Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.71/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_71/2009

Arrêt du 9 juin 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
B.________,
recourants, représentés par Me Joachim Lerf, avocat,

contre

C.________, Juge d'instruction, place Notre-Dame 4, case postale 156, 1702
Fribourg,
intimé,
Ministère public du canton de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg.

Objet
Récusation d'un juge d'instruction,

recours contre la décision du Président de l'Office
des Juges d'instruction du canton de Fribourg, du 5 février 2009.

Faits:

A.
Le 11 décembre 2008, B.________ et A.________ ont demandé la récusation du Juge
d'instruction du canton de Fribourg C.________, lequel est en charge d'une
procédure pénale notamment pour faux dans les titres. Le 24 septembre 2007, ce
magistrat avait renvoyé les prévenus devant le Tribunal pénal économique du
canton de Fribourg. Le 10 novembre 2008, ce tribunal avait retourné la cause à
l'instruction afin qu'il soit procédé à des investigations énumérées dans une
lettre du 14 novembre suivant. Ce même jour, le Juge d'instruction avait
délivré un mandat de sommation et un mandat de perquisition et de séquestre,
lesquels avaient été immédiatement exécutés sur la base d'une liste des
sociétés concernées que le Tribunal pénal économique avait qualifiée
d'inutilisable. Cette liste avait encore été complétée le 19 novembre 2008 à
l'appui d'un nouveau mandat de sommation. Selon la demande de récusation, la
manière d'agir - alors qu'il n'y avait ni urgence ni de risque de destruction
de pièces - et les investigations du Juge d'instruction étaient
disproportionnées, ce qui permettait de douter de son impartialité.

B.
Par décision du 5 février 2009, le Président de l'Office des Juges
d'instruction du canton de Fribourg a rejeté la demande de récusation. Les
motifs de récusation ayant trait à la conduite de l'instruction jusqu'aux
décisions du 24 septembre 2007 étaient irrecevables car tardifs. Quant aux
opérations menées après l'arrêt de renvoi du 10 novembre 2008, elles étaient
justifiées au regard du principe de célérité; la délivrance simultanée d'un
mandat de sommation et de perquisition était admissible. Les griefs liés au
mandat de sommation faisaient l'objet d'un recours cantonal et ne pouvaient
donner lieu à récusation.

C.
B.________ et A.________ forment un recours en matière pénale. Ils demandent
l'annulation de la décision du 5 février 2009 et l'admission de leur demande de
récusation.
La cause a été suspendue jusqu'à droit connu sur le recours formé contre la
même décision auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois. Ce
dernier a déclaré le recours irrecevable par arrêt du 11 mars 2009, et la cause
a été reprise par ordonnance du 23 mars 2009.
Le Président de l'Office des Juges d'instruction et le Juge d'instruction
C.________ concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation
d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un
recours en matière pénale.

1.1 Les auteurs de la demande de récusation ont qualité pour agir (art. 81 al.
1 LTF). Les recourants ont agi dans le délai de trente jours prescrit à l'art.
100 al. 1 LTF.

1.2 La décision attaquée est rendue en dernière instance cantonale, puisque,
comme l'indique la Chambre pénale dans son arrêt du 11 mars 2009, le droit
fribourgeois ne prévoit pas encore d'instance de recours au sens de l'art. 80
al. 2 LTF; cela est admissible, tant que le délai prévu à l'art. 130 al. 1 LTF
n'est pas échu.

1.3 Les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée et à
l'admission des conclusions formées devant l'instance précédente sont
recevables.

2.
Les recourants reprennent intégralement la motivation de leur demande de
récusation, en précisant que les faits antérieurs à la décision du 24 septembre
2007 ne constituaient pas en soi des motifs de récusation. Ils reprochent au
Juge d'instruction d'avoir procédé à une perquisition de leur fiduciaire,
immédiatement à réception de l'arrêt du Tribunal pénal économique et sans
donner aux recourants la possibilité de remettre les documents demandés. Par
ailleurs, la liste des sociétés visées, complétée après coup, serait
disproportionnée. Le Juge d'instruction aurait agi non pas avec diligence,
comme le retient l'autorité intimée, mais dans la précipitation, sans tenir
compte des considérations du Tribunal pénal économique.

2.1 Selon la jurisprudence, le droit à un juge impartial n'est pas violé
lorsqu'après l'admission d'un recours, la cause est renvoyée au juge qui a pris
la décision invalide; d'ordinaire, on peut attendre du magistrat qu'il continue
de traiter l'affaire de manière impartiale et objective, en se conformant aux
motifs de l'arrêt rendu sur recours, et il n'est pas suspect de prévention du
seul fait qu'il s'est trompé sur un point ou un autre (ATF 113 Ia 407 consid.
2b p. 410; voir aussi ATF 117 Ia 157 consid. 2b in fine p. 162, 114 Ia 50
consid. 3d p. 58). Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées,
constituant des violations graves de ses devoirs, peuvent justifier le soupçon
de parti pris (ATF 116 Ia 19).
La fonction judiciaire, en particulier celle du juge d'instruction, oblige le
magistrat à se déterminer, à bref délai, sur des éléments souvent contestés et
délicats. C'est pourquoi, même si elles se révèlent viciées, des mesures
inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas d'exiger sa
récusation (ATF 116 Ia 135 consid. 3a p. 138; voir aussi ATF 125 I 119 consid.
3e p. 124). Il n'en va différemment que dans les cas où un juge, manifestement
convaincu de la culpabilité des prévenus, use de procédés douteux ou illégaux
afin d'entraver les justiciables dans l'exercice de leurs droits (cf. arrêt
1P.51/200 du 5 juillet 2000).

2.2 Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le Juge d'instruction a certes réagi de
manière très rapide après la décision de renvoi du Tribunal pénal économique.
Cela s'explique toutefois objectivement par la nécessité d'éviter toute
altération ou disparition de preuve. Aucun des actes du magistrat (sommation et
perquisition simultanées, liste des sociétés visées) n'a eu pour but ou pour
effet de péjorer la situation juridique des recourants ou d'entraver ceux-ci
dans l'exercice de leurs droits de défense. Les recourants n'expliquent pas en
quoi ils pâtiraient eux-mêmes d'une saisie de moyens de preuve qui pourrait
s'avérer par la suite disproportionnée. Les griefs soulevés sur ce point ne
sauraient justifier une demande de récusation; ils doivent faire l'objet d'un
recours ordinaire, que les recourants ont d'ailleurs interjeté. C'est dès lors
à juste titre que la demande de récusation a été rejetée, faute de tout indice
de prévention de la part du Juge d'instruction.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais des recourants (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et au
Président de l'Office des Juges d'instruction du canton de Fribourg.

Lausanne, le 9 juin 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz