Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.221/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_221/2009

Arrêt du 24 août 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
A.________, représenté par Me Antoine Eigenmann, avocat,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Vaud, 1014 Lausanne.

Objet
demande de mise en liberté,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 2 juillet 2009.

Faits:

A.
Le 16 décembre 2008, A.________ a été arrêté et placé en détention préventive
dans le cadre d'une instruction ouverte contre lui pour infraction grave à la
loi fédérale sur les stupéfiants. Par ordonnance du 16 janvier 2009, le Juge
d'instruction du canton de Vaud (ci-après: le juge d'instruction) a rejeté la
requête de mise en liberté provisoire présentée la veille par A.________. Une
deuxième requête de mise en liberté a été rejetée par ordonnance du 18 mars
2009. Le recours formé par l'intéressé contre cette ordonnance auprès du
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le
Tribunal cantonal) a été rejeté par arrêt du 3 avril 2009.
Le 18 juin 2009, A.________ a présenté une nouvelle demande de mise en liberté,
que le juge d'instruction a rejetée par ordonnance du 19 juin 2009. Le prénommé
a contesté cette ordonnance auprès du Tribunal cantonal, qui a rejeté son
recours par arrêt du 2 juillet 2009. Cette autorité a considéré qu'il existait
des présomptions de culpabilité suffisantes à l'encontre de A.________ et que
son maintien en détention était justifié par des risques de fuite, de récidive
et de collusion. De plus, le principe de la proportionnalité demeurait
respecté.

B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'ordonner sa libération immédiate et,
subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal
cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en
outre l'assistance judiciaire. Le Procureur général du canton de Vaud et le
Tribunal cantonal ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Les décisions relatives au maintien en détention avant jugement sont des
décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270
consid. 1.1 p. 273; Message concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). Formé en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale
(art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose
sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art.
59 du Code de procédure pénale du canton de Vaud du 12 septembre 1967 (CPP/VD;
RSV 312.01). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter
le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268
consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être
justifiée par un danger pour la sécurité ou l'ordre public, par un risque de
fuite ou par les besoins de l'instruction (cf. art. 59 ch. 1 à 3 CPP/VD). La
gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle
seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des
charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1
let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 59 in initio CPP/VD). S'agissant
d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine
librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).
L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des
faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).

3.
Le recourant ne remet pas en cause l'existence de charges suffisantes, mais il
conteste notamment l'existence d'un risque de collusion.

3.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public
lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre
que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer
les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour
tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois se contenter
d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure
pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention
préventive, présenter une certaine vraisemblance. L'autorité doit ainsi
démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un
danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la
manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et
sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction
elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en
compromettrait l'accomplissement (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151; 123 I 31
consid. 3c p. 35; 117 Ia 257 consid. 4b-c p. 260 s. et les références). Si le
danger de collusion est en règle générale plus important au début d'une
procédure pénale (ATF 107 Ia 138 consid. 4g p. 144), il peut toutefois
subsister après la clôture de l'enquête lorsque les circonstances font
sérieusement craindre que le prévenu n'abuse de sa liberté pour empêcher ou
altérer la manifestation de la vérité devant l'autorité de jugement, voire de
recours (ATF 117 Ia 257 consid. 4b p. 261; Gérard Piquerez, Traité de procédure
pénale suisse, 2e éd., 2006, n. 849 p. 543).

3.2 En l'espèce, le Tribunal cantonal a considéré qu'il restait des
investigations à effectuer et qu'il n'était pas exclu que le recourant entre en
contact avec ceux qui pourraient le mettre en cause, pour tenter d'influencer
leurs déclarations en sa faveur. Il mentionne notamment des tiers qui font
l'objet d'enquêtes dans le canton de Neuchâtel et avec lesquels le recourant
était en relation. Il évoque aussi des investigations en cours contre "les
membres de la filière demeurant au Kosovo". Il relève également que le
recourant avait communiqué, au moyen d'un téléphone portable trouvé en sa
possession en prison, avec son frère, qui le met en cause, et sa belle-soeur.
Ces derniers devaient encore être entendus au sujet de ces communications. Le
recourant ne conteste pas ces éléments et il ne remet pas en question
l'appréciation du Tribunal cantonal de manière convaincante. Il se borne en
effet à affirmer que "les enquêteurs ont annoncé, il y a plus d'un mois, la
clôture de l'enquête", sans aucunement discuter les actes d'instructions
susmentionnés. Il ressort au demeurant du dossier que l'instruction n'était pas
close lorsque l'arrêt attaqué a été rendu, des auditions ayant encore eu lieu
les 24 et 27 juillet 2009. Le recourant peut donc être renvoyé à la motivation
de l'arrêt querellé s'agissant du risque de collusion, qui apparaît à ce stade
concret et vraisemblable au regard des motifs invoqués.

4.
Dès lors que le maintien en détention du recourant est encore justifié par un
danger de collusion, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il peut aussi être
motivé par un risque de fuite ou par un risque de récidive, comme le retient la
décision attaquée.

5.
Il reste à examiner si la détention litigieuse viole les principes de la
proportionnalité et de la célérité, comme le soutient le recourant.

5.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est
mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable
ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la
détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental,
qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la
durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre.
Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu
de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de
l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps
qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à
laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168
consid. 4.1 p. 170; 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 128 I 149 consid. 2.2 p. 151;
107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). L'incarcération peut
aussi être disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la
procédure pénale. Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement
grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en
mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 133 I 270
consid. 3.4.2 p. 281; 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.; 123 I 268 consid. 3a
p. 273; 116 Ia 147 consid. 5a, 107 Ia 257 consid. 2 et 3).

5.2 En l'occurrence, le recourant se limite à rappeler la jurisprudence et à
affirmer que l'enquête est close et que l'intérêt public pourrait être préservé
par une mesure moins dommageable que la détention préventive. Il est dès lors
douteux que le grief soit recevable au regard des exigences minimales de
motivation déduites des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (cf. à cet égard ATF 133
II 249 consid. 1.4 p. 254 s. et les références). Au demeurant, compte tenu des
graves accusations pesant sur le recourant, les quelque huit mois de détention
préventive subis à ce jour apparaissent encore compatibles avec la peine
privative de liberté à laquelle l'intéressé est exposé concrètement en cas de
condamnation. De plus, on ne voit pas quelle mesure moins incisive que la
détention préventive permettrait de prévenir le risque de collusion, les
mesures alternatives évoquées par le recourant ayant du reste trait au risque
de fuite uniquement. Enfin, la procédure progresse régulièrement et on ne
distingue pas de graves manquements à cet égard.

6.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure de
sa recevabilité. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses
conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance
judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la
désignation de Me Antoine Eigenmann en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu
de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de
l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Me Antoine Eigenmann avocat à Lausanne, est désigné comme avocat d'office du
recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont
fixés à 1'500 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Procureur
général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du can ton de Vaud.

Lausanne, le 24 août 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener