Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.355/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_355/2009

Arrêt du 24 février 2010
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________, représenté par Maîtres Marc Bonnant et Charles Poncet, avocats,
recourant,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève,
Marc Tappolet, 1211 Genève 3,
Procureur général du canton de Genève,
1211 Genève 3.

Objet
récusation d'un juge d'instruction.

recours contre la décision du Collège des Juges d'instruction du canton de
Genève du 27 octobre 2009.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction pénale ouverte à Genève pour gestion déloyale à
l'encontre notamment de A.________, ce dernier a requis le 10 juin 2009 la
récusation du Juge d'instruction Marc Tappolet chargé de la cause, pour les
motifs suivants: dans une procédure de recours à la Chambre d'accusation, le
juge aurait transmis à la défense un procès-verbal d'instruction comportant un
"caviardage trompeur"; le dossier remis aux parties était incomplet - il
manquait une commission rogatoire décernée au Luxembourg - et le juge tiendrait
un dossier secret; il aurait aussi entretenu des contacts avec les parties
civiles sans en faire mention au dossier; il aurait eu également des contacts
avec une agence de presse et aurait renseigné un journaliste avant même le
prononcé des inculpations. Le Juge d'instruction et le Ministère public se sont
opposés à la récusation. Dans ses observations complémentaires, A.________
reprocha encore au Juge d'instruction d'avoir transmis un dossier incomplet au
Tribunal fédéral, dans le cadre d'un recours formé par un coïnculpé; le
magistrat aurait continué de tenir un dossier incomplet et aurait donné à la
Chambre d'accusation des indications trompeuses. L'audition du journaliste
mentionné dans la demande de récusation était requise.

B.
Par décision du 27 octobre 2009, le Collège des Juges d'instruction (ci-après:
le Collège) a rejeté la demande de récusation. Le caviardage du procès-verbal
était facilement reconnaissable, de sorte qu'il n'y avait pas de tromperie sur
ce point. Le dossier remis en consultation le 27 avril 2009 ne comportait
certes pas la commission rogatoire au Luxembourg, mais celle-ci avait été
envoyée alors que la procédure n'était pas encore contradictoire et n'avait pas
été exécutée au moment de la consultation. Il y avait donc lieu de prévenir
tout risque de collusion. Il n'existait pas de dossier parallèle. Rien
n'interdisait l'audition d'une partie par la police, ni des contacts entre le
magistrat et l'avocat d'une partie civile. Selon le Juge d'instruction, les
déclarations à la presse s'étaient limitées à l'annonce d'une procédure pénale.
Il n'y avait pas lieu de procéder à des enquêtes sur ce point. En définitive,
il n'existait pas d'indice de prévention.

C.
A.________ forme un recours en matière pénale. Il conclut préalablement à ce
qu'un autre magistrat soit chargé d'instruire jusqu'à droit jugé par le
Tribunal fédéral. Principalement, il demande l'annulation de la décision du
Collège des Juges d'instruction et l'admission de sa demande de récusation.
Le Collège des Juges d'instruction et le Ministère public concluent au rejet du
recours dans la mesure où il est recevable. Le Juge d'instruction conclut au
rejet du recours.
Les conclusions préalables du recourant ont été rejetées par ordonnance
présidentielle sur mesures provisionnelles, le 7 décembre 2009.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation
d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un
recours en matière pénale.

1.1 L'auteur de la demande de récusation a qualité pour recourir (art. 81 al. 1
LTF). Le recourant a agi dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100
al. 1 LTF.

1.2 La décision attaquée est rendue en dernière instance cantonale, puisque le
droit genevois ne prévoit pas encore d'instance de recours au sens de l'art. 80
al. 2 LTF; cela est admissible, tant que le délai prévu à l'art. 130 al. 1 LTF
n'est pas échu.

1.3 Compte tenu du pouvoir de décision du Tribunal fédéral, défini à l'art. 107
LTF, les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée et à
l'admission des conclusions formées devant l'instance précédente sont
recevables.

2.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, grief
d'ordre formel qu'il y a lieu de traiter en premier lieu. Il reproche au
Collège de ne pas avoir donné suite à sa demande d'audition d'un journaliste,
formulée en réplique. En dépit du texte de l'art. 99 CPP/GE, qui exclut des
enquêtes dans le cadre d'une procédure de récusation, son droit d'être entendu
imposait l'administration d'une telle preuve.

2.1 Indépendamment du droit cantonal, la garantie minimale du droit d'être
entendu permet au justiciable de participer à la procédure probatoire en
exigeant l'administration des preuves déterminantes (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa
p. 16 et les arrêts cités). Ce droit peut toutefois être limité, dans certaines
procédures soumises à une exigence particulière de célérité, à la production
des preuves immédiates, à l'exclusion par exemple de l'audition de témoins.
Point n'est besoin de rechercher si tel peut être le cas de la procédure de
récusation. En effet, le droit à la preuve ne s'étend qu'aux éléments
pertinents pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer
à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le juge parvient à la
conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou
qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 125 I 127 consid.
6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241
consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les arrêts cités).

2.2 En l'occurrence, l'audition requise concernait un journaliste qui aurait
fait état de contacts avec le Juge d'instruction, avant le prononcé des
inculpations. Le recourant estime que de tels contacts constitueraient une
faute grave du magistrat. Le Juge d'instruction ne conteste pas de tels
contacts, mais affirme s'être limité à confirmer l'existence d'une procédure
pénale, sans donner aucun nom de personne physique ou morale. Or, le recourant
ne prétend pas que son identité aurait été révélée dans la presse par la faute
du magistrat. S'il y a bien eu des contacts avec un journaliste, le Juge
d'instruction a manifestement pris des mesures pour que les inculpés n'en
subissent aucun préjudice. Les allégations du recourant ne pouvaient dès lors
fonder un soupçon de partialité, et le moyen de preuve pouvait être écarté pour
défaut de pertinence. Dans son résultat en tout cas, le refus de procéder à une
audition de témoin ne viole pas le droit d'être entendu.

3.
Sur le fond, le recourant se plaint d'une appréciation arbitraire des faits,
sur plusieurs points.

3.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou de
compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des
lacunes ou erreurs dans l'établissement de celui-ci lui apparaîtraient d'emblée
comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la constatation de
faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement
inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire, ce qu'il lui appartient
de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2
LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF. En outre, l'existence de faits
constatés de manière inexacte ou en violation du droit ne suffit pas pour
conduire à l'annulation ou la modification de la décision attaquée. Il faut
encore qu'elle soit susceptible d'avoir une influence déterminante sur l'issue
de la procédure (art. 97 al. 1 in fine LTF).

3.2 A propos du caviardage du procès-verbal remis en consultation le 25 mars
2009, le recourant estime qu'il n'était pas dûment signalé par le Juge
d'instruction et qu'il était impossible à déceler sans le comparer à la pièce
originale.
La pièce caviardée par le Juge d'instruction comporte deux pages alors que
l'original en compte six. Les plaignants y confirment leurs plaintes et le
montant de leur dommage. Les autres déclarations ont été supprimées. Il est
certes vrai que le Juge d'instruction n'a pas mentionné explicitement ce
caviardage. Le Collège relève toutefois que le document caviardé ne comportait
pas l'indication de l'heure de la fin de l'audience et la mention "après
lecture, persistent et signent" qui figurent habituellement sur les
procès-verbaux d'instruction, de sorte que des avocats rompus à la procédure
pénale pouvaient se rendre compte que le document était incomplet. En outre, la
brièveté des dépositions figurant au procès-verbal, s'agissant d'une première
audition des plaignants, pouvait aussi paraître suspecte. Contrairement à ce
que soutient le recourant, les signatures apposées sur le document caviardé ne
résultent pas d'un montage mais sont manifestement celles qui figurent sur le
document original. Les constatations de fait ne sont par conséquent pas
arbitraires. La question de savoir si et de quelle manière le magistrat devait
indiquer l'existence d'un caviardage, ne relève d'ailleurs pas du fait mais du
droit. Dans la mesure où il porte sur des faits pertinents (cf. consid. 4.3
ci-dessous), le grief doit être écarté.

3.3 Le recourant soutient aussi que le Collège aurait arbitrairement nié
l'existence d'un dossier secret tenu par le Juge d'instruction. A ce sujet,
l'autorité intimée a retenu que le Juge d'instruction n'avait pas versé
immédiatement au dossier la commission rogatoire au Luxembourg. Le recourant
relève que cette commission rogatoire avait été exécutée entre le 18 et le 20
mai 2009, de sorte qu'il n'existait aucun risque de collusion au moment où
l'apport de cette pièce avait été requis. Les griefs du recourant portent
exclusivement sur la régularité du procédé employé par le Juge d'instruction.
Il ne s'agit donc pas d'une question de fait. Il n'est d'ailleurs pas
arbitraire de refuser d'assimiler une restriction provisoire de l'accès à
certains éléments du dossier, à la tenue d'un dossier secret ou parallèle.
Dans un grief distinct - soulevé en réplique devant l'instance précédente -, le
recourant tient pour établi que le Juge d'instruction aurait eu des contacts
avec une autorité des Bermudes, et n'en aurait informé que les parties civiles
sans en faire mention au dossier. En réalité, la décision attaquée n'évoque pas
ce grief. Le recourant se contente de le reprendre devant le Tribunal fédéral,
sans se plaindre d'un déni de justice formel. Si, comme semble le faire le
recourant, il fallait interpréter la décision attaquée comme un refus implicite
de prendre en considération les faits reprochés sur ce point au Juge
d'instruction, un tel refus ne saurait être tenu pour arbitraire. En effet,
l'absence de mention d'un contact avec une autorité étrangère est, elle aussi,
sans commune mesure avec la tenue d'un dossier secret. Quant aux informations
qui auraient été données sur ce point aux parties civiles, elles ne sont
nullement attestées par les pièces auxquelles se réfère le recourant. Il n'y a
donc, dans le résultat tout au moins, aucune constatation arbitraire des faits.

3.4 Le recourant relève ensuite que le Juge d'instruction aurait fait procéder
à une audition de témoin, à l'instigation de l'avocat de certaines parties
civiles, sans notamment en informer la défense. La décision attaquée admet
qu'une audition a bien eu lieu par la police, et que le Juge d'instruction a eu
à ce sujet des contacts avec l'avocat de plusieurs parties civiles. Ces faits
ne sont pas contestés en soi par le recourant. Celui-ci estime que le Juge
d'instruction aurait, en procédant de la sorte, violé des garanties de
procédure et fait preuve de partialité. Il s'agit là toutefois d'un argument de
droit.
Il en va de même à propos des informations qu'aurait données le Juge
d'instruction à l'avocat des parties civiles, s'agissant d'éventuelles
inculpations futures. L'autorité intimée a considéré que si l'avocat des
parties civiles avait évoqué des inculpations à venir, cela ne signifiait pas
qu'il en avait été informé par le Juge d'instruction. Le recourant prétend que
si le magistrat a par la suite renoncé à prononcer les inculpations telles
qu'elles avaient été annoncées, c'est pour ne pas confirmer qu'il avait informé
l'avocat. Ces affirmations relèvent du procès d'intention. Elles ne permettent
en tout cas pas de tenir pour arbitraires les conclusions de fait figurant dans
la décision attaquée.
Les autres contestations du recourant sur ce point sont de nature juridique et
n'ont pas non plus leur place à ce stade de l'argumentation.

3.5 Le recourant reproche encore au magistrat instructeur d'avoir transmis un
dossier incomplet au Tribunal fédéral dans le cadre de recours formés notamment
par un coïnculpé contre une mesure de saisie. Le Collège a considéré que ces
affirmations ne s'appuyaient sur aucun élément concret et le recourant soutient
que cette motivation lapidaire violerait l'art. 112 al. 1 let. b LTF. Il serait
démontré que le dossier remis au Tribunal fédéral ne comportait que trois
plaintes sur les quarante trois déposées à ce moment, et qu'il y manquait un
procès-verbal de l'audience du 8 juillet 2009.
Les faits évoqués ne concernent pas directement le recourant puisqu'ils se
rapportent à un recours formé auprès du Tribunal fédéral par un coïnculpé. Ce
dernier a formé une demande de révision, faisant état des mêmes faits. Cette
demande a été rejetée par arrêt du 7 janvier 2010 (1F_20/2009). Le Tribunal
fédéral a constaté que le dossier avait bien été remis par le Juge
d'instruction à la Chambre d'accusation afin qu'il soit transmis au Tribunal
fédéral. Il comprenait alors les sept premiers classeurs de plaintes (soit les
plaintes n° 1 à 24) ainsi que trois classeurs d'information générale. Il
découle de cet arrêt que la transmission incomplète était sans influence sur le
fond de la cause, et qu'elle n'était pas le fait délibéré du magistrat
instructeur. Dans ces conditions, il n'était pas arbitraire d'écarter sans
autre examen les affirmations du recourant.

3.6 Dans un grief exposé dans la partie "en fait" du recours, et non repris
dans sa partie "en droit", le recourant reproche au Juge d'instruction d'avoir
tenu des propos trompeurs lors d'une audience devant la Chambre d'accusation en
affirmant que les inculpés avaient admis certains faits. Le Collège a refusé de
tenir compte de cet argument en considérant qu'il relevait "du fond de la
procédure pénale" et échappait à sa compétence. Le recourant ne prétend pas que
cette appréciation serait elle-même arbitraire ou constitutive d'un déni de
justice, de sorte que la simple reprise de ces allégués devant le Tribunal
fédéral est irrecevable.

4.
Invoquant les art. 29 al. 1 Cst., 6 par. 1 CEDH et 91 al. 1 let. i de la loi
genevoise d'organisation judiciaire (OJ/GE; disposition selon laquelle tout
juge est récusable s'il a, de toute autre manière, témoigné haine ou faveur
pour l'une des parties), le recourant reprend ses différents griefs à l'égard
du Juge d'instruction. Il y voit des irrégularités, commises sur une courte
période, qui dénoteraient une attitude partiale au détriment de la défense.

4.1 La garantie d'un procès équitable (art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH)
réserve notamment au justiciable le droit à ce que sa cause soit jugée par un
magistrat indépendant et impartial. Cela permet d'exiger la récusation d'un
juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître des
doutes sur son impartialité, et tend à éviter que des circonstances extérieures
ne puissent influer sur le jugement, en faveur ou en défaveur d'une partie. La
récusation ne s'impose pas seulement lorsqu'une prévention effective du juge
est établie, une telle disposition interne ne pouvant guère être prouvée; il
suffit que les circonstances donnent l'apparence de prévention et fassent
redouter, objectivement, une attitude partiale du magistrat (ATF 134 I 238
consid. 2.1 et les arrêts cités).

4.2 S'agissant des obligations d'indépendance et d'impartialité d'un juge
d'instruction, l'art. 29 al. 1 Cst. (de même que les dispositions
correspondantes du droit cantonal) présente des garanties similaires à celles
qui sont posées à l'égard des autorités judiciaires proprement dites (art. 6
CEDH et 30 Cst.). Le magistrat doit instruire à charge et à décharge et est
tenu à une certaine impartialité. Toutefois, au contraire du juge appelé à
s'exprimer en fait et en droit sur le fond de la cause, lequel doit en principe
s'en tenir à une attitude parfaitement neutre, le juge d'instruction peut être
amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard
de l'inculpé. Il peut faire état de ses doutes quant à la version des faits
présentée, mettre le prévenu en face de certaines contradictions, et tenter de
l'amener aux aveux, pour autant qu'il ne soit pas fait usage de moyens
déloyaux. Le juge d'instruction ne fait donc pas preuve de partialité lorsqu'il
fait état de ses convictions à un moment donné de l'enquête; cela peut au
contraire s'avérer nécessaire à l'élucidation des faits. Le magistrat
instructeur doit ainsi se voir reconnaître, dans le cadre de ses
investigations, une certaine liberté, limitée par l'interdiction des procédés
déloyaux et la nécessité de ne point avantager une partie au détriment d'une
autre. Les déclarations et interventions du juge doivent ainsi être
interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs
modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêt 1P.334/2002 du
3 septembre 2002 publié in SJ 2003 I p. 174).

4.3 En l'occurrence, la plupart des irrégularités dont se plaint le recourant
s'explique par les différentes nécessités de l'instruction, notamment
l'obligation de célérité et le souci de prévenir toute collusion. Ainsi, le
recourant ne conteste pas en soi le caviardage du procès-verbal remis en
consultation alors que la procédure n'était pas encore contradictoire, mais
seulement le fait que ce caviardage ne lui aurait pas été signalé. On ne voit
pas en quoi cela aurait entravé le recourant dans l'exercice de ses droits de
défense, puisque le contenu du document lui serait dans tous les cas demeuré
inconnu. Après avoir pris connaissance du procès-verbal complet, le recourant
ne prétend d'ailleurs pas que celui-ci contiendrait des éléments essentiels,
dont l'ignorance lui aurait porté préjudice.
La tenue d'un dossier secret dont se plaint le recourant se limite, comme on
l'a vu, à une remise éventuellement tardive de certaines pièces. Il s'agit de
pièces en rapport avec les commissions rogatoires adressées à l'étranger dont
on peut aisément comprendre qu'elles doivent demeurer secrètes durant un
certain temps à l'égard des inculpés, afin de n'en compromettre ni l'exécution,
ni l'exploitation des résultats. Si le magistrat a tardé à verser l'une ou
l'autre de ces pièces au dossier, le recourant n'explique pas non plus quel
préjudice il en aurait résulté pour lui.
Comme le relève la décision attaquée, les contacts entre le Juge d'instruction
et les parties ne sont nullement prohibés; ces dernières peuvent notamment
porter l'attention du magistrat sur la nécessité ou l'opportunité de procéder à
un acte d'instruction déterminé (cf art. 144 CPP/GE). Dans la mesure où cet
acte d'instruction apparaît pertinent, le Juge est en principe tenu de
l'exécuter, selon des modalités qu'il choisit lui-même. Il n'y a par conséquent
aucun procédé déloyal.
Quant aux autres griefs soulevés par le recourant, ils sont, comme cela est
relevé ci-dessus, soit insuffisamment établis, soit dénués de pertinence.

4.4 Dans le cadre d'une instruction mettant en cause plusieurs prévenus et de
nombreuses parties civiles, portant en outre sur des infractions économiques
complexes et sur des montant importants, le magistrat instructeur peut être
amené à agir rapidement, sous la pression notamment de certaines parties. Dans
ce contexte, il est compréhensible que l'équilibre entre les droits de la
défense et les nécessités de l'instruction puisse s'en trouver provisoirement
altéré. En l'occurrence, il n'en est manifestement résulté, pour la défense,
aucun préjudice irréparable. Le juge aurait certes pu procéder de manière plus
transparente sur un point ou un autre, mais cela n'affecte pas la régularité de
ses opérations, et ne dénote aucune prévention à l'égard du recourant en
particulier.
C'est dès lors à juste titre que la demande de récusation a été écartée.

5.
Le recourant reproche enfin au Juge d'instruction d'avoir continué à instruire
entre le 10 juin 2009, date de la demande formelle de récusation, et le 27
octobre 2009, date de la décision du Collège. Il s'est adressé au Président du
Collège pour demander notamment la désignation d'un autre magistrat, puis pour
se plaindre de la poursuite de l'instruction par le juge récusé. Il prétend
également qu'il aurait été contraint de garder le silence durant cette phase de
l'instruction, faute de quoi sa demande de récusation aurait pu être déclarée
irrecevable. Le recourant se plaint à ce propos d'une application arbitraire de
l'art. 99 OJ/GE. Il perd de vue que le présent recours ne peut porter que sur
le principe même de la récusation, puisque tel est l'unique objet de la
décision attaquée, et non sur les éventuels effets provisionnels dont sa
demande de récusation pouvait être assortie. Si le recourant entendait élever
une contestation sur ce point, il lui appartenait d'obtenir une décision
formelle préalable et de l'attaquer le cas échéant. L'argument est au demeurant
devenu sans objet puisque la requête de récusation est désormais rejetée.
L'interprétation faite par le recourant de l'art. 99 OJ/GE, à la lumière des
travaux préparatoires, n'est dès lors d'aucune pertinence.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il
est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont
mis à la charge du recourant. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Juge
d'instruction, au Procureur général et au Collège des Juges d'instruction du
canton de Genève.

Lausanne, le 24 février 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz