Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.202/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_202/2009

Arrêt du 23 juin 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Piaget.

Parties
X.________ SA, représentée par Me Albert J. Graf, avocat, recourante,

contre

Masse en faillite de Y.________ SA, représentée par Me Jean-Luc Tschumy,
intimée.

Objet
mandat,

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours
du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 décembre 2008.

Faits:

A.
X.________ SA est une société anonyme, ayant son siège à V.________, chez
A.________, qui a notamment pour but le commerce de produits à base
d'oligo-éléments et de produits cosmétiques. N'étant pas une pharmacie, elle
n'a pu poursuivre la vente directe de ses produits avec l'entrée en vigueur, le
1er janvier 2002, de la loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et
les dispositifs médicaux (LPTh; RS 812.21).

X.________ SA a alors trouvé un modus operandi avec la société Y.________ SA,
ayant son siège à V.________, également auprès de A.________, son
administrateur président, laquelle avait pour but l'exploitation de pharmacies
et, à ce titre, était autorisée à vendre des médicaments et autres substances
thérapeutiques aux consommateurs. X.________ SA vendait et facturait ses
produits à Y.________ SA, qui exploitait la pharmacie de "W.________" à Nyon.
Y.________ SA - par l'intermédiaire de la pharmacie de "W.________" qui
recevait les colis préparés, les contrôlait, les fermait et les livrait - les
revendait ensuite à sa propre clientèle et établissait des factures à son nom.
Les montants relatifs à ces ventes étaient ensuite encaissés sur le compte
courant BCV no ... dont Y.________ SA était titulaire. Une fois les factures
encaissées, Y.________ SA acquittait à son tour celles qui correspondaient aux
produits que X.________ SA lui avait vendus.

Les exercices 2004 et 2005 de la société Y.________ SA se sont soldés par une
perte d'exploitation. Le 21 juillet 2006, les actionnaires de la société ont
tenu une assemblée générale extraordinaire qui décida alors de déposer le
bilan. La faillite de la société fut prononcée le 19 septembre 2006.

Entre le 1er juillet 2006 et le 19 septembre 2006, divers montants ont été
prélevés du compte BCV no ..., au nom de Y.________ SA, notamment 53'000 fr. le
24 juillet 2006, 40'000 fr. le 16 août 2006 et 6'742 fr. le 19 septembre 2006
en faveur de X.________ SA.

Le 18 décembre 2006, la liste des productions dans la faillite de Y.________ SA
faisait état de trente-deux productions. X.________ SA a produit le 27 avril
2007, soit après le délai de production fixé au 27 novembre 2006, une créance
de 599'101 fr. 95. La cause de l'obligation mentionnée est "participation, prêt
et produits livrés".
Le 25 octobre 2006, la masse en faillite de Y.________ SA a informé X.________
SA que l'administration de la faillite avait inventorié contre elle les actes
accomplis avant l'ouverture de la faillite soumis à révocation selon les art.
285 ss LP et elle a requis de X.________ SA le remboursement de divers
versements effectués entre août et septembre 2006.

B.
Le 7 juin 2007, la masse en faillite de Y.________ SA a ouvert une action
révocatoire à l'encontre de X.________ SA auprès du Tribunal civil de
l'arrondissement de La Côte. Elle a requis le remboursement de 53'000 fr.,
40'000 fr. et 6'742 fr., ces montants ayant été prélevés entre juillet et
septembre 2006.

X.________ SA s'est opposée à la demande. Elle conteste devoir restituer les
montants en question en s'appuyant sur l'art. 401 CO, prétendant que ces sommes
lui appartiennent, même si elles se trouvaient sur le compte courant ouvert au
nom de Y.________ SA.

Par jugement du 15 mai 2008, le Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a
admis la demande, considérant que les conditions de la révocation étaient
réalisées et que X.________ SA avait échoué dans la preuve de l'existence d'un
contrat de fiducie, base contractuelle nécessaire à l'application de l'art. 401
CO.

La Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le
recours en réforme interjeté par X.________ SA et confirmé entièrement la
décision entreprise par arrêt du 19 décembre 2008. Constatant que les sommes
d'argent encaissées par Y.________ SA n'étaient pas créditées sur un compte
spécial, séparé du patrimoine du mandataire, dont ce dernier ne peut plus
disposer, et qu'elles n'étaient donc pas suffisamment individualisées, elle a
jugé que l'une des conditions d'application de l'art. 401 CO n'était pas
réalisée et conclu que X.________ SA ne saurait dès lors invoquer la
distraction des sommes litigieuses de la masse en faillite de Y.________ SA.

C.
X.________ SA a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 19 décembre 2008. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir violé
son droit à la preuve en ne tenant pas compte des diverses pièces, déposées
devant l'autorité cantonale, ou dont la recourante a requis la production, qui
démontreraient qu'un compte spécial et distinct avait été ouvert. Elle
considère également que l'instance inférieure a sombré dans l'arbitraire.
Invoquant l'art. 99 LTF, elle produit devant le Tribunal fédéral certaines
pièces écartées par la cour cantonale et requiert la production d'autres
pièces. La recourante conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt
attaqué et à la réforme de celui-ci en ce sens que les versements litigieux ne
sont pas révoqués et qu'elle n'est donc pas la débitrice de l'intimée et,
subsidiairement, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause à
l'autorité inférieure.

L'intimée conclut au rejet du recours.

Par ordonnance du 2 juin 2006, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a
admis la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 et 46
al. 1 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105). Il ne peut entrer en matière
sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du
droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de
manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 63) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie
recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit
expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception
prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la
décision attaquée (ATF 130 III 138 consid. 1.4 p. 140). Une modification de
l'état de fait ne peut cependant être demandée que si elle est susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

L'art. 99 LTF, invoqué par la recourante, n'y change rien. L'alinéa premier de
cette disposition autorise l'allégation de faits nouveaux et l'offre de preuves
nouvelles devant le Tribunal fédéral dans les cas où la décision de l'autorité
précédente justifie pour la première fois de soulever ces moyens. Le message du
Conseil fédéral cite à titre d'exemple l'allégation des faits de procédure
nécessaires pour établir que l'autorité précédente a violé le droit d'être
entendu du recourant, ainsi que l'allégation de faits que la décision attaquée
a pour la première fois rendus pertinents (Message du 28 février 2001
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4137 ch. 4.1.3.3; cf. également les exemples donnés par BERNARD CORBOZ, in
Commentaire de la LTF, 2009, no 20 ss ad art. 99 LTF). L'art. 99 al. 1 LTF ne
permet dès lors pas au Tribunal fédéral de tenir compte de faits déjà invoqués
devant la cour cantonale, mais que celle-ci a refusé de prendre en
considération pour des raisons de procédure. Dans une telle situation seule
l'admission d'un grief d'application arbitraire du droit cantonal de procédure,
soulevé et dûment motivé par la recourante (cf. art. 106 al. 2 LTF),
autoriserait à tenir compte de ces faits (arrêt 6B.52/2007 du 17 mai 2007
consid. 2.1).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF).

2.
2.1 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté les offres de
preuves qu'elle lui a présentées. Elle prétend que l'exigence, découlant de
l'art. 401 CO, de l'individualisation des sommes d'argent n'est apparue pour la
première fois que dans le jugement du tribunal de première instance. La cour
cantonale aurait ainsi dû accepter les pièces que la recourante a produites
devant elle et donner suite aux réquisitions de production de pièces qui lui
ont été adressées, ces documents permettant de constater que la recourante
gérait un compte spécial, au nom de Y.________ SA, distinct de l'autre compte
que Y.________ SA utilisait pour ses affaires usuelles. Reprochant à la cour
cantonale d'avoir ainsi violé son droit à la preuve, la recourante ne nomme pas
expressément les dispositions légales qui auraient été transgressées. Elle
reprend, en la critiquant, l'argumentation de l'instance cantonale qui se fonde
sur les art. 452 ss du Code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966
(CPC/VD; RSV 270.11).
2.2
2.2.1 A supposer qu'elle invoque la violation de son droit à la preuve déduit
de l'art. 8 CC, la recourante ne motive pas le grief conformément aux réquisits
de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF.
2.2.2 La question soulevée par la recourante a trait au droit cantonal. Or, le
recours au Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre d'une mauvaise
application de ce droit (cf. art. 95 et 96 LTF; ATF 133 III 462 consid. 2.3 p.
466). Il reste néanmoins possible de se plaindre d'arbitraire au sens de l'art.
9 Cst., ce qui constitue une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF;
ATF 133 I 201 consid. 1 p. 203, 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Il faut garder
à l'esprit que l'examen du Tribunal fédéral se limite à dire si la cour
cantonale est ou non tombée dans l'arbitraire.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le
Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est
manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause
d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il
faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V
2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265
s.).

En l'espèce, la recourante n'invoque aucun grief motivé (cf. art. 106 al. 2
LTF) d'application insoutenable du droit de procédure civile vaudois.
2.2.3 Fût-il recevable, le grief d'arbitraire serait de toute manière mal
fondé.

En vertu de l'art. 197 LP, les biens propriété du débiteur lors de la
déclaration de faillite tombent dans la masse et sont affectés au paiement des
créanciers. L'art. 401 CO institue une exception en faveur du mandant. Selon
cette règle, le mandant qui a satisfait à ses obligations est légalement
subrogé aux droits du mandataire, qui a acquis en son propre nom, mais pour le
compte du mandant, des créances contre des tiers ou des choses mobilières. Il
peut revendiquer dans la faillite du mandataire lesdites créances et les biens
meubles acquis pour son compte (ATF 102 II 103 consid. 1 p. 106, 297 consid. 2c
p. 301). En règle générale, l'art. 401 CO ne s'applique pas à une somme
d'argent encaissée par le mandataire avant la faillite. Pour que cette
disposition trouve néanmoins application, il faut que l'argent perçu par le
mandataire soit individualisé. Les sommes qui lui sont versées doivent être
créditées sur un compte spécial, distinct du patrimoine du mandataire, dont
celui-ci ne peut plus disposer librement (cf. ATF 102 II 103 consid. 5 p. 110;
102 II 297 consid. 3b p. 303 s.; PIERRE TERCIER, Les contrats spéciaux, 4e éd.
2009, n. 5180 p. 778). Le compte spécial doit en outre être établi au nom du
mandant seul (arrêt B.116/1990 du 20 juillet 1990, publié dans la SJ 1990 p.
637; cf. ATF 102 II 297 consid. 3b p. 303 s.; entre autres auteurs: TERCIER,
op. cit., avec les références citées).

La recourante tend à démontrer - par les nouvelles pièces produites devant la
cour cantonale, ou dont elle requiert la production - qu'elle gérait un compte
spécial et distinct ouvert, au nom de Y.________ SA, pour l'activité déployée
pour son propre compte. Y.________ SA n'en conservait pas moins la liberté d'en
disposer. La cour cantonale a en effet retenu (art. 105 al. 1 CO) qu'une fois
le produit de la vente des médicaments encaissé sur le compte au nom de
Y.________ SA, celle-ci acquittait alors à son tour les factures correspondant
aux produits que X.________ SA lui avait vendus. La recourante soutient qu'elle
gérait elle-même le compte. Cette allégation, d'ailleurs de nature purement
appellatoire, ne permet pas encore de conclure que Y.________ SA ne pouvait
plus disposer librement de ce même compte. Enfin, au dire même de la
recourante, ce dernier n'était pas établi au nom de X.________ SA (la
mandante). Les exigences strictes tirées de l'art. 401 CO ne sont ainsi pas
réalisées. Le point soulevé par la recourante n'est donc pas de nature à
modifier la décision.

3.
3.1 La recourante revient à la charge en considérant que la solution retenue
par la cour cantonale, accordant la totalité des créances litigieuses à
l'intimée, est choquante dans la mesure où elle consacre la gratuité des
produits X.________ SA. Selon elle, la masse en faillite de Y.________ SA
recevrait en effet un cadeau de plus de 100'000 fr. et la recourante n'ayant
pas pu produire dans la faillite ne toucherait pas un centime pour les produits
qu'elle a pourtant fabriqués et vendus.

3.2 En retenant que les conditions d'application de l'art. 401 CO n'étaient pas
remplies en l'espèce, la cour cantonale est arrivée à la conclusion que la
recourante ne saurait invoquer la distraction des sommes litigieuses de la
masse en faillite de Y.________ SA. L'autorité cantonale n'a nullement qualifié
de gratuits les produits de la recourante, mais uniquement jugé que ces sommes
étaient tombées dans la masse en faillite et qu'elles étaient ainsi affectées
au paiement des créanciers de la masse. Il incombait dès lors à la recourante
de veiller à produire les créances litigieuses au sein de la faillite de
Y.________ SA . Le grief est donc inconsistant.

4.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté.

Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 23 juin 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Piaget