Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.233/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_233/2009

Arrêt du 6 juillet 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
demandeur et recourant, représenté par
Me François Membrez,

contre

Y.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Michel Rossinelli.
.

Objet
contrat de travail; prohibition de concurrence

recours contre l'arrêt rendu le 25 mars 2009 par la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Faits:

A.
Le 20 juin 2007, Y.________ SA a engagé X.________ en qualité de consultant
informatique, dès le 1er juillet suivant, pour une mission à accomplir au
service de la banque O.________ SA à Genève. Le salaire mensuel, payable douze
fois par an, était fixé à 9'170 francs. La durée du contrat était indéterminée
mais il était prévu qu'après six mois, X.________ pourrait être engagé
directement par la banque. Le contrat écrit comportait une clause ainsi
libellée:
Le collaborateur s'engage à ne pas accepter un poste ou une mission directement
ou par l'intermédiaire d'une autre société de services au sein des entreprises
de mission pour lesquelles il est intervenu au nom de Y.________ SA. Cette
interdiction est valable pendant la durée du contrat. [En cas de violation,
l'employeuse pourra réclamer] une indemnité forfaitaire équivalant à trois mois
de salaire.
Le 26 novembre 2007, l'employeuse a résilié le contrat avec effet au 31
décembre suivant; elle indiquait au travailleur que « cette mesure est prise
afin de vous permettre d'être engagé par notre client, la banque O.________ SA,
dès le 1er janvier 2008 ».
Ayant appris que X.________ ne serait pas engagé par la banque mais que,
néanmoins, il resterait à son service jusqu'au 31 mars 2008, l'employeuse
interpella cette dernière pour savoir si, « dans un premier temps », elle
souhaitait prolonger l'engagement par son intermédiaire. La cliente répondit
que selon les dires du consultant, celui-ci se ferait engager par
l'intermédiaire d'une autre société. L'employeuse ayant aussi interpellé
X.________, celui-ci rappela qu'un désaccord s'était élevé au sujet du décompte
des jours de vacances; pour le surplus, il répondit ainsi: « Dans la mesure où
je vous confirme que je n'accepterai et ne signerai aucun contrat avant le 1er
janvier 2008, je suis en parfait accord avec la clause de non-sollicitation du
contrat signé avec Y.________ SA ».
X.________ fut engagé par Z.________ SA; sa mission de consultant informatique,
à accomplir au service de la banque O.________ SA dès le 1er janvier 2008,
devait durer trois mois. L'administrateur de cette nouvelle employeuse signa un
exemplaire du contrat le 15 décembre 2007; X.________ signa un autre exemplaire
le 2 janvier 2008 et il le restitua quelques temps après; dans l'intervalle, il
avait poursuivi son activité au service de la banque.

B.
Le 23 janvier 2008, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant le
Tribunal de prud'hommes du canton de Genève. La défenderesse devait être
condamnée à payer 9'170 fr. à titre de salaire brut pour le mois de décembre
2007, et 421 fr.60 à titre d'indemnité nette pour un jour de vacances non pris.
Ces sommes devaient porter intérêts au taux de 5% par an dès le 25 décembre
2007.
La défenderesse a reconnu devoir 4'890 fr.75 et elle a conclu, pour le surplus,
au rejet de l'action. Elle a introduit une action reconventionnelle: le
demandeur devait payer une « indemnité forfaitaire » correspondant à trois mois
de salaire, soit 22'619 fr.25 après compensation de son dû, des
dommages-intérêts au montant de 47'665 fr.20, et des intérêts au taux de 5% par
an dès le 1er janvier 2008.
Le tribunal s'est prononcé le 2 octobre 2008. Il a accueilli l'action
principale, à ceci près que le cours des intérêts commençait le 31 décembre
2007 seulement; il a rejeté l'action reconventionnelle.
La défenderesse a appelé du jugement; sans plus résister à l'action principale,
elle persistait dans l'action reconventionnelle. La Cour d'appel a statué le 25
mars 2009. En définitive, le demandeur se trouve condamné à payer une indemnité
réduite à deux mois de salaire, soit 18'340 fr.; le montant de l'action
principale, soit 9'591 fr.60, dû à titre de salaire brut et soumis aux
déductions sociales, doit être déduit, et le solde porte intérêts au taux de 5%
par an dès le 1er janvier 2008.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour d'appel en ce sens que l'action
reconventionnelle soit entièrement rejetée.
La défenderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal
de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail, pour
le compte d'une entreprise tierce, locataire de services, et que ce contrat
comportait une clause restreignant le droit du demandeur de conclure, pendant
sa durée, un contrat semblable avec une entreprise concurrente de la
défenderesse. Il est également constant que le contrat des parties, résilié par
la défenderesse, a pris fin le 31 décembre 2007. Le demandeur prétend n'avoir
conclu un nouveau contrat, avec Z.________ SA, qu'après cette date seulement,
et que par conséquent, il n'est pas débiteur de l'« indemnité forfaitaire »
prévue par ladite clause.
Selon son argumentation, l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur le service de
l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) était applicable et cette
disposition exigeait que le contrat de travail avec Z.________ SA fût conclu
par écrit; de plus, lui-même et cette société ont convenu, ainsi que le
permettait l'art. 16 al. 1 CO, de donner la forme écrite audit contrat. Cette
forme n'a pas été observée avant qu'il eût lui-même signé ce contrat et remis
l'exemplaire signé à la nouvelle employeuse; or, il n'a accompli ces actes
qu'en janvier 2008, soit après la fin de son contrat avec la défenderesse.
L'art. 19 al. 3 LSE règle les conséquences, dans le contexte spécifique de la
location de services, d'un éventuel vice de forme du contrat de travail. De
cette disposition et de l'art. 11 al. 2 CO, il ressort qu'un contrat tacite ou
oral est néanmoins valable; seul son contenu est éventuellement modifié en
faveur du travailleur. Quant à la portée de la forme écrite convenue selon
l'art. 16 al. 1 CO, on observe qu'immédiatement après le 31 décembre 2007, le
demandeur n'a pas cessé de travailler au motif que le contrat n'était pas
dûment signé; au contraire, il a fourni sans interruption l'activité attendue
par Z.________ SA et par la banque O.________ SA.
Selon les constatations de la Cour d'appel, cette dernière savait déjà, à fin
novembre 2007 et par le demandeur, que celui-ci se ferait engager par une
société de services autre que la défenderesse pour continuer son activité
commencée en juillet de la même année. Les pourparlers entre le demandeur et
Z.________ SA ont abouti, au plus tard, le 15 décembre 2007; ensuite, seule la
signature du contrat écrit, de la main du demandeur, est restée en suspens. Au
regard de ces éléments, il est indéniable que l'activité fournie par le
demandeur après le 31 décembre 2007, sans interruption, reposait sur un accord
antérieur à cette date, et que cet accord n'était rien d'autre qu'un contrat de
travail aux termes de l'art. 319 al. 1 CO. Le demandeur argue vainement de la
date postérieure à laquelle il a enfin signé le contrat écrit, avant de le
restituer.

3.
L'interdiction contractuelle de se faire engager par une société de services
concurrente, souscrite par le demandeur en juin 2007, est une restriction de la
liberté économique de ce travailleur, de sorte qu'elle est soumise aux
dispositions légales applicables aux clauses de prohibition de faire
concurrence à l'employeur (ATF 130 III 353 consid. 2.1.1 p. 355). Le demandeur
se prétend libéré par l'effet de l'art. 340c al. 2 CO, selon lequel la
prohibition de concurrence cesse si l'employeur résilie le contrat sans que le
travailleur ne lui ait donné un motif justifié; il affirme n'avoir aucunement
provoqué la résiliation que la défenderesse lui a signifiée le 26 novembre
2007.
Selon la Cour d'appel, les parties ont d'emblée convenu, en juin 2007, que
l'engagement du demandeur par l'intermédiaire de la défenderesse durerait six
mois, et que le demandeur pourrait ensuite se faire engager directement par la
banque cliente. La lettre de résiliation faisait d'ailleurs référence à ce
projet d'engagement direct par la banque. Le demandeur souligne qu'au cours du
mois de janvier 2008, il espérait encore obtenir cet engagement direct. La
résiliation du 26 novembre 2007 s'inscrivait donc exactement dans ce qui était
convenu dès le début entre les parties. Au regard de cette situation
particulière, bien que la défenderesse ait résilié le contrat, le demandeur ne
peut pas invoquer utilement l'art. 340c al. 2 CO.
Le demandeur invoque l'art. 9 Cst. et se plaint, en rapport avec la résiliation
du contrat, d'une constatation arbitraire de divers faits, mais il ne met pas
en doute que les parties aient d'emblée convenu d'un engagement initial limité
à six mois. Il ne prétend pas non plus que la défenderesse, ayant appris que
l'engagement direct souhaité par le demandeur ne se réalisait pas, aurait
refusé de le réengager elle-même. Sa critique de la constatation des faits n'a
donc pas d'incidence sur l'issue de la cause.

4.
L' « indemnité forfaitaire » promise en cas de violation de l'interdiction
contractuelle est une peine conventionnelle soumise à l'art. 163 al. 3 CO.
Devant la Cour d'appel, sur la base de cette disposition, le demandeur a obtenu
que l'indemnité soit réduite à deux mois de salaire seulement, au lieu de trois
selon le contrat. En instance fédérale, il demande subsidiairement, s'il doit
acquitter l'indemnité, que celle-ci soit réduite au montant symbolique d'un
franc.
Aux termes de l'art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire les peines
conventionnelles qu'il estime excessives. Son intervention ne se justifie,
toutefois, que si le montant fixé dépasse toute mesure raisonnable et
compatible avec le droit et l'équité. Tel est le cas, notamment, lorsqu'il
existe une disproportion évidente entre le montant convenu et l'intérêt du
créancier à élever la totalité de sa prétention. Les circonstances de l'espèce
sont déterminantes; il convient de tenir compte, en particulier, de la nature
et de la durée du contrat, de la gravité de la faute, de la situation
économique des parties et de leur expérience en affaires. Il n'incombe pas au
créancier de prouver que la peine convenue est appropriée, mais au débiteur
d'alléguer et d'établir des faits propres à justifier une réduction (ATF 133
III 201 consid. 5.2 p. 209).
Le demandeur fait état du désaccord qui existait entre les parties au sujet du
décompte des jours de vacances et, sommairement, il revient sur les
circonstances déjà prises en considération par la Cour d'appel. Celle-ci a
comparé le montant de l'indemnité avec ce que la défenderesse aurait gagné si
le demandeur s'était fait réengager par elle pour une durée supplémentaire de
trois mois; après réduction, l'indemnité est inférieure à cette perte de gain.
Il n'apparaît pas que la Cour ait mésusé de son pouvoir d'appréciation et rien
n'impose une réduction plus importante de l'indemnité.

5.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 1'000 francs.

3.
Le demandeur versera une indemnité de 2'000 fr. à la défenderesse, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 6 juillet 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin