Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.267/2009
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2009
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2009


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_267/2009

Arrêt du 5 janvier 2010
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Raselli.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________, représentée par Me Nicolas Rouiller, avocat,
recourante,

contre

Juge d'instruction du Valais central, 1950 Sion 2,
Procureur du Valais central, 1950 Sion 2.

Objet
Détention préventive; frais de la procédure de plainte,

recours contre la décision du Président de l'Autorité de plainte du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 14 août 2009.

Faits:

A.
A.________, ressortissante russe domiciliée en Espagne, a été arrêtée le 17
juillet 2009 pour le vol d'un sac à main dans un grand magasin de Sion. Elle a
été entendue par la police avec un interprète espagnol, puis le même jour par
le Juge d'instruction du Valais central, qui l'a inculpée de vol,
subsidiairement d'appropriation illégitime, et l'a placée en détention
préventive. Agissant par un avocat, elle a tenté d'obtenir sa mise en liberté
en déposant une plainte auprès du Tribunal cantonal valaisan (par télécopie du
vendredi 17 juillet 2009 à 18 heures, puis par acte posté le lundi 20 juillet
suivant), et en saisissant le Tribunal fédéral d'un recours en matière pénale
assorti d'une demande de mesures provisionnelles urgente. Celle-ci a été
rejetée par ordonnance présidentielle du 21 juillet 2009.

B.
A.________ a été remise en liberté le 20 juillet 2009 par le Juge
d'instruction, à l'issue d'une audition en présence d'un interprète russophone.
Invitée à se déterminer sur la suite de la procédure de plainte, notamment sur
la question des frais et dépens, elle a conclu le 30 juillet 2009 à ce que des
dépens lui soient alloués, sans frais. Elle estimait que sa plainte était bien
fondée, la détention étant injustifiée et disproportionnée. Les garanties
formelles en matière de détention n'avaient pas été respectées: le Juge
d'instruction avait négligé de visionner l'enregistrement de la surveillance
vidéo du grand magasin, alors qu'il s'agissait de la seule preuve à charge, et
l'inculpée n'avait pas été entendue d'emblée avec un interprète parlant russe.
Le 10 août 2009, elle a encore relevé que selon les enregistrements vidéo, elle
ne pouvait pas avoir eu l'intention de voler le sac.

C.
Par décision du 14 août 2009, le Président de l'Autorité de plainte du Tribunal
cantonal a déclaré la plainte sans objet. La détention avait été soumise à un
juge quelques heures après l'interpellation; l'inculpée avait été entendue
trois fois avec un interprète espagnol, ce qui lui avait permis de comprendre
l'accusation portée contre elle; la déposition faite ensuite avec un interprète
russophone ne faisait pas apparaître de contradictions par rapport aux
premières déclarations. Les enregistrements vidéo montraient A.________ prenant
le chariot sur lequel la victime avait oublié son sac, déambulant dans le
magasin sans rien acheter, rejoindre le parking au sous-sol (alors qu'elle
n'avait pas de véhicule) puis en revenir avec un sac plastique pouvant contenir
le sac à main; l'inculpée avait aussi refusé de s'expliquer à la police, ce qui
constituait un indice supplémentaire propre à justifier les trois jours de
détention préventive, le temps d'effectuer les actes d'enquête nécessaires
(perquisition au domicile de l'intéressée et nouvel examen des enregistrements
vidéo). Au moment de son dépôt, la plainte aurait dès lors été
vraisemblablement rejetée. Le Président a donc mis 300 fr. de frais à la charge
d'A.________, sans lui allouer de dépens.

D.
Par acte du 16 septembre 2009, A.________ forme un recours en matière pénale.
Elle conclut à l'annulation de la décision du Président de l'Autorité de
plainte, aucun frais n'étant mis à sa charge. Elle demande aussi les
constatations suivantes: sa détention était illicite; le juge de la détention
doit examiner les indices essentiels avant de se prononcer; l'absence de tout
contrôle contre les décisions d'incarcération du juge d'instruction du vendredi
17h au lundi 8h est contraire aux art. 31 Cst. et 5 CEDH.
Le Président de l'Autorité de plainte se réfère à sa décision, précisant que le
droit cantonal ne lui impose pas de statuer dans un délai de trois jours. Le
Ministère public du canton du Valais a renoncé à présenter des observations.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué a été pris sur recours contre une décision de mise en détention
préventive. Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est
dès lors ouvert.

1.1 Sous réserve des considérants qui suivent, la recourante a en principe
qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a LTF; elle a recouru en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF)

1.2 La recourante conclut en premier lieu à l'annulation de l'arrêt attaqué en
tant qu'il met à sa charge 300 fr. de frais et lui refuse des dépens. Ces
conclusions, qui correspondent directement à l'objet de la contestation, sont
recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. La recourante a un intérêt
évident à l'annulation des frais mis à sa charge.

1.3 Les conclusions en constatation de l'illicéité de la détention sont en
principe recevables. Il faut pour cela que le recourant dispose d'un intérêt
juridique à un tel prononcé (art. 81 al. 1 let. b LTF), et que ses conclusions
aient été présentées à l'instance précédente (art. 99 al. 2 LTF). Tel n'est pas
le cas en l'occurrence: la décision attaquée ne porte en définitive que sur les
frais et dépend de l'instance cantonale. Alors qu'elle avait été remise en
liberté et qu'elle avait été dûment interpelée sur la suite de la procédure, la
recourante n'a pas soutenu devant l'autorité intimée que sa plainte avait
conservé un objet, limité le cas échéant à une constatation de l'illicéité de
sa détention préventive. La recourante ne prétend pas non plus qu'elle serait
privée de tout moyen de droit cantonal pour faire constater l'illicéité de sa
détention. Au demeurant, la cour cantonale s'est livrée à un examen de
l'admissibilité du maintien en détention, dans le cadre de sa décision sur les
frais et dépens. La recourante n'explique pas quel intérêt juridique elle
aurait à une constatation indépendante sur ce point.

1.4 Quant aux autres conclusions en constatation, elles sont également
irrecevables car elles ne sont pas limitées à l'objet du litige, mais
s'étendent à l'ensemble des procédures de contrôle de la détention, et sont
donc sans incidence sur la situation juridique de la recourante (art. 81 al. 1
let. b LTF).

1.5 Le recours ne peut par conséquent porter que sur la question des frais et
dépens, suite à la liquidation de la plainte devenue sans objet. Dans ce cadre,
l'autorité saisie ne doit pas se livrer à un examen exhaustif du fond de la
cause, mais évaluer sommairement si les chances de succès sont supérieures aux
risques d'échec. S'agissant de l'application d'une disposition de droit
cantonal de procédure (en l'occurrence, l'art. 13 al. 9 let. a de la loi
valaisanne d'organisation judiciaire), le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral
se trouve limité à l'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 207 consid. 2
p. 209 s.).

2.
La recourante soutient que son incarcération violait les art. 5 CEDH et 31 al.
3 Cst., car le Juge d'instruction aurait omis d'examiner l'enregistrement
vidéo, alors qu'il s'agissait du seul élément à charge. L'examen de cette pièce
aurait permis de conclure que la recourante n'avait pas l'intention de voler,
car elle n'aurait pas vu le sac à main accroché au caddie où la victime l'avait
auparavant laissé.

2.1 Selon l'art. 5 par. 3 CEDH, toute personne arrêtée ou détenue
préventivement doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat
habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être
jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. L'art. 31 al.
3 Cst. contient une garantie similaire. Le juge de la détention - qui peut être
un juge d'instruction; ATF 131 I 36 et 66 - doit être indépendant et impartial,
et doit vérifier soigneusement, en fait et en droit, les charges retenues,
l'existence des motifs d'incarcération, ainsi que le respect du principe de la
proportionnalité (ATF 133 I 270 consid. 3.5.1 p. 283).

2.2 Le Juge d'instruction n'a pas failli à cet examen. Lorsqu'il a ordonné le
placement de la recourante en détention préventive, il disposait du rapport de
police, dans lequel il est expliqué que la recourante avait été filmée alors
qu'elle s'emparait du caddie sur lequel la plaignante avait oublié son sac.
Informée de ce fait lors de son audition avec un interprète espagnol, la
recourante avait refusé de s'expliquer à ce sujet. Lorsque le Juge
d'instruction l'a entendue, également avec un interprète espagnol, elle a
répondu qu'elle ne comprenait pas ce que le juge voulait dire.
Au moment de décider d'une mise en détention, le magistrat compétent ne peut
pas forcément vérifier l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'enquête
de police. S'agissant de l'établissement des faits, le rapport de police
constitue en principe une synthèse fiable, sur laquelle le magistrat doit
pouvoir s'appuyer dans un premier temps, sans être tenu de procéder à d'autres
actes d'instruction, hormis l'audition de la personne prévenue comme l'exige
l'art. 71 al. 3 CPP/VS.
En l'occurrence, le Juge d'instruction disposait des informations essentielles
sur l'existence de l'enregistrement vidéo, ainsi que sur son contenu. Lors de
ses interrogatoires, la recourante n'a d'ailleurs jamais contesté qu'elle
s'était rendue dans le supermarché et avait agi de la manière relatée dans le
rapport de police. Le Juge d'instruction pouvait dès lors se limiter à ces
éléments de preuve qui constituaient des éléments à charge suffisants, sans
avoir à visionner lui-même les enregistrements dont on ignore du reste s'ils
figuraient déjà au dossier.

2.3 La recourante soutient en vain qu'un visionnement des images vidéo aurait
dû conduire le Juge d'instruction à renoncer à une mise en détention.
L'enregistrement montre la victime oubliant son sac sur un caddie apparemment
coincé; la recourante arrive et prend ce caddie sur lequel on distingue
clairement le sac resté accroché; elle se dirige ensuite vers le parking
souterrain, sans avoir rien acheté ni déposé dans le caddie; elle en revient
quelques minutes plus tard sans le caddie, mais avec un sac plastique, puis
elle quitte le magasin. Quelles qu'en soient les explications, ce comportement
pouvait légitimement attirer les soupçons sur la recourante, dont le refus de
s'expliquer n'a pas contribué à les dissiper immédiatement.

2.4 La recourante se plaint aussi de l'absence d'un interprète russe lors de
ses auditions du 17 juillet 2009. Il apparaît que lors de sa première audition
par la police avec un interprète en langue espagnole (langue de son lieu de
domicile), la recourante a été à même d'exposer son emploi du temps ainsi que
sa situation personnelle. Elle a en revanche refusé de s'expliquer sur les
faits qui lui étaient reprochés, sans prétendre que cela était dû à des
difficultés de compréhension ou d'expression particulières. Entendue le même
jour par le Juge d'instruction avec un interprète espagnol, elle a déclaré
qu'elle ne confirmait pas ses déclarations à la police, et qu'elle ne
comprenait pas "ce que vous [le juge d'instruction] voulez dire". Rien ne
permet d'affirmer que la recourante n'avait pas compris l'accusation portée
contre elle, et qu'elle n'aurait pas été en mesure de s'expliquer, si elle
l'avait voulu. Comme le relève l'Autorité de plainte, les auditions effectuées
ultérieurement avec un interprète russe n'ont d'ailleurs pas fait ressortir de
contradiction par rapport aux premières déclarations. Le fait que la recourante
n'a pas pu contacter les autorités consulaires, susceptibles de lui trouver un
interprète, est donc lui aussi sans incidence sur le maintien en détention.

2.5 La mise en détention satisfaisait dès lors, sur la forme et le fond, aux
conditions des art. 5 par. 3 CEDH et 31 al. 3 Cst. L'Autorité de plainte
pouvait donc, sans arbitraire, considérer que la plainte devait
vraisemblablement être rejetée, de sorte que sa décision sur les frais et
dépens échappe à toute critique.

2.6 La recourante soutient enfin que l'absence de contrôle de la détention
durant le week-end serait "profondément inadmissible". Elle semble ainsi
invoquer les art. 5 par. 4 CEDH et 31 al. 3 Cst., selon lesquels toute personne
privée de sa liberté a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin
qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa
libération si la détention est illégale.
Dans la mesure où il est recevable (cf. consid. 1.3 et 1.4 ci-dessus),
l'argument doit être rejeté: l'Autorité de plainte saisie était, même compte
tenu du week-end, manifestement en mesure de statuer dans un délai de quelques
jours, ce qui satisfait au principe de célérité (cf. ATF 117 Ia 372; 115 Ia 56;
114 Ia 88).

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge
de la recourante qui succombe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Juge
d'instruction et au Procureur du Valais central ainsi qu'au Président de
l'Autorité de plainte du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 5 janvier 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz