Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.64/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_64/2009
1B_66/2009

Arrêt du 27 mars 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Raselli et Fonjallaz.
Greffière: Mme Mabillard.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me François Canonica, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.

Objet
détention préventive,

1B_64/2009
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du
27 février 2009

1B_66/2009
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du
20 février 2009.

Faits:

A.
A.________, ressortissant érythréen, est en détention préventive depuis le 28
février 2008, sous la prévention de délit manqué de meurtre.
Le 17 février 2009, le Procureur général du canton de Genève a sollicité de la
Chambre cantonale d'accusation la prolongation de la détention du prévenu pour
une durée de trois mois.

B.
Par ordonnance du 20 janvier (recte: février) 2009, la Chambre d'accusation a
autorisé la prolongation sollicitée jusqu'au 27 février 2009. Elle a considéré
que la procédure n'était pas terminée et que les conditions de la délivrance du
mandat d'arrêt existaient toujours, étant précisé que nonobstant l'accord donné
par son conseil, l'inculpé n'avait pas été en mesure de se prononcer lui-même
sur la question. La prolongation requise se justifiait et était accordée pour
une durée de sept jours, ce délai étant suffisant pour permettre à l'inculpé de
se déterminer sur une prolongation éventuelle de la durée de la détention.

C.
Lors de l'audience du 27 février 2009 devant la Chambre d'accusation, l'avocat
de A.________ s'est opposé à la prolongation de la détention. Il a fait valoir
que la prolongation du 20 février 2009 avait été prononcée en violation du
droit d'être entendu de son client, qui n'avait pas pu s'exprimer en l'absence
d'interprète. Le prévenu s'est également opposé à la prolongation de sa
détention, soutenant que le risque de fuite n'était pas réalisé.
Par ordonnance du 27 février 2009, la Chambre d'accusation a autorisé la
prolongation de la détention d'A.________, au motif que la procédure dirigée
contre lui n'était pas terminée et que les conditions posées à la délivrance du
mandat d'arrêt existaient toujours. Dans ses considérants, la Chambre
d'accusation a relevé que, lors de l'audience du 20 février 2009, elle avait
d'emblée constaté qu'un interprète en langue tigrinya n'était pas présent et
que le conseil de l'inculpé ne s'était pas pour autant opposé au prononcé d'une
prolongation de détention au motif que son client n'avait pas été en mesure
d'être entendu, ni n'avait émis la moindre réserve à ce sujet.
En revanche, une interprète en langue anglaise était présente et il résultait
de la procédure que l'inculpé était capable de s'exprimer dans cette langue.
Ses connaissances en anglais étaient donc suffisantes pour qu'il ait pu
comprendre le but de l'audience du 20 février 2009 et exprimer son opinion sur
l'opportunité d'une prolongation de détention, ce d'autant plus que c'était la
cinquième fois qu'il était convoqué devant la Chambre d'accusation à cet effet.
La Chambre d'accusation avait pris la peine de ne prolonger la détention que
pour une semaine afin de respecter scrupuleusement le droit d'être entendu
prévu par l'art. 6 CEDH.

D.
A.________ a interjeté deux recours en matière pénale au Tribunal fédéral, l'un
contre l'ordonnance du 20 février 2009 (1B_66/2009) et l'autre contre celle du
27 février 2009 (1B_64/2009). Il conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation des ordonnances attaquées et à sa mise en liberté immédiate.
L'argumentation des deux recours est identique; le recourant se plaint
essentiellement d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2
Cst.), en faisant valoir qu'il n'a pas pu s'exprimer lors de l'audience du 20
février 2009. Il requiert en outre l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation n'a pas pris de conclusions. Le Ministère public s'en
rapporte à justice quant à la recevabilité des recours et, sur le fond, conclut
à la confirmation des ordonnances entreprises. Le recourant a répliqué le 23
mars 2009.

Considérant en droit:

1.
Compte tenu de leur connexité, il se justifie de joindre les deux recours afin
de statuer en un seul arrêt.

2.
2.1 Les décisions relatives à la prolongation de la détention préventive sont
des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I
270 consid. 1.1 p. 273). Formés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre des
ordonnances prises en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touchent
le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et
b ch. 1 LTF), les recours en matière pénale sont en principe recevables.

2.2 L'ordonnance du 20 février 2009 autorise la prolongation de la détention du
recourant jusqu'au 27 février 2009 et ne déploie dès lors plus d'effets à ce
jour. Actuellement, le maintien en détention de l'intéressé se fonde uniquement
sur l'ordonnance du 27 février 2009, qui autorise la prolongation de la
détention jusqu'au 27 mai 2009. La question de savoir si le recours 1B_66/2009
est recevable contre la première ordonnance peut rester ouverte, dans la mesure
où les griefs du recourant sont de toute façon infondés (cf. consid. 3
ci-après).

3.
Le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir violé son droit d'être
entendu lors de l'audience du 20 février 2009. Il estime que l'absence d'un
interprète de langue tigrinya l'a empêché de comprendre l'objet de l'audience
et de formuler ses observations au sujet de la prolongation de sa détention.
Nonobstant le fait que son avocat s'était, dans un premier temps, rapporté à
justice quant au principe et à la durée de la prolongation de sa détention, il
a manifesté son désaccord sans toutefois pouvoir exposer ses arguments plus en
détail. A l'appui de son grief, il invoque l'art. 25 al. 1 de la Constitution
genevoise du 24 mai 1847 (Cst-GE; RSG A 2 00) ainsi que les art. 29 al. 2 Cst.
et 6 CEDH.

3.1 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire.
Aux termes de l'art. 25 al. 1 Cst-GE, la Chambre d'accusation peut, à la
demande du juge d'instruction, ou du procureur général lorsque le dossier a
déjà été communiqué au Ministère public, autoriser que la détention soit
prolongée, lorsque les circonstances font apparaître cette mesure comme
indispensable; l'inculpé doit être préalablement entendu.
Les art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 3 let. e CEDH garantissent à l'accusé le droit
de se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne
parle pas la langue employée à l'audience, afin d'assurer efficacement sa
défense et bénéficier d'un procès équitable. L'étendue de l'assistance qu'il
convient d'accorder à un accusé dont la langue maternelle n'est pas celle de la
procédure doit être appréciée non pas de manière abstraite, mais en fonction
des besoins effectifs de l'accusé et des circonstances concrètes du cas (ATF
121 I 196 consid. 5a p. 204 ss; 118 Ia 462 consid. 2a p. 464 s. et les
références citées dans ces arrêts).
En l'espèce, les dispositions cantonales invoquées par le recourant ne règlent
pas plus précisément le présent point litigieux, de sorte que le grief soulevé
doit être examiné exclusivement à la lumière des principes déduits directement
de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 131 I 91 consid. 3.1 p. 96; 126 I 15 consid. 2a p.
16 et les arrêts cités).

3.2 Il ressort de l'ordonnance du 20 février 2009 que le conseil du recourant
ne s'est pas opposé, respectivement a donné son accord, au principe de la
prolongation, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas. Ce faisant, on
pourrait se demander si celui-ci n'avait pas renoncé à s'exprimer dans sa
langue maternelle. Ce point peut rester indécis, le grief devant de toute façon
être rejeté pour les motifs suivants.
Dans l'ordonnance du 27 février 2009, la Chambre d'accusation a constaté qu'une
interprète de langue anglaise était présente lors de l'audience du 20 février
2009 et qu'il résultait de la procédure que le prévenu avait été capable de
s'expliquer en anglais lors d'un interrogatoire devant la police le 27 février
2008. Il ressort effectivement du dossier que le recourant a été interrogé à
trois reprises par la police judiciaire, le 27 février 2008, et qu'il a fait
ses déclarations en anglais; il a manifestement compris les questions qui lui
étaient posées, a été capable d'y répondre ainsi que de raconter en détail sa
version des faits relative aux événements ayant conduit à son arrestation.
Le recourant, dans ses recours au Tribunal fédéral, ne conteste pas qu'il y
avait un traducteur de langue anglaise à l'audience du 20 février 2009 ni ne
dément l'appréciation de la Chambre d'accusation selon laquelle il peut
s'exprimer dans cette langue. Encore moins se plaint-il de ce que la cour
cantonale aurait établi ces faits de façon inexacte ou en violation du droit
(cf. art. 97 al. 1 LTF). Dans sa réplique du 23 mars 2009, il argue certes du
fait que le collaborateur de son avocat, titulaire d'un diplôme LLM obtenu dans
un pays anglo-saxon, a sollicité à deux reprises les services d'un traducteur
de langue tigrinya lors de ses visites à la prison de Champ-Dollon, ce qui
n'aurait pas été nécessaire s'il avait été en mesure de s'exprimer en anglais.
Cet argument, de nature purement appellatoire, ne saurait de toute façon
remettre en cause le fait que le prévenu maîtrise suffisamment l'anglais pour
faire des déclarations dans cette langue. Au demeurant, il apparaît que les
constatations de la cour cantonale sur les connaissances linguistiques du
recourant sont dénuées d'arbitraire (cf. art. 105 al. 2 LTF). Par conséquent,
le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l'autorité intimée,
conformément à l'art. 105 al. 1 LTF.
Il sied dès lors de constater que, s'il l'avait souhaité, le recourant aurait
pu s'exprimer avec l'assistance de l'interprète de langue anglaise lors de
l'audience du 20 février 2009. Il s'ensuit qu'il n'y a pas eu de violation de
son droit d'être entendu, l'irrégularité dont se plaint le recourant paraissant
davantage résulter de ses propres difficultés de communication avec son avocat
lors de l'audience du 20 février 2009, celui-ci ne s'opposant alors pas au
principe de la prolongation de la détention préventive.
Enfin, il y a lieu de constater que le recourant ne conteste pas matériellement
les décisions attaquées.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours 1B_66/2009 doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable et que le recours 1B_64/2009 doit être rejeté. Le
recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent
réunies. Me François Canonica est désigné comme avocat d'office du recourant,
rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Le recourant est dispensé des frais
judiciaires (art. 64 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1B_64/2009 et 1B_66/2009 sont jointes.

2.
Le recours 1B_66/2009 est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Le recours 1B_64/2009 est rejeté.

4.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me François Canonica est désigné
comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 2'000 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires.

5.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

6.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Procureur
général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 27 mars 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud Mabillard