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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.169/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_169/2009

Arrêt du 6 juillet 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.

Parties
Ministère public du canton du Valais,
Procureur du Valais central,
recourant,

contre

X.________,
représenté par Me Mathieu Dorsaz, avocat,
intimé.

Objet
mise en liberté provisoire,

recours contre la décision du Tribunal cantonal du
canton du Valais, Chambre pénale, du 10 juin 2009.

Faits:

A.
Le 3 mai 2008, X.________ a été placé en détention préventive à la suite d'une
plainte de sa compagne A.________, qui l'accusait de la battre régulièrement.
Le juge d'instruction du Valais central (ci-après: le juge d'instruction) a
ouvert une instruction d'office pour lésions corporelles simples (art. 123 CP).
X.________ a été mis en liberté provisoire le 5 mai 2008 et A.________ a
déclaré retirer sa plainte le 28 mai 2008.

Interrogée à nouveau le 23 avril 2009, A.________ a accusé son compagnon de la
frapper régulièrement, ainsi que ses trois enfants B.________, né en 1997,
C.________, né en 1998 et D.________, née en 2001. Selon ses déclarations,
l'intéressé se promènerait toujours nu dans la maison, notamment devant les
enfants, il la menacerait quotidiennement de mort et exigerait chaque jour sous
la menace de nombreux rapports sexuels, dont certains pratiqués en présence des
enfants. Elle l'accuse en outre d'avoir à plusieurs reprises frotté son sexe
sur le visage de B.________ et C.________, en présence de D.________.
Interrogés séparément, les enfants ont confirmé pour l'essentiel cette
déposition. Le même jour, X.________ a été placé à nouveau en détention
préventive. Le juge d'instruction a étendu l'instruction aux infractions de
voies de fait (art. 126 CP), injure (art. 177 CP), menaces (art. 180 CP), actes
d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), contrainte sexuelle (art. 189
CP), viol (art. 190 CP), pornographie (art. 197 CP) et violation du devoir
d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP).

B.
Le 28 avril 2009, X.________ a présenté une première requête de mise en liberté
provisoire. Le juge d'instruction l'a rejetée par décision du 30 avril 2009, au
motif qu'il existait des risques de collusion, de récidive et de fuite. Une
nouvelle demande de mise en liberté a été déposée le 11 mai 2009, l'intéressé
précisant qu'il s'engageait à ne plus approcher ni contacter son amie et les
enfants de celle-ci. Par décision du 13 mai 2009, le juge d'instruction a
rejeté cette requête, en renvoyant aux motifs de sa décision du 30 avril 2009 «
notamment quant au risque de récidive et au risque de fuite ».
X.________ a déposé une plainte contre cette décision auprès de la Chambre
pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal
cantonal). Par décision du 10 juin 2009, le Tribunal cantonal a admis cette
plainte, au motif que le risque de fuite pouvait être paré par le dépôt des
pièces d'identité et l'obligation de se présenter régulièrement à un office
déterminé, qu'une « interdiction de rayon » semblait suffisante pour pallier le
risque de récidive et qu'il n'existait plus de risque de collusion.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, le Ministère public du
canton du Valais et le Procureur du Valais central (ci-après: le Ministère
public) demandent au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de dire que
X.________ est maintenu en détention préventive, subsidiairement de renvoyer la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Ils requièrent en outre
l'octroi de l'effet suspensif. X.________ s'est déterminé; il conclut au rejet
du recours dans la mesure de sa recevabilité et demande l'assistance
judiciaire. Le Ministère public n'a pas déposé d'observations complémentaires
dans le délai imparti.

D.
Par ordonnance du 30 juin 2009, le Président de la Ire Cour de droit public a
rejeté la requête d'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.
Les décisions relatives au maintien en détention avant jugement sont des
décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270
consid. 1.1 p. 273; Message concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). Conformément à l'art.
81 al. 1 let. b ch. 3, « l'accusateur public » a la qualité pour recourir (ATF
134 IV 36 consid. 1.4 pp. 39 ss.). Avant l'entrée en vigueur de la LTF, le
Tribunal fédéral avait jugé qu'en Valais seul le Procureur général avait
qualité pour interjeter un pourvoi en nullité en tant qu'« accusateur public du
canton » au sens de l'art. 270 let. c aPPF (ATF 131 IV 142). La question de
savoir si cette restriction doit être maintenue sous l'empire de la LTF n'a pas
à être tranchée en l'espèce, dès lors que le mémoire de recours a été signé non
seulement par le Procureur du Valais central mais aussi par le Procureur
général. Pour le surplus, formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une
décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF), le recours est
recevable.

2.
Remettant en cause les risques de fuite et de récidive, le recourant se plaint
d'une violation des art. 72 et 75 du Code de procédure pénale valaisan du 22
février 1962 (CPP/VS; RS 312.0). Il perd ainsi de vue que, sous réserve des cas
visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du droit cantonal ou communal ne
constitue pas un motif de recours devant le Tribunal fédéral. A la lecture du
recours, on comprend cependant que le recourant entend se plaindre d'une
application arbitraire de ces dispositions au sens de l'art. 9 Cst., ce qui
constitue une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF. Il y
a dès lors lieu d'entrer en matière sous cet angle.

2.1 Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme sous l'angle
de l'arbitraire (art. 9 Cst; pour une définition de l'arbitraire cf. ATF 134 I
263 consid. 3.1 p. 265 s. et les arrêts cités), le Tribunal fédéral ne s'écarte
de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si
celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En
revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne
s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la
disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée,
même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible
(ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s. et les
arrêts cités).

2.2 Aux termes de l'art. 72 ch. 1 CPP/VS, la détention préventive peut être
ordonnée lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'un crime ou d'un délit et
que, compte tenu des circonstances, il est sérieusement à craindre: (let. a)
qu'il ne se dérobe à la procédure ou à la sanction attendue en prenant la
fuite, (let. b) qu'il ne compromette la procédure en influençant des personnes,
en brouillant des pistes ou en perturbant des preuves ou (let. c) qu'il ne
commette de nouvelles infractions graves. Selon l'art. 75 ch. 1 CPP/VS, le
prévenu arrêté doit être mis en liberté dès que le maintien de la détention
n'est plus nécessaire pour l'instruction ou justifié par les circonstances.

2.3 En l'occurrence, le Tribunal cantonal considère que le danger de fuite est
concret, dès lors que l'intimé est exposé à une importante peine privative de
liberté, qu'il est de nationalité portugaise, que sa fille aînée habite au
Portugal, qu'il est propriétaire d'un appartement en duplex dans ce pays et
qu'il y retourne régulièrement. Il relève cependant que son fils cadet vit en
Suisse, que ses parents y résident également une partie de l'année et qu'il y a
un emploi stable. Il estime donc que le risque de fuite est d'une « acuité
modérée », de sorte que le dépôt des pièces d'identité et l'obligation de se
présenter régulièrement à un office déterminé, à désigner par le juge
d'instruction, « paraissent suffisants » pour pallier ce risque.

Même si une autre appréciation des circonstances était possible et qu'un risque
de fuite ne peut pas être complètement exclu, la solution retenue par le
Tribunal cantonal n'apparaît pas déraisonnable ou manifestement contraire au
sens et au but de l'art. 72 ch. 1 let. a CPP/VS. Elle entre du reste dans le
cadre fixé par la jurisprudence, selon laquelle le risque de fuite doit
s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de
l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit
ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non
seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et
les arrêts cités). Dès lors, bien que les mesures ordonnées ne soient pas de
nature à supprimer tout risque de fuite de l'intimé, cela ne suffit pas pour
qualifier l'appréciation des juges cantonaux d'arbitraire au sens de la
jurisprudence susmentionnée, de sorte que le Tribunal fédéral ne peut pas s'en
écarter.

2.4 Concernant le risque de récidive, après avoir constaté que les infractions
dont on peut redouter la réitération sont graves, le Tribunal cantonal
considère que le pronostic relatif à la réalisation de ce danger ne paraît pas
défavorable. Cette appréciation est fondée sur le fait que les infractions pour
lesquelles l'intimé est poursuivi ont été commises dans le cadre familial et
que l'intéressé a informé le juge d'instruction de sa décision de ne plus vivre
avec sa compagne. Le pronostic est également motivé par le fait que l'«
interdiction de rayon », à déterminer par le juge d'instruction, « semble
suffisante ».

Cela étant, on ne peut pas considérer que les juges cantonaux ont fait preuve
d'arbitraire au sens de la jurisprudence susmentionnée. En effet, leur solution
n'est pas insoutenable ni en contradiction manifeste avec la situation
effective et elle repose sur des motifs qui peuvent être qualifiés d'objectifs.
Tel est notamment le cas de l'interdiction de périmètre, aucun élément ne
permettant de dire que l'intimé la transgressera. De plus, il n'est pas certain
que l'expertise psychiatrique permette de dire si la mesure de substitution
ordonnée par le Tribunal cantonal est suffisante pour pallier le risque de
récidive, de sorte que, contrairement à ce que soutient le recourant, il ne se
justifiait pas nécessairement d'attendre l'issue de cette expertise. La
libération du prévenu n'est pas non plus manifestement contraire au sens et au
but de l'art. 72 ch. 1 CPP/VS, qui prévoit que la détention préventive n'est
justifiée que s'il est « sérieusement à craindre » que l'intéressé ne commette
de nouvelles infractions graves. Dans ces circonstances, même si la gravité des
actes reprochés à l'intimé devrait plutôt inciter à la prudence dans l'examen
du risque de récidive, ce n'est pas suffisant pour qualifier de déraisonnable
la décision des juges cantonaux, de sorte qu'il y a lieu de respecter leur
pouvoir d'appréciation. En définitive, le Tribunal fédéral examinant la
présente cause sous l'angle restreint de l'arbitraire, il ne lui appartient pas
de se substituer au juge de la détention.

3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Il n'y a pas lieu de percevoir de
frais judiciaires, dans la mesure où le recourant agit dans l'exercice de ses
attributions officielles sans que son intérêt patrimonial soit en cause (art.
66 al. 4 LTF). L'intimé, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un
avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etat du Valais (art. 68 al. 1
LTF). Dans ces conditions, sa requête d'assistance judiciaire devient sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 1'000 fr. est allouée à l'intimé à titre de dépens, à la
charge de l'Etat du Valais.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Valais, Chambre pénale.

Lausanne, le 6 juillet 2009

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Rittener