Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.126/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_126/2009

Arrêt du 12 juin 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente,
Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
A.________,
demanderesse et recourante,
représentée par Me Jean-Luc Addor, avocat,

contre

Z.________ SA,
défenderesse et intimée,
représentée par Me Christian Favre, avocat.

Objet
contrat de travail; prohibition de concurrence

recours contre le jugement rendu le 9 février 2009 par la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais.

Faits:

A.
Depuis près de quinze ans, A.________ est active dans le domaine du placement
de personnel fixe ou temporaire, qui est aussi celui des sociétés X.________
SA, Y.________ SA et Z.________ SA. Elle a travaillé au service de cette
première société jusqu'au mois de février 2004; elle avait souscrit une clause
de prohibition de faire concurrence à l'employeuse, après la fin de son emploi,
dont elle fut alors libérée à condition de ne pas débaucher, durant deux ans,
les travailleurs intérimaires habituellement inscrits auprès de celle-ci.
A.________ a décliné une offre d'emploi de Y.________ SA relative à la
direction de l'agence de cette société à Martigny; elle préférait entrer au
service de Z.________ SA, dès le 1er mars 2004, en qualité de responsable d'une
agence nouvellement créée à Sion. Son salaire mensuel brut, payable treize fois
par an, s'élevait à 6'000 fr.; il s'y ajoutait une indemnité mensuelle de 500
francs. Le contrat comportait une clause de prohibition de concurrence qui
s'appliquerait « sur le territoire du canton du Valais et des cantons
limitrophes » pour une durée de deux ans dès l'expiration des rapports de
travail. En cas de contravention, l'ancienne responsable d'agence serait
débitrice d'une peine conventionnelle égale à la rémunération brute perçue
durant les six derniers mois de travail; elle serait en outre tenue de réparer
le dommage qui excéderait ce montant.
Le 4 novembre 2005, la responsable d'agence a résilié son contrat de travail
avec effet au 28 février 2006. Elle a expliqué, oralement, vouloir se
reconvertir dans le secteur immobilier. Le 19 octobre, toutefois, elle avait
conclu un contrat de travail avec Y.________ SA, pour prendre la direction, dès
le 1er mars 2006, d'une nouvelle agence de cette société-ci à Sion. Elle était
consciente d'agir contrairement à la clause de prohibition de concurrence qui
la liait à Z.________ SA; dans ses pourparlers avec Y.________ SA, il fut
envisagé que cette dernière contribuerait au paiement d'une éventuelle peine
conventionnelle. Le contrat conclu avec cette nouvelle employeuse comportait
lui aussi, d'ailleurs, une clause de prohibition de concurrence, avec une peine
conventionnelle au montant de 50'000 francs. Le salaire mensuel brut, payable
treize fois par an, était fixé à 8'000 francs.

B.
Z.________ SA a entrepris une poursuite pour dette contre A.________ et lui a
fait notifier un commandement de payer au montant de 36'000 fr., avec intérêts
au taux de 5% par an dès le 23 mars 2006, à titre de peine conventionnelle. Le
25 septembre 2006, elle a obtenu du juge compétent la mainlevée provisoire de
l'opposition au commandement de payer.
Le 20 octobre 2006, devant le Juge de district de Martigny, A.________ a ouvert
action en libération de dette contre Z.________ SA; elle contestait entièrement
la prétention de la défenderesse. Celle-ci a conclu au rejet de l'action et à
la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer.
Après clôture de l'instruction, la cause fut transmise à la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal. Cette autorité a statué le 9 février 2009; elle a rejeté
l'action et prononcé que la mainlevée de l'opposition devenait définitive.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer le jugement en constatant qu'elle n'est pas
débitrice du montant de 36'000 fr., en capital, réclamé par la défenderesse.
Celle-ci conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal
de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). En
règle générale, il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits
constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail, conclu
par écrit le 12 février 2004, et que ce contrat comportait une clause
interdisant à la demanderesse de faire concurrence à la défenderesse après la
fin des rapports de travail.
Les parties ont donc observé la forme écrite nécessaire à la validité d'une
clause de ce genre, selon l'art. 340 al. 1 CO. La demanderesse soutient
vainement que cela n'était pas suffisant et qu'en raison de son importance
particulière, la prohibition de concurrence aurait dû être mise en évidence
dans le contrat, par un procédé visuel, ou contresignée spécialement par la
partie qui hypothéquait sa liberté économique. Cette exigence est étrangère à
la disposition précitée. Au demeurant, la demanderesse ne saurait prétendre
avoir signé le contrat en ignorant ou en sous-estimant la portée de la clause
concernée: quelques jours auparavant, le 5 février 2004, elle avait dû négocier
la caducité d'une clause semblable qui la liait à sa précédente employeuse.

3.
Aux termes de l'art. 340a al. 1 CO, la prohibition de concurrence doit être
limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d'affaires, de façon
à ne pas compromettre l'avenir économique du travailleur contrairement à
l'équité. La demanderesse affirme que l'autre partie exerce ses activités de
placement de personnel en Suisse romande seulement, et que la prohibition
convenue pour « le territoire du canton du Valais et des cantons limitrophes »
est donc excessive en tant qu'elle inclut le Haut-Valais et les cantons de
Berne, d'Uri et du Tessin; il en résulte, selon l'argumentation présentée, que
la prohibition est dépourvue de toute validité. Or, l'art. 340a al. 2 CO
prévoit textuellement qu'une prohibition excessive doit être réduite par le
juge, selon sa libre appréciation et en tenant compte de toutes les
circonstances. En l'occurrence, la défenderesse peut légitimement exiger, de
son ancienne responsable d'agence, qu'elle s'abstienne de lui faire concurrence
dans la région sédunoise. La prohibition n'est pas non plus excessive en raison
de l'âge de la demanderesse - soixante-et-un ans actuellement - et du temps
pendant lequel elle a pratiqué l'activité de placement de personnel.

4.
Aux termes de l'art. 340c al. 2 CO, une prohibition de faire concurrence cesse
si le travailleur résilie le contrat de travail pour un motif justifié et
imputable à l'employeur.
La demanderesse a allégué divers motifs d'insatisfaction qui justifiaient,
prétendument, sa volonté de changer d'employeuse: elle avait demandé sans
succès que la responsabilité du suivi des débiteurs de l'agence lui fût
transférée; les objectifs imposés par la défenderesse étaient irréalistes et
nécessitaient l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires; en outre,
la demanderesse ne parvenait pas à obtenir un quatorzième salaire. Selon le
jugement de la Cour civile, aucun de ces motifs n'est suffisamment grave; il
s'agit plutôt de simples prétextes avancés « pour les besoins de la cause »,
compte tenu que la demanderesse a résilié le contrat de travail sans faire
aucun reproche à l'employeuse, et en lui en expliquant qu'elle allait se
reconvertir dans le secteur immobilier.
En instance fédérale, la demanderesse persiste dans sa propre thèse et elle
critique le jugement précité, où il est difficile de discerner ce qui relève de
la constatation des faits, d'une part, et de l'appréciation juridique des faits
constatés, d'autre part.
On ne saurait exclure que le congé donné par le travailleur puisse être fondé
sur plusieurs motifs, tous imputables à l'employeur, et que ceux-ci soient
propres à entraîner l'extinction de la prohibition de concurrence en raison de
leur concours, alors qu'aucun d'eux ne serait, à lui seul, suffisamment
important au regard de l'art. 340c al. 2 CO (cf. ATF 130 III 353 consid. 2.2.1
p. 359). Il n'est pas d'emblée exclu, non plus, que dans le procès relatif la
prohibition de concurrence, le travailleur puisse utilement invoquer des motifs
de congé qu'il n'aurait, jusque là, jamais communiqués à l'autre partie (cf.
Ullin Streiff et Adrian von Kaenel, Arbeitsvertrag, 6e éd., Zurich 2006, n° 9
ad art. 340c CO). Mais en l'espèce, il est constaté que la demanderesse a
conclu un nouveau contrat de travail en étant consciente qu'elle enfreindrait
la prohibition de concurrence, qu'elle a résilié le contrat en cours sans
adresser aucun reproche à l'employeuse, et qu'elle lui a mensongèrement déclaré
vouloir se reconvertir dans un autre secteur d'activité. Au regard de cette
situation particulière, le moyen tiré de l'art. 340c al. 2 CO peut être rejeté
sans plus de discussion et il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse
approfondie des conditions de travail au service de cette employeuse.

5.
Aux termes de l'art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire les peines
conventionnelles qu'il estime excessives. Son intervention ne se justifie,
toutefois, que si le montant fixé dépasse toute mesure raisonnable et
compatible avec le droit et l'équité. Tel est le cas, notamment, lorsqu'il
existe une disproportion évidente entre le montant convenu et l'intérêt du
créancier à élever la totalité de sa prétention. Les circonstances de l'espèce
sont déterminantes; il convient de tenir compte, en particulier, de la nature
et de la durée du contrat, de la gravité de la faute, de la situation
économique des parties et de leur expérience en affaires. Il n'incombe pas au
créancier de prouver que la peine convenue est appropriée, mais au débiteur
d'alléguer et d'établir des faits propres à justifier une réduction (ATF 133
III 201 consid. 5.2 p. 209).
La demanderesse allègue que l'agence placée sous sa responsabilité est « partie
de zéro » lors de son engagement et qu'elle y a été « exploitée ». Le chiffre
d'affaires de l'agence à considérablement diminué après son passage à
Y.________ SA mais cette régression est surtout imputable, prétend-elle, « à
l'inexpérience [et] au manque d'engagement de la personne qui lui a succédé ».
Rien de cela n'est très consistant; sur la base des constatations cantonales,
on observe plutôt que la demanderesse a montré une absence totale de scrupules
pour entreprendre, en violation flagrante de ses engagements contractuels, de
concurrencer la défenderesse précisément sur le marché local que celle-ci lui
avait confié. En février 2004, elle avait souscrit la prohibition de
concurrence en parfaite connaissance de l'enjeu d'une pareille clause, tant
pour elle-même que pour l'autre partie. Il ne s'impose donc pas, dans ces
conditions, de réduire la pénalité convenue.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

3.
La demanderesse versera à la défenderesse, à titre de dépens, une indemnité de
2'500 francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Valais.

Lausanne, le 12 juin 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin