Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.318/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_318/2009

Arrêt du 30 septembre 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, juge présidant, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Piaget.

Parties
X.________ Limited, représentée par
Me Nicolas Mossaz,
recourante,

contre

Y.________ Sàrl, représentée par
Me Dominique Burger,
intimée.

Objet
sûretés; action en revendication; droit du bail,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 15 mai 2009.

Faits:

A.
A.________ et B.________ AG étaient propriétaires en main commune, depuis 1991,
d'un droit de superficie distinct et permanent (ci-après: DDP) d'une valeur de
22'600'000 fr. portant sur des bâtiments industriels situés sur un bien-fonds
appartenant à l'Etat de Genève.

Le DDP est cessible, mais son transfert est subordonné à l'accord préalable de
l'Etat de Genève.

Y.________ Sàrl (ci-après: Y.________), société ayant son siège à Genève, était
au bénéfice d'un "contrat de leasing immobilier" lui conférant le droit
d'occuper les bâtiments objets du DDP, ainsi que d'un droit d'emption.

En été 2007, X.________ Limited (ci-après: X.________), société de droit et de
siège chypriotes, intéressée à l'achat du DDP, est entrée en pourparlers avec
A.________, B.________ AG et Y.________. Les intéressés sont convenus que
X.________ achèterait le DDP à A.________ et à B.________ AG pour le prix de
14'825'000 fr. et le droit d'emption de Y.________ pour un montant de 7'775'000
fr. L'Etat de Genève a donné son accord à l'achat du DDP par X.________. Par
contrat du 25 juillet 2007, Y.________ a vendu à X.________ son droit d'emption
sur le DDP; les parties ont en outre stipulé qu'elles concluraient un contrat
de bail portant sur les locaux occupés par Y.________. X.________ n'aurait
toutefois pas respecté les termes de son accord avec Y.________.

A la fin de l'année 2007, avant d'avoir acquis la propriété du DDP, X.________
a tenté, d'entente avec A.________ et B.________ AG, de conclure avec une
entité panaméenne un contrat de cession de la propriété du DDP. La transaction
ayant échoué - l'Etat de Genève n'ayant pas consenti au transfert -, X.________
a finalement acquis la propriété du DDP par l'inscription au registre foncier
le 1er février 2008. Elle a financé cet achat en empruntant 16'000'000 fr.
auprès d'une entité du ..., contre remise à celle-ci d'une cédule hypothécaire
de même montant grevant le DDP.

B.
Le 16 mai 2008, X.________ a déposé auprès du Tribunal de première instance du
canton de Genève une action en revendication au sens de l'art. 641 al. 2 CC à
l'encontre de Y.________.

Sur incident soulevé d'entrée de cause, Y.________ a demandé la condamnation de
X.________ au paiement d'une cautio judicatum solvi de 100'000 fr., montant se
justifiant, selon elle, par la complexité des problèmes juridiques et de la
future instruction de la cause.

X.________ a conclu au rejet de la demande.

Par jugement du 13 novembre 2008, le Tribunal de première instance a rejeté
l'incident de cautio judicatum solvi, considérant que le DDP constituait un
bien présentant un caractère de permanence suffisant pour garantir le paiement
des dépens auxquels pourrait être condamnée l'intéressée et qu'il se justifiait
ainsi d'accorder la dispense de la fourniture de sûretés conformément à l'art.
103 al. 1 let. b loi de procédure civile genevoise du 10 avril 1987 (LPC/GE).

Saisie d'un appel de Y.________, la Cour de justice du canton de Genève a admis
le recours, par arrêt du 15 mai 2009, annulé le jugement entrepris et condamné
X.________ à fournir une cautio judicatum solvi de 100'000 fr. dans un délai de
trente jours dès la communication de l'arrêt cantonal, sous peine de déclarer
la demande irrecevable. Considérant que le DDP est par définition cessible
(nonobstant le droit de veto de l'Etat de Genève qui n'était pas systématique),
et au vu de l'attitude de l'intimée (qui avait déjà tenté de vendre le bien),
la cour cantonale a considéré qu'aucun élément du dossier ne permettait de
retenir que la recourante allait conserver le bien immobilier durant toute la
procédure. Elle a donc conclu que le DDP ne présentait pas un caractère de
permanence suffisant pour pouvoir, le cas échéant, servir de garantie.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 15 mai 2009. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir appliqué de
façon arbitraire l'art. 292 LPC/GE d'une part, en s'autorisant à revoir
l'appréciation des preuves effectuée par la première instance et, d'autre part,
l'art. 103 al. 1 let. b LPC/GE en ne la dispensant pas de fournir des sûretés.
Enfin, elle considère que c'est en appréciant les preuves arbitrairement que
l'autorité précédente a retenu un montant de 100'000 fr. à titre de sûretés. La
recourante conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce
qu'elle soit dispensée de fournir des sûretés et, subsidiairement, à
l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité
précédente, sous suite de dépens.

L'intimée, qui dépose deux nouvelles pièces devant le Tribunal fédéral, conclut
au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué, sous suite de
frais et dépens.

Par ordonnance du 15 juillet 2009, la Présidente de la Ire Cour de droit civil
a admis la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué est une décision incidente prise en dernière instance
cantonale (art. 75 al. 1 LTF; art. 292 al. 1 LPC/GE).

En tant que décision incidente n'entrant pas dans les prévisions de l'art. 92
LTF, l'arrêt attaqué ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que
s'il est susceptible de causer un dommage irréparable (art. 93 al. 1 let. a
LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision
finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93
al. 1 let. b LTF). Selon la jurisprudence, la décision incidente exigeant d'une
partie la fourniture de sûretés en garantie des dépens, sous peine
d'irrecevabilité de sa demande ou de son recours, est susceptible de causer un
préjudice irréparable (arrêt 5A.55/2008 du 22 avril 2008 consid. 1 et les
arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce.

La voie de recours à emprunter pour déférer une décision incidente au Tribunal
fédéral est déterminée par celle qui sera ouverte, le cas échéant, contre la
décision prise ultérieurement sur le fond (arrêt cité, ibid.). En l'occurrence,
l'éventuelle décision au fond à venir pourra faire l'objet d'un recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF).

La décision rendue par la cour cantonale - qui vise à trancher la question
incidente - ne permet pas de déterminer si le litige s'inscrit uniquement dans
le cadre d'une action en revendication d'un bien immobilier (art. 641 al. 2 CC
en rapport avec l'art. 655 al. 1 et 2 ch. 2 CC) ou s'il relève également du
droit du bail. Il appartiendra au Tribunal de première instance du canton de
Genève de décider de sa compétence rationae materiae. L'action au fond
introduite le 16 mai 2008 par la recourante devant ce tribunal n'en demeure pas
moins une action en revendication au sens de l'art. 641 al. 2 CC. Il s'agit
d'une contestation de nature pécuniaire (arrêt 5C.252/2004 du 30 mai 2005
consid. 1; arrêt 5C.127/2001 du 26 octobre 2001 consid. 1) dont la valeur
litigieuse correspond à la valeur de l'objet revendiqué (YVES DONZALLAZ, Loi
sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, no 1407 ad art. 51 LTF;
JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, 1990, ch. 9.5 ad art. 36 aOJ; cf. ATF 94 II 51 consid. 2 p. 54),
déduction faite de l'hypothèque grevant celui-ci (POUDRET, op. cit., ch. 5.3 ad
art. 36 aOJ; ALAIN WURZBURGER, Les conditions objectives du recours en réforme
au Tribunal fédéral, thèse Lausanne 1964, p. 135 ch. 188). Ainsi, l'arrêt
cantonal a été rendu dans le cadre d'une affaire pécuniaire portant sur une
valeur litigieuse bien supérieure au seuil de 30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1
let. b LTF. Partant, la décision incidente portée à la connaissance du Tribunal
fédéral peut être attaquée par ce moyen de droit.

Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art.
76 al. 1 LTF), le recours a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il y a lieu, dès lors, d'entrer en
matière.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105). Par exception au principe
selon lequel le Tribunal fédéral applique le droit d'office, il ne peut entrer
en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question
relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et
motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130;
135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95
LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p.
140). De surcroît, la partie recourante ne peut demander une correction de
l'état de fait que si celle-ci est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Les pièces
nouvelles que l'intimée a produites postérieurement à l'arrêt attaqué doivent
dès lors être écartées. Il importe peu qu'elles n'aient été découvertes
qu'après la décision attaquée (Bernard Corboz, Commentaire de la LTF, 2009, no
26 ad art. 99 LTF et la référence).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir sombré dans
l'arbitraire en revenant sur l'appréciation des preuves effectuées par le
Tribunal de première instance, ce qui est exclu en matière d'appel
extraordinaire (art. 292 LPC/GE), excepté dans l'hypothèse d'une appréciation
manifestement insoutenable (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de
la loi de procédure civile genevoise, no 3 ad art. 292 LPC/GE et les
références). Elle soutient en particulier que, le Tribunal de première instance
ayant jugé que le DDP constituait un élément de fortune présentant un caractère
de permanence suffisant pour garantir, le cas échéant, le paiement des dépens,
la cour cantonale a gravement méconnu l'art. 292 LPC/GE en retenant la
conclusion inverse.

2.2 La question soulevée par la recourante relève du droit cantonal. Or, le
recours au Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre d'une mauvaise
application de ce droit (cf. art. 95 et 96 LTF; ATF 133 III 462 consid. 2.3 p.
466). Il reste néanmoins possible de se plaindre d'arbitraire au sens de l'art.
9 Cst., ce qui constitue une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF;
ATF 133 I 201 consid. 1 p. 203, 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). La recourante
a valablement soulevé ce grief (art. 106 al. 2 LTF). Il faut alors garder à
l'esprit que l'examen du Tribunal fédéral se limite à dire si la cour cantonale
est ou non tombée dans l'arbitraire.

Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4
p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265 s.). Arbitraire et violation de la loi ne
sauraient être confondus; une violation doit être manifeste et reconnue
d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à
examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait
dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si
l'interprétation qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire du
seul fait qu'une autre solution pourrait aussi se défendre et sembler même plus
correcte (ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70; 126 III 438 consid. 3 in fine). Pour
qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I
140 consid. 5.4 p. 148).

2.3 L'argumentation de la cour cantonale se fonde sur les éléments de fait
suivants: premièrement, le DDP est cessible, le droit de veto de l'Etat de
Genève n'étant pas systématique; deuxièmement, avant même de devenir
propriétaire du DDP, la recourante a déjà tenté une fois de vendre le bien
immobilier, ce qu'elle n'a pu faire, l'Etat de Genève n'y ayant pas consenti;
enfin, la recourante a emprunté 16'000'000 fr. auprès d'un tiers, contre remise
à celui-ci d'un gage immobilier grevant le DDP du même montant, et elle
n'aurait pas payé la somme de 7'775'000 fr. à l'intimée (en guise de garantie
bancaire de paiement irrévocable du prix de vente du droit d'emption sur le
DDP). Il s'agit là précisément des faits qui ont été établis par la première
instance. On ne voit donc pas sur quel point la cour cantonale aurait revu
l'appréciation des preuves. Déterminer, sur la base des faits ainsi retenus, si
le DDP présente en l'espèce un caractère de permanence suffisant pour garantir,
le cas échéant, le paiement des dépens (art. 103 al. 1 let. b LPC/GE; cf.
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., no 4 ad art. 103 LPC/GE) est une
question de droit que la cour cantonale, qui dispose alors d'un pouvoir
d'examen plus large, peut revoir dans le cadre d'un appel extraordinaire au
sens de l'art. 292 al. 1 let. c LPC/GE (ATF 132 I 13 consid. 5.2 p. 18; arrêt
5P.41/2001 du 12 avril 2001, consid. 2 non publié à l'ATF 127 III 232), ce que
la recourante ne conteste d'ailleurs pas sous l'angle de l'art. 292 LPC/GE.

Le grief d'arbitraire est infondé.

3.
3.1 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir appliqué de façon
arbitraire l'art. 103 al. 1 let. b LPC/GE. Elle considère qu'en subordonnant
l'octroi de la dispense de la fourniture de sûretés à la condition de
l'incessibilité des biens du demandeur, la cour cantonale a ajouté une
condition supplémentaire qui n'est pas prévue dans la loi et dont la doctrine
ne fait nulle mention. Selon elle, les immeubles ou les DDP sur des immeubles
constituent par excellence des biens présentant un caractère de permanence
permettant, si cela s'avère nécessaire, de garantir le paiement des dépens.
Elle ajoute qu'en l'espèce le droit de veto de l'Etat de Genève renforce encore
le caractère de permanence du DDP dont la recourante est propriétaire. Enfin,
rappelant que le bien immobilier constitue le fondement même de l'action en
revendication intentée par la recourante à l'encontre de l'intimée, elle
soutient que toute cession du DDP en cours de procédure aurait de toute façon
pour conséquence de rendre sans objet l'action qu'elle a intentée.

3.2 L'argument de la recourante ayant trait à la cession de l'objet de l'action
est sans consistance. Le transfert de l'immeuble ne prive pas le vendeur de la
qualité pour poursuivre le procès (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op.
cit., no 7 art. 1 LPC/GE et les références; cf. WALTHER J. HABSCHEID, Droit
judiciaire privé suisse, 2e éd. 1981, p. 209). Ainsi, la cession de l'objet du
litige n'a pas pour effet de rendre sans pertinence la question de la garantie
des dépens.

A teneur de l'art. 102 LPC/GE, le demandeur domicilié à l'étranger doit fournir
des sûretés pour le paiement des dépens résultant du procès. Pour que la
dispense prévue à l'art. 103 al. 1 let. b LPC/GE puisse être accordée, il ne
suffit pas que le demandeur étranger possède des biens dans le canton de
Genève; encore faut-il, selon le texte clair de la disposition, que ces biens
puissent assurer, le cas échéant, le paiement des dépens (art. 103 al. 1 let. b
LPC/GE). La doctrine souligne cette exigence en indiquant que les biens doivent
avoir un caractère de permanence suffisant pour pouvoir, si cela se révèle
nécessaire, jouer leur rôle le moment venu (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
op. cit., no 4 art. 103 LPC/GE). Il convient de rappeler que la décision
d'ouvrir action est prise par le demandeur, qui a pu auparavant apprécier les
risques de la procédure, en particulier celui de ne pas pouvoir recouvrer ses
dépens au cas où il obtiendrait gain de cause; en revanche, le défendeur ne
peut pas en général se déterminer librement sur le risque de devoir assumer ses
frais. C'est pourquoi il doit être protégé du danger - existant en particulier
lorsque le demandeur est domicilié à l'étranger (ATF 121 I 108 consid. 2 p.
110) - de ne pouvoir obtenir le paiement des dépens qui, le cas échéant, lui
auraient été alloués (arrêt 4P.153/2003. du 7 octobre 2003 consid. 2.3.1,
publié dans la PJA 2004 p. 747; cf HABSCHEID, op. cit., p. 298).

Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la cour cantonale n'a pas
subordonné l'octroi de la dispense de la fourniture de sûretés au sens de
l'art. 103 al. 1 let. b LPC/GE à l'incessibilité du bien du demandeur. Elle a
simplement constaté que, le DDP n'étant pas incessible (l'Etat de Genève
n'opposant pas systématiquement son veto), l'attitude de la recourante laissait
craindre qu'elle ne conserve pas le bien durant toute la durée de la procédure.
En retenant que le paiement des dépens n'était pas assuré par le DDP en raison
de cette attitude et en exigeant la fourniture de sûretés au sens de l'art. 102
al. 1 LPC/GE, l'autorité précédente n'a en tout cas pas pris une décision
insoutenable; l'intention de la recourante était manifeste, celle-ci ayant déjà
tenté d'organiser le transfert du DDP à la fin de l'année 2007, soit avant même
d'en devenir propriétaire. On notera d'ailleurs que le montant du gage
immobilier grevant le bien (16'000'000 fr.), ajouté à celui dont la recourante
serait débitrice envers l'intimée (7'775'000 fr.) dépassent la valeur du DDP
(22'600'000 fr.), ce qui souligne encore la réalité du risque de transfert.

Le grief est infondé.

4.
4.1 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu (en tenant compte
de la créance litigieuse de 7'775'000 fr. liée à l'acquisition du droit
d'emption) que le litige était complexe, qu'il ne se réduisait pas à une action
en revendication et d'avoir fixé, sur la base de cette appréciation, une valeur
litigieuse de 8'000'000 fr. justifiant d'arrêter à 100'000 fr. le montant des
sûretés. Elle soutient que l'acquisition du droit d'emption est soustraite à la
juridiction genevoise vu que le contrat de Transfer Agreement du 25 juillet
2007 prévoit que tout litige en lien avec cette obligation de paiement doit
être exclusivement soumis aux tribunaux ordinaires de Zurich. Soulignant que le
procès se réduit dès lors, devant les autorités genevoises, à une simple action
en revendication d'un bien immobilier, elle considère que le montant des
sûretés repose sur une appréciation arbitraire des faits.

4.2 Il sied au préalable de relever que la cour cantonale n'a pas défini le
montant des sûretés en fonction de la seule valeur litigieuse, mais qu'elle a
expliqué avoir tenu compte également - à juste titre - de la complexité de la
cause. Il s'agira notamment, déjà pour trancher la question de la compétence
rationae materiae, d'analyser le contrat de Transfer Agreement, ce qui
engendrera également de nombreux frais, telles que ceux inhérents aux enquêtes,
à la traduction du contrat et à d'éventuelles commissions rogatoires.

La recourante laisse entendre que la valeur litigieuse de la seule action en
revendication remettrait en question le montant de 100'000 fr. fixé à titre de
sûretés. Tel n'est pas le cas. La valeur litigieuse d'une action en
revendication portant sur un bien immobilier correspond à la valeur de ce bien
(arrêt de la Cour de justice de Genève du 22 février 2008, ACJC/235/2008). En
l'espèce, elle se monte à 6'600'000 fr. au minimum (si l'on déduit l'hypothèque
grevant le bien; cf. infra consid. 1.1). Ainsi, le montant des sûretés fixé à
100'000 fr. représente 1,52 % de l'enjeu du litige (6'600'000 fr.), ratio
nettement inférieur aux montants attribués à titre de sûretés par la cour
cantonale cette dernière décennie (entre 4,36 % et 9 % du montant litigieux
selon les constatations de l'autorité précédente non contestées par la
recourante). La décision n'apparaît dès lors pas manifestement insoutenable
dans son résultat, ce d'autant plus que, selon la jurisprudence cantonale, le
juge doit se montrer large dans son estimation, le montant des sûretés ne
pouvant en principe être modifié ultérieurement, sauf circonstances nouvelles
et imprévisibles (arrêt du 2 avril 1968 consid. B.e), in SJ 1970, p. 191; arrêt
du 14 avril 1964 consid. 5, in SJ 1965, p. 415; Bertossa/Gaillard/Guyet/
Schmidt, op. cit., no 6 ad art. 102 LPC/GE).

5.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté.

Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 30 septembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Le Greffier:

Corboz Piaget