Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.119/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_119/2009

Arrêt du 9 juin 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Piaget.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Denis Mathey,

contre

Banque Y.________,
intimée, représentée par Me Soli Pardo.

Objet
contrat de bail; résiliation,

recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers du canton de Genève du 2 février 2009.

Faits:

A.
A partir de 1994, X.________, qui travaillait précédemment comme employé de
A.________, s'est mis à son compte, sous l'enseigne U.________, tout en
demeurant dans les locaux qu'il occupait à Genève. A.________ lui avait confié
un mandat, intitulé V.________, qui constituait l'essentiel de son activité.
Par contrat du 4 juillet 1996, A.________ a remis à bail à X.________,
U.________, des locaux commerciaux avec des places de parc dans le même
immeuble. Conclu initialement du 1er juillet 1996 au 30 juin 1999, le bail
était ensuite renouvelable tacitement d'année en année, sauf dénonciation par
l'une des parties six mois à l'avance. Dans la clause permettant au bailleur de
résilier le bail de manière anticipée, X.________ a ajouté, à la main, qu'il
fallait se référer aux conditions spéciales; à la fin du contrat, il a rédigé
de sa main une clause qui contient notamment le passage suivant:
"Le bail peut être résilié par le locataire au cas où A.________ termine ou ne
reconduit pas le mandat V.________ à U.________ selon le document en copie
signé par A.________ le 16 décembre 1994."
Dans le contrat en possession de X.________, cet ajout comporte le paraphe de
l'assistante du représentant de A.________. Il a été retenu qu'elle n'aurait
pas apposé son paraphe sans l'accord de son supérieur, de sorte qu'il fallait
admettre que A.________ avait accepté l'adjonction faite par X.________.
Au 1er décembre 1999, A.________ a vendu ledit immeuble à la banque Y.________
(ci-après: Y.________).
En 2001, B.________ Limited a repris l'actif et le passif de A.________, puis
C.________ lui a succédé.
Le 28 mars 2003, C.________ a informé X.________ que le projet W.________
prendrait fin au 30 juin 2003. Il a été retenu, à la suite de l'administration
des preuves, que ce projet correspondait à celui précédemment intitulé
V.________.
Par courrier du 30 octobre 2003, X.________ a résilié le bail pour le 30
novembre 2003, au motif que C.________ avait décidé d'arrêter le programme
W.________.
Contestant que le locataire puisse se prévaloir de la clause additionnelle lui
permettant de résilier le bail de façon anticipée, Y.________ a accepté le
congé pour l'échéance ordinaire, soit le 30 juin 2004 en tenant compte du
préavis conventionnel de six mois.
X.________ a quitté les lieux le 30 novembre 2003.
X.________ soutenant qu'il avait valablement résilié le bail de façon anticipée
et Y.________ affirmant le contraire, les parties sont entrées en conflit,
chacune se prétendant créancière de l'autre.
Dans une poursuite ouverte sur réquisition de Y.________, la mainlevée
provisoire de l'opposition a été refusée par arrêt du Président de la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 28 février 2005.

B.
Le 14 mars 2006, X.________ a saisi la Commission de conciliation en matière de
baux et loyers du canton de Genève, réclamant à sa partie adverse 3'444 fr. 70
pour une partie du loyer payée par avance, ainsi que 35'000 fr. pour des frais
d'avocat, des heures perdues et en guise de tort moral, sollicitant par
ailleurs que la garantie de loyer qu'il a fournie soit libérée. Après l'échec
de la tentative de conciliation, il a saisi le Tribunal des baux et loyers le
29 septembre 2006. Y.________, de son côté, a formé une demande
reconventionnelle, réclamant 1'293 fr. 60 à titre de prestations de services et
27'647 fr. 50 correspondant au loyer des mois de janvier à juin 2004.
Par jugement du 14 novembre 2007, le Tribunal des baux et loyers a condamné
X.________ à verser à Y.________ le montant de 21'585 fr. avec intérêts à 7%
dès le 15 février 2004. Il a rejeté la demande principale et admis la demande
reconventionnelle, en excluant toutefois la facturation des services pour le
motif que le locataire avait quitté les lieux.
Saisi d'un appel de X.________ et d'un appel incident de Y.________, la Cour de
justice, par arrêt du 2 février 2009, a confirmé le jugement attaqué. Elle a
considéré que X.________ avait tardé à invoquer le motif de résiliation
anticipée et qu'il était déchu de cette faculté.

C.
X.________ a déposé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 2 février 2009. Reprochant à la cour cantonale d'avoir violé le
principe de l'autorité de chose jugée du jugement de mainlevée et d'avoir
constaté arbitrairement l'intention réelle des parties, il reprend ses
conclusions initiales avec suite de frais et dépens et demande,
subsidiairement, le renvoi de la cause à l'autorité précédente.
L'intimée a conclu au rejet du recours dans la mesure où il est recevable avec
suite de frais et dépens.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et
dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt
final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une
autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en
matière de bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours est en principe
recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 et 45 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105). Il ne peut toutefois entrer en
matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question
relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et
motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130;
134 V 53 consid. 4.3 p. 63 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévues par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4 p.
140). Le recourant ne peut d'ailleurs demander une correction de l'état de fait
que si celle-ci est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al.
1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté, à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
En l'espèce, le recourant expose longuement, à la manière d'une plaidoirie, sa
propre version des faits. Dès lors qu'il n'invoque avec précision ni
l'arbitraire, ni une violation du droit, pas plus qu'il n'essaie d'en apporter
la démonstration, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'état de fait qu'il a
dressé et le raisonnement doit être conduit exclusivement sur la base des
constatations cantonales.

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 Comme premier argument, le recourant soutient que l'arrêt attaqué ne serait
pas conforme aux considérants contenus dans le jugement de mainlevée et
violerait pour ce motif le principe de l'autorité de chose jugée.
Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - la prétention litigieuse relève du
droit fédéral, le respect de l'autorité de chose jugée est une question de
droit fédéral (ATF 119 II 89 consid. 2a p. 90 et les arrêts cités). Le Tribunal
fédéral, saisi d'un recours en matière civile, peut donc examiner librement ce
grief (art. 95 let. a et art. 106 al. 1 LTF).
L'autorité de chose jugée interdit qu'un même litige, c'est-à-dire un litige
portant sur le même état de fait et le même fondement juridique, puisse être,
alors qu'il a déjà été définitivement tranché, soumis à nouveau à un juge (ATF
119 II 89 consid. 2a p. 90; 112 II 268 consid. 1b p. 272). Encore faut-il, pour
que le juge postérieur soit lié, que la prétention ait été tranchée sur le
fond.
Or, la décision qui accorde ou refuse la mainlevée, qu'il s'agisse d'une
mainlevée provisoire ou d'une mainlevée définitive, est une pure décision
d'exécution forcée dont le seul objet est de dire si la poursuite peut
continuer ou si le créancier est renvoyé à agir par la voie d'un procès
ordinaire; l'objet de la procédure, c'est-à-dire la question juridique posée,
n'est pas la même que dans un procès sur le fond qui a pour but de dire si le
droit invoqué existe ou n'existe pas (ATF 120 Ia 82 consid. 6c p. 85). La
décision sur la demande de mainlevée n'est qu'un incident de la poursuite qui
se distingue d'un procès ordinaire notamment par le fait que le juge ne statue
que sur la base des pièces produites et selon le critère de la vraisemblance
(ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 p. 141 s). Elle ne revêt aucune autorité de
chose jugée (sauf pour la poursuite en cours et à l'égard des pièces produites)
(ANDRÉ SCHMIDT, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 5 ad art.
79 LP); elle n'a même pas autorité de chose jugée dans le cas où le créancier
introduit une nouvelle poursuite (ATF 100 III 48 consid. 3 p. 50 s). Ainsi, la
décision sur la demande de mainlevée n'a pas autorité de chose jugée dans un
procès ultérieur sur le fond, notamment une action en reconnaissance de dette
ou en libération de dette (FABIENNE HOHL, Procédure civile I, Berne 2001, n°
1320 p. 248).
Ainsi, le premier grief est dépourvu de tout fondement. Peu importe que l'arrêt
attaqué soit ou non conforme au dispositif ou aux considérants du jugement de
mainlevée, puisque celui-ci n'a aucune autorité de chose jugée dans la
procédure sur le fond.

2.2 Comme second grief, le recourant soutient que la cour cantonale a déterminé
arbitrairement la volonté réelle des parties (cf. art. 97 al. 1 et 105 al. 2
LTF; art. 9 Cst).
La cour cantonale a constaté que les parties sont convenues que le locataire
pouvait mettre fin au bail de façon anticipée s'il perdait le mandat dont il
tirait l'essentiel de ses ressources; elle a également observé que les parties
n'avaient pas réglé les modalités d'exercice de ce droit, notamment quant à des
délais ou un terme. Sur ces points, il n'y a pas de contestation entre les
parties et on ne voit pas en quoi pourrait consister l'établissement arbitraire
des faits.
Le second grief est donc sans objet.

2.3 Constatant que les parties n'avaient pas réglé les modalités d'exercice du
droit, la cour cantonale s'est demandée, en procédant à une interprétation ou
un complètement du contrat, comment devait s'exercer la faculté de résilier le
bail de manière anticipée.
L'interprétation d'un contrat selon le principe de la confiance (ATF 133 III
675 consid. 3.3 p. 681 s.), de même que son complètement (ATF 115 II 484
consid. 4b p. 488), sont des questions de droit que le Tribunal fédéral, saisi
d'un recours en matière civile, peut revoir librement (art. 106 al. 1 LTF).
En acceptant la clause ajoutée par le locataire, les parties ont manifestement
admis que si ce dernier perdait le mandat qui constituait l'essentiel de son
activité et dont il tirait l'essentiel de ses ressources, les bases nécessaires
du bail seraient modifiées pour lui et qu'on ne pouvait exiger qu'il poursuive
le contrat dans ces conditions. Les parties ont donc admis par avance, pour
couper court à toute discussion, que la perte de ce mandat constituerait un
juste motif de résiliation anticipée au sens de l'art. 266g CO (cf. ATF 122 III
262). Elles ont ainsi créé conventionnellement un juste motif de résiliation
anticipée. En adoptant cette clause, elles se sont interdites de contester que
la perte du mandat constitue un juste motif de résiliation anticipée. Il
n'empêche que les motifs qui ont conduit à l'acceptation de cette clause
montrent que les parties avaient à l'esprit la figure juridique du juste motif
qui empêche de poursuivre un contrat de durée jusqu'à son terme. Dans la mesure
où les parties n'ont pas réglé plus précisément les modalités de la résiliation
anticipée, il est logique et conforme aux principes d'interprétation
d'appliquer aux questions non résolues les règles générales relatives à la
résiliation anticipée pour justes motifs.
Il faut ensuite observer que la clause ajoutée par le locataire (et acceptée
par la bailleresse) donnait à celui-ci la faculté de résilier le bail de façon
anticipée, mais ne lui en faisait pas l'obligation. Le locataire restait libre
de résilier ou non le contrat de façon anticipée et il lui était loisible,
notamment s'il avait développé d'autres affaires, de poursuivre le bail
nonobstant la fin du mandat cité. La clause ajoutée devait seulement lui
permettre de résilier le bail de façon anticipée si la fin du mandat lui
rendait insupportable la continuation du bail jusqu'à son échéance ordinaire.
La doctrine en a donc déduit, dans les cas de justes motifs au sens de l'art.
266g CO, que la partie doit résilier immédiatement après la survenance du juste
motif, faute de quoi elle montre par son attitude que celui-ci ne lui rend pas
insupportable la continuation du contrat (PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 4e éd.
1995, n° 59 ad art. 266g CO; ROGER WEBER, Basler Kommentar, 4e éd. 2007, n° 6
ad art. 266g CO; MARIE-NOËLLE VENTURI-ZEN-RUFFINEN, La résiliation pour justes
motifs des contrats de durée, thèse Fribourg 2007, no 118 p. 310). La
jurisprudence a d'ailleurs développé des règles très strictes à ce sujet dans
le cas plus ou moins analogue de la résiliation d'un contrat de travail pour
justes motifs (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34 et les arrêts cités). En
décidant, en l'absence de convention spéciale, d'appliquer ces principes
généraux au juste motif convenu par les parties, on ne voit pas que la cour
cantonale ait violé le droit fédéral.
Elle a constaté en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105
al. 1 LTF) - que le locataire a été informé, à la fin du mois de mars 2003, que
le mandat prendrait fin dès le début du mois de juillet 2003; il n'a toutefois
résilié le bail que par courrier du 30 octobre 2003, soit sept mois après avoir
eu connaissance du juste motif et quatre mois après avoir commencé à en subir
les effets. En différant dans une telle mesure la résiliation, le locataire a
montré que, subjectivement, la fin du mandat ne lui rendait pas insupportable
la continuation du bail. En admettant qu'une résiliation tardive n'est pas
conforme au sens et au but d'une clause instituant un juste motif de
résiliation anticipée et que le congé devait donc être considéré comme
inefficace, la cour cantonale n'a violé aucune règle du droit fédéral.
Le recourant tente de soutenir qu'il espérait obtenir un autre mandat, mais il
ne ressort pas de l'état de fait déterminant (art. 105 al. 1 LTF) qu'il ait
fait la moindre démarche dans ce sens, ni qu'il en ait informé son
cocontractant. Il n'y a donc pas à examiner la question sous cet angle, puisque
l'analyse de la cause doit se fonder exclusivement sur l'état de fait arrêté
souverainement par la cour cantonale.

3.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la partie qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 9 juin 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Piaget