Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.270/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_270/2009

Arrêt du 14 juillet 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________, recourant, représenté par Me Pierre Heinis,

contre

Y.________ SA, intimée, représentée par
Me Jean-Marie Allimann.

Objet
contrat de distribution; sûretés pour les dépens,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 7 mai 2009 par le juge
instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Faits:

A.
Le 2 février 2009, X.________, ressortissant suisse domicilié à Los Angeles
(Etats-Unis d'Amérique), a assigné Y.________ SA, entreprise jurassienne
spécialisée dans les produits de luxe, devant la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura en vue d'obtenir le paiement de 10'950'216 fr. 20,
avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2008, ainsi que la mainlevée définitive de
l'opposition formée par ladite société au commandement de payer qu'il lui avait
fait notifier. Le montant en question équivaut au dommage que le demandeur
allègue avoir subi du fait de la résiliation abusive du contrat le liant à la
défenderesse pour la distribution de montres de luxe dans tous les pays de
l'ex-Europe de l'Est, de même qu'en Espagne et au Portugal.

Dans le délai de réponse, la défenderesse a déposé une demande de sûretés pour
les dépens. Elle a réclamé, à ce titre, le dépôt, par le demandeur, de 500'000
fr., dont 430'000 fr. pour les honoraires, vacations et autres frais liés à
l'activité de son mandataire, les 70'000 fr. restants correspondant à l'avance
de frais judiciaires exigée d'elle.

Le demandeur a conclu au rejet de la requête à fins de sûretés et,
subsidiairement, à ce que le montant de celles-ci soit fixé à 40'000 fr. au
maximum.

Par arrêt du 7 mai 2009, le juge instructeur de la Cour civile du Tribunal
cantonal jurassien a astreint le demandeur à verser, dans les 20 jours, sur le
compte de chèques postaux du Tribunal cantonal, la somme de 500'000 fr. à titre
de sûretés.

B.
Le 28 mai 2009, le demandeur a formé un recours en matière civile au Tribunal
fédéral. Il a conclu à l'annulation de l'arrêt cantonal et à la fixation du
montant des sûretés à 40'000 fr. au maximum.

Dans ses observations du 5 juin 2009, le magistrat cantonal déclare confirmer
son arrêt et les faits retenus. Quant à la défenderesse et intimée, elle a
déposé une réponse, le 22 juin 2009, en concluant principalement à
l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.
Par ordonnance présidentielle du 30 juin 2009, l'effet suspensif a été accordé
au recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué est une décision incidente prise en dernière instance
cantonale (art. 75 al. 1 LTF; art. 73 al. 2 du Code de procédure civile du
canton du Jura [CPC/JU; RSJU 271.1]). Sans doute a-t-il été rendu en instance
unique, ce qui est contraire à l'art. 75 al. 2 LTF; cette manière de faire
reste néanmoins admissible jusqu'à l'expiration du délai fixé aux cantons pour
adapter leur législation au nouveau droit de procédure fédéral (cf. art. 130
al. 2 LTF).

En tant que décision incidente n'entrant pas dans les prévisions de l'art. 92
LTF, l'arrêt entrepris ne peut toutefois faire l'objet d'un recours au Tribunal
fédéral que s'il est susceptible de causer un dommage irréparable (art. 93 al.
1 let. a LTF). Selon la jurisprudence, la décision incidente exigeant d'une
partie la fourniture de sûretés en garantie des dépens, sous peine
d'irrecevabilité de sa demande ou de son recours, est susceptible de causer un
préjudice irréparable (arrêt 5A_55/2008 du 22 avril 2008 consid. 1 et les
arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce, quoi qu'en dise l'intimée, eu égard
à l'ampleur des sûretés à verser par le recourant (500'000 fr.), s'il entend
éviter le renvoi de sa demande (cf. art. 75 al. 1 CPC/JU), et au délai,
relativement bref et non prolongeable (20 jours; cf. art. 74 CPC/JU), qui lui a
été imparti pour les fournir.

La voie de recours à emprunter pour déférer une décision incidente au Tribunal
fédéral est déterminée par celle qui sera ouverte, le cas échéant, contre la
décision prise ultérieurement sur le fond (arrêt cité, ibid.). En l'occurrence,
l'arrêt cantonal a été rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) dans le
cadre d'une affaire pécuniaire portant sur une valeur litigieuse supérieure au
seuil de 30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF. L'éventuelle décision au
fond à venir pourra ainsi faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72
ss LTF). Partant, la décision incidente portée à la connaissance de la Cour de
céans pouvait être attaquée par ce moyen de droit.
Exercé par une personne qui avait qualité pour le former (art. 76 al. 1 LTF),
le présent recours a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme
(art. 42 al. 1 LTF) prévus par la loi. Il y a lieu, dès lors, d'entrer en
matière.

1.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le
recourant ne peut critiquer ceux-ci que s'ils ont été constatés de façon
manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il lui appartient d'exposer et de
démontrer de manière claire et circonstanciée. La correction du vice doit en
outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être
lié par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue
dans la décision attaquée. Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al.
1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués. Au demeurant,
il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou
sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a
pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106
al. 2 LTF).

2.
2.1 En vertu de l'art. 69 al. 1 ch. 1 CPC/JU, le demandeur est tenu, à la
requête de la partie adverse, de lui fournir des sûretés pour les dépens
lorsqu'il n'a pas de domicile en Suisse. Le juge instructeur fixe dans chaque
cas particulier la sûreté à fournir et il peut ordonner de la parfaire, au
cours du procès, si elle s'avère insuffisante pour couvrir les frais (art. 70
CPC/JU). Lorsque l'obligation de fournir les sûretés est contestée par le
demandeur, le juge instructeur statue; s'il admet cette obligation, il fixe en
même temps le montant à verser (art. 73 al. 1 CPC/JU).

Les sûretés doivent être déposées en espèces, au greffe, dans les 20 jours de
la communication de la décision (art. 74 CPC/JU).

L'omission de fournir sûreté entraîne le renvoi de la demande et la
condamnation aux frais (art. 75 al. 1 CPC/JU). Toutefois, lorsque la sûreté est
fournie ultérieurement et que les frais faits jusque-là sont payés, le
demandeur peut exiger la reprise de l'instance (art. 75 al. 3 CPC/JU).

2.2 Statuant dans ce cadre procédural, le juge instructeur de la Cour civile,
après avoir rappelé, à titre liminaire, le but assigné à l'institution de la
cautio judicatum solvi, a examiné, dans un premier temps, le principe même de
l'obligation du demandeur de fournir les sûretés réclamées par la défenderesse.
Il a conclu à l'existence d'une telle obligation en exposant pourquoi le
demandeur, domicilié à l'étranger, ne pouvait s'y soustraire, nonobstant sa
nationalité suisse.

En second lieu, le magistrat intimé a fixé le montant des sûretés à verser par
le demandeur. Les dépens, a-t-il rappelé, comprennent notamment l'avance de
frais réclamée à chaque partie ainsi que les honoraires d'avocat. Celle-là
ayant déjà été fixée à 70'000 fr., le juge instructeur s'est employé à évaluer
le montant prévisible de ceux-ci en se basant, pour ce faire, sur l'ordonnance
du Gouvernement du canton du Jura du 19 avril 2005 fixant le tarif des
honoraires d'avocat (RSJU 188.61; ci-après: l'ordonnance). L'art. 11 de
l'ordonnance pose le principe selon lequel les honoraires dus par la partie qui
succombe à la partie adverse sont fixés en fonction de la valeur litigieuse.
Lorsque celle-ci est supérieure à 2'000'000 fr., le barème figurant à l'art. 13
de l'ordonnance permet d'allouer des honoraires pouvant aller jusqu'à 3,8% du
montant en litige. Selon le juge instructeur, l'application de ce barème donne
en l'espèce un montant arrondi de 416'000 fr. (3,8% de 10'950'000 fr.), auquel
il convient encore d'ajouter les débours et vacations, ainsi que la TVA qui, à
elle seule, représente 31'616 fr. pour un tel montant.

Le magistrat intimé relève, par ailleurs, que l'art. 13 al. 2 de l'ordonnance
énonce une série de motifs permettant de majorer les honoraires ordinaires, en
particulier le fait qu'une partie importante du dossier ou de l'échange de
correspondance se déroule dans une autre langue que la langue judiciaire, ou
encore lorsque le procès exige essentiellement des calculs ou comporte des
examens de comptabilité. A son avis, il n'est pas possible de déterminer, à ce
stade de la procédure, l'importance que prendra cette affaire, mais il n'est
pas exclu qu'elle acquière une certaine ampleur et que des moyens de preuve
soient difficiles ou longs à recueillir ou à ordonner. Le demandeur requiert,
en effet, l'audition de cinq témoins, dont deux résident en Espagne et un en
France. Il a versé au dossier deux fascicules de pièces justificatives et a
requis qu'une expertise soit ordonnée afin d'établir son gain manqué après que
la défenderesse aura produit toutes les factures concernant la vente de montres
dans de nombreux pays "du 27 octobre 2007 à ce jour". Enfin, un autre volet du
litige, relatif à un second contrat ayant lié les mêmes parties, est pendant
devant un arbitre unique, ce qui implique à tout le moins que le mandataire de
la défenderesse en prenne connaissance, étant précisé que cette dernière est
représentée par un autre avocat dans la procédure arbitrale.

Le juge instructeur souligne, en outre, que le demandeur n'a fourni aucune
explication au sujet du montant de 40'000 fr. auquel les sûretés requises par
la défenderesse devraient être plafonnées. Ainsi, selon lui, cette dernière ne
paraît pas avoir excédé ce qu'elle pourrait être en droit de réclamer à son
adverse partie in fine litis au titre des dépens en fixant les honoraires
prévisibles de son mandataire à 430'000 fr., somme incluant les débours,
vacations, TVA et autres frais liés à l'activité de l'avocat. Et le magistrat
cantonal de se référer à l'arrêt publié aux ATF 132 I 134 dans lequel le
Tribunal fédéral aurait admis qu'un montant de 400'000 fr., réclamé à titre de
sûretés pour les dépens dans une affaire portant sur une valeur litigieuse de
5'250'000 fr. lors de la fixation des sûretés, ne violait pas le principe de la
proportionnalité.

Dès lors, le juge instructeur a fixé à 500'000 fr. - 430'000 fr. pour les
honoraires supputés du mandataire de la défenderesse et 70'000 fr. pour
l'avance de frais judiciaires requise de cette partie - le montant des sûretés
à déposer par le demandeur au greffe du Tribunal cantonal dans les 20 jours dès
la communication de sa décision.

2.3 Dans un premier groupe de moyens, le recourant impute au magistrat cantonal
une violation de l'art. 6 CEDH ainsi que des art. 29 et 30 Cst. Il cherche
ensuite à démontrer le caractère arbitraire de la décision attaquée.

La Cour de céans traitera les griefs formulés par le recourant dans l'ordre
inverse de leur présentation. Il paraît, en effet, plus logique de commencer
par s'assurer que la décision entreprise ne viole pas l'art. 9 Cst. avant
d'examiner, le cas échéant, si cette décision non arbitraire porte atteinte aux
autres garanties constitutionnelles invoquées par le recourant.

3.
3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9
Cst., lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et reconnu, ou encore heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la solution retenue que dans la mesure où celle-ci apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif
objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du fait
qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou serait même
préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1; 132 III 209 consid. 2.1).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité
verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle tire des
conclusions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 134 V 53
consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1).

3.2 Bien qu'il rappelle correctement la définition jurisprudentielle de
l'arbitraire dans son mémoire, le recourant ne s'y tient pas lorsqu'il
l'applique au cas particulier. Son argumentation revêt, en effet, un caractère
essentiellement appellatoire et n'est donc pas de nature à démontrer la
violation de l'art. 9 Cst. imputée au juge instructeur. Les quelques remarques
suivantes peuvent, dès lors, être faites au sujet des arguments développés par
lui.
3.3
3.3.1 En premier lieu, le recourant reproche au juge instructeur de s'être
fondé sur des hypothèses et des suppositions pour fixer le montant des sûretés
et pour admettre l'éventualité d'une majoration des honoraires conformément à
l'art. 13 al. 2 de l'ordonnance. Selon lui, aucun élément du dossier ne permet
d'envisager que l'affaire puisse prendre une ampleur telle qu'elle justifie une
majoration importante des honoraires. En particulier, les preuves à administrer
ne sortent pas de l'ordinaire. Quant à la procédure arbitrale conduite
parallèlement, elle porte sur les mêmes faits que la procédure pendante devant
le Tribunal cantonal jurassien, si bien qu'elle ne saurait occasionner un
surcroît de travail à l'avocat de l'intimée, d'autant que les mandataires des
parties sont les mêmes dans ces deux procédures. A suivre le recourant, les
pièces du dossier exigeaient donc que les honoraires fussent calculés dans le
respect du maximum fixé à l'art. 13 al. 1 de l'ordonnance.
3.3.2 Les arguments avancés par le recourant ne permettent pas de retenir que
le magistrat intimé aurait constaté les faits de manière insoutenable ou
méconnu gravement les dispositions topiques de l'ordonnance.

Que le juge instructeur procédât par hypothèses et suppositions était dans
l'ordre normal des choses, puisqu'il devait estimer, sur le vu de la seule
demande écrite, le montant des honoraires à payer par la partie qui
succomberait à la fin du procès. En tant que telle, pareille démarche était
donc exempte d'arbitraire.

Le seul élément constant dont le magistrat cantonal disposait était la valeur
litigieuse du différend soumis à la Cour civile, à savoir 10'950'000 fr. en
chiffres ronds. Il s'agit, en l'occurrence, du critère décisif pour fixer les
honoraires dus par la partie qui succombe à la partie adverse (cf. art. 11 de
l'ordonnance). Or, selon le barème figurant à l'art. 13 al. 1 let. a de
l'ordonnance, cette valeur litigieuse peut donner droit à un montant maximum de
416'000 fr. au titre des honoraires non majorés. Si l'on ajoute à ce montant
celui de la TVA (31'616 fr.) ainsi que ceux des débours et vacations
prévisibles, il en résulte un montant supérieur à celui qui a été réclamé par
l'intimée et retenu dans la décision attaquée, soit 430'000 fr., lequel
comprend les honoraires, la TVA, les débours, les vacations et les autres frais
liés à l'activité du mandataire de cette partie. D'où il suit que le magistrat
cantonal ne peut pas se voir reprocher d'avoir fait une application arbitraire
de l'ordonnance en entérinant le montant proposé par l'intimée, quelle que soit
la valeur des explications fournies par lui au sujet de l'art. 11 al. 2 de
l'ordonnance.

Au demeurant, il n'apparaît pas que ces explications soient dénuées de tout
fondement et, partant, arbitraires. En lisant la demande écrite et en prenant
connaissance des moyens de preuve qui y sont mentionnés ainsi que des pièces
versées au dossier cantonal, il n'est effectivement pas possible d'exclure, à
ce stade de la procédure, que la présente affaire prenne une certaine ampleur
et que l'une ou l'autre des hypothèses visées par l'art. 11 al. 2 de
l'ordonnance, relatif à la possibilité de majorer les honoraires de base,
puisse entrer en ligne de compte. Dans ce contexte, il sied d'observer que,
selon le magistrat intimé, qui rappelle la chose dans ses observations sur le
recours, la défenderesse n'est pas assistée par le même avocat dans la
procédure arbitrale et dans la procédure judiciaire. L'affirmation inverse,
faite sous ch. 67 du mémoire de recours, ne suffit pas à démontrer en quoi la
constatation du magistrat cantonal serait arbitraire, d'autant moins que le nom
de l'avocat de la défenderesse indiqué dans le rubrum de la demande d'arbitrage
versée au dossier cantonal ne correspond pas à celui de l'avocat qui défend les
intérêts de cette partie dans la procédure judiciaire. Il resterait d'ailleurs
à démontrer que la conduite en parallèle de deux procédures ayant par hypothèse
le même objet est de nature à simplifier le travail des avocats des parties.

3.4 Sous ch. 68 à 72 de son mémoire, le recourant expose qu'en droit
international privé, le rattachement au domicile est de plus en plus remplacé
par celui de la résidence habituelle. Il fait grief, à ce propos, au juge
instructeur de n'avoir pas tenu compte, dans l'appréciation globale du cas, des
éléments pertinents, mentionnés dans sa réponse à la demande de sûretés, quant
à sa situation professionnelle, au centre de ses intérêts ainsi qu'au lieu où
se trouvent ses avoirs bancaires et ceux de ses sociétés.

Tel qu'il est présenté, le moyen est irrecevable à un double titre: d'une part,
le recourant n'indique pas quelle disposition du droit cantonal jurassien le
juge instructeur aurait violée en ne prenant pas en considération les éléments
invoqués par lui; d'autre part, il ne précise pas à quelle autre solution le
magistrat cantonal aurait dû aboutir s'il avait inclus ces éléments-là dans son
analyse de la situation.

En tout état de cause, il n'est en rien démontré que le juge instructeur ait
fait une application arbitraire de l'art. 69 al. 1 ch. 1 CPC/JU, lequel ne
parle que d'absence de "domicile" en Suisse, en n'admettant pas qu'une
éventuelle "résidence habituelle" du recourant dans ce pays suffisait à le
soustraire à l'obligation de fournir des sûretés pour les dépens de son adverse
partie.

4.
4.1 Le recourant se plaint, par ailleurs, d'une violation de l'art. 6 par. 1
CEDH ainsi que des art. 29, 30 et 36 Cst. A son avis, l'obligation qui lui a
été faite de verser la somme de 500'000 fr. en espèces dans les 20 jours a pour
conséquence de le priver de son droit de saisir la justice. En effet, le
montant en question serait totalement disproportionné par rapport aux
honoraires que l'intervention du mandataire de l'intimée engendrera et le délai
qui lui a été fixé pour le verser en espèces particulièrement court. Le
recourant reproche, en outre, au juge instructeur de n'avoir pas procédé à un
examen prima facie des chances de succès de sa demande en paiement, examen qui
s'imposait, même s'il n'est pas prévu par le code de procédure civile
jurassien. La situation serait d'autant plus intolérable, selon lui, que le
présent litige a été engendré par le comportement fautif de l'intimée, laquelle
a résilié abusivement le contrat de distribution qui les liait, et que ce
comportement est à l'origine de ses difficultés financières.

4.2 Dans l'arrêt 4P.8/2006 du 4 mai 2006 publié aux ATF 132 I 134 -la décision
attaquée y fait référence, mais le recourant omet curieusement de le citer -,
auquel il peut être renvoyé ici, le Tribunal fédéral a posé que la garantie du
droit d'accès aux tribunaux, qui découle de la norme conventionnelle et des
dispositions constitutionnelles invoquées par le recourant, n'exclut pas
d'exiger des sûretés destinées à couvrir les dépens de la partie défenderesse,
à condition notamment que le montant de ceux-ci respecte le principe de la
proportionnalité.

En l'espèce, le recourant ne démontre nullement en quoi le montant de 500'000
fr., que le juge instructeur a fixé en appliquant de manière non arbitraire les
dispositions pertinentes du droit jurassien (cf. consid. 3.3 ci-dessus),
porterait atteinte à ce principe. Alléguer la chose ne saurait remplacer la
motivation requise par l'art. 106 al. 2 LTF. Encore qu'il ne faille pas
accorder une importance excessive au procédé de la comparaison, du fait que les
circonstances caractérisant les situations à comparer ne sont jamais
identiques, il sied néanmoins de relever que, dans son arrêt publié
susmentionné, le Tribunal fédéral n'a pas jugé disproportionnée la fixation du
montant des sûretés à 400'000 fr. dans une cause portant sur une valeur
litigieuse de 5'250'000 fr. Toutes choses étant égales par ailleurs,
l'application mathématique de cette fraction aux données de la présente espèce
donnerait un montant supérieur à 830'000 fr. au titre des sûretés. Ainsi, même
en ayant égard aux spécificités de ce précédent, le montant de 500'000 fr.,
certes élevé, fixé par le magistrat intimé, ne paraît pas excessif sous l'angle
du principe de la proportionnalité. Et si le recourant n'était réellement pas
en mesure de le verser sans tomber dans l'indigence, il pourrait se faire
libérer de l'obligation de payer des sûretés (art. 76 al. 5 CPC/JU) en
réclamant le bénéfice de l'assistance judiciaire aux conditions de l'art. 76
al. 1 CPC/JU.
Par ailleurs, le recourant n'indique pas de quelle norme conventionnelle ou
constitutionnelle, ou de quel principe du même rang, il déduit l'obligation
pour le juge instructeur jurassien d'effectuer un examen liminaire des chances
de succès de la demande avant de fixer le montant des sûretés pour les dépens.
Il paraît irréaliste, au demeurant, de formuler une telle exigence dans la
mesure où le magistrat cantonal doit statuer sur la demande de sûretés avant
d'avoir pu prendre connaissance des arguments au fond que la partie
défenderesse présentera, le cas échéant, dans sa réponse à la demande (cf. art.
69 al. 3 CPC/JU). Il est tout aussi utopique d'espérer pouvoir pronostiquer,
dès le dépôt de la demande, que les conclusions qui y ont été prises devront
sans doute être admises dans leur totalité ou en grande partie. De surcroît, si
l'on peut encore s'accommoder de ce que la collectivité publique prenne en
charge les frais de procédure d'un indigent dont les chances de succès ont été
reconnues à tort, il serait sans doute moins justifiable qu'une partie
défenderesse ne puisse pas recouvrer ses frais parce que sa demande de sûretés
a été rejetée sur la base d'une appréciation erronée des chances de succès du
demandeur.

Pour ce qui est des modalités de la fourniture des sûretés, le recourant
n'explique pas en quoi le versement en espèces - seule possibilité prévue par
le code de procédure civile jurassien - l'aurait empêché de faire valoir son
droit d'accéder aux tribunaux. Il ne soutient pas, à cet égard, qu'il aurait
été en mesure de fournir les 500'000 fr. de sûretés d'une autre manière,
notamment sous la forme d'une garantie bancaire.

S'agissant enfin du délai de 20 jours qui a été fixé au recourant pour
s'exécuter, en application de l'art. 74 CPC/JU, il faut bien voir que
l'intéressé, qui n'est pas domicilié en Suisse et qui s'apprêtait à introduire
dans ce pays une action pécuniaire de grande ampleur, devait s'attendre à être
requis de fournir des sûretés d'un montant non négligeable à brève échéance,
sur simple demande de son adverse partie. Il lui appartenait donc de prendre à
temps les dispositions nécessaires à l'exécution de cette obligation
procédurale plus que prévisible. Il a d'ailleurs bénéficié d'un certain laps de
temps pour le faire, puisque plusieurs semaines se sont écoulées entre le dépôt
de la requête de sûretés (12 mars 2009) et le moment où le prononcé y relatif
lui a été notifié (13 mai 2009). Quoi qu'il en soit, sur ce point aussi, la
motivation du recours se révèle lacunaire.

5.
Cela étant, il y a lieu de rejeter le présent recours dans la mesure où il est
recevable. Par conséquent, le recourant, qui succombe, devra payer les frais
judiciaires afférents à la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des
dépens à l'intimée (art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au juge
instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 14 juillet 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo