Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.328/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_328/2009

Arrêt du 30 septembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, juge présidant, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Piaget.

Parties
X.________ & Cie, représenté par
Me Serge Fasel,
recourante,

contre

Syndicat Y.________, représentée par Me Christian Bruchez,
intimé.

Objet
mesures provisionnelles,

recours contre la décision de la Chambre des relations collectives de travail
du canton de Genève du 26 mai 2009.

Faits:

A.
A.________, employée dans le secteur du commerce de détail et membre du
syndicat Y.________, a été engagée par X.________ & Cie (ci-après: X.________)
tout d'abord en qualité de collaboratrice de vente temporaire du 18 novembre au
24 décembre 2005, puis comme collaboratrice fixe dès le 1er mars 2006.

Par courrier du 18 février 2009, X.________ a licencié A.________ pour le 30
avril 2009. La lettre de licenciement reproche pour l'essentiel à l'employée
une interview qu'elle a donnée à un journal le 24 décembre 2008, dans laquelle
elle critique la pratique de l'entreprise (sans la citer) en relation avec
l'ouverture nocturne des magasins.

Le syndicat Y.________ a contesté ce licenciement, soutenant qu'il intervenait
en raison des activités syndicales de A.________, qui était représentante des
travailleurs au sein de la Commission paritaire professionnelle du commerce de
détail. Estimant qu'un tel congé frappe non seulement le travailleur, mais le
syndicat lui-même, Y.________ a fait valoir qu'un tel licenciement était
interdit par l'art. 17 al. 2 de la Convention cadre du commerce de détail, dont
Y.________ et X.________ sont signataires.

La procédure devant la Commission paritaire professionnelle du commerce de
détail a été paralysée en raison d'une divergence complète entre les parties.

B.
Le 30 avril 2009, le syndicat Y.________ a déposé une requête dirigée contre
X.________ auprès de la Chambre des relations collectives de travail (ci-après:
la CRCT), concluant, à titre de mesures provisionnelles, à ce que A.________
soit réengagée provisoirement à partir du 1er mai 2009 et, sur le fond, à ce
que le licenciement soit annulé et à ce que l'employée réintègre son poste à
partir du 1er mai 2009.

X.________ a conclu, sur les mesures provisionnelles, à ce que la requête soit
déclarée irrecevable, subsidiairement à ce qu'elle soit rejetée; sur le fond,
X.________ conclut à l'irrecevabilité de la demande, à son rejet, ainsi qu'à la
condamnation du syndicat à une amende et à une peine conventionnelle pour avoir
violé ses obligations légales et conventionnelles en lien avec l'obligation de
maintenir la paix du travail.
Par décision du 26 mai 2009, intitulée "décision sur mesures provisionnelles",
la CRCT a déclaré la demande recevable et ordonné la réintégration de
A.________ jusqu'à droit jugé sur le fond.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la
décision du 26 mai 2009. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de la décision attaquée et à ce que le Tribunal fédéral déclare
irrecevable la demande avec requête de mesures provisionnelles;
subsidiairement, elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et au
rejet de la requête sur mesures provisionnelles avec suite de frais et dépens.

Le syndicat Y.________ a conclu au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable avec suite de frais et dépens.

La requête d'effet suspensif présentée par la recourante a été écartée par
décision présidentielle du 23 juillet 2009.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée, comme le montre son intitulé et son objet, se caractérise
comme une décision sur mesures provisionnelles. Rendue par l'autorité saisie
d'une demande sur le fond, elle a pour objet de maintenir le statu quo en ce
sens que l'employée reste à son poste pour la durée de la procédure,
c'est-à-dire jusqu'à droit jugé sur le fond.

Une décision sur mesures provisionnelles ne peut être attaquée devant le
Tribunal fédéral qu'en invoquant la violation de droits constitutionnels (art.
98 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut examiner que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés par la partie recourante (art.
106 al. 2 LTF).

Lorsque des mesures provisionnelles sont prises dans une procédure autonome et
indépendante de tout procès sur le fond, elles donnent lieu à une décision
finale (art. 90 LTF); en revanche, si elles sont prises avant ou pendant une
procédure principale et ne doivent déployer leurs effets que durant cette
procédure (laquelle doit être régulièrement introduite), les mesures
provisionnelles ne donnent pas lieu à une décision finale, mais à une décision
incidente (ATF 134 I 83 consid. 3.1 p. 86 s.; cf. également: Message du 28
février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale, FF 2001 4129 ch. 4.1.4.1). En l'espèce, la décision attaquée se
caractérise clairement comme une décision incidente, puisqu'elle a été rendue
par une autorité saisie d'une demande sur le fond, qu'elle ne déploie ses
effets que durant le procès et qu'elle ne met pas fin à la procédure
introduite.

La décision de maintenir l'employée à son poste durant la procédure ne
constitue évidemment pas une décision sur la compétence ou sur une demande de
récusation (art. 92 LTF), de sorte qu'elle doit être qualifiée d'autre décision
préjudicielle ou incidente au sens de l'art. 93 LTF.

Le recours au Tribunal fédéral contre une telle décision n'est donc ouvert que
si celle-ci peut causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours
peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une
procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 LTF).

Soutenant qu'elle est exposée à un préjudice irréparable, la recourante fait
valoir que l'on ne reviendra plus sur les mesures provisionnelles et qu'elle
doit payer le salaire de son employée durant la procédure. Elle oublie
cependant que l'employée est tenue de fournir son travail en échange du
salaire. Dès lors que le montant du salaire a été librement accepté par la
recourante, on doit supposer qu'il correspond, à ses yeux, à la valeur du
travail fourni. On ne voit donc pas en quoi la continuation du rapport de
travail durant la procédure causerait à la recourante un dommage patrimonial.
Il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions de
recevabilité de son recours sont réunies, notamment qu'elle est exposée à un
préjudice irréparable, lorsque cela n'est pas évident (BERNARD CORBOZ, in
Commentaire de la LTF, art. 93 n° 18 et les arrêts non publiés cités). En
l'occurrence, on ne parvient pas à discerner en quoi consisterait le préjudice
irréparable et l'argumentation présentée ne le démontre en rien. Il faut en
conclure que le recours n'est pas recevable sur la base de l'art. 93 al. 1 let.
a LTF.
Il reste à examiner s'il serait recevable en application de l'art. 93 al. 1
let. b LTF. Il s'agit de déterminer si l'admission du recours peut conduire
immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure
probatoire longue et coûteuse. Saisie d'une requête de mesures provisionnelles,
l'autorité peut soit accorder les mesures sollicitées (totalement ou
partiellement), soit les refuser; quelle que soit la décision sur les mesures
provisionnelles, la procédure sur le fond ne prend pas fin, mais se poursuit.
En conséquence, même s'il statuait différemment sur les mesures
provisionnelles, le Tribunal fédéral ne pourrait pas rendre une décision
finale, c'est-à-dire une décision qui met fin à la procédure (cf. art. 90 LTF).
En conséquence, la condition alternative de recevabilité prévue par l'art. 93
al. 1 let. b LTF n'est pas non plus remplie.

Le recours contre la décision sur mesures provisionnelles est ainsi
irrecevable.

2.
La décision attaquée contient, dans son dispositif, la formule "déclare la
demande recevable". Sachant que la recourante avait également contesté la
recevabilité de la requête sur mesures provisionnelles, il faut se référer aux
considérants pour essayer de dégager le sens de cette phrase sibylline.

2.1 Au considérant 1, l'autorité cantonale s'est référée à l'art. 9 al. 1 de la
loi genevoise concernant la Chambre des relations collectives de travail du 29
avril 1999 (J1 15). Elle a constaté que cette disposition cantonale lui donnait
la compétence pour juger tout litige relatif à l'interprétation ou à
l'application d'une convention collective de travail à la demande des parties
contractantes ou de l'une d'entre elles. Elle a relevé que Y.________, la
demanderesse, était l'une des parties contractantes. Il apparaît d'autre part
(et l'argumentation de la recourante le confirme) qu'il y a entre les parties
un litige sur l'interprétation de l'art. 17.2 de la convention collective, plus
exactement sur la question de savoir si la violation de l'interdiction figurant
dans cette disposition entraîne la nullité du licenciement.

La disposition sur laquelle l'autorité cantonale a appuyé sa compétence (l'art.
9 al. 1) est une norme de droit cantonal. Or, le recours au Tribunal fédéral
n'est pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit cantonal, hormis
dans le domaine des droits constitutionnels et des droits politiques (art. 95
LTF). Certes, la recourante pourrait se plaindre d'arbitraire (art. 9 Cst.)
dans l'application du droit cantonal (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382 s.;
133 I 201 consid. 1 p. 203; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Elle n'indique
cependant pas en quoi l'autorité cantonale aurait statué arbitrairement en
constatant que l'intimé était signataire de la convention collective et qu'il y
avait un litige portant sur l'interprétation de celle-ci. Il n'y a donc même
pas à entrer en matière, faute de motivation suffisante (art. 106 al. 2 LTF).

2.2 Au considérant 2, l'autorité cantonale a estimé qu'elle était également
compétente sur la base de la convention collective, puisque la procédure devant
la commission paritaire n'avait pas abouti. Il s'agit là d'une motivation
alternative que la recourante aurait également dû attaquer pour violation des
droits constitutionnels (ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s.). Il n'y a de
toute manière pas lieu d'en discuter, puisqu'il ne s'agit que d'une motivation
alternative et que la première motivation résiste à l'examen (cf. consid. 2.1).

2.3 Au considérant 3, la cour cantonale a estimé qu'il n'était pas nécessaire
"à ce stade" d'examiner si sa compétence pouvait aussi se fonder sur l'art. 9
al. 3 de la loi genevoise. Or, cette question est évidemment d'importance pour
statuer sur les conclusions prises au fond par le syndicat, puisque cette
disposition lui permet de se prononcer sur un litige concernant les rapports de
travail. En disant qu'elle ne tranchait pas la question "à ce stade",
l'autorité cantonale a montré qu'elle ne statuait pas définitivement sur sa
compétence. Elle s'est bornée à examiner prima facie si sa compétence n'était
pas d'emblée exclue, afin de décider si elle pouvait statuer sur la demande de
mesures provisionnelles. Cette interprétation est clairement confirmée par le
début du considérant 4: "il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'entrer
en matière sur la demande de mesures provisionnelles".

Savoir si l'autorité peut examiner prima facie sa compétence au stade d'une
décision sur mesures provisionnelles est une question de procédure. Comme la
procédure relève en l'espèce du droit cantonal, il s'agit d'une question que le
Tribunal fédéral ne peut pas examiner en l'absence d'un grief formulé de
manière précise (art. 106 al. 2 LTF).

Dès lors qu'il résulte de l'interprétation de la décision attaquée que
l'autorité cantonale ne s'est prononcée que prima facie sur sa compétence pour
décider d'entrer en matière sur la requête de mesures provisionnelles, mais
qu'elle se réserve, à un stade ultérieur, de réexaminer les fondements de sa
compétence et les conclusions qu'elle peut examiner, il faut conclure que la
question de la compétence sur le fond n'est pas définitivement tranchée. Dans
un tel cas, il ne s'agit pas d'une décision sur la compétence au sens de l'art.
92 al. 1 LTF ouvrant la voie d'un recours au Tribunal fédéral (ATF 133 IV 288
consid. 2.2 p. 291).

Savoir si le licenciement d'espèce était motivé par l'activité syndicale de
l'employée, si l'interdiction figurant à l'art. 17.2 de la convention
collective conduit à la nullité du licenciement et si le syndicat est habilité
à conclure en faveur d'un travailleur d'espèce plutôt que de poser un problème
théorique d'interprétation sont des questions qui ne sont pas tranchées sur le
fond dans la décision attaquée. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de
statuer avant l'autorité compétente en première instance.

3.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des relations
collectives de travail du canton de Genève.

Lausanne, le 30 septembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Le Greffier:

Corboz Piaget