Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.311/2009
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2009
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_311/2009

Arrêt du 17 février 2010
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, Reeb et Eusebio.
Greffière: Mme Tornay Schaller.

Parties
A.________, représenté par Prof. Dr Isabelle Romy et Dr Ernst F. Schmid,
avocats,
recourante,

contre

Ministère public de la Confédération, 1000 Lausanne 22.

Objet
Séquestre aux fins de confiscation,

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes, du 28
septembre 2009.

Faits:

A.
Le 24 août 2005, la société B.________, appartenant à A.________ Group (devenue
en avril 2008 X.________), a octroyé un prêt de 10 millions d'euros à la
société C.________, contrôlée par D.________, citoyen bulgare. Dans le cadre de
cette opération, B.________ s'est d'une part, refinancée au moyen d'un prêt de
10 millions d'euros obtenu auprès de A.________ et a d'autre part conclu un
"Put Option Agreement" avec la société E.________ , également propriété de
D.________. Par ce biais, B.________ a acquis le droit d'exercer une option à
l'encontre de E.________, laquelle consiste en la cession de cette dernière,
contre paiement par E.________ du montant du prêt, plus intérêts et coûts
("strike price"). Aux termes de l'accord, ladite option pouvait être exercée
par B.________ à l'encontre de E.________ dans l'hypothèse où C.________ serait
en demeure de rembourser le prêt contracté auprès de B.________. Les parties
ont encore prévu de garantir le paiement du "strike price" par une convention
octroyant à B.________ un droit de gage sur les valeurs détenues par E.________
auprès de A.________ sous la relation bancaire n° xxx. Deux autres accords
entre E.________, B.________ et A.________ prévoient pour le surplus que la
qualité du détenteur du droit de gage sur les valeurs en compte au nom de
E.________ revient à la seule A.________ d'une part, et la cession à cette
dernière, par B.________, de sa créance issue de la "Put Option", d'autre part.
A ce jour, C.________ n'a pas remboursé le crédit de 10 millions d'euros,
lequel est échu depuis le 16 août 2008.

B.
En avril et mai 2007, le parquet bulgare a requis l'entraide des autorités
helvétiques dans le cadre d'une enquête pour crime contre le système financier,
blanchiment d'argent et criminalité organisée ouverte notamment à l'encontre de
D.________. Il est reproché à ce dernier et à ses comparses d'être membres
d'une organisation criminelle active dans le trafic de stupéfiants et
d'utiliser, pour couvrir ces activités, le paravent de l'activité immobilière
et financière. Les faits se seraient déroulés à compter du 1er janvier 2003 et
auraient notamment des ramifications en Bulgarie, en Allemagne, en Autriche, en
Espagne et en Suisse. Dans le cadre de la procédure d'entraide accordée à la
Bulgarie, le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ordonné
le séquestre, le 29 août 2007, de certaines relations bancaires, notamment du
compte n° xxx dont E.________ est titulaire auprès de A.________ et dont
l'ayant droit économique est D.________. Par arrêt du 1er décembre 2008, le
Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt du Tribunal pénal fédéral du 24 septembre
2008, lequel avait rejeté la plainte formée par E.________ contre la remise de
moyens de preuves (art. 74 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière pénale du 20 mars 1981 [EIMP; RS 351.1]) aux autorités bulgares.

C.
Le 1er février 2008, le MPC a ouvert une enquête de police judiciaire à
l'encontre de F.________, ressortissant bulgare et de son employeur G.________,
pour soupçon de blanchiment d'argent (art. 305bis CP), trafic aggravé de
stupéfiants (art. 19 ch. 2 LStup) et appartenance à une organisation criminelle
(art. 260ter CP). L'enquête a été étendue notamment à D.________, H.________,
I.________ et J.________ le 20 octobre 2008 et à K.________, cadre auprès de
A.________, le 17 avril 2009. Par décision du 27 octobre 2008, le MPC a, sur la
base des art. 65, 69, 71 et 101 de la loi fédérale sur la procédure pénale du
15 juin 1934 (PPF; RS 312.0) ainsi que de l'art. 69 ss CP, ordonné le blocage
de différentes valeurs patrimoniales déposées auprès de A.________, au nombre
desquelles figure le compte n° xxx. Par courrier du 10 novembre 2008, le MPC a,
en réponse à une interpellation de A.________, précisé que le blocage ordonné
le 27 octobre 2008 concernait également le montant de 10 millions d'euros gagés
par E.________ en faveur de A.________, et qu'aucun prélèvement n'était
autorisé sur ledit compte.
Par ordonnance du 22 janvier 2009, le MPC a rejeté la requête formée par
A.________ le 17 novembre 2008, tendant à la levée du séquestre sur la relation
bancaire n° xxx.

D.
Par arrêt du 28 septembre 2009, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
(ci-après: le Tribunal pénal fédéral) a rejeté la plainte formée par A.________
contre la décision du 22 janvier 2009 du MPC. Elle a considéré en substance que
la bonne foi de A.________ n'était pas d'emblée et indubitablement établie à ce
stade de la procédure, ce qui excluait une levée du séquestre.

E.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal pénal fédéral ainsi que
l'ordonnance du MPC du 27 octobre 2008, et de lever immédiatement le séquestre.
Subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pénal
fédéral pour nouvelle décision. Elle se plaint notamment de violations de son
droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), de l'interdiction de l'arbitraire
(art. 9 Cst.) et de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).
Le Tribunal pénal fédéral se réfère intégralement à son arrêt. Le MPC conclut
au rejet du recours. Sans y avoir été invitée, la recourante a répliqué.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331).

1.1 Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert
contre une décision prise par le Tribunal pénal fédéral portant, comme en
l'espèce, sur le maintien d'un séquestre en vue de confiscation (art. 79 in
fine LTF). La recourante a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente et a un intérêt juridique à l'annulation de la décision attaquée,
dans la mesure où elle dispose d'un droit de gage sur le compte bloqué (cf.
arrêt du Tribunal fédéral 6S.365/2005 du 8 février 2006 consid. 4.2.1 et les
références citées; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_212/2007 du 12 mars 2008
consid. 1.4): elle a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF.

1.2 La décision par laquelle le juge prononce, maintient ou refuse un séquestre
pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (ATF
128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références).
Conformément à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire
l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral que si elle peut causer un
préjudice irréparable. Selon la jurisprudence relative à l'art. 87 al. 2 OJ, et
reprise dans le cadre de l'art. 93 LTF (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les
références), le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage
irréparable, dans la mesure où le détenteur se trouve privé temporairement de
la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir
également ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 89 I 185 consid. 4 p. 187 et les
références). La situation de la recourante pourrait y être assimilée: le
séquestre empêche temporairement celle-ci de faire réaliser sa garantie réelle,
alors que la créance résultant du contrat de prêt est échue depuis le 16 août
2008. La question peut cependant demeurer indécise, vu l'issue du recours.

1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Dans le cadre d'un recours dirigé contre
une mesure provisionnelle, la recourante ne peut critiquer la constatation des
faits, susceptibles d'avoir une influence déterminante sur l'issue de la
procédure, que si ceux-ci ont été établis en violation de droits fondamentaux,
ce qu'il lui appartient de démontrer par une argumentation répondant aux
exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Le pouvoir d'examen du
Tribunal fédéral est limité, pratiquement, à l'arbitraire (cf. ATF 133 III 393
consid. 7.1 p. 398).

2.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la
recourante voit une violation de son droit d'être entendue, garanti par l'art.
29 al. 2 Cst., dans le refus du Tribunal pénal fédéral d'entrer en matière sur
un grief relatif au prétendu revirement du MPC quant à l'engagement que
celui-ci aurait pris de lever le séquestre litigieux le 18 février 2009. Elle
se plaint en outre d'une violation de son droit d'être entendue en raison d'un
défaut de motivation de l'arrêt attaqué.

2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le
devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la
comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de
recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner,
au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée
de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen
des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88
et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, le Tribunal pénal fédéral n'est pas entré en matière sur le
grief relatif aux revirements du MPC par rapport à l'engagement qu'il aurait
pris de lever le séquestre du compte litigieux, faute d'éléments factuels
concrets à sa disposition. Il a considéré que le grief se fondait uniquement
sur des entretiens téléphoniques que les parties auraient eus entre elles -
dont seule la recourante faisait état au demeurant - et dont il n'était pas
possible de connaître le contenu. L'instance précédente a donc précisé les
raisons pour lesquelles elle n'a pas traité le grief, de sorte que l'on ne
saurait lui reprocher un déni de justice formel. De plus, la recourante ne
démontre pas en quoi l'examen sur le fond de ce grief serait susceptible de
prouver la bonne foi de la recourante et, partant, en quoi cette question
serait décisive pour l'issue du litige. Le grief doit être écarté.
La recourante soutient également que le Tribunal pénal fédéral n'aurait pas
examiné les nombreuses pièces fournies par la recourante pour démontrer qu'elle
aurait rempli tous ses devoirs de diligence posés par la loi et les
circonstances. Ce reproche tombe à faux dans la mesure où le Tribunal pénal
fédéral fait référence, dans son arrêt, aux pièces produites par A.________
notamment au rapport interne de juin 2005 ("request for approval") et à la
visite en Bulgarie de deux employés de la banque.
La recourante prétend enfin à tort que le Tribunal pénal fédéral n'aurait pas
spécifié ce que sont les "zones d'ombres encore importantes révélées par
l'enquête", puisqu'elle admet elle-même, quelques lignes plus loin, que l'une
de ces zones d'ombre est l'assassinat en mai 2005 de L.________, l'ancien
associé de D.________. D'ailleurs, la lecture de l'arrêt attaqué permet de
comprendre sans difficulté les motifs qui ont fondé la décision du Tribunal
pénal fédéral (cf. consid. 4.2 ci-dessous). Cette motivation n'a du reste pas
échappé à la recourante, qui est précisément en mesure d'attaquer la décision
sur ce point. Par conséquent, le grief de la violation du droit d'être entendu
doit être rejeté.

3.
Sur le fond, il y a lieu de rappeler que le séquestre pénal est une mesure
conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge
du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution
d'une créance compensatrice. En l'espèce, la décision litigieuse est fondée sur
l'art. 65 PPF, disposition selon laquelle peuvent être séquestrés les objets et
les valeurs "qui feront probablement l'objet d'une confiscation". Comme cela
ressort du texte de cette disposition, une telle mesure est fondée sur la
vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie,
qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Une
simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la
saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit
pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire, ce qui exclut qu'elle
résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée
de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid.
3a p. 99; 103 Ia 8 consid. III/1c p. 13; 101 Ia 325 consid. 2c p. 327). Le
séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de
confiscation (SJ 1994 p. 90 et 102) et ne peut être levé que dans l'hypothèse
où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles
d'une confiscation en mains de tiers ne sont pas réalisées, et ne pourront
l'être (arrêt du Tribunal fédéral 1S.8/2006 du 12 décembre 2006 consid. 6.1).

4.
La recourante s'est fondée sur l'art. 70 al. 2 CP en lien avec l'art. 65 al. 1
PPF pour requérir la levée immédiate du blocage du compte n° xxx, sur lequel
elle a rendu vraisemblable l'existence d'un droit de gage en sa faveur à
hauteur de 10 millions d'euros. Elle prétend avoir acquis son droit de gage sur
les valeurs séquestrées en toute bonne foi et en échange d'une
contre-prestation équitable, ce qui rendrait inadmissible la confiscation des
valeurs passées en mains de tiers au sens de l'art. 70 al. 2 CP. Partant, et
dans la mesure où l'art. 65 al. 1 PPF pose comme condition préalable au
séquestre de valeurs patrimoniales la "confiscation probable" de ces dernières,
elle estime que les conditions légales du blocage ne sont pas remplies. Elle
fait grief au Tribunal pénal fédéral d'avoir arbitrairement retenu qu'à ce
stade, sa bonne foi n'était pas indubitablement établie.
La levée de séquestre de valeurs litigieuses étant autorisée uniquement lorsque
la confiscation en main de tiers est d'emblée et indubitablement exclue,
l'objet de la contestation porte donc sur le fait de savoir s'il est d'emblée
manifeste et indubitable que A.________ a acquis son droit de gage sur les
valeurs séquestrées en toute bonne foi.

4.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'instance précédente que si elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si
elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il
ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore
faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p.
4; 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s. et les arrêts cités). En matière
d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire
lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des
constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.
9; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Il appartient au recourant de démontrer
l'arbitraire de la décision attaquée, conformément aux exigences de motivation
déduites de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265; 133 I 149
consid. 3.1 p. 153 et les références).

4.2 Dans l'arrêt attaqué, après avoir précisé que la question de la bonne foi
de la recourante ne pouvait être tranchée que par le juge du fond, le Tribunal
pénal fédéral a constaté qu'un certain nombre d'éléments permettait d'affirmer
que la bonne foi de la recourante n'était pas d'emblée et indubitablement
établie à ce stade, ce qui excluait la levée du séquestre. Il a d'abord relevé
que l'ayant droit économique du compte séquestré était D.________, lequel, fait
l'objet en Bulgarie d'une enquête pour blanchiment d'argent, trafic de
stupéfiants et fraude fiscale et a été arrêté provisoirement dans ce pays dans
le courant de l'année 2007. Selon les autorités bulgares, le prénommé serait à
la tête d'une organisation criminelle opérationnelle dans le trafic de drogue
avec l'Amérique du Sud et plusieurs sociétés auraient été constituées par le
biais desquelles des bateaux et des appartements auraient été acquis. Le
produit du trafic de stupéfiants aurait été transféré vers la Bulgarie par
virements bancaires ainsi qu'en le dissimulant dans des voitures. L'entraide
bulgare a permis de retrouver en Suisse un certain nombre de comptes bancaires
ouverts au nom de société dont les ayants droit économiques se trouvent être
D.________ et son ex-associé, feu L.________, ressortissant bulgare assassiné
en mai 2005 à Sofia, ainsi que H.________, le père de ce dernier.
Le Tribunal pénal fédéral a ensuite relevé que le MPC avait étendu son enquête,
au mois d'avril 2009, à K.________, cadre auprès de A.________ en charge de la
clientèle bulgare. Il ressortait des déclarations de la prénommée qu'elle avait
eu accès à des informations quant à l'implication de certains de ses clients,
parmi lesquels D.________ et feu L.________, dans des affaires judiciaires,
notamment pour blanchiment d'argent et trafic de stupéfiant. Sa hiérarchie en
aurait systématiquement été informée par ses soins, mais ne l'aurait jamais
incitée à cesser ces activités avec la clientèle en question. L'assassinat de
L.________ en mai 2005, puis de la mère de ce dernier au printemps 2007, dans
des circonstances pour le moins peu claires n'avaient toutefois pas conduit
A.________ à revoir sa politique avec lesdits clients, aucune communication au
Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering
Reporting Office-Switzerland ou MROS) de l'Office fédéral de la police, n'ayant
par exemple été entreprise. Le Tribunal pénal fédéral a relevé que A.________
prétendait, pièces à l'appui, avoir pris toutes les mesures requises pour
évaluer la situation au moment de l'assassinat de L.________, dépêchant
notamment deux personnes en Bulgarie à cette fin, la décision de poursuivre les
relations bancaires avec D.________ s'étant finalement fondée sur un rapport
interne ("request for approval") du 27 juin 2005. Toutefois, vu la complexité
de l'affaire et les zones d'ombre encore importantes révélées par l'enquête,
l'instance précédente n'a pas conclu, en dépit de l'argumentation de la
recourante, à l'existence de la bonne foi indubitable de A.________ durant la
période litigieuse (2005-2007).

4.3 Dans son recours, la recourante fait valoir différents griefs qui se
rapportent à l'application de l'art. 70 al. 2 CP. Elle reproche ainsi au
Tribunal pénal fédéral d'avoir pris en compte l'origine éventuellement
délictueuse des avoirs détenus par E.________, alors que cette constatation
serait étrangère aux conditions d'application de l'art. 70 al. 2 CP. Elle
prétend aussi qu'il est arbitraire de considérer que la période déterminante
pour apprécier la bonne foi de la recourante s'étend de 2005 à 2007: seules les
années 2005 et 2006 seraient déterminantes. Partant, la recourante perd de vue
qu'au contraire du juge du fond, le Tribunal de céans n'a pas à examiner si les
conditions d'une confiscation au sens de l'art. 70 al. 1 CP, ou d'une
non-confiscation au sens de l'art. 70 al. 2 CP sont remplies: cette analyse
incombera à l'autorité de jugement, sur la base de l'enquête actuellement
diligentée par le MPC. En effet, en tant que simple mesure provisoire, le
séquestre ne préjuge pas de la décision matérielle de confiscation, laquelle
interviendra dans une phase ultérieure. A ce stade de la procédure, il suffit
de déterminer s'il existe des motifs suffisants de maintenir le séquestre. Dès
lors, ces griefs qui se rapportent à la question de fond - laquelle ne fait pas
l'objet du litige -, tombent à faux.
La recourante avance encore que l'arrêt reposerait sur des constatations de
faits incomplètes et arbitraires quant à la bonne foi de la recourante. Elle
aurait pris toutes les mesures relatives à l'identification du titulaire du
compte et de l'ayant droit économique en 2005, ainsi qu'aux clarifications sur
l'arrière-plan économique des relations commerciales avec D.________ lors de
l'ouverture du compte de E.________ en 2005. Pour prouver les investigations
qu'elle a menées lors de l'assassinat de L.________, A.________ a rappelé
qu'elle a envoyé la gestionnaire du compte et le supérieur hiérarchique de
celle-ci en Bulgarie. Elle a en outre produit plus de 70 contrats de vente
immobilière et différentes pièces, à teneur desquelles les articles de presse,
qui mentionnent que L.________ serait lié à un trafic de cocaïne saisie en
Espagne, étaient isolés et n'avaient pas été confirmés, ce qui permettait de
continuer les relations d'affaires avec D.________ et les héritiers de
L.________.
Dans une affaire aussi complexe avec des ramifications internationales et
différentes sociétés en jeu, et à ce stade de l'enquête, ces éléments ne
suffisent pas à établir la bonne foi de A.________ de manière indubitable. A
cet égard, les événements survenus en 2005 lors de l'ouverture du compte
litigieux, permettent déjà à eux seuls d'arriver à cette conclusion. En effet,
à l'arrière-fond criminel dont notamment l'assassinat de L.________ et les
soupçons d'organisation criminelle parus dans la presse, s'ajoute le fait que
le compte n° xxx a été alimenté par les avoirs du compte M.________ dont
l'ayant droit économique était feu L.________, auquel D.________ a succédé un
mois avant l'assassinat de celui-là: les 20 avril 2005 et 13 mai 2005, tous les
avoirs du compte M.________ ont été transférés en espèces, en deux opérations
sur le compte de E.________, conformément aux instructions de D.________ qui
voulait expressément couper toute "trace documentaire" ("paper trail") (cf.
procès-verbal d'audition de K.________, du 24 avril 2009).
Par la suite, l'assassinat le 24 avril 2007 de la mère de L.________ la veille
de déposer au tribunal contre D.________, la demande d'entraide bulgare et la
procédure pénale dans ce pays, puis l'extension de l'enquête à un cadre de
A.________ en avril 2009, ont confirmé le contexte criminel de cette affaire.
Dans ces circonstances, on ne saurait donc, au demeurant sous l'angle de
l'arbitraire, reprocher au Tribunal pénal fédéral de ne pas avoir conclu à
l'existence indubitable de la bonne foi de la recourante.

5.
Enfin, invoquant la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), la recourante
prétend que le principe de la proportionnalité a été violé.

5.1 Pour qu'une mesure soit conforme au principe de la proportionnalité, il
faut qu'elle soit apte à parvenir au but visé, que ce dernier ne puisse être
atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable
entre les effets de la mesure sur la situation de l'administré et le résultat
escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 132 I 229 consid. 11.3 p.
246; 125 I 474 consid. 3 p. 482 et les arrêts cités). S'agissant d'un séquestre
provisoire, il est en principe proportionné du simple fait qu'il porte sur des
valeurs dont on peut vraisemblablement admettre qu'elles pourront être
confisquées en application du droit pénal (arrêt 1B_297/2008 du 22 décembre
2008 consid. 4.1).

5.2 En l'occurrence, la recourante ne prétend pas que la durée du séquestre
serait disproportionnée. Elle ne soutient pas non plus que la procédure pénale
qui pourrait conduire à une confiscation ne serait pas menée avec une célérité
suffisante. La recourante se dit exposée à un dommage financier important en
raison des intérêts de retard qui courent depuis l'exigibilité de la créance de
10 millions d'euros garantie par le gage sur les avoirs saisis, sans aucunement
démontrer en quoi le montant séquestré serait sans rapport raisonnable avec le
but visé. La recourante ne prétend pas non plus qu'il existerait une autre
mesure, moins incisive, propre à garantir l'exécution d'une éventuelle
confiscation. Dans ces conditions, le grief doit être rejeté.
La recourante fait valoir enfin, qu'en raison de sa solvabilité notoire, si par
impossible une éventuelle créance compensatrice était prononcée à son encontre,
elle serait en mesure de s'en acquitter. Elle ne saurait être suivie dans la
mesure où en l'espèce les fonds séquestrés sont susceptibles d'être le produit
d'une infraction: le séquestre est donc destiné à préserver les valeurs que le
juge du fond pourrait être amené à confisquer et non pas seulement à servir à
l'exécution d'une créance compensatrice. Ce grief doit lui aussi être écarté.

6.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère
public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes.

Lausanne, le 17 février 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: La Greffière:

Aemisegger Tornay Schaller