Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.144/2009
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_144/2009

Arrêt du 4 juin 2009
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Raselli et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.

Parties
A.________,
recourant,

contre

B.________,
intimé,
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne.

Objet
récusation d'un juge d'instruction,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 29 avril 2009.

Faits:

A.
Le 26 février 2007, A.________ - alors détenu aux Etablissements de la Plaine
de l'Orbe - a déposé une plainte pénale en raison de mauvais traitements de la
part du personnel de l'établissement. L'instruction de cette plainte a été
confiée au Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois. Le 5 janvier
2009, ce dernier a rendu un avis de prochaine clôture et imparti au plaignant
un délai au 21 janvier 2009 pour consulter le dossier et formuler toute
réquisition ou produire toutes pièces utiles. Le 26 janvier 2009, A.________ a
requis la récusation du Juge d'instruction. Cette requête a été transmise au
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Par arrêt du 9 février 2009, le Tribunal d'accusation a rejeté la demande de
récusation. Même si le magistrat instructeur avait vu, à deux reprises, ses
décisions cassées par l'autorité de recours, cela ne permettait pas de douter
de son impartialité.
Par arrêt du 3 avril 2009, le Tribunal fédéral a admis un recours formé par
A.________ et renvoyé la cause à la cour cantonale. Les déterminations du juge
d'instruction sur la demande de récusation n'avaient pas été communiquées à
l'intéressé, de sorte que son droit d'être entendu avait été violé.

B.
Statuant à nouveau par arrêt du 29 avril 2009, après avoir remis à A.________
une copie des déterminations du juge d'instruction, le Tribunal d'accusation a
derechef rejeté la demande de récusation en se référant aux motifs de son
précédent arrêt.
Par acte du 11 mai 2009, A.________ forme recours contre cette dernière
décision. Il se réfère largement à sa demande de récusation et à son précédent
recours devant le Tribunal fédéral. Il requiert l'assistance judiciaire et la
nomination d'un avocat d'office étranger.
Il n'a pas été demandé de réponse.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation
d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un
recours en matière pénale.

1.1 L'auteur de la demande de récusation a qualité pour agir (art. 81 al. 1
LTF). Le recourant a agi dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100
al. 1 LTF. La décision attaquée est rendue en dernière instance cantonale.

1.2 Le recours est motivé, pour l'essentiel, par renvoi à de précédents actes,
soit la demande initiale de récusation et le premier recours auprès du Tribunal
fédéral. La question de savoir si un tel procédé est admissible au regard de
l'art. 42 al. 2 LTF (selon lequel la motivation du recours doit être contenue
dans l'acte lui-même) peut demeurer indécise car, supposé recevable, le recours
devrait de toute façon être rejeté.

1.3 Le Tribunal fédéral statue en tant qu'instance de recours. Il est lié par
les faits constatés par l'autorité précédente, à moins que ceux-ci aient été
établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (art. 105
LTF). Dans ce cadre, l'instruction de la cause se limite à un éventuel échange
d'écritures (art. 102 LTF). La conclusion du recourant tendant à la mise en
oeuvre d'une "enquête fédérale indépendante" est par conséquent irrecevable.

1.4 Le recours est également irrecevable en tant qu'il porte sur le refus de
suivre à la plainte pénale du recourant. Tel n'est en effet pas l'objet de la
présente cause, limité à la récusation du juge d'instruction.

2.
Dans sa demande de récusation, le recourant reprochait au juge d'instruction de
ne pas avoir suffisamment instruit la cause. Dans une première décision du 6
mars 2007, confirmée par le Tribunal d'accusation, ce magistrat avait refusé de
suivre à la plainte du recourant. Par arrêt du 19 septembre 2007, la Cour de
droit pénal du Tribunal fédéral a annulé cette décision, considérant que les
faits dénoncés étaient bien constitutifs d'une infraction pénale, et que les
allégations du recourant avaient été écartées sans que l'on connaisse les
raisons pour lesquelles elles avaient été considérées comme dénuées de
crédibilité. Sur le vu de cet arrêt, le Tribunal d'accusation a renvoyé la
cause à l'instruction et a accordé au recourant un défenseur en vertu de la
LAVI. Le recourant estime que, par la suite, le juge d'instruction aurait
systématiquement négligé les éléments propres à confirmer ses déclarations.
2.1
La garantie d'un procès équitable (art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH) réserve
notamment au justiciable le droit à ce que sa cause soit jugée par un magistrat
indépendant et impartial. Cela permet d'exiger la récusation d'un juge dont la
situation ou le comportement est de nature à faire naître des doutes sur son
impartialité, et tend à éviter que des circonstances extérieures ne puissent
influer sur le jugement, en faveur ou en défaveur d'une partie. La récusation
ne s'impose pas seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie,
une telle disposition interne ne pouvant guère être prouvée; il suffit que les
circonstances donnent l'apparence de prévention et fassent redouter,
objectivement, une attitude partiale du magistrat (ATF 134 I 238 consid. 2.1 et
les arrêts cités).

2.2 Selon la jurisprudence, le droit à un juge impartial n'est pas violé
lorsqu'après l'admission d'un recours, la cause est renvoyée au juge qui a pris
la décision invalide; d'ordinaire, on peut attendre du magistrat qu'il continue
de traiter l'affaire de manière impartiale et objective, en se conformant aux
motifs de l'arrêt rendu sur recours, et il n'est pas suspect de prévention du
seul fait qu'il s'est trompé dans l'établissement des faits ou l'application du
droit (ATF 113 Ia 407 consid. 2b p. 410; voir aussi ATF 117 Ia 157 consid. 2b
in fine p. 162, 114 Ia 50 consid. 3d p. 58). Seules des erreurs
particulièrement lourdes ou répétées, constituant des violations graves de ses
devoirs, peuvent justifier le soupçon de parti pris. La fonction judiciaire, en
particulier celle du juge d'instruction, oblige le magistrat à se déterminer, à
bref délai, sur des éléments souvent contestés et délicats. C'est pourquoi,
même si elles se révèlent viciées, des mesures inhérentes à l'exercice normal
de sa charge ne permettent pas d'exiger sa récusation (ATF 116 Ia 135 consid.
3a p. 138; voir aussi ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124). Il n'en va différemment
que dans les cas où un juge, manifestement convaincu de la culpabilité du
prévenu, use de procédés douteux ou illégaux afin d'entraver le justiciable
dans l'exercice de ses droits (cf. arrêt 1P.51/2000 du 5 juillet 2000). La
garantie du juge impartial ne permet pas non plus au justiciable de récuser un
magistrat au motif que celui-ci aurait statué précédemment en sa défaveur (ATF
116 Ia 14 consid. 5 p. 19).

2.3 En l'espèce, le magistrat instructeur a rendu une première ordonnance de
refus de suivre annulée par le Tribunal fédéral. Invité à instruire plus
complètement la cause, il a procédé à de nombreuses auditions de membres du
personnel de l'établissement pénitentiaire, au sujet de l'événement dénoncé
dans la plainte pénale. Le recourant ne prétend pas que le juge d'instruction
aurait dû procéder à d'autres enquêtes. Il ne soutient pas non plus avoir été
entravé, d'une manière ou d'une autre, dans l'exercice de son droit d'être
entendu, et notamment de proposer l'administration de certaines preuves.
L'ensemble de ses griefs consiste à critiquer la conduite de l'instruction et
l'appréciation des preuves qui a abouti au prononcé de la seconde décision de
refus de suivre. Ce genre d'argumentation ne saurait donner lieu à une
récusation: elle n'a sa place que dans un recours ordinaire dirigé contre la
décision de refus de suivre.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Cette issue s'imposait d'emblée, ce qui conduit au rejet de la demande
d'assistance judiciaire et de nomination d'un avocat d'office. Conformément à
l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont à la charge du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public et au Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 juin 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Féraud Kurz