Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.200/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_200/2009

Arrêt du 26 juin 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________ SA, recourante, représentée par Me Pascal Junod,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Marco Crisante.

Objet
contrat de travail; commissions,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
16 mars 2009 par la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève.

Faits:

A.
X.________ SA, membre du groupe éponyme, est spécialisée, notamment, dans le
développement et la maintenance de nouveaux systèmes informatiques bancaires.

En novembre 2004, X.________ SA a signé un accord de partenariat avec
V.________, société spécialisée dans l'informatique bancaire. Les pourparlers
conduits en vue de la conclusion de cet accord avaient débuté en été 2002 à
l'initiative de A.________, l'un des trois actionnaires de X.________ SA et
directeur de celle-ci, qui avait travaillé auparavant pour le compte de
V.________. B.________, directeur financier de X.________ SA, a élaboré
l'accord de partenariat.
Y.________ a été l'un des artisans de l'établissement de ce partenariat. Ayant
travaillé pendant plusieurs années pour V.________, à Genève, il a été engagé
par X.________ SA, dès le 1er avril 2003, selon contrat de travail du 31
janvier 2003 rédigé en anglais, en qualité de directeur, à compter du 1er avril
2003. L'art. 1er du contrat de travail fixait la rémunération annuelle brute du
directeur à 160'000 fr. L'art. 3 dudit contrat prévoyait le paiement d'une
commission de 5% sur les recettes des licences et de 3% sur les recettes des
services, laquelle commission était soumise aux conditions suivantes:

"In a situation of effective participation lead by the employee towards actual
and/or new clients that results to signature of contract or addendum for
licenses and/or services the employee will earn the commission as it is stated
above. Moreover, in a situation where several employees share together the
effective participation, the above mentioned rate will be shared between them."
(termes mis en évidence par le Tribunal fédéral).

Y.________, dont il n'apparaît pas que l'activité ait prêté le flanc à la
critique à un moment ou à un autre, a résilié son contrat de travail par
courrier du 30 mai 2005 pour le 31 juillet suivant. Il est ensuite retourné au
service de V.________.

B.
Par demande du 7 juin 2006, Y.________ a ouvert action, à Genève, contre
X.________ SA. Dans leur dernier état, ses conclusions tendaient au paiement de
479'995 fr., plus intérêts. La défenderesse s'est opposée à l'admission de la
demande, sous réserve d'un montant de 8'950 fr. à titre de commissions pour
2005.

Statuant le 17 juin 2008, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a
condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme brute de 154'187 fr. 50
avec intérêts à 5% dès le 1er août 2005.

Le demandeur a appelé de ce jugement aux fins d'obtenir le versement de 333'386
fr. 75, intérêts en sus. Lui déniant le droit à toute commission qu'il n'aurait
pas déjà touchée, la défenderesse en a fait de même. Chaque partie a conclu au
rejet de l'appel de son adversaire. Cependant, la défenderesse admet que le
montant de 60'000 fr. qu'elle a versé en février 2004 au demandeur devait
correspondre à une commission forfaitaire pour le solde de l'année 2003. Elle
ne conteste pas, au demeurant, les calculs effectués par le demandeur pour
chiffrer ses prétentions, mais soutient qu'elle n'a aucune obligation envers ce
dernier de ce chef.

Par arrêt du 16 mars 2009, rectifié le 23 avril 2009, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève, après avoir annulé le jugement
de première instance, a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme
brute de 223'995 fr. 37, plus intérêts à 5% dès le 1er août 2005.

C.
Le 1er mai 2009, la défenderesse a formé un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi
de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants de l'arrêt fédéral.

Le demandeur propose le rejet du recours; il déclare s'en rapporter à justice
quant à la recevabilité de celui-ci.

La cour cantonale n'a pas formulé d'observations au sujet du recours.

La requête d'effet suspensif présentée par le recourant a été rejetée par
ordonnance présidentielle du 15 juin 2009.
Considérant en droit:

1.
1.1 Exercé par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art.
76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 LTF), dans une cause en matière de droit du travail dont la valeur
litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF
pour la recevabilité d'un tel recours, le recours en matière civile interjeté
par la défenderesse est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le
délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 46 al. 1 let.
a LTF).

1.2 Cependant, une autre raison s'oppose à l'entrée en matière.

Tout mémoire doit indiquer les conclusions (art. 42 al. 1 LTF). Si le Tribunal
fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur le fond
(art. 107 al. 2 LTF). La partie recourante ne peut dès lors se borner à
demander l'annulation de la décision attaquée, mais elle doit également prendre
des conclusions sur le fond du litige; il n'est fait exception à cette règle
que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait de
toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait
que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 134 III 379 consid. 1.3 p.
383 et l'arrêt cité).

En l'espèce, l'acte de recours ne contient aucune conclusion sur le fond, son
auteur se bornant à demander que l'arrêt attaqué soit annulé. Sans doute la
recourante requiert-elle le renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
Cependant, la situation exceptionnelle visée par la jurisprudence susmentionnée
n'est pas réalisée dans le cas particulier. En effet, sur le vu des griefs
formulés dans le recours, le Tribunal fédéral serait tout à fait en mesure de
se prononcer lui-même sur le fond en l'état du dossier. Par conséquent, le
recours examiné est irrecevable.

Ne le serait-il pas qu'il devrait, de toute façon, être rejeté dans la mesure
de sa recevabilité pour les motifs indiqués ci-après.

2.
Les parties étaient sans conteste liées par un contrat de travail au sens des
art. 319 ss CO. Seul est litigieux, en l'espèce, le point de savoir ce que
recouvrent les termes anglais "effective participation" figurant à l'art. 3,
1er al., du contrat de travail du 31 janvier 2003. Le demandeur les traduit par
l'expression "participation effective", alors que, pour la défenderesse, ils
signifient "contribution déterminante".

3.
La Cour d'appel a rappelé les principes gouvernant l'interprétation d'une
clause contractuelle (art. 18 al. 1 CO) et ceux qui régissent la naissance du
droit à une provision (art. 322b al. 1 CO). Elle a souligné, à cet égard, le
fait que l'activité du travailleur devait apparaître, sauf convention
contraire, comme une cause de la conclusion du contrat.

Appliquant ces principes au cas particulier, les juges cantonaux constatent, en
premier lieu, qu'il ne leur est pas possible d'établir la réelle et commune
intention des parties relativement à l'expression litigieuse. Ils s'emploient,
dès lors, à en dégager le sens par une interprétation objective fondée sur le
principe de la confiance. Pour ce faire, ils accordent du crédit à l'opinion du
rédacteur de la clause litigieuse, B.________, qui a été entendu comme témoin.
Selon cette personne, le texte de ladite clause devait être traduit par "en cas
de participation effective" et non par "en cas de participation déterminante".
Il s'agissait de rédiger une clause qui restât très générale et couvrît tout le
processus de vente de produits ou de services, afin de permettre de rémunérer
toutes les personnes qui, à un titre ou à un autre, avaient participé d'une
manière active au succès d'une opération de vente, qu'elles aient amené le
client, négocié le contrat ou procédé aux démonstrations et assuré le suivi de
l'affaire jusqu'à la signature du contrat. Aux dires du témoin, les commissions
prévues dans le contrat du demandeur faisaient partie intégrante de sa
rémunération. Sur la base de ces considérations, les juges d'appel privilégient
l'interprétation donnée par le demandeur à la clause litigieuse. Ils ajoutent
que la solution serait la même si l'on appliquait le principe d'interprétation
rendu par l'adage in dubio contra stipulatorem, ladite clause ayant été rédigée
par l'employeur. Ainsi, selon leur compréhension du texte de celle-ci,
l'employé qui avait amené des affaires, les avait suivies ou en avait étendu le
champ avait droit à une commission, éventuellement partageable.

Après avoir dégagé le sens de la clause litigieuse, la Cour d'appel a examiné
chacune des quelque trente prétentions élevées par l'intimé, en recherchant,
dans chaque cas, si l'activité déployée par l'intéressé faisait partie de ses
attributions de base et était rémunérée par le salaire convenu ou si elle
allait au-delà de celles-ci et justifiait le versement de la provision stipulée
dans le contrat de travail. Elle a abouti au total de 263'995 fr. 37, dont elle
a soustrait les 40'000 fr. correspondant aux commissions afférentes à l'année
2004, pour aboutir à la somme de 223'995 fr. 37 qu'elle a allouée à l'intimé
avec les intérêts s'y rapportant.

4.
4.1 Dans la partie de son mémoire intitulée "Rappel des faits", la recourante
consacre un chapitre aux "faits établis, mais non retenus par la Cour d'appel"
(acte de recours, p. 10 s.).

L'ancien droit réservait expressément la possibilité de compléter les
constatations de la dernière autorité cantonale (art. 64 OJ). Bien qu'il ne
règle pas spécifiquement la question, le nouveau droit n'exclut pas cette
faculté. Cependant, comme c'était déjà le cas auparavant, celle-ci n'entre en
ligne de compte que si la décision attaquée ne contient pas les constatations
nécessaires à l'application du droit fédéral, alors que les faits pertinents
passés sous silence ont été allégués en conformité avec les règles fixées par
la procédure cantonale et qu'un complètement de l'état de fait est encore
objectivement possible, conditions dont la réalisation doit être établie par la
partie qui se plaint des constatations lacunaires de l'autorité précédente
(arrêt 4A_509/2008 du 3 février 2009 consid. 1.3 et les références).

En l'espèce, la recourante n'a pas satisfait à ces exigences. Elle s'est
contentée, en effet, de faire référence à des témoignages - ceux de A.________,
de B.________ et du traducteur-juré - sans indiquer où et quand elle aurait
allégué les faits non retenus que les dépositions visées par elle seraient
censées étayer. Il n'y a donc pas matière à compléter les constatations de la
Cour d'appel.

4.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut toutefois
s'en écarter si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte (art.
105 al. 2 LTF), notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9
Cst. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits,
l'autorité verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans
raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée ou encore
lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des
constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid.
2.1; 118 Ia 28 consid. 1b).
Dans une argumentation essentiellement appellatoire, la recourante soutient, en
premier lieu, que la Cour d'appel n'a pas pris en compte les déclarations de
B.________, faites dans le cadre d'une autre procédure prud'homale, de même que
celles faites par cette personne dans la présente procédure, lesquelles
établiraient que l'intimé a été le seul employé de la recourante en Suisse à
bénéficier du versement de commissions. Force est de constater ici derechef que
la recourante n'indique pas où ni quand elle aurait allégué le fait à prouver
par ce témoignage. En réalité, comme l'intimé le relève à juste titre dans sa
réponse, il semble que la recourante ait soutenu le contraire devant les
instances cantonales. Preuve en sont, par exemple, les allégations, faites sous
chiffres 45 et 46 de son mémoire d'appel du 23 juillet 2008, où elle critique
les premiers juges pour avoir omis de rappeler que d'autres employés avaient
déjà reçu des commissions.

La Cour d'appel se voit encore reprocher de ne pas avoir pris en considération
les déclarations de A.________ relatives aux instructions qu'il aurait données
à B.________ dans le cadre de la rédaction du contrat de travail de l'intimé.
Cependant, la recourante s'abstient, une fois de plus, d'indiquer quand et où
elle aurait allégué le fait que viendraient étayer les déclarations de ce
témoin, ce qui rend son grief irrecevable.

4.3 Cela étant, la Cour de céans se basera sur les seuls constatations faites
par l'autorité précédente lorsqu'elle examinera, ci-après, les arguments
juridiques développés par la recourante.

5.
5.1 La cour cantonale a analysé l'art. 3, précité, du contrat de travail en
appliquant les principes d'interprétation posés de longue date par la
jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 132 III 24 consid. 4; 131 III 606
consid. 4.1 et 4.2 et les arrêts cités). Elle n'a pas méconnu les règles
régissant l'ordre de priorité entre l'interprétation subjective et
l'interprétation objective (ATF 131 III 606 consid. 4.1 in fine) et n'a pas non
plus ignoré les limites assignées à l'interprétation textuelle (ATF 131 III 606
consid. 4.2). Du reste, la recourante ne lui en fait pas véritablement grief,
qui se contente de rappeler ces règles et principes.

5.2 Pour contester le résultat de l'interprétation de la clause en question, la
recourante commence par énoncer, à la page 17 de son mémoire, une série de
faits dont la plupart n'ont pas été constatés par l'autorité précédente, ce qui
n'est pas admissible. Elle insiste, en particulier sur le fait, non avéré,
selon lequel l'intimé aurait été le seul employé de la recourante en Suisse à
bénéficier d'une rémunération supplémentaire. La recourante qualifie, en outre,
le pourcentage des commissions de "particulièrement élevé", sans fournir le
moindre point de comparaison susceptible d'étayer ses dires, et elle laisse
entendre que le salaire de base versé à l'intimé était déjà élevé. Tous ces
arguments sont soit irrecevables, soit totalement impropres à infirmer la
conclusion que les juges précédents ont tirée après avoir procédé à
l'interprétation objective de la clause litigieuse.

Sur l'interprétation du texte de celle-ci, on cherche en vain, dans le mémoire
de recours, une argumentation un tant soit peu convaincante. La recourante ne
précise pas clairement quelle différence il y a lieu de faire entre une
activité "déterminante" et une activité "effective". Surtout, elle perd de vue
que la Cour d'appel a elle aussi posé, comme condition du droit de l'intimé aux
commissions stipulées dans le contrat de travail, l'existence d'une relation de
cause à effet entre l'activité déployée par le travailleur sur un dossier
déterminé et le résultat obtenu.

De même, la recourante ne démontre nullement en quoi l'application du principe
in dubio contra stipulatorem, que la cour cantonale a faite à titre
subsidiaire, serait erronée. A cet égard, elle avance derechef un fait nouveau
lorsqu'elle soutient que "l'intimé n'a pas abordé ce sujet [i.e. l'art. 3 du
contrat de travail] lors de la signature du contrat" (acte de recours, p. 22).

En tout état de cause, même si l'interprétation préconisée par la recourante
avait prévalu, le présent recours ne devrait pas être admis pour autant, eût-il
été recevable. Pour dénier à l'intimé le droit à toute commission, l'intéressée
se contente, en effet, d'alléguer qu'à l'exception d'une activité déployée par
l'intimé pour laquelle elle reconnaît devoir à ce dernier un montant brut de
8'950 fr., "le reste des activités exercées par l'intimé, pour lesquelles il
réclame le paiement de commissions, n'était pas déterminant". Or, cette simple
allégation est tout à fait insuffisante pour démontrer l'absence de rapport de
cause à effet entre l'activité déployée par l'intimé dans le traitement des
quelque trente dossiers qui lui ont été confiés et le résultat obtenu, alors
que la Cour d'appel a consacré 14 pages de son arrêt à cette question.

6.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la présente procédure
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à sa partie adverse (art. 68 al. 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 26 juin 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo