Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.127/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_127/2009

Arrêt du 2 juin 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Mes Christophe Wagner et Vincent Mignon,

contre

Y.________,
intimée, représentée par
Me Jean-Claude Schweizer.

Objet
concordat intercantonal sur l'arbitrage,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 12 février 2009 par la
Chambre des affaires arbitrales du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Faits:

A.
Par sentence du 3 juillet 2008, rendue dans le cadre d'un arbitrage interne
relatif à la portée d'une convention d'actionnaires, un Tribunal arbitral ad
hoc de trois membres, siégeant à Neuchâtel, a condamné X.________ SA à verser à
Y.________ la somme de 92'476 fr., intérêts en sus, ainsi qu'une rente
mensuelle de 3'369 fr. 05 dès le 1er février 2007.

B.
Contre cette sentence arbitrale, qui lui avait été notifiée le 14 juillet 2008,
X.________ SA a interjeté un recours en nullité au sens des art. 36 ss du
concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 août 1969 (ci-après: le concordat
ou CA).

Statuant par arrêt du 12 février 2009, la Chambre des affaires arbitrales du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a déclaré le recours irrecevable pour
avoir été déposé après l'échéance du délai de trente jours prévu par l'art. 37
CA. Selon elle, même s'il fallait admettre, suivant une jurisprudence contestée
du Tribunal fédéral, que ce délai doit être calculé conformément aux règles de
la procédure cantonale, y compris celles ayant trait à la suspension des délais
pendant les féries, force serait de constater que la loi neuchâteloise sur
l'arbitrage (LIA; RSN 252.1) ne contient aucun renvoi aux dispositions
générales du Code de procédure civile du canton de Neuchâtel (CPC/NE; RSN
251.1), tel l'art. 120 concernant les vacances judiciaires, de sorte que le
délai de recours n'a pas été suspendu pendant la durée de celles-ci.

C.
X.________ SA a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour
cantonale pour qu'elle se prononce sur le fond.

L'intimée propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

La Chambre des affaires arbitrales se réfère aux motifs énoncés dans son arrêt.

Considérant en droit:

1.
1.1 La recourante s'en prend à une décision finale (art. 90 LTF) - en
l'occurrence, un arrêt d'irrecevabilité - rendue en matière civile (art. 72 al.
1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans
une affaire pécuniaire. En application de l'art. 3 let. f CA, c'est l'autorité
judiciaire compétente pour statuer sur les recours en nullité dirigés contre
les sentences émanant des tribunaux arbitraux dont le siège se trouve dans son
canton qui a pris cette décision. La sentence arbitrale soumise à son examen
avait trait à un différend dont la valeur litigieuse atteignait le seuil de
30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF pour la recevabilité du recours en
matière civile. Ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente, la
recourante, dont le recours en nullité a été déclaré irrecevable, possède la
qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Comme elle a déposé son mémoire en
temps utile (art. 100 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 LTF),
rien ne s'oppose à l'entrée en matière.

1.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF). S'agissant du droit, il vérifie librement
l'interprétation et l'application des dispositions concordataires faites par
l'autorité intimée (art. 95 let. e LTF). En revanche, il ne revoit que sous
l'angle de l'arbitraire la manière dont celle-ci a interprété les dispositions
pertinentes du droit de procédure de son canton (art. 9 Cst. en liaison avec
l'art. 95 let. a LTF). Il ne le fait, d'ailleurs, que si un grief de ce chef a
été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF).

2.
2.1 L'art. 37 CA, qui est une disposition de droit impératif (art. 1er al. 3
CA), fixe à 30 jours dès la notification de la sentence le délai dans lequel le
recours en nullité doit être intenté. L'art. 45 al. 1 CA, lui aussi de
caractère impératif, laisse aux cantons le soin de régler la procédure devant
l'autorité judiciaire compétente pour statuer sur un tel recours (cf. art. 3
let. f CA).

Dans un arrêt de principe rendu le 27 septembre 1988, le Tribunal fédéral a
jugé que la première de ces deux dispositions n'excluait pas l'application au
délai de recours des règles cantonales de procédure sur la suspension des
délais pendant les féries (ATF 114 IA 296). Approuvée par certains auteurs à
tout le moins implicitement (RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches
Schiedsgerichtsrecht, 2e éd. 1993, p. 349; HAUSER/SCHWERI, Kommentar zum
zürcherischen Gerichtsverfassungsgesetz, 2002, p. 678, n. 15; BURKHALTER/GRELL,
Schiedsgerichtsbarkeit der Schweizer Immobilienwirtschaft, 2005, p. 55 s., n.
132; BERGER/KELLERHALS, Internationale und interne Schiedsgerichtsbarkeit in
der Schweiz, 2006, p. 610, note 59), cette jurisprudence a été critiquée par
d'autres, tel le professeur Poudret dont elle n'avait pas suivi le point de vue
sur la question controversée (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage
interne et international en Suisse, 1989, p. 219 s., n° 1 ad art. 37 CA).
L'intimée voudrait que le Tribunal fédéral la réexamine. Cependant, un nouvel
examen de cette jurisprudence ne s'impose pas en l'espèce, étant donné que,
pour les motifs indiqués ci-après, la solution du litige demeurerait la même au
cas où la jurisprudence serait modifiée dans le sens préconisé par elle (voir
aussi l'ATF 123 III 67 consid. 2b dans lequel le Tribunal fédéral a également
pu se dispenser d'examiner les critiques formulées à l'encontre de l'arrêt de
principe précité). Le réexamen souhaité par l'intimée ne se justifie pas
davantage d'une manière plus générale et sur un plan théorique, dès lors que
les arguments juridiques avancés à l'appui de la requête ad hoc étaient déjà
tous connus du Tribunal fédéral à l'époque où il avait rendu l'arrêt
susmentionné. En outre, l'entrée en vigueur, dans un futur relativement proche,
du Code de procédure civile (CPC) du 19 décembre 2008 (FF 2009 21) rendra sans
objet la question controversée (cf. l'art. 389 al. 2 CPC qui déclare la Loi sur
le Tribunal fédéral [LTF] du 17 juin 2005 applicable, sauf disposition
contraire, à la procédure de recours contre une sentence rendue dans un
arbitrage interne).

2.2 Contrairement à ce que l'intimée semble vouloir soutenir aux pages 6 et 7
de sa réponse, dans une argumentation peu claire et fondée au demeurant sur des
faits procéduraux n'ayant pas été constatés dans la décision attaquée, l'art.
24 al. 1 CA régit exclusivement la procédure à suivre devant le tribunal
arbitral et ne permet donc pas aux parties d'établir elles-mêmes des règles
applicables à la procédure de recours contre la sentence arbitrale (cf. Lalive/
Poudret/Reymond, op. cit., n° 1 ad art. 24 CA). Dès lors, s'il fallait
comprendre cette argumentation en ce sens qu'il serait loisible aux parties de
décréter elles-mêmes la suspension du délai de recours pendant la durée des
féries, pareille opinion résulterait d'une interprétation erronée de la
disposition concordataire précitée.

3.
Sous chiffre 1.2 de son mémoire, la recourante, se fondant sur l'art. 45 al. 1
CA tel qu'interprété par l'ATF 114 IA 296, soutient que l'autorité intimée ne
peut "opposer la structure de la législation cantonale (...) pour faire
obstacle à l'application des règles en matière de suspension des délais", faute
de quoi elle limiterait la portée de cette disposition.

Ce faisant, l'intéressée donne à cette jurisprudence un sens extensif qui n'est
pas le sien. Dans l'arrêt en question, le Tribunal fédéral n'a, en effet, pas
jugé que les cantons pratiquant le système des féries devaient obligatoirement
l'appliquer au délai pour recourir en nullité contre une sentence arbitrale. Il
s'est borné à constater que l'art. 37 al. 1 CA, nonobstant son caractère
impératif, n'interdisait pas à un canton d'étendre sa réglementation en la
matière audit délai, ce qui n'est pas la même chose.

Par conséquent, si le canton de Neuchâtel a préféré ne pas procéder à une telle
extension, il ne saurait se le voir reprocher au titre de la violation de
l'art. 45 CA.

4.
Aux termes de l'art. 4 al. 1 LIA, les requêtes et recours sont introduits,
instruits et jugés en la même forme que les recours en cassation civile, dans
la mesure compatible avec le concordat. Citant cette disposition, l'autorité
intimée constate que la LIA ne contient aucun renvoi aux dispositions générales
du CPC/NE, en particulier à l'art. 120 concernant la suspension des délais
fixés par la loi ou par le juge pendant la durée des vacances judiciaires. Elle
en conclut que le recours en nullité a été déposé tardivement. La recourante
est d'avis que cette conclusion résulte d'une interprétation arbitraire du
droit neuchâtelois.

4.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9
Cst., lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et reconnu, ou encore heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la solution retenue que dans la mesure où celle-ci apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif
objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du fait
qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou serait même
préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1; 132 III 209 consid. 2.1).

4.2 La constatation de la cour cantonale selon laquelle l'art. 4 al. 1 LIA ne
contient aucun renvoi aux dispositions générales du CPC/NE n'a rien
d'insoutenable, bien au contraire, puisqu'elle correspond à la lettre de la
loi.

En regard du titre marginal "Forme du recours", l'art. 416 CPC/NE, auquel
renvoie la disposition précitée, énonce qu'en général, le recours [i.e. le
recours en cassation] est formé par le dépôt d'un mémoire motivé au greffe du
tribunal de jugement dans les vingt jours qui suivent la notification de la
décision attaquée. Selon la recourante, il ne serait pas possible d'appliquer
cette disposition sans se référer aux règles générales du CPC/NE, sous peine de
ne pouvoir déterminer à quelles conditions une notification peut avoir lieu,
quand un délai de recours est respecté et quelles sont les circonstances
susceptibles d'influer sur sa computation. Considérée exclusivement du point de
vue de l'art. 416 CPC/NE, semblable thèse ne peut qu'être approuvée. Toutefois,
ce n'est pas sous ce seul angle que la question litigieuse doit être abordée,
puisque cette disposition n'est applicable au recours en nullité dirigé contre
une sentence arbitrale qu'en vertu du renvoi opéré à l'art. 4 al. 1 LIA et que
le problème à résoudre est, dès lors, celui de la portée d'un tel renvoi.

Ainsi mise en perspective, la décision attaquée n'apparaît en tout cas pas
insoutenable - la solution retenue fût-elle moins justifiée que la solution
inverse, voire erronée -, et cela seul importe au regard du grief d'arbitraire
dans l'interprétation et l'application du droit cantonal. En effet, l'art. 4
al. 1 LIA traite de la forme du recours en nullité; il restreint, au demeurant,
la portée du renvoi opéré par lui aux dispositions topiques du CPC/NE en
précisant que ce renvoi peut intervenir uniquement "dans la mesure compatible
avec le concordat". Or, en tant qu'il fixe à 20 jours la durée du délai de
recours, l'art. 416 CPC/NE est incompatible avec l'art. 37 al. 1 CA, qui fixe
impérativement la durée du délai de recours à 30 jours. Aussi était-il à tout
le moins défendable de considérer, à l'instar de la cour cantonale, que la
question du délai pour déposer un recours en nullité, en particulier celle de
l'applicabilité des règles générales du CPC/NE touchant les "vacances
judiciaires" (art. 118 à 120), est exorbitante dudit renvoi, dont l'objet est
en conséquence limité à la forme du recours et, toujours sous la réserve de la
compatibilité avec le concordat, à la procédure conduisant au prononcé de
l'arrêt de la Chambre des affaires arbitrales. Pareille solution est en
harmonie avec l'un des buts de la procédure arbitrale, qui est de permettre une
solution rapide des litiges; elle est, en outre, conforme à l'esprit du
concordat, qui tend à ce que le délai de recours soit uniforme dans tous les
cantons et qu'il ne puisse pas être indirectement prolongé par le biais de
féries. Dans ce cas de figure, il serait logique de n'appliquer les
dispositions générales (par ex. celles relatives aux notifications) et
spéciales (par ex. celles relatives à l'instruction du recours) du CPC/NE que
dans la mesure où elles influent sur les deux questions formant l'objet du
renvoi, à savoir la forme du recours, d'une part, et la procédure de recours
stricto sensu, d'autre part. Il n'y aurait pas non plus d'obstacle juridique
insurmontable à appliquer, par analogie, les règles spécifiques du CPC/NE
régissant le calcul du début et de la fin du délai de recours (art. 107 à 108
sur le dies a quo et l'expiration du délai un jour férié), lesquelles règles ne
font du reste que codifier des principes d'application si générale en Suisse
qu'ils y relèvent du droit coutumier. D'ailleurs, même les auteurs qui dénient
aux cantons la faculté de prévoir une suspension du délai de recours
préconisent néanmoins l'application de telles règles (Lalive/Poudret/Reymond,
op. cit., p. 220, n° 1 ad art. 37 CA; Pierre Jolidon, Commentaire du Concordat
suisse sur l'arbitrage, 1984, p. 526, n° 3 ad art. 37 CA).

Le moyen pris de la violation de l'art. 9 Cst. tombe, dès lors, à faux.

5.
La recourante ne soutient pas que la solution adoptée par la Chambre des
affaires arbitrales constituerait une modification (ou une clarification) de la
jurisprudence antérieure relative aux conditions de recevabilité du recours en
nullité contre une sentence arbitrale dans le canton de Neuchâtel, laquelle
n'aurait pu intervenir sans avertissement préalable, sauf à violer le droit des
parties à la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 132
II 153 consid. 5.1; 122 I 57 consid. 3c/bb p. 60). Il n'y a donc pas lieu
d'examiner cette question (art. 106 al. 2 LTF).

6.
En définitive, l'autorité intimée n'a pas violé le concordat sur l'arbitrage ni
interprété ou appliqué arbitrairement le droit de procédure civile neuchâtelois
en refusant de tenir compte de la suspension du délai de recours pendant la
durée des vacances judiciaires et, partant, en déclarant irrecevable le recours
qui lui était soumis.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires afférents à la
procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et indemniser son adverse partie (art.
68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
affaires arbitrales du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 2 juin 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo