Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.235/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_235/2009

Arrêt du 25 septembre 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________, représenté par Me Roland Schaller, avocat,
recourant,

contre

Juge d'instruction 6 du Service régional de juges d'instruction I du Jura
bernois-Seeland, 2740 Moutier,
Ministère public I du Jura bernois-Seeland, 2740 Moutier 2.

Objet
mesures de substitution à la détention préventive,

recours contre la décision du Juge de l'arrestation 2 de l'arrondissement
judiciaire II Bienne-Nidau du 4 août 2009.

Faits:

A.
Le 23 juillet 2009, A.________ a été arrêté dans le cadre d'une procédure
pénale dirigée contre lui pour enlèvement et séquestration, éventuellement
brigandage. Le Juge d'instruction 6 du Service des Juges d'instruction I du
Jura bernois - Seeland (ci-après: le juge d'instruction) a proposé au Juge de
l'arrestation I du Jura bernois - Seeland de placer l'intéressé en détention
provisoire, en raison des risques de fuite et de collusion. Par décision du 24
juillet 2009, le juge de l'arrestation susmentionné a ordonné le placement de
A.________ en détention provisoire en raison d'un danger de collusion, la
question du risque de fuite étant expressément laissée ouverte.
A.________ a requis sa mise en liberté le 27 juillet 2009, ce que son avocat a
confirmé le 29 juillet 2009. Par écriture du 31 juillet 2009, le juge
d'instruction a proposé de retenir l'existence d'un risque de fuite et de
remettre le prénommé en liberté provisoire avec des mesures de substitution.
Invité à se déterminer, A.________ a contesté l'existence d'un risque de fuite,
sans s'opposer à une libération assortie de mesures de substitution. Par
décision du 4 août 2009, le Juge de l'arrestation 2 de l'Arrondissement
judiciaire II Bienne - Nidau (ci-après: le juge de l'arrestation) a ordonné la
remise en liberté de A.________, en l'assortissant des mesures de substitution
suivantes:
a) Il est interdit à A.________ de prendre contact sous quelque forme que ce
soit (téléphone, sms, courriels, contacts personnels, même visuels etc.) avec
le lésé X.________ et/ou sa copine Y.________.
b) Il est interdit à A.________ de quitter la Suisse sans autorisation
préalable expresse de l'autorité.
c) Lors de sa remise en liberté, A.________ remettra ses papiers (carte
d'identité et passeport) à l'autorité.
d) A.________ se soumettra à un contrôle de présence auprès de la Police
cantonale bernoise à Bienne à rythme hebdomadaire, selon les modalités à fixer
par l'autorité d'instruction et la police.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral de réformer cette décision en supprimant les mesures de
substitution b, c et d. Invoquant le droit à la liberté personnelle, il
conteste l'existence d'un risque de fuite. Il se plaint en outre d'une
violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en raison d'un
défaut de motivation de la décision attaquée.
Le juge de l'arrestation a renoncé à se déterminer. Le juge d'instruction
conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Le Ministère
public I du Jura bernois-Seeland a présenté des observations, au terme
desquelles il conclut que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. A.________ a déposé des observations complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331).

1.1 Les décisions relatives à la détention avant jugement sont des décisions en
matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p.
273; Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111), La voie du recours en matière
pénale est dès lors ouverte en l'espèce.

1.2 La décision contestée, qui a pour objet la remise en liberté provisoire du
recourant moyennant des mesures de substitution, constitue une décision
incidente (cf. arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Conformément à
l'art. 93 al. 1 LTF, le recours n'est ouvert contre une telle décision que si
celle-ci peut causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du
recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter
une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Le recourant ne se
prévaut pas de cette dernière condition, qui n'entre pas en considération en
l'espèce. En revanche, la condition du préjudice irréparable est réalisée, dès
lors que les mesures de substitution portent atteinte à la liberté personnelle
du recourant, lui causant ainsi un préjudice qu'une décision favorable au fond
ne ferait pas disparaître entièrement.

1.3 Pour le surplus, formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une
décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le
recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b
ch. 1 LTF), le recours est recevable.

2.
La première mesure de substitution, qui a trait au danger de collusion (let.
a), n'est pas remise en cause par le recourant. Seules sont contestées les
mesures de substitution visant à pallier le risque de fuite (let. b à d). Ces
mesures constituent une restriction à la liberté personnelle garantie par les
art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH (cf. arrêt 1B_306/2007 du 28 janvier 2008 consid.
2.1). Une telle restriction doit reposer sur une base légale, répondre à un
intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à
3 Cst.). La base légale et la proportionnalité n'étant pas discutées par le
recourant, il reste à examiner si l'atteinte à la liberté personnelle est
motivée par un intérêt public. Dès lors qu'en l'espèce les mesures de
substitution visent à parer au risque de fuite, elles ne sauraient être
confirmées si l'existence de ce risque n'est pas établie. En effet, les mesures
alternatives à l'incarcération du prévenu ne sont admissibles que pour autant
que le motif de détention préventive subsiste (ATF 133 I 27 consid. 3.3 p. 30
et les références).
Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels
que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec
l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître
le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia
69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne
peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle
permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la
peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69
consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67).

3.
La décision attaquée renvoie purement et simplement aux motifs exposés par le
juge d'instruction dans son écriture du 31 juillet 2007. S'agissant du risque
de fuite, cette écriture renvoie elle-même à une précédente "proposition de
détention" qui ne figure pas au dossier du juge de l'arrestation. On retrouve
cependant ce document, daté du 23 juillet 2009, dans le dossier du juge
d'instruction.

3.1 Selon la jurisprudence rendue en matière de prolongation de la détention
préventive, on admet qu'une motivation par renvoi à de précédentes décisions ou
par adhésion aux motifs de la demande de prolongation de la détention peut être
acceptable, pour autant que le prévenu ne fasse pas valoir d'arguments
nouveaux. Encore faut-il que les motifs auxquels il est renvoyé soient
développés de manière suffisante au regard des exigences de l'art. 29 al. 2
Cst. (ATF 114 Ia 281 consid. 4c p. 285; 103 Ia 407 consid. 3a p. 409; arrêt
1P.198/2006 du 25 avril 2006 consid. 4).

3.2 En l'occurrence, il ressort en substance de la "proposition de détention"
du 23 juillet 2009 que le juge d'instruction estime qu'il existe un risque de
fuite, même si le recourant a toujours vécu en Suisse, où il exerce un emploi
et où il entretient une relation stable avec une femme dont il a une fille en
bas âge. Il se fonde sur la nationalité italienne du recourant, qui "maîtrise
parfaitement sa langue d'origine", et sur le fait que ses grands-parents et une
partie importante de la famille de sa compagne vivent en Italie. Dans son
écriture du 31 juillet 2009, le juge d'instruction relève en outre que le
recourant a "quitté la Suisse de manière précipitée" deux jours après les faits
et que s'il est rentré à la demande de la police, il ignorait alors la portée
qui serait donnée à ses actes.
Le recourant s'est exprimé sur ces questions dans ses requêtes de mise en
liberté des 27 et 29 juillet 2009 et dans la détermination déposée le 4 août
2009 devant le juge de l'arrestation. Il a notamment allégué que son départ en
Italie n'était pas précipité mais qu'il était planifié de longue date. Il
exposait en outre qu'il était rentré en Suisse en connaissance de cause et
qu'il n'avait aucune raison de quitter le pays, où il exerce un travail qui lui
plaît et où "toute sa famille et celle de sa compagne résident". Le juge de
l'arrestation, seule autorité judiciaire cantonale compétente en matière de
détention préventive, n'a aucunement répondu à ces arguments. Quant au juge
d'instruction, dont le rôle dans ce domaine se limite à faire des propositions,
il ne s'est déterminé que de manière très partielle, ses écritures étant pour
l'essentiel antérieures aux critiques du recourant. Il en résulte que ce
dernier n'a pas obtenu de réponse aux griefs précités, qui n'apparaissaient pas
d'emblée mal fondés.
A cet égard, il y a lieu de relever que l'importance de la peine à laquelle le
prévenu est exposé en cas de condamnation ne peut pas à elle seule justifier
une restriction de sa liberté personnelle avant jugement, de sorte qu'il
convient d'examiner s'il existe d'autres indices d'un éventuel risque de fuite.
La nationalité italienne du recourant et le fait qu'il maîtrise la langue de
son pays d'origine ne constituent pas à proprement parler de tels indices, dès
lors qu'il est admis que l'intéressé a toujours vécu en Suisse où il a
manifestement des attaches importantes. On ignore au demeurant si le recourant
a en Italie d'autres relations que ses grands-parents et s'il a conservé dans
ce pays des liens qui feraient redouter un risque de fuite. Or, il n'appartient
pas au Tribunal fédéral de rechercher dans le dossier les renseignements qui
permettraient de justifier les mesures litigieuses.
En définitive, compte tenu notamment des allégués du recourant quant à sa
situation personnelle, les éléments indispensables pour apprécier le risque de
fuite font défaut, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de
statuer. Il y a dès lors lieu de constater que la décision attaquée ne contient
pas "les motifs déterminants de fait et de droit" requis par l'art. 112 al. 1
let. b LTF, si bien que la cause doit être renvoyée à l'autorité cantonale en
application de l'art. 112 al. 3 LTF.

3.3 Il n'en résulte pas pour autant que les mesures de substitution doivent
être immédiatement supprimées (cf. ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293
consid. 5g p. 308). Il convient en effet de les maintenir provisoirement
lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée doit être annulée pour des
raisons formelles liées à l'absence d'une motivation suffisante en fait et en
droit et que l'existence de motifs permettant de fonder ces mesures n'apparaît
pas d'emblée exclue. La conclusion tendant à la suppression des mesures de
substitution doit donc être rejetée. Pour rétablir une situation conforme au
droit, il appartiendra au juge de l'arrestation de statuer à nouveau sur la
requête du recourant, à bref délai et dans le respect des garanties découlant
de l'art. 112 al. 1 LTF, respectivement de l'art. 29 al. 2 Cst.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis. La décision attaquée
est annulée et la cause est renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle
rende, à brève échéance, une décision qui réponde aux réquisits de l'art. 112
al. 1 LTF. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4
LTF). Le recourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de
l'Etat de Berne (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis partiellement. La décision attaquée est annulée et la
cause est renvoyée au Juge de l'arrestation 2 de l'Arrondissement judiciaire II
Bienne - Nidau pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à A.________ à titre de dépens, à la
charge de l'Etat de Berne.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Juge de
l'arrestation 2 de l'Arrondissement judiciaire II Bienne - Nidau, au Juge
d'instruction 6 du Service des Juges d'instruction I du Jura bernois - Seeland
et au Ministère public I du Jura bernois-Seeland.

Lausanne, le 25 septembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener