Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.269/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_269/2009

Arrêt du 19 août 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
SA X.________, représentée par Me Lucien Lazzarotto,
recourante,

contre

Y.________ SA, représentée par Me Pierre de Preux,
intimée.

Objet
contrat de bail à loyer; rénovation,

recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève du 20 avril 2009.

Faits:

A.
Dès 1994, SA X.________ (ci-après: la bailleresse) a entrepris des démarches en
vue de faire procéder à des travaux de rénovation d'un groupe d'immeubles
formant un complexe commercial et administratif dont elle est propriétaire. Une
autorisation de construire a été délivrée en 1997, mais la bailleresse n'a pas
engagé immédiatement les travaux.

C'est dans ce contexte que Y.________ SA (ci-après: la locataire) s'est
intéressée à déplacer son activité dans le complexe susmentionné. En 1999, elle
a mandaté l'architecte A.________ pour qu'il examine si l'immeuble se prêtait à
l'aménagement et à l'exploitation de sa permanence médicale; ce mandataire, qui
avait reçu copie du dossier d'autorisation de construire de 1997, était averti
de la nécessité de monter une paroi intérieure de protection lors du changement
des éléments de façade, ce d'autant qu'il s'agissait d'un procédé usuel dans ce
cas. Il en a informé sa mandante, soit pour elle son administrateur B.________,
qui était du reste en mesure de s'en rendre compte par lui-même, car bien que
médecin de formation, il avait étudié l'architecture pendant plusieurs
semestres et animait depuis 1995 une société C.________ SA qui avait notamment
pour but l'achat et la vente d'immeubles. A.________ et B.________ ont eu
l'occasion de visiter les locaux à louer en 1999, avant de conclure des baux.

Entre le 4 octobre 1999 et le 1er juillet 2001, les parties ont signé six baux
portant sur différents locaux, pour un loyer annuel hors charges total de
422'724 fr. Les contrats nos 1 et 2 prévoyaient que le bailleur avait fixé le
loyer en tenant compte des travaux que la locataire allait entreprendre pour
aménager les locaux en vue de l'exploitation de sa permanence médicale (art.
38); ils disposaient également que "le locataire est informé que d'importants
travaux de rénovation vont être probablement entrepris, notamment concernant la
façade, le chauffage et la ventilation. Les parties conviennent qu'en cas de
réalisation de ces travaux, ceux-ci n'entraîneront pas de répercussion sur les
loyers" (art. 35); ils prévoyaient par ailleurs que "le locataire déclare
connaître les locaux et les accepter en l'état, sous réserve d'acceptation de
l'état des lieux d'entrée. A titre de participation aux travaux de rénovation
effectués par le locataire, il est accordé à ce dernier une gratuité du loyer
du 1er novembre 1999 au 29 février 2000" (art. 39). Quant aux baux nos 3, 4 et
5, ils disposaient que "le locataire est informé que d'importants travaux de
rénovation vont être probablement entrepris, notamment concernant la façade, le
chauffage et la ventilation. Le propriétaire se réserve le droit d'adapter le
loyer en cours de bail, dès l'achèvement des travaux, moyennant un préavis de 3
mois pour la fin d'un mois, ceci en conformité avec les art. 14 al. 3 OBLF et
269a let. b CO. Le locataire en cas de travaux s'engage à ne pas demander au
bailleur une quelconque indemnité pour perte de jouissance résultant de ces
travaux et déclare les accepter" (art. 37); ils prévoyaient en outre que "le
locataire déclare connaître les lieux et les accepter en l'état, sous réserve
d'acceptation de l'état des lieux d'entrée. A titre de participation aux
travaux de rénovation effectués par le locataire, il est accordé à ce dernier
une gratuité du loyer du 1er avril au 30 juin 2000 (pour le bail n° 3,
respectivement du 1er mai au 31 juillet 2000 pour le bail n° 4 et du 1er juin
au 31 octobre 2000 pour le bail n° 5)" (art. 38); il était encore précisé que
le bailleur avait tenu compte du montant des travaux dans la fixation du loyer
(art. 39).

Le détail des travaux envisagés - dont l'exécution a été retardée du fait que
l'immeuble faisait l'objet d'une procédure de classement - a été précisé par un
courrier du 9 avril 2003 de l'entreprise générale mandatée par la bailleresse;
aucune explication quant au déroulement du chantier, ni aucun planning n'ont
été communiqués à cette occasion. Le 27 février 2004, les locataires ont en
substance été avisés que les travaux devaient commencer le 8 mars 2004; il n'a
été fait aucune mention de la durée des travaux, ni du planning des
interventions. Le 8 mars 2004, il y a été indiqué que les travaux devraient
durer huit mois et que les locaux de la locataire, qui s'étendaient sur toutes
les façades, seraient affectés ici et là, pendant toute cette période. A fin
mars 2004, puis par courrier du 19 avril 2004 de la régie, ont été communiquées
les dates prévues pour la pose des parois de protection dans une première phase
des travaux, dates s'échelonnant du 5 avril au 18 juin 2004, ainsi que les
plans permettant de déterminer les locaux concernés. Par la suite, la locataire
a été avisée, le plus souvent oralement, des plannings ultérieurs et de leurs
modifications. Le 19 janvier 2005, la bailleresse a communiqué à la locataire
un planning comportant le détail des interventions planifiées, qui s'étalaient
jusqu'à fin février 2005.

Par lettre du 19 avril 2005, la mandataire de la bailleresse a informé la
locataire que tous les travaux relatifs à ses locaux seraient en principe
terminés le 29 avril 2005. Il est avéré que le chantier a accusé globalement un
retard d'environ trois mois par rapport au planning initial de huit mois.
Pendant toute la durée du chantier, soit de mars 2004 à mars 2005, la locataire
a été en mesure de poursuivre son activité, mais au prix de nombreux
désagréments, tels que privation de certains locaux, diminution de la surface
due à l'édification de la paroi intérieure, baisse de température, bruit,
poussières incompatibles avec l'hygiène requise dans un établissement médical,
déménagements successifs des meubles et du matériel, dégâts d'eau dans un
local.

B.
Le 29 août 2003, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière
de baux et loyers du canton de Genève d'une requête dans laquelle elle
concluait notamment au paiement de la somme de 306'166 fr. à titre de réduction
de loyer de 20 % dès la conclusion des baux. Ladite Commission ayant rejeté la
requête, la locataire a porté l'affaire devant le Tribunal des baux et loyers
le 10 mars 2004, fixant la réduction de loyer de 20 % demandée à 356'741 fr.;
en prévision de l'exécution des travaux, elle a amplifié ses conclusions en
sollicitant que le taux de réduction des loyers soit de 35 % durant toute la
durée du chantier. Par jugement du 26 janvier 2005, le Tribunal a débouté la
locataire de ses prétentions.

Statuant par arrêt du 12 décembre 2005, la Chambre d'appel en matière de baux
et loyers du canton de Genève a annulé le jugement du 26 janvier 2005 et en
particulier invité le Tribunal à instruire la question des nuisances liées au
chantier et celle de l'éventuelle réduction de loyer dû; elle a ajouté que s'il
apparaissait, prima facie, que la locataire avait valablement renoncé à toute
réduction de loyer en raison des nuisances ordinaires du chantier annoncées,
compte tenu notamment du fait qu'elle avait constamment été conseillée par un
architecte et un conseil juridique, il appartiendrait aux premiers juges de
déterminer si la locataire n'avait aucune connaissance précise du projet de
chantier, en particulier si le démontage complet des façades et l'amputation,
sur un mètre vingt, des locaux loués, étaient annoncés; la cour cantonale a
indiqué qu'une fois établie la validité ou la nullité de la clause de
renonciation à toute réduction de loyer, le Tribunal devrait instruire les
faits relatifs à l'intensité des nuisances subies et aux raisons du retard pris
sur le chantier afin de déterminer si les nuisances avaient dépassé, dans une
large mesure, l'intensité que l'on pouvait raisonnablement attendre d'un
chantier correctement conduit.
Par jugement du 10 septembre 2008, le Tribunal a réduit les loyers de 15 % pour
la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005.

Saisie par les deux parties et statuant par arrêt du 20 avril 2009, la Chambre
d'appel a réduit les loyers de 20 % du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 et de 10
% du 1er janvier au 31 mars 2006. En bref, elle a considéré que lorsque la
locataire avait accepté de renoncer à des réductions de loyers dans la
perspective, encore incertaine, des futurs travaux de rénovation (entrepris
quatre ans plus tard), elle ne disposait pas objectivement de renseignements
suffisamment précis pour mesurer l'impact que ces travaux pouvaient produire
sur son exploitation future; il s'ensuivait que la validité des clauses
litigieuses ne pouvait être admise.

C.
La bailleresse (la recourante) interjette un recours en matière civile au
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt du 20 avril 2009 et au
déboutement de son adverse partie de toute prétention en réduction de loyer
pour les travaux de rénovation de façade, chauffage et ventilation, avec suite
de dépens. La locataire (l'intimée) propose le rejet du recours et la
confirmation de la décision du 20 avril 2009, sous suite de frais et dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la recourante qui a succombé dans ses conclusions (art. 76
al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil
de 15'000 fr. applicable en matière de droit du bail à loyer (art. 74 al. 1
let. a LTF), le recours en matière civile présentement soumis à l'examen du
Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le
délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 134
III 379 consid. 1.2 p. 382). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sur la base des faits établis
par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). En tant que cour suprême, il
est instance de révision du droit (Message du 28 février 2001 concernant la
révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135). Certes,
il peut rectifier ou compléter les faits s'ils ont été établis de façon
manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF, ce pour autant que la correction soit susceptible d'influer sur
le sort de la cause (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). Cette exception à la
règle selon laquelle le Tribunal fédéral ne revoit pas les faits ne permet pas
aux parties de rediscuter dans leurs mémoires les faits de la cause comme si
elles plaidaient devant un juge d'appel. La partie recourante qui entend faire
rectifier ou compléter un fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions pour le faire seraient réalisées (ATF 133 IV 286 consid. 6.2);
les exigences en matière de motivation correspondent à celles en matière de
violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (cf. ATF 134 II
244 consid. 2.2; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287 s).

En l'espèce, la recourante consacre une dizaine de pages de son recours à
"isoler, au sein des faits retenus par la Cour cantonale, ceux qui étaient
déterminants pour le sort du litige et dont cette autorité n'a pas (ou pas
suffisamment) tenu compte dans ses considérants", à "rappeler des faits,
documentés, que la Cour cantonale a omis de citer, alors qu'ils étaient de
nature à influer sur l'issue du litige" et à "souligner les faits que la Cour
cantonale a rapportés de manière erronée, au regard des pièces ou témoignages
concernés". Il n'y a pas à entrer en matière sur un tel exposé, l'art. 105 al.
1 LTF ne permettant comme précédemment rappelé pas aux parties de rediscuter
les faits comme ils le feraient devant une juridiction d'appel.

2.
Dans la présente cause, la locataire ne s'est pas opposée aux travaux de
rénovation projetés, et la seule question litigieuse est celle de savoir si
elle peut prétendre à une réduction de loyer, compte tenu des clauses de
renonciation contenues dans les baux qui la lient à la bailleresse.

2.1 Aux termes de l'art. 260 CO, le bailleur n'a le droit de rénover ou de
modifier la chose que si les travaux peuvent raisonnablement être imposés au
locataire et que le bail n'a pas été résilié (al. 1). Lors de l'exécution de
tels travaux, le bailleur doit tenir compte des intérêts du locataire; les
prétentions du locataire en réduction du loyer (art. 259d) et en
dommages-intérêts (art. 259e) sont réservées (al. 2).
L'art. 260 al. 2 2e phrase CO énumère les droits du locataire en raison des
perturbations qu'il subit dans l'usage convenu. Cette énumération a pour but de
protéger le locataire (Corboz, Les travaux de transformation et de rénovation
de la chose louée entrepris par le bailleur et leur répercussion sur les
loyers, in 12e Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 8). Elle a donc un
caractère relativement impératif (Lachat, Le bail à loyer, nouvelle éd. 2008,
p. 298; SVIT-Kommentar Mietrecht, 3e éd. 2008, n° 6 ad art. 260-260a CO;
Corboz, op. cit., p. 8; Higi, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, n° 7 ad art. 260
CO). Le bailleur peut s'engager valablement à accorder davantage au locataire,
mais celui-ci ne peut renoncer par avance - respectivement lors de la
conclusion du contrat de bail - aux droits que lui confère l'art. 260 al. 2 2e
phrase CO (cf. Weber, Basler Kommentar, 4e éd. 2007, n° 1 ad art. 260 CO; SVIT,
op. cit., n° 6 ad art. 260-260a CO; Corboz, op. cit., p. 8). Toutefois, la
doctrine majoritaire admet que face à une situation concrète, le locataire peut
valablement conclure une convention dérogeant au système légal, à condition
qu'il soit correctement informé, le jour où il prend sa décision, des nuisances
auxquelles il est exposé (cf. Lachat, op. cit., p. 298 s.; SVIT, op. cit., n° 8
ad art. 260-260a CO; Corboz, op. cit., p. 208). Le locataire doit ainsi être
conscient de l'étendue des travaux, des désagréments ainsi que de la
moins-value qui s'ensuit (qui correspond à la prétention en réduction du
loyer); la renonciation est alors concrète et non abstraite; elle ne concerne
toutefois pas ce qui dépasserait l'ampleur des travaux prévus. Par exemple, si
le locataire a renoncé à une prétention en réduction de loyer parce que les
nuisances ne devaient durer que deux semaines et qu'en réalité ils en durent
huit, il peut faire valoir tous les droits découlant de l'art. 260 CO pour les
six semaines supplémentaires (SVIT, op. cit., n° 12 ad art. 260-260a CO). Si le
locataire n'a pas été en mesure de prendre une décision en toute connaissance
de cause, l'accord pourrait heurter l'art. 256 al. 2 let. b CO - selon lequel
les dérogations au détriment du locataire sont nulles si elles sont prévues
dans les baux d'habitation ou de locaux commerciaux (cf. Lachat, op. cit., p.
299, spéc. n. 71; Permann, Mietrecht Kommentar, 2e éd. 2007, n° 12 ad art. 260
CO).

2.2 En l'espèce, la cour cantonale a considéré que la locataire savait,
lorsqu'elle avait signé les baux, que la bailleresse avait le projet d'engager
d'"importants travaux de rénovation", notamment concernant la façade, le
chauffage et la ventilation; le mandataire architecte de la locataire, qui
avait reçu copie du dossier d'autorisation de construire, connaissait aussi
l'étendue des travaux projetés et en particulier le fait que la rénovation de
la façade impliquerait, en présence de locaux occupés, qu'une paroi provisoire
intérieure de protection soit montée pendant le temps nécessaire à la
substitution des anciens éléments de façade par de nouveaux; il était aussi
informé du fait que les convecteurs et les circuits de ventilation courant le
long des façades seraient remplacés; ces connaissances étaient imputables à la
locataire; en revanche, celle-ci et son architecte ignoraient, à l'époque de la
conclusion des baux, quel serait le planning des travaux, leurs modalités de
détail, l'emprise de la paroi provisoire sur les locaux loués, la durée des
travaux et la manière dont ceux-ci seraient coordonnés avec l'ensemble des
locataires; or, la connaissance de ces divers points était essentielle pour la
locataire dont l'activité requérait des exigences à plusieurs égards; louant
des locaux destinés pour partie à des soins médicaux, celle-ci devait respecter
de stricts critères d'hygiène, peu compatibles avec la poussière et les autres
saletés générées par un chantier; elle devait veiller à préserver le bon état
et le fonctionnement d'équipements techniques coûteux, fragiles et difficiles à
déplacer, étant relevé qu'elle disposait d'un bloc opératoire, de salles de
radiologie, échographie ou encore physiothérapie; elle devait aussi assumer le
maintien de son exploitation qui supposait une coordination constante entre le
personnel, les soins urgents ou sur rendez-vous à prodiguer à la clientèle et
les exigences et contraintes du chantier en matière de bruit et
d'indisponibilité de certains locaux qui devaient être préalablement
débarrassés des équipements et meubles qui devaient être rangés ou installés
ailleurs. En outre, si les clauses des deux premiers contrats apparaissaient
équilibrées dans la mesure où l'on pouvait interpréter la phrase selon laquelle
l'exécution des travaux n'entraînerait "pas de répercussion sur les loyers"
comme un engagement de la bailleresse de ne pas réadapter les loyers à la
hausse après rénovation, cet équilibre avait été rompu pour les contrats
ultérieurs dans lesquels la bailleresse se réservait au contraire expressément
le droit d'adapter le loyer, tandis que la locataire déclarait renoncer à une
quelconque indemnité pour perte de jouissance résultant de ces travaux.

2.3 L'on ne voit pas que la cour cantonale ait violé les principes applicables
en la matière en considérant que les clauses de renonciation à une réduction de
loyer contenues dans les baux étaient nulles. En effet, celles-ci figuraient
dans des contrats conclus dans un contexte où la rénovation des immeubles
concernés était déjà prévue, mais où elle n'a toutefois été concrètement
exécutée que des années plus tard. S'il s'avère certes que la locataire était
initialement au courant des grandes lignes des travaux projetés, il a été
établi qu'elle a dû attendre le 9 avril 2003 pour recevoir une lettre de
l'entreprise générale mandatée par la bailleresse contenant une énumération
plus précise des travaux à effectuer; à cette occasion, aucune explication
quant au déroulement du chantier ni aucun planning ne lui ont toutefois été
communiqués. Lors de la réunion qui s'est tenue le 27 février 2004, elle n'a
toujours pas été orientée sur la durée des travaux, ni sur le planning des
interventions, informations qu'elle n'a finalement obtenues que peu avant,
voire au fur et à mesure, de l'exécution des travaux, soit en tout état
postérieurement à la conclusion des baux et en particulier de la clause de
renonciation à toute réduction de loyer. Au moment déterminant, elle ne
disposait ainsi pas des informations lui permettant de savoir concrètement ce
qu'il en était et de se décider en toute connaissance de cause. Par conséquent,
la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les clauses
de renonciation étaient nulles, en relevant au demeurant à juste titre qu'il
convenait de n'admettre que restrictivement des accords qui dérogeaient à des
dispositions en principe impératives de la loi.

2.4 Cela étant, la recourante plaide, en invoquant en vrac les art. 9 Cst., 8
CC, 256 al. 2 et 259d CO, en relation avec le principe de la liberté
contractuelle découlant des art. 1 et 18 CO, que les juges cantonaux auraient
"fait une application arbitraire des faits constatés" en estimant que l'intimée
ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour apprécier l'impact des
travaux pour lesquels elle avait renoncé par avance à toute réduction de loyer,
ou "éludé arbitrairement divers éléments du dossier, qui étaient directement
pertinents", ou encore dressé "une liste d'objections purement abstraites, qui
ne sauraient convaincre et qui sont contredites par les faits de la cause". De
la sorte, elle ne fait en réalité que tenter d'opposer sa propre vision des
choses à celle retenue par la cour cantonale, pour aboutir à la conclusion que
l'intimée était suffisamment informée du projet de rénovation pour renoncer à
une réduction de loyer en toute connaissance de cause, dans une argumentation à
caractère appellatoire qui n'est pas admissible devant le Tribunal fédéral.

La recourante soutient en outre que la cour cantonale aurait violé les
instructions qu'elle aurait elle-même données au premier juge dans son arrêt de
renvoi, dans lequel elle avait admis la validité, prima facie, des clauses en
question. Elle ne fait toutefois qu'une citation tronquée de la phrase en
question, car si les juges cantonaux ont certes indiqué que s'il apparaissait,
prima facie, que la locataire avait valablement renoncé à toute réduction de
loyer en raison des nuisances "ordinaires" du chantier annoncées, ils ont
ajouté qu'il appartiendrait aux premiers juges de déterminer si la locataire
n'avait aucune connaissance précise du projet de chantier, en particulier si le
démontage complet des façades et l'amputation, sur un mètre vingt, des locaux
loués, étaient annoncés. Ainsi, aboutir après instruction complémentaire à la
conclusion que les clauses de renonciation à toute réduction de loyer étaient
nulles, faute d'information suffisante, ne prête pas le flanc à la critique.

La recourante s'en prend ensuite à l'argument de la cour cantonale fondé sur
l'absence d'équilibre, dans les quatre derniers baux, entre la renonciation de
la locataire à solliciter une réduction de loyer et le maintien du droit de la
bailleresse d'adapter le loyer. Il n'est toutefois pas nécessaire de se pencher
plus avant sur cette question, dès lors que la thèse de la nullité desdites
clauses pour cause de défaut d'information suffisante résiste à l'examen.

La recourante semble ensuite vouloir s'en prendre à la quotité de la réduction
de loyer allouée par les juges cantonaux. Elle plaide notamment que la
locataire a bénéficié de conditions particulièrement avantageuses lors de la
fixation du loyer, singulièrement par rapport au montant moyen des loyers dans
le canton de Genève, respectivement au centre-ville, à cette époque, dont il
résulterait un sacrifice de la bailleresse de 292'320 fr., dépassant largement
la réduction de loyer de 95'112 fr. 90 allouée à l'intimée par la cour
cantonale. Elle en conclut que "les considérants 4.1 à 4.5 de l'arrêt, rédigés
comme si les parties n'avaient passé aucun accord préalable et comme si la
locataire louait des locaux à leur valeur « normale » n'ont, dès lors, aucune
pertinence". Cette motivation est irrecevable en tant qu'elle repose sur la
prémisse de la validité des clauses de renonciation à une réduction de loyer.
La recourante aurait dû développer une argumentation subsidiaire tendant à
discuter spécifiquement les motifs de la décision entreprise, à savoir les
éléments concrets sur lesquels la cour cantonale s'est fondée pour fixer le
montant de la réduction de loyer. Pour le surplus, l'on ne voit pas que la cour
cantonale ait méconnu les règles applicables en la matière en procédant comme
elle l'a fait, dans une argumentation à laquelle il convient de renvoyer dans
son intégralité (art. 109 al. 3 LTF). Pour le surplus, le procédé de la
recourante consistant à invoquer les art. 2 et 4 CC et le principe d'équité
pour inviter le Tribunal fédéral à "rectifier l'effet d'une norme ou d'une
règle qui, appliquée de manière aveugle et par trop rigoureuse dans un cas
d'espèce, aboutirait à un résultat choquant", n'est guère pertinent.

Dans un dernier grief, la recourante soutient que l'arrêt attaqué serait
"d'autant plus critiquable que l'intimée a régulièrement agi, dans cette
affaire, avec une parfaite mauvaise foi"; elle émet le souhait que la Cour de
céans procède "à une interprétation plus objective de l'affaire que la Cour
cantonale, laquelle a appliqué de manière très abstraite les règles tirées de
l'art. 256 al. 2 lit. b et 260 CO, en négligeant de manière arbitraire les
particularités concrètes du cas d'espèce"; si l'on comprend bien, elle se
prévaut en réalité de l'existence d'un abus de droit. Or, la règle prohibant
l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les effets de la loi dans
certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste;
cependant, son application doit demeurer restrictive et se concilier avec la
finalité, telle que le législateur l'a voulue, de la norme matérielle
applicable au cas concret (cf. ATF 107 Ia 206 consid. 3b p. 211). En
l'occurrence, la cour cantonale a comme précédemment exposé considéré à juste
titre que les clauses de renonciation à une réduction de loyer étaient nulles
et la recourante entreprend vainement, sous couvert du moyen invoqué, de faire
corriger un résultat conforme au droit dont elle ne s'accommode pas. Son grief
ne résiste pas à l'examen.

3.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité.

4.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 19 août 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Cornaz