Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 978/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_978/2008

Arrêt du 10 juin 2009
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Parties
O.________,
recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité,
rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la
République et canton de Genève du 21 octobre 2008.

Faits:

A.
Le 29 novembre 2005, O.________, ressortissante étrangère, a présenté une
demande de prestations de l'assurance-invalidité. Son médecin traitant, le
docteur S.________, a attesté d'une incapacité de travail de 100 % depuis le 18
mars 2005. A cette date, dans le contexte d'une fausse-couche, l'assurée avait
subi une péridurale à la suite de laquelle elle avait présenté une
lombosciatalgie déficitaire du membre inférieur gauche, en plus d'un état
dépressif réactionnel (rapport du 8 décembre 2005). Après avoir recueilli les
avis médicaux relatifs aux séjours hospitaliers de l'intéressée dans différents
services de l'Hôpital X.________, l'Office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a chargé le Centre d'observation
médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) d'une expertise. Dans leur rapport
du 29 août 2006, les docteurs A.________, psychiatre et psychothérapeute, et
U.________, neurologue, ont diagnostiqué des lombosciatalgies gauches et des
troubles sensitivo-moteurs globaux du membre inférieur gauche sans explication
somatique et exclu toute atteinte psychique. En l'absence d'une explication
somatique aux troubles, ils ont conclu à une capacité entière de travail dans
les activités exercées jusqu'alors (nettoyeuse, serveuse et maman de jour) et
toute activité "potentiellement exigible". Fort de ses conclusions, l'office AI
a, par décision du 26 février 2007, rejeté la demande de l'assurée, motif pris
de l'absence d'une atteinte à la santé ayant des répercussions sur la capacité
de travail.

B.
Saisi d'un recours de O.________ contre cette décision, le Tribunal cantonal
des assurances sociales de la République et canton de Genève a confié une
expertise au docteur C.________, spécialiste en anesthésie, qui a rendu son
rapport le 1er juillet 2008. Par jugement du 21 octobre suivant, le Tribunal a
débouté l'assurée.

C.
O.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut,
principalement, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir du 18 mars
2005 et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour
qu'il ordonne un complément d'expertise notamment sur la nature de l'activité
lucrative adaptée exigible.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en
principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al.
1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition
lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de
l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui
apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut
critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que
si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou
de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

1.2 Les constatations de la juridiction cantonale sur l'atteinte à la santé
(diagnostic, pronostic, etc.), l'évaluation de la capacité de travail
(résiduelle) et l'exigibilité de l'exercice d'une activité lucrative sont en
principe des questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397). Il en est de
même de l'appréciation concrète des preuves. En revanche, l'application du
principe inquisitoire et des règles sur l'appréciation des preuves au sens de
l'art. 61 let. c LPGA, ainsi que le respect du devoir en découlant de procéder
à une appréciation complète, rigoureuse et objective des rapports médicaux en
relation avec leur contenu relèvent du droit (ATF 132 V 393 consid. 3.2 et 4 p.
397 ss).

2.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les règles légales
et les principes jurisprudentiels applicables au présent cas. Il suffit d'y
renvoyer.

3.
Constatant que la recourante présentait des lombosciatalgies gauches et des
troubles sensitivo-moteur globaux du membre inférieur gauche, les premiers
juges ont admis, en se fondant sur l'expertise du docteur C.________, qu'elle
n'était plus capable de travailler en tant que nettoyeuse. Constatant que
l'expert judiciaire n'avait pas indiqué dans quelle autre activité l'assurée
pouvait travailler, ils ont considéré qu'une activité légère, permettant
d'alterner les positions, était exigible de sa part. Ils ont par ailleurs
considéré qu'au vu des activités précédemment exercées et des salaires obtenus,
une comparaison des revenus ne s'imposait pas car les postes correspondant aux
limitations mentionnées n'étaient pas moins bien rémunérés que les activités
exercées précédemment. Enfin, les activités adaptées pouvant être exercées sans
réadaptation professionnelle, une telle mesure n'était pas nécessaire.

4.
4.1 Chargé par la juridiction cantonale de répondre, entre autres questions, à
celle de savoir si la recourante souffrait d'une conséquence de la péridurale
et, dans l'affirmative, quelles en étaient les conséquences sur sa capacité de
travail, le docteur C.________ a estimé vraisemblable qu'une petite lésion de
la racine L5 s'était produite lors de l'intervention médicale et avait
contribué aux douleurs dont souffrait l'assurée. Cette lésion, d'importance
modeste, n'expliquait cependant pas l'ensemble des douleurs et des atteintes
fonctionnelles. Les symptômes qui limitaient la fonction de l'assurée étaient
d'origine "multifactorielle": la contribution neuropathique n'était que
partielle, tandis que des troubles dégénératifs (discopathies étagées
documentées par IRM) et des facteurs psycho-sociaux jouaient indéniablement un
rôle. L'expert a indiqué que, d'un point de vue global, il apparaissait
probable que la recourante avait été incapable de travailler comme nettoyeuse
depuis le 18 mars 2005, dès lors que cette activité n'était pas compatible avec
des douleurs mécaniques survenant lors d'efforts physiques. A la question de
savoir dans quelle mesure, le cas échéant, une activité lucrative adaptée était
raisonnablement exigible de la recourante, le docteur C.________ a répondu
qu'il s'agissait d'une question juridique plutôt que médicale.

4.2 La constatation de la juridiction cantonale quant à l'incapacité totale de
travail de la recourante dans un poste de nettoyeuse repose entièrement sur
l'avis de l'expert qu'elle a mandaté. En ce qui concerne en revanche le point
de savoir si la recourante était capable d'exercer un autre type d'activité et,
le cas échéant, dans quelle mesure, l'autorité judiciaire de première instance
a constaté, sans référence à une quelconque appréciation médicale, qu'on
pouvait exiger d'elle qu'elle exerçât une "activité légère, permettant
d'alterner les positions".
Une telle constatation ne peut pas se déduire de l'expertise du docteur
C.________ puisque, comme l'ont relevé les premiers juges, il ne s'est pas
déterminé sur ce point. Elle ne peut pas non plus trouver appui sur l'expertise
du COMAI. Quoi qu'en dise l'intimé (cf. réponse du 15 août 2008 et avis du
Service médical régional AI du 16 juillet 2008), celle-ci est en effet
contredite sur plusieurs points par l'évaluation de l'expert judiciaire. D'une
part, les docteurs U.________ et A.________ ont conclu à une capacité de
travail entière dans toute activité (celles exercées jusqu'alors et "toute
activité potentiellement exigible") en l'absence d'explication somatique aux
troubles. D'autre part, le docteur C.________ a admis une origine (en partie)
somatique des douleurs, à savoir une composante neuropathique et des troubles
dégénératifs [discopathies étagées] dont ses confrères avaient précisément nié
le rôle dans les plaintes de la recourante. A l'opposé de ceux-là, certes de
manière globale et en tenant compte de facteurs socioculturels, il a conclu à
une incapacité totale de travail dans l'activité de nettoyeuse. Au regard de
ces divergences, on ne saurait reprendre d'emblée l'évaluation des médecins du
COMAI relative à la capacité de travail résiduelle de la recourante, sans
qu'ils aient pris position sur les éléments complémentaires mis en évidence par
leur confrère et ses conclusions.

4.3 Dans ces circonstances, à défaut de reposer sur l'appréciation d'un médecin
- auquel il appartient en premier lieu de se prononcer sur le degré de la
capacité de travail (résiduelle) de l'intéressé (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p.
398 et les arrêts cités) -, voire sur un autre élément de preuve au dossier, la
constatation de la juridiction cantonale sur l'exigibilité de l'exercice d'une
"activité légère permettant d'alterner les positions" apparaît manifestement
inexacte et est, partant, insoutenable. Comme il résulte de ce qui précède, il
n'est pas possible au regard des deux expertises au dossier de déterminer sous
l'angle de l'exigibilité notamment si et dans quelle mesure la recourante
serait à même d'exercer une activité, ni quel type de travail pourrait
concrètement être envisagé (la simple qualification d'"activité légère
permettant d'alterner les positions" étant par trop imprécise). On ajoutera
qu'on ignore aussi quelles sont les limitations fonctionnelles qu'a "retenues"
la juridiction cantonale à la suite de l'expert judiciaire (consid. 6 du
jugement entrepris), dès lors que le rapport du docteur C.________ ne contient
aucune constatation objective qui étayerait son affirmation selon laquelle
"objectivement O.________ présente une incapacité fonctionnelle importante". Il
convient dès lors de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle
complète l'instruction sur le plan médical, par exemple en requérant des
précisions de la part de l'expert judiciaire et des médecins du COMAI, puis
statue à nouveau, au besoin après avoir encore demandé l'avis du Service
médical de l'intimé.

5.
Au regard du grief de la recourante relatif à la fixation du taux d'invalidité
au moyen de la comparaison des revenus, il y a lieu de préciser que le jugement
entrepris n'est pas conforme au droit pour un second motif encore. La
juridiction cantonale a renoncé à effectuer une comparaison des revenus
déterminants au motif que les postes que la recourante pourrait occuper dans
une activité adaptée "ne sont pas moins bien rémunérés que les activités
exercées précédemment, bien au contraire". Cette dernière constatation ne
repose sur aucun élément de fait que les premiers juges auraient retenu au
préalable: la seule référence que contient le jugement entrepris à un salaire
avant invalidité résulte de l'exposé de l'anamnèse des docteurs U.________ et
A.________ (ch. 9 de la partie en fait du jugement entrepris), sans que la
juridiction cantonale ne fasse des constatations propres à ce sujet. De plus
ses considérants ne tiennent pas compte de la jurisprudence applicable en
présence d'un revenu sans invalidité inférieure à la moyenne (ATF 134 V 322),
laquelle permet, à certaines conditions, de prendre en considération le fait
qu'un assuré réalisait un revenu nettement inférieur aux salaires habituels de
la branche pour des raisons étrangères à l'invalidité. Le renvoi de la cause se
justifie dès lors aussi sur ce point.

6.
Vu l'issue du litige, l'intimé supportera les frais judiciaires afférents à la
présente procédure (art. 66 al. 1 première phrase en relation avec l'art. 65
al. 4 let. a LTF). Il versera par ailleurs une indemnité à titre de dépens à la
recourante, qui obtient gain de cause.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève du 21 octobre 2008 est annulé, la cause
étant renvoyée audit Tribunal pour instruction complémentaire au sens des
considérants et nouvelle décision.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour
la dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 10 juin 2009

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Meyer Moser-Szeless