Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.248/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_248/2009

Arrêt du 26 octobre 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

Parties
X.________, représentée par Me Isabelle Jaques, avocate,
recourante,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne.

Objet
procédure pénale, conflit de compétence,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 26 juin 2009.

Considérant en fait et en droit:

1.
Le 20 février 2008, X.________, née le 28 décembre 1989, a déposé une plainte
pénale contre cinq ex-pensionnaires de l'école pour enfants sourds qu'elle
fréquentait à Lausanne notamment pour des actes d'ordre sexuel avec des enfants
et des actes de contrainte sexuelle dont elle aurait été la victime au sein de
l'établissement entre 1996 et 1999.
L'instruction de la plainte a été confiée au Président du Tribunal des mineurs
du canton de Vaud en tant qu'elle vise les deux prévenues âgées de moins de
vingt ans lors de l'ouverture de l'enquête et au Juge d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne pour les autres.
Le 24 novembre 2008, le Président du Tribunal des mineurs a rendu une
ordonnance de refus de suivre à l'endroit de l'une des deux prévenues au motif
qu'elle était âgée de moins de dix ans au moment des faits.
Le 31 mars 2009, X.________ a requis du Juge d'instruction de l'arrondissement
de Lausanne que l'enquête pénale conduite par le Président du Tribunal des
mineurs soit jointe à celle qu'il instruisait pour des motifs d'économie de la
procédure et de célérité.
Le 2 avril 2009, le magistrat a répondu que sa compétence n'était pas
clairement acquise et qu'il n'entendait pas reprendre le dossier ouvert auprès
du Tribunal des mineurs.
Interpellé par X.________, le Juge d'instruction cantonal s'est déclaré
incompétent, en date du 22 avril 2009, pour ordonner une jonction entre une
cause instruite par un juge d'instruction et une cause conduite par un
président du Tribunal des mineurs, renvoyant la plaignante à agir devant le
juge d'instruction.
Le 30 avril 2009, ce dernier a une nouvelle fois rejeté la requête de la
plaignante au motif qu'il lui était impossible de se saisir d'un cas qui fait
déjà l'objet d'une enquête par l'autorité compétente.
Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après : le
Tribunal d'accusation ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé contre
cette décision par X.________ au terme d'un arrêt rendu le 26 juin 2009.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner la jonction en mains du Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne de l'affaire pénale pendante
devant le Tribunal des mineurs. Elle requiert l'assistance judiciaire. Il n'a
pas été ordonné d'échange d'écritures.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3).

2.1 La contestation portant sur une décision prise en matière pénale, le
recours au Tribunal fédéral est régi par les art. 78 ss LTF.
L'arrêt attaqué ne met pas fin aux enquêtes pénales instruites d'office et sur
plainte de X.________ par le Président du Tribunal des mineurs et par le Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et revêt un caractère incident.
La cour cantonale a considéré que la démarche de la recourante s'analysait non
pas comme une demande de jonction de causes, qui devait être présentée au Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, mais comme une requête de
dessaisissement du Président du Tribunal des mineurs au profit de la
juridiction pénale des adultes, qui aurait dû être adressée à ce magistrat, et
l'a traitée comme telle. La contestation n'a donc pas pour objet une décision
relative à la jonction de causes, mais une décision portant sur la compétence
au sens de l'art. 92 al. 1 LTF contre laquelle le recours en matière pénale est
immédiatement ouvert en vertu de cette disposition. Il importe peu que la
recourante soit d'un autre avis à ce propos.

2.2 L'art. 81 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière
pénale à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, ou
a été privé de la possibilité de le faire, et a un intérêt juridique à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Tel est notamment le
cas de la victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5), si la décision attaquée peut avoir des effets
sur le jugement de ses prétentions civiles (ch. 5). La recourante a participé à
la procédure cantonale de recours. Elle a manifestement la qualité de victime
selon l'art. 2 al. 1 LAVI vu les infractions contre l'intégrité sexuelle
qu'elle dénonce. On ne voit en revanche pas en quoi le fait que la plainte soit
instruite par deux juges différents en raison de l'âge des prévenues au moment
de l'ouverture de l'enquête serait de nature à compromettre ses prétentions
civiles, le seul risque de jugements contradictoires étant à cet égard
insuffisant. La recourante fonde sa qualité pour agir sur le fait que la
décision attaquée mettrait en péril ses droits procéduraux découlant de la
LAVI. Il est admis que la victime dispose d'un intérêt juridique propre à lui
conférer la qualité pour agir lorsqu'elle fait valoir un droit que lui accorde
la LAVI, dont la violation n'influence pas le jugement de ses prétentions
civiles, à l'instar des règles sur la composition du tribunal appelé à statuer
(Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4116). Elle peut alors
recourir sans autre condition qu'un intérêt actuel. Encore faut-il que les
droits de parties découlant de la LAVI soient effectivement mis en péril. La
recourante prétend à cet égard que la décision entreprise violerait le droit à
la protection de sa personnalité consacré aux art. 34 ss LAVI. Elle soutient
que la multiplication des auditions et des audiences devant deux juridictions
différentes irait à l'encontre du but de la LAVI qui tend à éviter que la
victime d'une atteinte à l'intégrité sexuelle soit confrontée plusieurs fois
aux prévenues pour les mêmes faits et soit entendue à plusieurs reprises sur
les mêmes faits de la cause, ce qui serait le cas selon elle si les causes
étaient traitées devant deux juridictions différentes. Elle invoque également
une violation des principes de connexité, d'indivisibilité, de célérité et
d'économie de la procédure, qui ne sont pas propres aux victimes LAVI mais dont
tous les lésés parties à une procédure pénale peuvent se prévaloir. Vu l'issue
du recours, la question de savoir si une atteinte à ces droits et principes
généraux est suffisamment établie pour lui reconnaître un intérêt juridique à
recourir peut demeurer indécise.

2.3 La cour cantonale a écarté le recours parce que la recourante aurait dû
présenter au Président du Tribunal des mineurs une requête de dessaisissement
et non pas s'adresser au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne,
qui n'est pas habilité à ordonner la jonction d'une cause pendante devant le
Tribunal des mineurs avec une cause instruite par ses soins. Par surabondance,
elle a considéré que ce dernier restait compétent pour poursuivre l'enquête et
juger la cause pendante devant lui. Lorsque la décision attaquée se fonde,
comme en l'espèce, sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou
subsidiaires, toutes suffisantes, la partie recourante doit, sous peine
d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit
(ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120). Il suffit toutefois que l'une d'elles
permette de maintenir l'arrêt attaqué pour que le recours doive être rejeté
(ATF 133 III 221 consid. 7 p. 228; 132 I 13 consid. 6 p. 20).

2.4 La recourante conteste que l'on puisse lui reprocher de s'être adressée au
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne pour reprendre le dossier
instruit par le Président du Tribunal des mineurs dès lors que ce dernier avait
accepté de se dessaisir de la cause pendante devant lui. En omettant de tenir
compte de ce fait, la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire. On peut
admettre que le recours est suffisamment motivé en tant qu'il porte sur la
motivation principale de l'arrêt litigieux. Il est douteux en revanche que cela
soit le cas en tant qu'il concerne la motivation subsidiaire. Contrairement à
ce que semble croire la recourante, la cour cantonale n'a pas ignoré que le
critère de distinction lié à l'âge fondé sur l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance
relative au code pénal suisse n'était plus pertinent pour justifier la
poursuite des infractions dénoncées par deux autorités distinctes étant donné
que cette ordonnance a été abrogée depuis le 1er janvier 2007. Elle a toutefois
considéré que dans la mesure où le Tribunal des mineurs était déjà saisi de la
cause concernant l'une des prévenues, celui-ci restait compétent pour
poursuivre l'enquête et juger l'affaire au regard de l'art. 3 al. 2 de la loi
fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin; RS 311.1). La
recourante ne critique pas cette argumentation. Elle ne cherche pas à démontrer
en quoi le Tribunal d'accusation aurait fait une interprétation erronée de
cette disposition. Elle se borne à faire valoir que la connexité des
procédures, les principes d'indivisibilité de la poursuite pénale et de
célérité ainsi que ses droits procéduraux découlant de la LAVI commandaient de
faire une exception aux règles de compétence et de joindre les causes. La
recevabilité du recours au regard des exigences de motivation déduites des art.
42 al. 2 et 106 al. 2 LTF peut rester indécise car les motifs invoqués ne sont
pas de nature à justifier une dérogation aux règles de compétence matérielle
déduites de l'art. 3 al. 2 DPMin telles que les a exposées la cour cantonale et
dont il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office la pertinence
en l'absence de grief à ce propos.

2.5 L'auteur cité par la recourante prévoit précisément une exception au
principe de l'indivisibilité de la poursuite pénale et à la connexité des
procédures lorsque des mineurs sont impliqués (Gérard Piquerez, Traité de
procédure pénale suisse, 2006, n. 438, p. 277). On ne voit pas que le principe
de célérité ancré à l'art. 29 al. 1 Cst. puisse être compromis par la poursuite
de deux procédures distinctes dès lors que ce principe s'applique aux deux
juridictions concernées. La recourante ne prétend d'ailleurs pas que l'enquête
pénale conduite par le Président du Tribunal des mineurs connaîtrait des
retards inadmissibles qui justifieraient son dessaisissement en faveur du Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne. Le risque de jugements
contradictoires ne saurait davantage faire échec à l'application des règles
ordinaires de compétence. Enfin, il n'est nullement démontré que la décision
attaquée porterait atteinte aux droits procéduraux accordés par la LAVI aux
victimes d'infractions contre l'intégrité sexuelle. La recourante ne peut en
effet se prévaloir des dispositions particulières concernant la protection des
enfants étant donné qu'elle était âgée de plus de 18 ans au moment de
l'ouverture de la procédure pénale (cf. art. 41 LAVI a contrario). En outre, on
ne voit pas en quoi le droit que l'art. 35 let. d LAVI reconnaît à la victime
d'une infraction contre l'intégrité sexuelle d'exiger de ne pas être confrontée
à son prétendu agresseur serait compromis en cas de poursuite pénale par deux
autorités distinctes.

2.6 Cela étant, la motivation subsidiaire retenue par la cour cantonale résiste
aux critiques que lui adresse la recourante. Comme elle est indépendante et
suffisante pour maintenir l'arrêt attaqué, il n'y a pas lieu d'examiner le
bien-fondé de la motivation principale (cf. ATF 133 III 221 consid. 7 précité).

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les conditions posées à l'art. 64 LTF étant réunies, il convient de faire droit
à la demande d'assistance judiciaire présentée par X.________ et de statuer
sans frais. Me Isabelle Jaques est désignée comme avocate d'office de la
recourante pour la présente procédure et une indemnité de 1'500 fr. lui sera
versée à titre d'honoraires, à la charge de la caisse du Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Me Isabelle Jaques est désignée en tant qu'avocate d'office de la recourante et
une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, supportée par
la caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante ainsi qu'au
Ministère public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 26 octobre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Parmelin