Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.94/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_94/2009

Arrêt du 8 mai 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Tornay.

Parties
A.________,
recourant,

contre

Procureur général de la République et canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3,
2000 Neuchâtel.

Objet
détention après jugement,

recours contre la décision du Président de la Cour
de cassation pénale du canton de Neuchâtel du 17 mars 2009.

Faits:

A.
Par jugement du 28 août 2008 notifié le 5 janvier 2009, la Cour d'assises du
canton de Neuchâtel (ci-après: la Cour d'assises) a retenu plus de cinquante
infractions à l'encontre de A.________ et l'a reconnu coupable notamment d'abus
de confiance, de vol par métier et en bande, de tentative de brigandage, de
dommages à la propriété, d'escroquerie par métier, d'utilisation frauduleuse
d'un ordinateur, de recel, de tentative de fabrication de fausse monnaie et de
falsification de la monnaie, d'instigation à abus d'autorité et à violation du
secret de fonction, de corruption d'agents publics suisses, de violation grave
des règles de la circulation routière et d'usage abusif de permis et de
plaques. Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous
déduction de 602 jours de détention préventive subis. A.________ s'est pourvu
en cassation contre cette décision auprès de la Cour de cassation pénale du
canton de Neuchâtel (ci-après: la Cour de cassation pénale), le 26 janvier
2009. Il a notamment requis l'effet suspensif dudit pourvoi en cassation, au
sens de l'art. 246 du code de procédure pénale neuchâtelois (CPP/NE; RSN
322.0).
Le 17 mars 2009, le Président de la Cour de cassation pénale a rejeté la
requête d'effet suspensif, en raison du risque de récidive. Il a estimé que le
principe de la proportionnalité était respecté.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision présidentielle du 17
mars 2009 et d'accorder l'effet suspensif au pourvoi en cassation interjeté le
26 janvier 2009, subsidiairement de renvoyer la cause à la Cour de cassation
pénale pour nouvelle décision au sens des considérants. Il nie l'existence d'un
risque de récidive et soutient que son maintien en détention préventive
violerait le principe de la proportionnalité. Il requiert en outre l'assistance
judiciaire.
Le Procureur général du canton de Neuchâtel conclut au rejet du recours. Le
Président de la Cour de cassation pénale a présenté une observation. Invité à
se déterminer, le recourant persiste dans ses conclusions.
Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre
une décision qui rejette une demande de libération provisoire d'une personne en
détention suite au prononcé d'une peine en première instance. Formé en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance
cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts
juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en
matière pénale est recevable.

2.
La détention ordonnée après le prononcé d'une peine en première instance mais
avant la décision de l'autorité cantonale de recours sur cette condamnation
(détention de sûreté, "Sicherheitshaft"), constitue une restriction à la
liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.), qui n'est admissible que si cette
mesure repose sur une base légale, est justifiée par l'intérêt public et est
proportionnée au but visé (art. 36 Cst.; ATF 128 I 184 consid. 2.1 p. 186).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
128 I 184 consid. 2.1 p. 186; 123 I 268 consid. 2d p. 271).
Selon le code de procédure pénale neuchâtelois, le pourvoi en cassation ne
suspend l'exécution de la décision attaquée que si le Président de la Cour de
cassation pénale l'ordonne (art. 246 CPP/NE). La loi n'indique cependant pas
les motifs sur lesquels ledit président doit fonder sa décision. La
jurisprudence a comblé cette lacune par l'application analogique des
dispositions qui régissent l'arrestation du prévenu (art. 117 et 120 CPP/NE) et
celles qui traitent de l'examen d'une requête tendant à la mise en liberté
(art. 121ss CPP/NE), compte tenu de la circonstance que le requérant est un
condamné et non plus un prévenu (arrêt du Président de la Cour de cassation
pénale du 3 avril 1981, in RJN 1980 p. 132). La privation de liberté doit être
justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de réitération (cf. art. 117 al. 1 CPP/NE). La gravité de
l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas
suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement
à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges
suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c
CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 117 al. 1 in initio CPP/NE).

3.
En l'espèce, le recourant ne remet pas en cause la base légale de la détention,
ni l'existence de charges suffisantes à son encontre pour les infractions qu'il
a admises. Il soutient en revanche que pour les infractions qu'il conteste, il
n'y a pas de sérieux soupçons de culpabilité.

3.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien
en détention, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée complète des
éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des éléments de
preuve mettant en cause le condamné. Il doit uniquement examiner s'il existe
des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure, c'est-à-dire
des raisons plausibles de soupçonner l'accusé d'avoir commis une infraction
(ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146; art. 117 al. 1 in initio CPP/NE).

3.2 En l'espèce, la Cour d'assises a retenu une cinquantaine d'infractions à
l'encontre du recourant et l'a condamné notamment pour abus de confiance (art.
138 CP), vol (art. 139 CP), tentative de brigandage (art. 140 et 22 CP),
dommages à la propriété (art. 144 CP), escroquerie (art. 146 CP), utilisation
frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP), recel (art. 160 CP), tentative de
fabrication de fausse monnaie et de falsification de la monnaie (art. 240, 241
et 22 CP), instigation à abus d'autorité et à violation du secret de fonction
(art. 312, 320 et 24 CP), corruption d'agents publics suisses (art. 322ter CP),
violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 ch. 2 LCR) et
usage abusif de permis et de plaques (art. 97 LCR). Le Président de la Cour de
cassation pénale a retenu que les indices sérieux de culpabilité résultaient de
la condamnation, le recourant ayant admis, à tout le moins partiellement, la
plupart des infractions. Dans ces conditions, le fait que le recourant conteste
certaines infractions ne suffit pas à affaiblir les sérieux soupçons de
culpabilité qui reposent sur lui. Ce grief tombe donc à faux.

4.
Le recourant conteste également l'existence d'un risque concret de récidive,
propre à justifier son incarcération.

4.1 Le maintien en détention préventive se justifie s'il y a lieu de présumer
avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive. Il
convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque: le
maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic
est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération
sont graves (ATF 133 I 270 consid. 2.2 p. 276; 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361
consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et
les arrêts cités).

4.2 En l'occurrence, le recourant a déployé une activité délictueuse
considérable: plus de cinquante infractions ont été retenues par le jugement de
la Cour d'assises, pour des actes commis entre 2004 et 2007. Outre leur très
grand nombre, les infractions retenues se caractérisent par leur fréquence et
dans plusieurs cas par leur gravité marquée, sur les plans économique (vols ou
détournements de véhicules de grande valeur) et humain (tentative de
brigandage). S'y ajoutent les antécédents judiciaires relativement chargés du
recourant: hormis plusieurs condamnations pour violation grave des règles sur
la circulation routière, il a été condamné en septembre 1996 par le Tribunal
correctionnel du district de Boudry à une peine privative de liberté de onze
mois avec sursis, notamment pour vols par métier et en bande. En septembre
1999, le Tribunal correctionnel de Neuchâtel l'a reconnu coupable en
particulier de vols, escroquerie par métier, faux dans les titres et a révoqué
son sursis pour le placer en maison d'éducation au travail. En septembre 2000,
il a été condamné par le Tribunal de police du Val-de-Travers à une peine
privative de liberté de cinq mois pour banqueroute frauduleuse et fraude dans
la saisie, faux dans les titres et les certificats, mise en circulation de
fausse monnaie. Le Tribunal correctionnel de Neuchâtel a ordonné sa libération
conditionnelle en avril 2001. Dans ces circonstances, le fait dont se prévaut
le recourant, que les dernières condamnations figurant sur son casier
judiciaire remontent au mois de septembre 2000, est sans pertinence, vu
l'importante activité délictueuse déployée avant cette période et celle qui l'a
occupé de 2004 à 2007.
Le recourant se prévaut en outre du fait qu'il n'aurait pas commis de nouveaux
délits entre le 23 novembre 2006, date de sa mise en liberté suite à sa
première détention et le 23 octobre 2007, date de sa seconde détention. La Cour
d'assises l'a cependant reconnu coupable d'infractions commises entre les 14 et
15 juin 2007, en dépit de ses contestations (cf. jugement de la Cour d'assises
du 28 août 2008, p. 23). L'arrêt cantonal se fondant sur différentes
déclarations et rapports de police, il y a lieu de retenir la présomption que
le recourant aurait commis des infractions après sa première période de
détention.
Produisant un courrier dans lequel une entreprise de déménagement se déclare
prête à l'engager, le prénommé fait valoir qu'il ne lui serait pas possible de
poursuivre son activité délictueuse, tous ses partenaires commerciaux ayant été
avertis des charges retenues à son encontre et de nombreux articles de presse
ayant relaté son procès. Cette argumentation est insuffisante à faire admettre
l'invraisemblance du risque de récidive, vu le peu de cas que le recourant a
fait de ses précédentes condamnations, commettant de nouveaux délits et
manifestant ainsi l'absence de prise de conscience du caractère illicite de ses
actes.
Dans ces conditions, le Président de la Cour de cassation pénale a estimé à
juste titre que le risque que le recourant abuse de sa liberté pour poursuivre
son activité délictueuse était concret et élevé.

5.
5.1 Le recourant se plaint ensuite d'une violation du principe de la
proportionnalité au motif que la durée de la détention serait excessive au
regard de la peine qu'il encourt.
5.1.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est
mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable
ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la
détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental,
qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la
durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre.
Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu
de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de
l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps
qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à
laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 132 I 21
consid. 4.1 p. 27; 128 I 149 consid. 2.2 p. 151; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p.
257 ss et les références). Il convient d'accorder une attention particulière à
cette limite, car le juge de l'action pénale pourrait être enclin à prendre en
considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive
à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les arrêts
cités). Selon la jurisprudence concordante du Tribunal fédéral et de la Cour
européenne des droits de l'homme, la proportionnalité de la durée de la
détention doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstance concrètes
du cas d'espèce (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 s; 132 I 21 consid. 4.1 p.
28; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273 et les références).
5.1.2 En l'espèce, le recourant a subi à ce jour plus de deux ans et quatre
mois de détention. Vu notamment la gravité des infractions, leur fréquence et
leur multiplicité, telles que décrites aux considérants 3.2 et 4.2, vu
également les antécédents du prévenu et la peine de six ans prononcée en
première instance, le Président de la Cour de cassation pénale a, en l'état,
correctement nié une violation du principe de la proportionnalité. A cet égard,
pour autant qu'elle puisse faire sens, la comparaison que tente d'établir le
recourant avec d'autres affaires pendantes, s'avère d'emblée insuffisamment
motivée. Par ailleurs, dans le présent examen du principe de la
proportionnalité, le recourant ne saurait faire valoir l'hypothèse suivant
laquelle sa responsabilité serait limitée, entraînant ainsi une réduction de
peine, alors qu'en l'état aucune expertise médicale n'a été ordonnée.

5.2 Le recourant prétend enfin pouvoir bénéficier d'une libération
conditionnelle.
5.2.1 La possibilité d'une libération conditionnelle n'a en principe pas à être
prise en compte pour juger de la proportionnalité de la détention préventive.
On ne saurait en effet exiger du juge de la détention qu'il suppute non
seulement la durée de la peine pouvant éventuellement être prononcée, mais le
résultat de l'appréciation qui incombera, le cas échéant, à l'autorité
compétente pour décider de la libération conditionnelle, dont l'octroi dépend
aussi du bon comportement en détention et du pronostic qui peut être posé quant
au comportement futur du condamné en liberté (art. 86 al. 1 CP). Il n'y a
d'exception à cette règle que si une appréciation des circonstances concrètes
permet d'aboutir d'emblée à la conclusion que les conditions de la libération
conditionnelle sont réalisées; tel est le cas en particulier lorsque la
détention est prolongée durant la procédure cantonale de recours contre un
jugement de condamnation, alors qu'elle dépasse déjà les deux tiers de la peine
privative de liberté prononcée (arrêt 1P.215/2006 du 5 mai 2006 consid. 4.1 et
la jurisprudence citée).
5.2.2 En l'occurrence, le Président de la Cour de cassation pénale a relevé que
l'exécution des deux tiers de la peine de six ans représente en l'espèce quatre
ans et n'interviendra pas avant le début de l'année 2011, compte tenu des 602
jours de détention avant jugement. Dans ces conditions et même si le recourant
conteste la durée de la peine prononcée en première instance, toute référence à
la possibilité d'une libération conditionnelle est prématurée.

6.
Il s'ensuit que le recours en matière pénale doit être rejeté. Dès lors que le
recourant, ayant agi sans l'assistance d'un avocat, est dans le besoin et que
ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, il a lieu de lui
accorder l'assistance judiciaire sous la forme d'une dispense des frais
judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise, au sens où il n'est pas perçu de
frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Procureur général et au
Président de la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 8 mai 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud Tornay