Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.180/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_180/2009

Arrêt du 10 juillet 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.

Parties
X.________,
représenté par Me Bogdan Prensilevich, avocat,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève.

Objet
refus de mise en liberté provisoire,

recours contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
d'accusation, du 22 mai 2009.

Faits:

A.
X.________ a été inculpé le 19 février 2009 de complicité de tentative
d'assassinat pour avoir, en septembre ou octobre 2007, procuré, en toute
connaissance de cause, un pistolet à A.________, qui avait été mandaté pour
assassiner B.________. Le 5 octobre 2007, A.________ avait tiré, au moyen de
cette arme, un coup de feu sur sa victime qu'il avait blessée de façon à mettre
sa vie en danger.

L'inculpation de X.________ repose sur une dénonciation de C.________, avec
lequel il a partagé la même cellule à la prison de D.________ pendant la
période du 26 novembre 2008 au 21 janvier 2009. Par courrier du 29 janvier
2009, C.________ a fait savoir au Procureur général qu'il était en possession
d'informations concernant X.________, selon lesquelles ce dernier lui avait
confié avoir fait partie d'un groupe qui avait projeté de tuer une personne
pour une histoire de vengeance; son rôle avait été de fournir l'arme utilisée
lors des faits et le véhicule qui devait servir à la fuite des participants.
C.________ a confirmé ses déclarations devant la police et le juge
d'instruction les 6 février, 27 février et 17 mars 2009.

B.
Par ordonnance du 22 mai 2009, la Chambre d'accusation du canton de Genève
(ci-après: la Chambre d'accusation) a refusé la mise en liberté provisoire du
prévenu, considérant que des charges suffisantes existaient à son égard. Par
ailleurs, le risque de collusion apparaissait particulièrement concret et
intense, le risque de récidive devait également être retenu et le danger de
fuite ne pouvait être exclu.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 22 mai
2009 et de prononcer sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement il conclut à
sa mise en liberté immédiate moyennant le dépôt de toutes pièces d'identité
auprès du Procureur général du canton de Genève. Il requiert en outre
l'assistance judiciaire. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de
sa décision. Le Ministère public du canton de Genève conclut au rejet du
recours dans la mesure où il est recevable.

Considérant en droit:

1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions
en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1
p. 273). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en
dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses
intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le
recours en matière pénale est recevable.

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose
sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art.
34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE; cf. également l'art. 27 Cst./
GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le
principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid.
2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être
justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de réitération (cf. 34 let. a à c CPP/GE). La gravité de
l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas
suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des
charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1
let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I
168; art. 34 in initio CPP/GE). S'agissant d'une restriction grave à la liberté
personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve
toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour une définition de
l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13
consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des
faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).

3.
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes: son inculpation
repose uniquement sur les déclarations de C.________, dont la valeur probante
est nulle. Les motifs de C.________ seraient en effet égoïstes et intéressés,
son but étant principalement de convaincre le Procureur général de sa
"transformation" en prison et de son désir, en tant que bon citoyen, d'aider la
justice en dénonçant son compagnon de cellule. De plus, les rapports des
intéressés étaient tendus, voire franchement mauvais, tout au long de leur
séjour dans la même cellule. A cela s'ajoute le problème de la langue, le
recourant parlant mal le français et C.________ ayant admis qu'il était
difficile de le comprendre. Il est probable que C.________ a mal compris les
explications du recourant, lequel a appris l'existence de l'arme emballée dans
un chiffon lors d'une audition devant le juge d'instruction le 9 janvier 2009,
ou qu'il a utilisé les faits en modifiant légèrement le contexte, pour s'en
servir dans sa lettre de dénonciation. Finalement, les déclarations de
C.________ comportent plusieurs incohérences. Celui-ci a affirmé que le
recourant ne s'était jamais confié à lui pendant qu'une troisième personne se
trouvait dans la même cellule; or, dès le 2 décembre 2008, soit six jours après
l'arrivée du recourant, il y avait pratiquement en permanence un troisième
détenu dans leur cellule.

3.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien
en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée
complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des
personnes ou des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit
uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant
une telle mesure (arrêt 1P.405/1998 du 30 novembre 1998 consid. 7b/cc, non
publié in ATF 125 I 146; ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146). L'intensité des
charges permettant de justifier une mesure de détention n'est pas la même aux
divers stades de l'instruction pénale; si l'on admet qu'après l'accomplissement
des actes d'instruction envisageables la perspective d'une condamnation doive
apparaître vraisemblable, des soupçons, même encore peu précis, peuvent être
considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête (arrêt 1P.713/
1991 du 27 novembre 1991 consid. 4b/aa).

3.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation a retenu que plusieurs éléments
ressortant des déclarations de C.________ s'étaient révélés exacts, que
celui-ci pouvait avoir eu connaissance de certains faits par des co-détenus ou
des rumeurs circulant à la prison, mais que certains points précis concernant
le mécanicien chargé de réparer le véhicule et la présence du chiffon emballant
l'arme, ne semblaient pouvoir être parvenus à sa connaissance que par des
confidences de son co-détenu. Par ailleurs, certains éléments étaient inconnus
de tous, y compris des personnes impliquées dans le cadre de la procédure,
puisqu'à l'époque où auraient eu lieu ces confidences, les parties n'avaient
pas accès à certaines pièces du dossier. La manière dont C.________ avait
expliqué les différentes étapes des révélations de son co-détenu apparaissait
crédible et cohérente et il ressortait du dossier que le recourant "se
débrouillait" en français et que les deux comparses avaient également utilisé
des gestes pour se comprendre. S'agissant des tensions entre les intéressés, le
recourant soutenait qu'il s'était battu avec son co-détenu et qu'il avait
demandé à plusieurs reprises de changer de cellule; ses dires n'étaient
toutefois pas confirmés par les renseignements transmis le 23 avril 2009 par le
directeur de la prison de D.________.

Au vu des circonstances précitées, la Chambre d'accusation pouvait
effectivement estimer que les déclarations précises et répétées de C.________
apparaissaient crédibles. Les doutes du recourant quant aux motifs qui ont
poussé son ancien co-détenu à le dénoncer sont de simples suppositions qui ne
permettent pas d'emblée de conclure à un mensonge créé de toutes pièces;
d'ailleurs, lors de son audience de jugement, C.________ n'a aucunement fait
état de sa collaboration dans la présente procédure, dans le but d'améliorer sa
situation pénale. De même, le fait qu'un troisième détenu était "pratiquement
en permanence" dans la cellule n'est pas a priori de nature à exclure toute
confidence de la part du recourant. Il apparaît ainsi que l'ensemble des
éléments retenus dans l'ordonnance attaquée constitue un faisceau d'indices
suffisant pour justifier un maintien en détention, étant rappelé que c'est au
juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera d'apprécier la
valeur probante des différentes déclarations.

4.
Le recourant conteste l'existence d'un risque de récidive. Il fait valoir que
les mauvais antécédents retenus par la Chambre d'accusation ne s'apparentent
pas aux faits de la cause, puisqu'il s'agissait, pour la plupart des cas, de
petits larcins.

Selon la jurisprudence, le maintien en détention préventive n'est admissible
que si le pronostic de récidive est très défavorable et si les délits à
craindre sont de nature grave. La simple possibilité, hypothétique, de
commission de nouvelles infractions de même nature, ou la vraisemblance que
soient commises des infractions mineures, sont des motifs insuffisants (ATF 133
I 270 consid. 2.2 p. 276; 125 I 60 consid. 3a p. 62). En l'occurrence, la
Chambre d'accusation se contente de relever que le recourant a été condamné à
six reprises depuis 2006, sans indiquer de quelles infractions il s'agissait.
Ceci est manifestement insuffisant pour fonder un risque de récidive, surtout
si, comme l'affirme le recourant et comme cela semble ressortir du dossier, les
condamnations précédentes concernaient des infractions d'ordre mineur contre le
patrimoine. Dans ces conditions, la Chambre d'accusation a mésusé de son
pouvoir d'appréciation en admettant qu'il existait un risque concret de
récidive. Le recours doit ainsi être admis sur ce point.

5.
Le recourant conteste également l'existence d'un risque de collusion et de
fuite.

5.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public
lié aux besoins de l'instruction en cours. Tel est le cas par exemple lorsqu'il
est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire
disparaître ou altérer les preuves, ou pour prendre contact avec des témoins ou
d'autres prévenus, afin de tenter d'influencer leurs déclarations (ATF 132 I 21
consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arrêts cités). On ne
saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque
est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui
seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance.
L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous
réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle
doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait
l'accomplissement (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151
et les arrêts cités).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en
fonction d'un ensemble de critères tels que la gravité de l'infraction, le
caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État
qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître un tel
danger non seulement possible, mais également probable (ATF 125 I 60 consid. 3a
p. 62 et les arrêts cités). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de fuite,
l'autorité doit en outre examiner s'il ne peut être contenu par une mesure
moins rigoureuse (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I 268 consid. 2c p. 271;
108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p. 381/382 et les arrêts
cités).

5.2 Dans le cas particulier, la Chambre d'accusation a considéré que le risque
de fuite ne pouvait être exclu, vu la gravité des faits reprochés au recourant
et la peine à laquelle il s'exposait. Or, la gravité de l'infraction ne peut
pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, de sorte qu'il
convient d'examiner s'il existe d'autres indices d'un éventuel risque de fuite.
L'ordonnance attaquée est toutefois muette sur ces questions: on ignore
notamment le statut du recourant en Suisse, sa situation personnelle et
financière, son intégration ainsi que ses attaches familiales et ses liens avec
l'étranger. Il apparaît ainsi que les éléments indispensables pour apprécier le
risque de fuite font défaut, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas en
mesure de statuer.

Il en est de même s'agissant du risque de collusion. La Cour cantonale indique
que ce danger apparaît particulièrement concret et intense dans une procédure
qui a fait l'objet d'une mesure de super-suspension prolongée à plusieurs
reprises où règne la loi du silence et où les inculpés, notamment le recourant,
tentent de s'entretenir ensemble pendant les audiences. Il ressort
effectivement du dossier que, lors de l'audience du 8 mai 2009, la Juge
d'instruction a dû intervenir pour empêcher le recourant de s'entretenir avec
un autre inculpé et qu'elle a dû plusieurs fois lui dire de se taire. C'est
toutefois le seul élément concret sur lequel la Chambre d'accusation fonde un
risque de collusion; elle n'indique pas en quoi la libération de l'intéressé
compromettrait l'accomplissement des actes d'instruction encore à effectuer. Au
demeurant, comme l'allègue le recourant, d'autres inculpés ont été libérés,
l'autorité ayant considéré que pour ceux-ci, le risque de collusion n'existait
plus. Il aurait dès lors été nécessaire de motiver plus précisément pourquoi ce
risque ne pouvait pas être écarté chez le recourant. Il n'appartient pas au
Tribunal fédéral de rechercher dans le dossier les éléments qui permettraient
de justifier le maintien en détention sous cet angle.

Il y a dès lors lieu de constater que la décision attaquée ne contient pas "les
motifs déterminants de fait et de droit" requis par l'art. 112 al. 1 let. b
LTF, si bien qu'elle doit être annulée sur ce point et que la cause doit être
renvoyée à l'autorité cantonale en application de l'art. 112 al. 3 LTF.

6.
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis. La décision attaquée
est annulée et la cause est renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle
rende, à brève échéance, conformément au principe de célérité, une décision qui
réponde aux réquisits de l'art. 112 al. 1 LTF. Il n'y a pas lieu de percevoir
des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, assisté d'un avocat, a
droit à des dépens, à la charge de l'Etat de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Dans
ces conditions, sa demande d'assistance judiciaire est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. La décision attaquée est annulée et la
cause est renvoyée à la Présidente de la Chambre d'accusation de la Cour de
justice du canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à X.________ à titre de dépens, à la
charge de l'Etat de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 10 juillet 2009

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Féraud Mabillard