parce qu'il
convenait de voir l'évolution sur le plan médical. Il invitait W.________ à
revoir sa position et à lui faire savoir si elle acceptait le principe de la
prise en charge du cas et, dans l'affirmative, à concurrence de quel
pourcentage. W.________ a répondu le 13 janvier 1995 que sa position n'avait
pas changé.

Divers courriers ont par la suite été échangés entre Me Y.________, W.________
et V.________. Le 14 janvier 1997, Me Y.________ a écrit à V.________ qu'il
n'avait pas encore chiffré les prétentions de son client vis-à-vis de
W.________, devant pour ce faire connaître les prestations des assureurs
sociaux.

Par lettre du 4 mars 1997, W.________ a renoncé à se prévaloir de l'exception
de prescription jusqu'au 31 décembre 1998, pour autant que celle-ci ne fût pas
déjà acquise.

D.
Le 12 février 1998, X.________, agissant par l'entremise de Me Y.________ qui
avait été désigné avocat d'office le 23 juillet 1997, a ouvert action contre
W.________. La procédure a été déclarée périmée par un arrêt du 29 novembre
2000, au motif que Me Y.________ n'avait pas suivi à l'action dans les délais.

Le 1er juin 2001, X.________, agissant toujours par le ministère de son avocat,
a déposé une nouvelle demande. Par jugement des 27 juin et 22 octobre 2003, la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a constaté que ses prétentions contre
W.________ étaient prescrites, car le dommage était connu en tout cas à partir
du 11 mai 1992 et la prescription n'avait pas été interrompue. Cette décision
n'a pas fait l'objet d'un recours.

A titre transactionnel, W.________ a offert à X.________ de renoncer aux dépens
alloués par la Cour civile s'il n'élevait plus aucune prétention à son
encontre. Me Y.________ a accepté l'offre au nom de son client.

E.
Le 25 janvier 2005, X.________ (ci-après: le demandeur) a ouvert action devant
la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois contre Y.________ (ci-après: le
défendeur) pour mauvaise exécution de mandat, concluant à ce que celui-ci soit
condamné à lui payer la somme de 1'329'500 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le
1er janvier 1991 et à ce que la mainlevée définitive de l'opposition y relative
soit prononcée à due concurrence. Le défendeur a conclu au déboutement de son
adverse partie.

Par jugement du 26 juin 2008, la Cour civile a partiellement admis la demande
et condamné le défendeur à payer au demandeur les sommes de 13'968 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 28 septembre 1990, 249'503 fr. 50 avec intérêt à 5 %
l'an dès le 1er janvier 1998 et 293'063 fr. 10 avec intérêt à 5 % l'an dès le
1er janvier 2005. En substance, elle a considéré que le demandeur aurait pu
obtenir ces montants de la part de W.________ à titre de tort moral, de perte
de gain, respectivement de perte de gain futur ainsi que de dommage de rente,
et que le défendeur avait commis une faute en laissant cette créance se
prescrire; ils ont calculé la créance en se fondant sur une responsabilité du
demandeur à concurrence de 70 % dans l'accident et un revenu annuel net
hypothétique de 60'000 francs.

F.
Trois recours ont été interjetés contre ce jugement envoyé aux parties le 12
juin 2009.

Le 26 juin 2009, le demandeur a interjeté un recours en matière civile au
Tribunal fédéral (dossier 4A_329/2009), concluant à ce que le défendeur soit
condamné à lui verser la somme de 1'129'500 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er
janvier 1991 et requérant en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. Son
tuteur a donné procuration pour procéder devant le Tribunal fédéral et
l'autorité pupillaire compétente l'y a autorisé par décision du 5 octobre 2010.

Le 17 août 2009, le défendeur a formé un recours en matière civile au Tribunal
fédéral (dossier 4A_369/2009), concluant au rejet de l'action du demandeur.
Dans ses déterminations, celui-ci a conclu au rejet du recours et sollicité
l'assistance judiciaire. Par ordonnance du 4 mars 2010, la Présidente de la
Cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours.

Le défendeur a également déposé un recours cantonal, qui a été rejeté par arrêt
du 18 novembre 2009 de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Cet
arrêt n'a pas été porté devant le Tribunal fédéral.

Considérant en droit:

1.
Les deux recours sont dirigés contre le même arrêt et concernent le même
complexe de faits. Il se justifie donc de les joindre et de statuer à leur
sujet par un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et art. 24 PCF [RS 273]; ATF 131 V 59
consid. 1 p. 60 s.).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 136 IV 92 consid. 4; 135 III 329 consid. 1).

2.1 Si, pour une partie des griefs recevables devant le Tribunal fédéral, la
décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre
autorité judiciaire cantonale, cette décision n'est pas de dernière instance
pour ce qui concerne les questions susceptibles de ce recours cantonal; faute
d'épuisement des voies de recours, elles ne peuvent pas être soulevées dans le
cadre du recours en matière civile interjeté contre la décision du tribunal
cantonal supérieur. Elles doivent d'abord faire l'objet du recours cantonal
avant de pouvoir être soumises, le cas échéant, au Tribunal fédéral (cf. art.
100 al. 6 LTF).

En procédure civile vaudoise, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal
cantonal peut faire l'objet d'un recours en nullité auprès de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal - comme d'ailleurs indiqué au bas du jugement
querellé -, en particulier pour violation des règles essentielles de la
procédure (art. 444 al. 1 ch. 3 du code de procédure civile du canton de Vaud
du 14 décembre 1966 [CPC/VD; RSV 270.11]). A teneur de l'art. 444 al. 2 CPC/VD,
le recours est toutefois irrecevable pour les griefs qui peuvent faire l'objet
d'un recours en réforme au Tribunal fédéral. La jurisprudence cantonale en a
déduit que, dès lors que le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves
ne pouvait pas être soulevé dans un recours en réforme (ancien art. 43 OJ), il
pouvait l'être dans le recours en nullité cantonal (arrêt de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois du 2 juin 2006 consid. 3a, in JT 2007 III
48).

La loi fédérale sur le Tribunal fédéral, entrée en vigueur le 1er janvier 2007,
a remplacé le recours en réforme par le recours en matière civile (cf. art. 72
ss LTF); dans ce nouveau recours, le grief de la violation de l'interdiction
constitutionnelle de l'arbitraire est recevable (art. 95 LTF). L'art. 444 al. 2
CPC/VD n'a pas été adapté à la modification des voies de recours fédérales; il
continue de prévoir l'exclusion des griefs susceptibles de recours en réforme.
Il en découle que le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves
continue d'être recevable dans le cadre du recours en nullité cantonal (arrêt
5A_93/2008 du 15 septembre 2008 consid. 1.2, in RSPC 2009 p. 47, avec note de
Tappy p. 48; cf. également arrêt de la Chambre des recours du 18 novembre 2009
rendu dans la présente cause consid. 2a et 5).

En l'occurrence, l'arrêt de la Chambre des recours du 18 novembre 2009 n'a pas
été attaqué; seul le jugement de la Cour civile du 26 juin 2008 fait l'objet
des recours présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral. Il s'ensuit que
les griefs des deux recourants relatifs aux faits de la cause sont irrecevables
faute d'épuisement des voies de recours cantonales.

2.2 Le recours doit être succinctement motivé (cf. art. 42 al. 2 LTF), ce qui
suppose que le recourant discute au moins brièvement les considérants de
l'arrêt attaqué (ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245); cette exigence est une
condition de recevabilité (cf. art. 108 al. 1 let. b LTF). Le Tribunal fédéral
n'examine donc en principe que les griefs invoqués et suffisamment motivés (ATF
134 II 244 consid. 2.1 p. 246, 133 III 545 consid. 2.2).

En l'espèce, le demandeur critique la répartition de la responsabilité pour
l'accident entre le motocycliste et lui-même. Il dit simplement invoquer la
teneur de l'art. 58 LCR (RS 741.01). Puis, en exactement deux phrases, il
ajoute que la cour cantonale a fixé une clef de répartition qui ne tient pas
compte de la nature réelle des fautes commises par le motocycliste et le piéton
et des risques inhérents à l'utilisation d'un véhicule automobile, et qu'il
estime qu'eu égard à l'utilisation d'un véhicule automobile et à la nature des
fautes commises par le motocycliste telles que décrites en fait dans le
jugement, la répartition devait se faire par moitié. Une telle motivation ne
suffit pas au regard des exigences légales en la matière. Le demandeur ne peut
pas se limiter à invoquer un article de loi et à affirmer que celui-ci a été
mal appliqué, cela sans la moindre référence à la motivation de quatre pages de
la cour cantonale. Le grief est irrecevable.

Le demandeur critique en outre le montant alloué à titre d'indemnité pour tort
moral. Sa motivation se limite a soutenir qu'il y a lieu de le fixer à 200'000
fr., à réduire de 50 % ensuite de sa faute, compte tenu de la gravité des
blessures subies, de l'évolution générale de la jurisprudence dans le choix de
la fixation du tort moral et des multiples comparatifs qui peuvent être faits
dans ce champ; il ne donne aucune autre précision ni ne discute la motivation
des juges cantonaux qui ont retenu un montant de 120'000 fr., réduit de 70 %.

2.3 Il s'ensuit que tous les griefs soulevés par le demandeur dans son recours
sont irrecevables; le recours est ainsi lui-même irrecevable. Quant aux griefs
recevables du défendeur, ils seront examinés sur la seule base des faits
retenus dans le jugement attaqué (art. 105 al. 1 LTF).

3.
Le défendeur conteste avoir violé son devoir de diligence (art. 398 CO) en
laissant la créance du demandeur envers l'assureur responsabilité civile du
motocycliste se prescrire.

3.1 Le défendeur invoque le principe selon lequel un avocat, sous l'angle de la
responsabilité du mandataire, ne peut en principe pas se voire reprocher de ne
pas avoir connu une nouvelle jurisprudence avant que celle-ci n'ait été publiée
au Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral (cf. ATF 134 III 534). Il
soutient être parti de l'idée que la prescription des prétentions envers
l'assureur privé du tiers responsable ne courrait pas avant que les rentes
versées par les assureurs sociaux ne soient définitivement connues, en l'espèce
donc pas avant réception de l'arrêt du Tribunal fédéral du 27 décembre 1995; ce
ne serait que dans un arrêt de principe du 12 septembre 2000 (arrêt 2C.1/1999)
que le Tribunal fédéral, abandonnant une pratique plus souple, aurait retenu
que le lésé est supposé connaître son dommage lorsqu'il remplit sa demande de
prestations sociales.
La prescription court à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du
dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur (art. 83 al. 1 LCR; cf.
art. 60 al. 1 CO). Selon une jurisprudence constante et ancienne, le créancier
connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa
nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une
demande en justice; le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier
détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 131 III
61 consid. 3.1.1; cf. ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57 s.; 74 II 30 consid. 1).

La question soulevée en l'espèce est celle de savoir si une telle connaissance
du dommage causé par un accident requiert la connaissance des rentes que les
assureurs sociaux doivent verser ensuite de cet accident.

3.2 L'arrêt du 12 septembre 2000, cité par le défendeur et auquel la cour
cantonale s'est référée, traite du cas d'un lésé qui soutenait que la
prescription de ses prétentions en dommages-intérêts avait seulement commencé à
courir avec la notification de la décision le mettant au bénéfice d'une rente
entière de l'assurance-invalidité. Le Tribunal fédéral a rejeté cette opinion,
relevant que la rente AI ne réduit pas le dommage subi par un assuré et que la
loi parlait de "connaissance du dommage" et non de connaissance du montant à
réclamer en justice; il a précisé que par dommage, il fallait comprendre la
totalité du dommage subi par le lésé, y compris la partie couverte par les
assurances sociales. Cet arrêt est la reprise d'une opinion émise par Roland
Brehm en 1990 déjà (Brehm, Berner Kommentar, 1990, n° 44 s. ad art. 60 CO).

L'arrêt, non publié au Recueil officiel, n'a pas renversé une jurisprudence
antérieure allant expressément dans le sens contraire. Le défendeur ne cite
d'ailleurs aucun arrêt dans lequel le Tribunal fédéral aurait dit que la
prescription ne courait pas avant que les prestations des assureurs sociaux ne
soient connues.

Par contre, dans un arrêt du 7 novembre 1951, le Tribunal fédéral a laissé la
question ouverte (consid. 2a non publié à l'ATF 77 II 314, mais reproduit in SJ
1952 p. 214: "à supposer que ..."). Ce dernier arrêt et ses références sont
cités par Bussy et Rusconi dans l'édition de leur commentaire accessible au
début des années 1990 (Bussy/ Rusconi, Code suisse de la circulation routière,
2e éd. 1984, n° 2.2 ad art. 83 CO al. 3; idem 3e éd. 1996). Ces auteurs en ont
déduit qu'on "peut admettre" que la prescription ne commence pas à courir avant
la date de la fixation de la rente d'invalidité. Comme les juges cantonaux
l'ont retenu, il ne s'agit pas là de l'affirmation d'une certitude, mais d'un
avis circonspect qui, à la lecture de l'arrêt, paraît même quelque peu
audacieux.

En outre, dans un arrêt publié du 11 mars 1986, le Tribunal fédéral a eu à se
prononcer sur la prescription de prétentions en dommages-intérêts d'une
personne, annoncée à l'assurance-invalidité, dont l'incapacité de travail était
encore indéterminée. Il a retenu que cette personne n'était pas en mesure
d'évaluer avec suffisamment de sécurité l'ampleur et l'évolution du mal et que
seule une expertise ou un rapport médical circonstancié aurait pu la renseigner
clairement; il n'est fait aucune référence à la décision de
l'assurance-invalidité comme éventuel point de départ de la prescription (ATF
112 II 118 consid. 4 p. 123).

Il semble certes que par le passé, la pratique faisait souvent partir le délai
du jour de la notification de la décision de rente de l'assureur social (cf.
Brehm, op. cit. Kommentar, n° 43 ad art. 60 CO), à tout le moins à titre
subsidiaire dans le sens que le délai avait, au plus tard, commencé à courir à
ce moment-là (cf. ATF 123 III 204 consid. 1 al. 2 p. 205). Mais quoi qu'il en
soit, il n'existait pas de jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle la
prescription commençait à courir uniquement depuis cette date; les arrêts
précités semblent bien plutôt aller dans le sens contraire. Quant à la doctrine
faisant autorité en la matière, elle contestait que la prescription commence
nécessairement à courir avec la notification de la décision de l'assureur
social (cf. Brehm, op. cit. Kommentar, n° 44 s. ad art. 60 CO; Oftinger/Stark,
Schweizerisches Haftpflichtrecht, vol. II/1, 4e éd. 1987, § 16 n° 352).

3.3 Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle
exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). L'échec de la mission assumée n'est
certes pas suffisant pour engager sa responsabilité; il doit seulement réparer
les conséquences d'actes ou d'omissions contraires à son devoir de diligence.
En règle générale, l'étendue de ce devoir s'apprécie selon des critères
objectifs; il s'agit de déterminer comment un mandataire consciencieux, placé
dans la même situation, aurait agi en gérant l'affaire en cause; les exigences
sont plus rigoureuses à l'égard du mandataire qui exerce son activité à titre
professionnel et contre rémunération (cf. ATF 115 II 62 consid. 3a; cf.
également Fellmann, Berner Kommentar, n° 406 ss ad art. 398 CO).

La notion de connaissance du dommage au sens des art. 83 LCR et 60 CO est
imprécise et peut être délicate à appliquer au cas concret. L'avocat doit dès
lors examiner la question avec attention afin d'éviter que les prétentions de
son client se prescrivent. Or, en faisant preuve d'un minimum de diligence, le
défendeur devait se rendre compte qu'il n'était pas certain que la prescription
ne courrait qu'à partir de la communication de la décision définitive de
l'assureur social. A défaut de certitude, la prudence élémentaire commandait
d'agir à toutes fins utiles et d'entreprendre les démarches en vue d'éviter une
éventuelle prescription. Cela s'imposait d'autant plus que ces démarches
étaient simples; il suffisait de demander à l'assureur responsable de renoncer
à invoquer la prescription ou, s'il s'y refusait, à interrompre l'éventuel
cours de la prescription par la notification d'un commandement de payer. En cas
d'incertitude en matière de délai, l'avocat doit agir de sorte à éviter toute
discussion ultérieure (cf. ATF 87 II 364 consid. 1 p. 370 s.). C'est à bon
droit que la cour cantonale a retenu un défaut de diligence de la part du
défendeur.

4.
Le défendeur critique la répartition de la responsabilité pour l'accident entre
le motocycliste et le demandeur (art. 58 et 59 LCR). Il soutient que le
motocycliste n'a pas commis de faute et que l'accident était uniquement dû à la
faute grave du demandeur, si bien que l'assureur du motocycliste était libéré
de toute responsabilité (art. 59 al. 1 LCR).

4.1 Le détenteur du véhicule, respectivement son assureur responsabilité
civile, est civilement responsable si, par suite de l'emploi d'un véhicule
automobile, une personne est tuée ou blessée ou qu'un dommage matériel est
causé (art. 58 al. 1 LCR). Il est libéré de sa responsabilité s'il prouve que
l'accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou
d'un tiers sans que le détenteur ou les personnes dont il est responsable aient
commis de faute et sans qu'une défectuosité du véhicule ait contribué à
l'accident (art. 59 al. 1 LCR). Dans le cadre d'une procédure entre le lésé et
l'assureur du détenteur, ce dernier supporte le fardeau de la preuve du défaut
de faute du détenteur. S'il ne parvient pas à apporter cette preuve négative,
il répond du dommage à titre causal; le lésé peut profiter de l'impossibilité
d'établir certains faits (cf. ATF 111 II 89 consid. 1; Brehm, La responsabilité
civile automobile, 2e éd. 2010, n° 476; Oftinger/Stark, op. cit., vol. II/2, §
25 n° 427 et n° 444). Une preuve négative absolue n'est pas possible; par la
force des choses, celle-ci doit être limitée à la vraisemblance, sauf à exclure
toute exculpation, ce qui ne serait pas compatible avec la loi qui prévoit
cette possibilité (cf. Brehm, op. cit. La responsabilité, n° 480 ss; Bussy/
Rusconi, op. cit. 3e éd, n° 1.3 ad art. 59 LCR).

4.2 La cour cantonale a retenu une faute grave du demandeur. Elle a relevé
qu'il était ivre au moment de traverser la route, de nuit et hors de tout
passage pour piétons, et qu'il s'était élancé sur les voies de circulation
alors que son épouse, qui cheminait avec lui, s'était arrêtée pour laisser
passer le trafic qu'elle voyait monter à leur rencontre. Cette appréciation
n'est pas mise en cause, ni par le défendeur, ni par le demandeur dans ses deux
écritures.

4.3 Les juges cantonaux ont retenu que l'assureur du motocycliste n'aurait pas
pu faire la preuve d'une absence totale de faute de son assuré. Ils ont
toutefois qualifié la faute retenue de cas à la limite de l'exclusion de toute
faute.
4.3.1 La cour cantonale a jugé que le fait de pouvoir apercevoir l'épouse du
demandeur en train de traverser la rue devait inciter le motocycliste à la
prudence et à ralentir, ce qu'il n'avait pas fait.

La loi exige du conducteur d'un véhicule automobile une prudence particulière
s'il apparaît qu'un usager de la route va se comporter de manière incorrecte
(cf. art. 26 al. 2 LCR). Le fait qu'un piéton s'élance depuis la gauche pour
traverser la route en dehors d'un passage protégé n'oblige toutefois pas encore
le conducteur à prendre des mesures particulières pour éviter un accident, car
il peut s'attendre à ce que le piéton débiteur de la priorité (cf. art. 47 al.
5 OCR [RS 741.11]) s'arrêtera au milieu de la chaussée pour le laisser passer.
Abstraction faite du cas où le piéton est une personne âgée, un enfant ou un
infirme, le conducteur prioritaire doit prendre des mesures particulières pour
éviter un accident uniquement en cas d'indices concrets donnant à penser que le
piéton pourrait ne pas s'arrêter; un simple risque abstrait ne suffit pas (cf.
ATF 106 IV 391 consid. 1; 103 IV 107 consid. 3).

Les juges cantonaux ont retenu en fait que le motocycliste, qui remontait à
vitesse réduite la rue Bellefontaine sur la piste de présélection de droite,
pouvait apercevoir l'épouse du demandeur en train de traverser la voie
descendante de la rue Bellefontaine, c'est-à-dire de traverser la rue depuis la
gauche vers la droite; dans la mesure où le défendeur entend mettre cette
constatation en doute, sa critique est irrecevable. La cour cantonale a en
outre retenu en fait que le motocycliste était en train d'accélérer à ce
moment-là et n'avait pas réagi.

En l'espèce, il n'a pas été retenu d'indices pouvant donner à penser au
motocycliste que l'épouse du demandeur allait lui couper la priorité; celle-ci
s'est d'ailleurs arrêtée et a attendu pour le laisser passer. Dans ces
circonstances, le motocycliste, qui au demeurant circulait à vitesse réduite,
n'avait pas à ralentir du seul fait que l'épouse du demandeur s'était engagée
pour traverser la rue.
4.3.2 Les juges cantonaux ont toutefois aussi retenu qu'il n'était "guère
concevable" que le motocycliste ait été "constamment empêché" de voir le
demandeur entre le moment où celui-ci s'était élancé et celui du choc. Ce
faisant, elle n'a certes pas constaté que le motocycliste avait vu ou aurait pu
voir le demandeur, ni qu'il pouvait et devait dans ce cas voir des indices
concrets pour un comportement incorrect du demandeur, et cela assez tôt pour
pouvoir encore réagir. Mais elle n'a pas non plus exclu que tel pouvait avoir
été le cas. En fait, elle a admis qu'il existait une certaine probabilité que
le motocycliste ait vu ou pouvait voir le demandeur aviné en train de s'élancer
à travers la rue, ce qui sous-entend qu'il aurait peut-être pu se rendre compte
que celui-ci allait lui couper la priorité et donc qu'il aurait pu réagir pour
éviter la collision. Cela va au demeurant dans le même sens que l'acquittement
pénal au bénéfice du doute. En retenant dans ces circonstances que la preuve
libératoire du défaut de faute n'était pas apportée, respectivement que
l'assureur n'aurait pas été en mesure de l'apporter dans le cadre d'une
procédure contre le demandeur, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral.

4.4 Le refus d'admettre une libération entière du motocycliste, respectivement
de son assureur en responsabilité civile, ne prête pas le flanc à la critique.
Le taux de réduction de responsabilité (art. 59 al. 2 LCR) retenu par la cour
cantonale n'est pas critiqué.

5.
En définitive, le recours du demandeur est irrecevable et sa demande
d'assistance judiciaire pour cette procédure doit en conséquence être rejetée
pour défaut de chances de succès (cf. art. 64 LTF); il supporte les frais
judiciaires de sa procédure (art. 66 al. 1 LTF), mais n'a pas à payer de dépens
à la défenderesse, qui n'a pas été invitée à déposer de réponse. Le recours du
défendeur, pour autant que recevable, est infondé; l'assistance judiciaire est
accordée au demandeur pour cette procédure où il est partie intimée; le
défendeur supporte les frais judiciaires et les dépens du demandeur (cf. art.
66 al.1 ainsi qu'art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1. Recours de X.________
1.1
Le recours est irrecevable.
1.2
La demande d'assistance judiciaire de X.________ et rejetée.
1.3
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de X.________.
2. Recours de Y.________
2.1
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.2
La demande d'assistance judiciaire de X.________ est admise et Me Stéphane
Riand est désigné comme avocat d'office.
2.3
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de Y.________.
2.4
Une indemnité de 9'000 fr., à payer à X.________ à titre de dépens, est mise à
la charge de Y.________.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile
du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 1er décembre 2010

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Cornaz