Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.107/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_107/2009

Arrêt du 5 mai 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Gabriella Wennubst,

contre

Y.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Pascal Moesch.

Objet
contrat de travail; licenciement immédiat

recours contre l'arrêt rendu le 2 février 2009 par la Cour de cassation civile
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Faits:

A.
Dès le 6 novembre 2000, X.________ est entrée au service de la fabrique
Y.________ SA en qualité d'ouvrière de fabrication. Le 13 juin 2003,
l'employeuse l'a licenciée avec effet immédiat, en raison de circonstances
qu'elle a décrites comme suit:
Le 12 juin 2003, dans l'après-midi, vous vous êtes rendue coupable d'actes très
graves. Refusant dans un premier temps d'exécuter un travail urgent demandé par
votre responsable, vous avez ensuite sauvagement agressé une collègue de
travail, Mlle Z.________, la mordant profondément au bras, et aggravant encore
votre cas, vous avez quitté votre travail sans aucune explication.
A l'époque du licenciement, le salaire mensuel brut de X.________ s'élevait à
3'100 fr. pour une activité de trente-deux heures par semaine.
Par suite de l'altercation, sur plainte de sa collègue Z.________, X.________
fut reconnue coupable de voies de fait et condamnée à une amende de 200 fr. par
le Tribunal de police compétent. Sa propre plainte pénale, contre Z.________,
fut classée par ordonnance du Ministère public.

B.
Le 27 mars 2006, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant le
Tribunal des prud'hommes du district de La Chaux-de-Fonds. La défenderesse
devait être condamnée à payer 24'378 fr.90 à titre de salaire, gratification,
prime, heures supplémentaires et indemnité pour licenciement immédiat
injustifié et abusif, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 14 juin 2003;
elle devait, de plus, être condamnée à établir un certificat de travail.
La défenderesse a reconnu devoir 2'764 fr.80 à titre de salaire brut et elle a
établi le certificat de travail; pour le surplus, elle a conclu au rejet de
l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 5 novembre 2007. Il a condamné la défenderesse à
payer 15'194 fr.15 à titre de salaire brut, en sus du montant reconnu par cette
partie, mais sous déduction d'un montant net de 1'321 fr.90; la défenderesse
devait en outre payer une indemnité nette de 7'500 fr. pour licenciement
immédiat et injustifié. Les sommes dues portaient intérêts selon les
conclusions de la demande.
Le tribunal a souligné que le juge civil n'est pas lié par les constatations du
juge pénal; sur la base de l'un des témoignages, il a retenu que Z.________ a,
en premier, usé de voies de fait en empoignant les cheveux de la demanderesse
et en la frappant. De toute manière, les actes reprochés à cette dernière ne
pouvaient pas être qualifiés de « très graves » car ils ne constituaient ni un
crime ni un délit. La direction n'a pas tenu compte de ce que, auparavant,
Z.________ avait déjà eu de mauvais rapports avec l'une de ses collègues; elle
aurait dû recueillir les explications de la demanderesse afin de déterminer
avec certitude le déroulement des faits et les causes du conflit, ceci, en
particulier, pour éviter que de semblables incidents ne se reproduisent. Dans
ces conditions, l'algarade ne constituait pas un juste motif de licenciement
immédiat. Cette mesure ne se justifiait, non plus, ni en raison du refus
d'exécuter le travail demandé, ni en raison du départ abrupt de la
demanderesse.

C.
La défenderesse ayant recouru contre ce jugement, la Cour de cassation civile
du Tribunal cantonal a statué le 2 février 2009. Elle a réformé le jugement et
condamné la défenderesse à payer seulement, en sus du montant déjà reconnu par
elle, 3'569 fr.15 à titre de salaire brut, avec intérêts selon les conclusions
de la demande.
La Cour se réfère au jugement du Tribunal de police; celui-ci, à l'issue de sa
propre appréciation des témoignages, a jugé l'hypothèse d'une agression
commencée par la demanderesse comme beaucoup plus vraisemblable que l'hypothèse
inverse, où Z.________ aurait au contraire usé de violence en premier. La Cour
considère que le témoignage retenu par le Tribunal des prud'hommes, en faveur
de cette hypothèse inverse, n'est pas concluant parce que le témoin, lors de sa
première audition par la police, a déclaré ne pas avoir assisté au début de
l'altercation. Selon la Cour, la demanderesse a ainsi commis une agression
physique qui, dans son contexte, n'avait aucune justification. L'agression
n'est pas survenue dans un milieu où les rapports entre collègues se
caractériseraient par une rudesse particulière. La demanderesse ne travaillait
pas dans l'entreprise depuis très longtemps. La direction n'était pas informée
d'une quelconque tension entre les travailleuses concernées, et elle échappait
donc au reproche de n'avoir pas désamorcé le conflit. Dans ces circonstances,
l'agression constituait un juste motif de licenciement immédiat; la
défenderesse devait seulement verser la rétribution d'heures supplémentaires
accomplies par l'autre partie.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de cassation civile en ce sens
que la défenderesse soit condamnée aux prestations déjà allouées par le
Tribunal des prud'hommes.
La défenderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal
de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail et que
celui-ci était conclu pour une durée indéterminée. Ledit contrat était donc
susceptible d'une résiliation ordinaire avec observation d'un délai de congé,
selon l'art. 335c CO, ou d'une résiliation immédiate pour de justes motifs,
selon les art. 337 et 337a CO.
L'art. 337 al. 1 CO consacre le droit de résilier sans délai pour de justes
motifs. D'après l'art. 337 al. 2 CO, on considère notamment comme de justes
motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne
permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail. Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour
justes motifs doit être admise de manière restrictive. D'après la
jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir
entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat
de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement
immédiat du travailleur ou l'abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de
manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate
que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des
parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par
le contrat mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation
immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.2 p. 382).
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC), si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). A cette
fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment
la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et
la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32;
127 III 351 consid. 4a p. 354). Le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec réserve
une décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient
lorsque la décision s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et
la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur
des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore
lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en
vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1
p. 32; 130 III 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380 consid. 2 p. 382).

3.
La demanderesse se plaint d'une application incorrecte de l'art. 337 CO; sur la
base de l'art. 9 Cst., elle se plaint aussi d'une constatation arbitraire des
faits.
Son exposé consiste dans une longue discussion de tous les aspects débattus
devant le Tribunal des prud'hommes ou la Cour de cassation civile, et on n'y
trouve pas sur quel point la demanderesse reproche réellement aux précédents
juges, sinon par de simples dénégations ou protestations, d'avoir commis une
erreur indéniable, ou d'avoir fait une appréciation absolument insoutenable des
preuves à disposition.
D'après la jurisprudence relative à l'art. 106 al. 2 LTF concernant la
motivation du recours pour violation de droits constitutionnels, celui qui se
plaint d'arbitraire doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il
attaque est entachée d'un vice grave et indiscutable; à défaut, le grief est
irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p.
400). Dans la mesure où la demanderesse se réfère à l'art. 9 Cst., son
argumentation ne satisfait pas à cette exigence et le Tribunal fédéral n'entre
donc pas en matière.
Pour le surplus, selon les constatations de la Cour de cassation civile, il
subsiste que la demanderesse a corporellement agressé l'une de ses collègues,
sans aucune justification. Alors même que ce comportement n'était qu'une
contravention au regard de la loi pénale, la Cour n'abuse pas de son pouvoir
d'appréciation en jugeant qu'il pouvait entraîner, au regard de l'art. 337 CO,
le licenciement immédiat de la demanderesse. En effet, une infraction commise
dans l'entreprise, contre l'employeur ou d'autres travailleurs, constitue un
motif classique de licenciement immédiat (Ullin Streiff et Adrian von Kaenel,
Arbeitsvertrag, 6e éd., Zurich 2006, n° 5 ad art. 337 CO, let. a).

4.
La demanderesse affirme que l'altercation du 12 juin 2003 est survenue «
directement à cause d'un défaut de diligence de [la défenderesse] en matière de
gestion de conflit », de sorte que, à son avis, son licenciement est « abusif »
au regard de l'art. 328 CO. Cette règle impose à l'employeur de respecter et de
protéger, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Le
moyen que la demanderesse prétend en tirer est inconsistant, déjà parce que la
Cour de cassation civile n'a pas constaté que l'altercation s'inscrivît dans un
conflit important et persistant entre cette partie et Z.________; à cela
s'ajoute qu'un travailleur n'est pas autorisé à se plaindre d'une situation
contraire à l'art. 328 CO pour ce seul motif qu'il existe, le cas échéant, un
conflit dans les relations professionnelles ou une mauvaise ambiance de travail
(arrêt 4A_128/2007 du 9 septembre 2007, consid. 2.1, concernant le harcèlement
psychologique).
Enfin, l'art. 337c CO est également mentionné dans l'acte de recours, mais
cette disposition ne concerne que les conséquences d'un licenciement immédiat
et injustifié; elle est donc hors de cause dans la présente affaire.

5.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés
sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter
l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre
partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 500 francs.

3.
La demanderesse versera, à titre de dépens, une indemnité de 1'000 fr. à la
défenderesse.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Neuchâtel.

Lausanne, le 5 mai 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin