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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.171/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_171/2009

Arrêt du 7 septembre 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
B.________,
C.________,
représentés par Me Joachim Lerf, avocat,
recourants,

contre

Juge d'instruction du canton de Fribourg, 1702 Fribourg,
Ministère public de l'Etat de Fribourg, 1700 Fribourg.

Objet
procédure pénale, levée de scellés,

recours contre l'arrêt du Président de la Chambre pénale du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg du 21 avril 2009.

Faits:

A.
Le 24 septembre 2007, le Juge d'instruction du canton de Fribourg a renvoyé
A.________ et B.________ devant le Tribunal pénal économique du canton de
Fribourg, notamment pour faux dans les titres. Certaines sociétés domiciliées
auprès de la société C.________ avaient fait l'objet de rapports de révision
établis par la société D.________, et les inculpés auraient constaté faussement
l'indépendance de cette dernière société. Le 10 novembre 2008, le tribunal a
renvoyé la cause à l'instruction afin qu'il soit procédé à des investigations
énumérées dans une lettre du 14 novembre suivant. Le Juge d'instruction devait
notamment, en rapport avec la société D.________, déterminer la date des
infractions, les sociétés concernées et donner des précisions sur les
collaborateurs impliqués.
Ce même jour, le Juge d'instruction a délivré un mandat de sommation et un
mandat de perquisition et de séquestre auprès de C.________, lesquels ont été
immédiatement exécutés sur la base d'une liste de sociétés complétée le 19
novembre 2008 à l'appui d'un nouveau mandat de sommation. Les documents, soit
les rapports et les notes de révision ainsi que les documents comptables pour
les années 1996 à 2000, ont été remis sous scellé.

B.
Le 3 décembre 2008, le Juge d'instruction a demandé la levée des scellés auprès
du Président de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois (ci-après:
le Président). Les prévenus et C.________ s'y sont opposés, en relevant que la
liste de sociétés visées contenait des erreurs, que la demande de levée des
scellés n'était pas suffisamment motivée et que les documents saisis n'étaient
pas nécessaires pour l'instruction.
Par arrêt du 21 avril 2009, le Président a admis la demande et autorisé
l'exploitation des documents séquestrés. Ces derniers correspondaient aux
compléments d'enquête exigés par le Tribunal pénal économique. Le principe de
la proportionnalité était respecté. Même si les listes de sociétés comportaient
des erreurs - notamment la mention de sociétés dont les inculpés n'avaient pas
été administrateurs durant la période pertinente -, l'examen des documents
permettrait de mettre hors de cause les inculpés. Les intimés demandaient qu'un
tri des documents soit effectué par une personne de confiance, mais cette
conclusion n'était pas motivée. Il n'y avait pas lieu de penser que le juge
n'écarterait pas du dossier les pièces inutiles à l'enquête. Le cas échéant, il
appartiendrait au juge d'instruction de recourir à un expert pour trier et
examiner les documents protégés par le secret.

C.
A.________, B.________ et C.________ forment un recours en matière pénale
assorti d'une demande d'effet suspensif. Ils concluent à l'annulation de
l'arrêt du 21 avril 2009.
Le Président de la Chambre pénale n'a pas formulé d'observations. Le Juge
d'instruction conclut au rejet du recours. Le Ministère public conclut à
l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.
La demande d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 6
juillet 2009.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre
une décision de levée de scellés prise au cours de la procédure pénale. L'arrêt
attaqué ne peut faire l'objet d'un recours cantonal (art. 80 LTF; cf. art. 130
al. 6 du code de procédure pénale fribourgeois - CPP/FR).

1.1 Dans le cadre d'une procédure de levée de scellés, a qualité pour agir le
détenteur des documents saisis, dans la mesure où l'accès à ces documents et
leur production dans le dossier de la procédure pénale est susceptible de
porter atteinte au secret professionnel dont il se prévaut. Tel est le cas de
la société C.________, destinataire des mandats de sommation et de perquisition
et en mains de laquelle les documents ont été saisis. La qualité pour agir des
autres recourants, en tant que prévenus ou gérants de la société, peut ainsi
demeurer indécise.

1.2 La décision attaquée constitue, pour les parties à la procédure pénale, une
décision incidente (ATF 133 IV 288 consid. 2 p. 290). Conformément à l'art. 93
al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours devant
le Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. En
principe, les décisions relatives à l'administration des preuves ne causent pas
de préjudice irréparable car la personne poursuivie peut toujours remettre en
cause la légalité ou la pertinence d'un moyen de preuve dans le cours ultérieur
de la procédure (ATF 134 III 188; 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les
références). Il est toutefois fait exception à cette règle lorsque, comme en
l'espèce, est invoquée la sauvegarde de secrets professionnels. Au demeurant,
la décision attaquée ne revêt pas un caractère incident à l'égard de la société
recourante, puisque celle-ci n'est pas partie à la procédure pénale et ne
pourra donc plus intervenir par la suite (cf. arrêt 1B_206/2007 du 7 janvier
2008, consid. 3.3). Il y a donc lieu d'entrer en matière, la question de savoir
si et dans quelle mesure les recourants peuvent se prévaloir d'un secret
professionnel pouvant être examinée avec le fond.

2.
Dans un grief formel, les recourants invoquent leur droit d'être entendus. Ils
reprochent au Président d'avoir, implicitement et sans raison, refusé de
suspendre la procédure de levée des scellés dans l'attente du sort de leur
recours dirigé contre les mandats de sommation, alors que celui-ci avait
déclaré sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif formée avec
ce recours. Par ailleurs, la décision attaquée ne serait pas suffisamment
motivée s'agissant des conditions d'application de l'art. 130 al. 3 CPP/FR.

2.1 Conformément au droit d'être entendu - et à l'obligation de motiver qui
découle des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF -, l'autorité doit indiquer
dans son prononcé les motifs qui la conduisent à sa décision (ATF 123 I 31
consid. 2c p. 34; 112 Ia 107 consid. 2b p. 109). Elle n'est pas tenue de
discuter de manière détaillée tous les arguments soulevés par les parties, ni
de statuer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées. Elle
peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il
suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la
décision et l'attaquer à bon escient (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 130 II
530 consid. 4.3 p. 540; 126 I 97 consid. 2b, et les arrêts cités).

2.2 La décision attaquée n'est certes pas très explicite quant aux motifs qui
ont conduit au rejet de la demande de suspension. Le Président a considéré que
le Juge d'instruction avait agi sur injonction du Tribunal pénal économique en
délivrant les mandats de perquisition et que le Président était seul compétent
pour statuer sur la levée des scellés. L'autorité intimée a ainsi retenu que
les procédures d'opposition et de levée des scellés étaient indépendantes l'une
de l'autre. Bien que succincte, une telle motivation est suffisamment
compréhensible pour satisfaire aux exigences minimales de l'art. 29 al. 2 Cst.
Les recourants tentent d'ailleurs en vain de remettre en cause l'appréciation
du Président sur ce point: la procédure pendante devant lui était limitée à la
levée des scellés, au regard du secret professionnel allégué. Le Président
pouvait dès lors, pour des motifs de célérité de la procédure, statuer
préalablement sur cette question, même si la question de la validité des
mandats de perquisition n'avait pas encore été définitivement tranchée.

2.3 La décision attaquée est également suffisamment motivée en ce qui concerne
l'application de l'art. 130 al. 6 CPP/FR. Les recourants prétendent que
l'autorité appelée à statuer sur la demande de levée des scellés devait
s'interroger sur l'utilité des documents saisis au regard des nécessités de
l'enquête. Selon l'art. 130 al. 6 CPP/FR, en cas de mise sous scellés, le
Président "statue définitivement sur l'admissibilité et l'étendue de la
mesure". L'examen et le tri éventuel prévus par cette disposition tendent
essentiellement à la protection du domaine privé et d'éventuels secrets
professionnels. L'autorité n'a donc pas, dans ce cadre, à s'interroger dans le
détail sur l'utilité des pièces saisies au regard de l'objet de l'instruction;
un tel examen appartient en premier lieu au magistrat instructeur. L'autorité
intimée a considéré que les pièces saisies allaient dans le sens du complément
d'instruction requis par le Tribunal pénal économique, et paraissaient
pertinentes dans le cadre d'une instruction ouverte pour faux dans les titres.
Cette appréciation générale, que les recourants sont à même de contester
efficacement, apparaît suffisante au regard du droit d'être entendu. Le grief
doit par conséquent être rejeté.

3.
Les recourants se plaignent, sur le fond, d'une violation de l'art. 130 al. 3
CPP/FR, en relation avec les art. 321 CP et 36 al. 3 Cst. Selon eux, le Juge
d'instruction n'aurait pas expliqué en quoi il serait nécessaire de séquestrer,
outre les rapports de révision, les comptes de perte et profit et les bilans
des 126 sociétés concernées; le Tribunal pénal économique n'aurait pas exigé la
production de ces pièces. L'arrêt attaqué n'expliquerait pas en quoi la
violation du secret professionnel serait admissible et proportionnée. Les
recourants reprochent aussi au Président de la Cour pénale d'avoir laissé au
Juge d'instruction le soin de trier les pièces saisies alors que c'est au
Président qu'incombe cette tâche.

3.1 Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une mesure
provisionnelle, seule peut être invoquée la violation de droits fondamentaux
(art. 98 LTF; cf. ATF 126 I 97 consid. 1c p. 102). Lorsque de tels griefs sont
soulevés, l'art. 106 al. 2 LTF prévoit pour la motivation du recours des
exigences qualifiées (ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88). Le recourant doit ainsi
indiquer, dans l'acte de recours lui-même, quel droit constitutionnel aurait
été violé et montrer, par une argumentation circonstanciée, en quoi consiste sa
violation (cf. ATF 134 III 186 consid. 5 p. 187; 133 II 249 consid. 1.4.2 p.
254; 130 I 26 consid. 2.1. p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261s). Les critiques de
nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 133 III 585 consid. 4. p. 589;
130 I 258 consid. 1.3 et les arrêts cités).

3.2 Selon l'art. 130 al. 3 CPP/FR, dans la mesure où ils contiennent des
données protégées par le secret de fonction et le secret professionnel, les
documents ne peuvent faire l'objet d'une perquisition que si la personne
astreinte au secret en a été déliée (a), a elle-même la qualité de prévenu (b)
ou si elle détient des objets qui ne lui sont pas destinés ou qui lui ont été
confiés pour être mis en sûreté.

3.3 Dans leurs déterminations sur la demande de levée des scellés, les
recourants n'invoquaient pas le secret professionnel, mais uniquement le
caractère selon eux disproportionné des investigations du Juge d'instruction.
L'argument fondé sur l'art. 130 al. 3 CPP/FR apparaît ainsi nouveau, de sorte
que le grief d'arbitraire apparaît irrecevable (art. 80 LTF; ATF 135 I 91
consid. 2.1 p. 93). Il devrait au demeurant être rejeté, car les recourants se
contentent d'invoquer le secret professionnel (secret de révision), sans
démontrer que les documents saisis en mains de C.________ seraient couverts par
un tel secret; selon la thèse des recourants, les rapports de révision auraient
été effectués par une société tierce, et non par la société recourante. Par
ailleurs, les recourants ne contestent pas non plus que l'une des conditions
alternatives mentionnées à l'art. 130 al. 3 let. a à c CPP/FR est remplie en
l'espèce, puisque deux d'entre eux sont inculpés dans la procédure pénale. Le
grief doit par conséquent être écarté, dans la mesure où il est recevable.

3.4 En l'absence d'un secret professionnel, on ne saurait non plus reprocher au
Président de ne pas avoir opéré de tri conformément à l'art. 130 al. 4 CPP/FR,
et d'avoir laissé au Juge d'instruction le soin de se prononcer sur la
pertinence de pièces saisies. Comme cela est relevé ci-dessus, l'art. 130 al. 6
CPP/FR n'impose pas un tel examen de détail par l'autorité chargée de décider
de la levée des scellés, du moins en l'absence d'un secret professionnel avéré.
Dans son résultat, la décision attaquée ne viole donc pas les dispositions,
cantonale et fédérale, sur la protection du secret professionnel.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourants (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Juge
d'instruction, au Ministère public et au Président de la Chambre pénale du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 7 septembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz