Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.188/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_188/2009, 1B_190/2009

Arrêt du 25 septembre 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
1B_188/2009
A.________,

et

1B_190/2009
B.________,
recourantes,
toutes deux représentées par Me Olivier Cramer, avocat,

contre

C.________, représentée par Me Monica Bertholet, avocate,
intimée,
Procureur général du canton de Genève, 1211 Genève 3.

Objet
procédure pénale, levée de saisie,

recours contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
d'accusation, du 24 juin 2009.

Faits:

A.
Le 24 mars 2006, le Juge d'instruction du canton de Genève a inculpé D.________
d'escroquerie, de gestion déloyale, de divers délits dans la faillite et
d'infraction par métier à la loi fédérale sur la protection des marques, pour
avoir continué à fabriquer et à vendre à son profit des produits du laboratoire
X.________ et à agir en tant que représentant de ce dernier, alors que les
pouvoirs lui avaient été retirés depuis le mois de mars 2000. Dans ce cadre, le
Juge d'instruction a ordonné la saisie, au mois de novembre 2006, d'un compte
détenu par l'épouse de D.________, C.________, auprès de la banque Y.________.
Une inculpation complémentaire a été prononcée le 3 mai 2006 pour usure au
préjudice de A.________, ex-épouse de l'inculpé.
Au mois de février 2009, puis les 17 et 30 mars 2009, C.________ est intervenue
auprès du Juge d'instruction pour obtenir la levée de la saisie. Par acte du 28
avril 2009, elle a formé auprès de la Chambre d'accusation genevoise un recours
contre le silence du Juge d'instruction, assimilé à une décision de refus.
Le 25 mai 2009, après avoir reçu de la banque les relevés et états de fortune
du compte, le Juge d'instruction a invité C.________ à s'expliquer sur
l'origine de différents versements.

B.
Par ordonnance du 24 juin 2009, la Chambre d'accusation a admis le recours et
levé la saisie. Elle a considéré que l'attitude du Juge d'instruction,
confirmée en procédure de recours, équivalait à un refus. Celui-ci était motivé
par le fait que l'inculpé avait, depuis un compte Z.________ clôturé en 2001,
versé 330'000 fr. en juillet 2004 et 100'000 fr. en août 2005 sur un compte
détenu par sa mère auprès de la banque Y.________. Ces montants avaient servi à
l'achat de titres transférés au mois d'août 2006 sur le compte de la
recourante. Le lien entre le compte Z.________ et les gains illicites (soit
environ 2 millions de fr.) n'était toutefois pas suffisamment démontré. Pour
les autres versements effectués depuis novembre 2006 sur le compte saisi, le
Juge d'instruction avait demandé des explications à la recourante, ce qui
démontrait l'absence de lien établi avec le produit des activités de l'inculpé.

C.
Par acte du 2 juillet 2009 - après avoir tenté en vain d'obtenir un effet
suspensif avant recours - A.________, partie à la procédure devant la Chambre
d'accusation, forme un recours en matière pénale et un recours constitutionnel
subsidiaire. Elle conclut à l'annulation de l'ordonnance de la Chambre
d'accusation et requiert l'effet suspensif.
Par acte du même jour, B.________, qui n'a pas pris part à la procédure
cantonale, mais dont la qualité de partie civile lui a été reconnue après le
prononcé de l'arrêt attaqué, forme un recours identique et prend les mêmes
conclusions.
Le Ministère public du canton de Genève s'en rapporte à justice. Aux termes de
ses observations sur effet suspensif et sur le fond, C.________ conclut à
l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet des recours.
L'effet suspensif a été accordé par ordonnances du 28 juillet 2009.

Considérant en droit:

1.
Les deux recours sont dirigés contre une même ordonnance de la Chambre
d'accusation. Il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt.

2.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre
une décision confirmée en dernière instance cantonale (art. 80 LTF), relative
au sort d'une saisie prise au cours de la procédure pénale. Le recours en
matière pénale permet de soulever les griefs relatifs à l'application du droit
fédéral (art. 95 LTF). Lorsqu'il est dirigé, comme en l'espèce, contre une
mesure provisionnelle, il ne peut porter que sur la violation des droits
constitutionnels (art. 98 LTF); il permet ainsi aux recourants de se plaindre
d'arbitraire dans l'établissement des faits et dans l'application du droit
cantonal. Les recours constitutionnels subsidiaires sont, partant, irrecevables
pour ce motif déjà.

3.
Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale
quiconque a pris part à la procédure cantonale ou a été privé de la possibilité
de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée (let. b). Il s'agit en particulier de
l'accusateur privé, agissant sans intervention du Ministère public (ch. 4), de
la victime (par quoi il faut entendre la victime au sens de la LAVI - ATF 133
IV 228 consid. 2) si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement
de ses prétentions civiles (ch. 5) et du plaignant, lorsque la contestation
porte sur le droit de porter plainte (ch. 6). Les recourantes ne satisfont à
aucune de ces conditions: le Ministère public est intervenu dans la procédure
pénale et les recourantes n'ont pas la qualité de victimes LAVI.

3.1 Selon la jurisprudence, le simple lésé n'a, en principe, pas qualité pour
former un recours en matière pénale, car il ne dispose que d'un intérêt de fait
à la mise en oeuvre et à la poursuite de l'action pénale. Il n'a d'intérêt
juridique à obtenir l'annulation d'une décision relative à la conduite de
l'action pénale que si cette décision porte atteinte aux droits procéduraux qui
lui sont reconnus par le droit cantonal ou qui découlent directement du droit
constitutionnel. Il n'est donc habilité à recourir que pour se plaindre de la
violation de tels droits, notamment de n'avoir pas été entendu ou de s'être vu
refuser la qualité de partie à la procédure. Il ne peut remettre en cause, même
de façon indirecte, la décision sur le fond (ATF 133 IV 228 consid. 2).
La jurisprudence reconnaît aussi la qualité pour recourir aux lésés qui
interviennent non pas sur le fond, mais à l'encontre d'une décision de
procédure, lorsqu'ils s'opposent à la levée d'une saisie d'avoirs au motif que
ces derniers pourraient leur être alloués en application de l'art. 73 CP (arrêt
1B_212/2007 du 12 mars 2008, consid. 1.4). Il faut pour cela que les recourants
aient participé à la procédure cantonale et que leur intérêt juridique soit
suffisamment démontré.

3.2 En l'occurrence, B.________ a repris, au mois d'avril 2006, les actifs de
la masse en faillite du laboratoire X.________, alors partie civile; elle s'est
constituée partie civile le 1er avril 2009, et cette qualité lui a été reconnue
le 26 mai 2009 par le Juge d'instruction, non pas à titre définitif mais "en
l'état du dossier", et ce uniquement pour les faits postérieurs au 28 avril
2008, date de la reprise des marques auprès de la masse en faillite.
Il résulte de ce qui précède que B.________ n'a pas participé à la procédure
devant la Chambre d'accusation. Elle estime certes avoir été privée de cette
possibilité, mais ne prétend pas que ses droits de partie auraient été ainsi
violés. On ne saurait au demeurant reprocher à la cour cantonale de lui avoir
dénié à tort la qualité de partie, puisque le recours de C.________ a été
déposé le 28 avril 2009, et que la recourante ne s'est vu reconnaître -
partiellement - la qualité de partie civile qu'un mois plus tard, quelques
jours seulement avant l'audience de plaidoiries à l'issue de laquelle la cause
a été gardée à juger. La recourante n'a d'ailleurs pas tenté d'intervenir dans
la procédure de recours alors même qu'elle ne pouvait en ignorer l'existence,
puisqu'elle est représentée par A.________.
La condition formelle posée à l'art. 81 al. 1 let. a LTF n'est dès lors pas
réalisée, de sorte que le recours formé par B.________ est irrecevable.

3.3 La recourante A.________ était partie à la procédure cantonale de recours,
en tant qu'intimée. Il y a lieu de rechercher si elle dispose d'un intérêt
juridique suffisant à l'annulation de la décision attaquée.
3.3.1 Dans une ordonnance du 20 septembre 2006, la Chambre d'accusation a
considéré que la recourante n'avait pas qualité de partie civile pour ce qui
concerne les faits visés par l'inculpation du 24 mars 2006. Cette décision est
entrée en force. Dans sa lettre précitée du 26 mai 2009, le Juge d'instruction
a retenu que la recourante n'avait pas non plus qualité de partie civile pour
ce qui concernait l'inculpation complémentaire d'usure. Cette décision a fait
l'objet d'un recours auprès de la Chambre d'accusation.
Il résulte de ce qui précède que la recourante n'aurait éventuellement qualité
de partie civile que pour ce qui concerne la dernière inculpation. Elle ne
saurait par conséquent prétendre à une restitution, au sens de l'art. 73 CP,
que dans une mesure réduite. La recourante n'explique d'ailleurs nullement pour
quels motifs et à concurrence de quels montants une telle allocation pourrait
lui être accordée de ce chef. Faute de toute explication sur ce point,
l'intérêt juridique de la recourante n'apparaît pas suffisamment démontré.
3.3.2 Le recours serait d'ailleurs également irrecevable en application de
l'art. 93 al. 1 LTF. Cette disposition ne permet de recourir, contre une
décision incidente telle que la décision attaquée, qu'en présence d'un
préjudice irréparable, soit un préjudice qu'une décision ultérieure favorable
ne ferait pas cesser entièrement. A ce sujet, la recourante se contente de
prétendre que la libération des fonds "implique que ces avoirs seront à la
libre disposition de Mme C.________ et de l'inculpé". Or, comme le relève
l'intimée, le Juge d'instruction a aussi ordonné le blocage de fonds
appartenant à l'inculpé et à sa mère, pour un montant total d'environ 1,3
million de fr. Faute de toute indication sur les prétentions civiles que la
recourante entend élever, il n'est ni allégué ni démontré que les montants qui
restent encore saisis seraient insuffisants.

4.
Sur le vu de ce qui précède, les recours en matière pénale et les recours
constitutionnels sont irrecevables. Conformément aux art. 66 al. 1 et 68 al. 2
LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent,
de même qu'une indemnité de dépens allouée à l'intimée C.________.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1B_188/2009 et 1B_190/2009 sont jointes.

2.
Les recours sont irrecevables.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis pour 1'000 fr. à la charge
de A.________ et pour 1'000 fr. à la charge de B.________.

4.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à l'intimée C.________, soit
1'000 fr. à la charge de A.________ et 1'000 fr. à la charge de B.________.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Procureur
général et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 25 septembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz